Le dernier interview donné par Pascale Fourrier avait comme invité l'excellent Jean Luc Gréau qui comme à son habitude s'est concentré sur l'essentiel. Il décrit et défend depuis longtemps un protectionnisme pour revitaliser le tissu industriel européen et français profondément malade. Mais dans cet interview il décrit également le risque grave auquel s'expose les puissances européennes, un risque dont elles ne soupçonnent même pas l'existence. Ce risque c'est celui du déclin absolu, et non relatif.
Le déclin absolu s'est déjà produit à de grandes échelles on pense à la civilisation musulmane, à l'empire romain, à l'Espagne du 16ème siècle qui ne sait jamais vraiment remise de la fausse richesse créées par ses mines d'or et ses pillages en Amérique du sud. Mais on oublie souvent des déclins plus proches de nous historiquement qui sont pourtant exemplaire de ce qui pourrait se produire si les puissances européennes ne prennent pas enfin leurs problèmes économiques au sérieux. L'empire Ottoman et l'Inde sont des exemples pratiques de ce que le libre-échange maintenu par idéologie, stupidité ou colonialisme dans le cas de l'Inde peut provoquer sur une longue période.
Le déclin et le commerce
Le libre-échange pratiqué constamment à toujours conduit au déclin absolu
L'exemple de l'empire Ottoman est le plus frappant son poids ne va cesser de diminuer au cours du 19ème siècle avant de disparaître à la fin de la grande boucherie de 1914-18. Ce déclin est le fruit en grande partie de la destruction de l'artisanat et de l'industrie locale face à la concurrence occidentale, mais il faut bien voir qu'avant la révolution industriel l'Europe n'était pas plus riche que l'empire Ottoman. Ce dernier était même une menace constante pour les puissances d'Europe et notamment pour l'empire Austro-hongrois. .Le déclin de cette puissance est bien le fait d'une rupture lié à la non industrialisation de l'empire. Cette non-industrialisation est évidemment du au fait que l'industrie locale n'a pas été protégé et encouragé à produire des produits aptes à concurrencer les marchandises européenne, et surtout britannique.
D'ailleurs il faut savoir que l'empire Ottoman était la coqueluche des libre-échangistes au 19ème. Paul Bairoch l'économiste suisse, a même fait cette citation incroyable d'un partisan du libre-échange intégrale J.R. McCullock qui dit dans son « dictionnaire du commerce »: « Il est assez étrange de constater que, dans le domaine des échanges commerciaux, nous ne pouvons qu'adresser nos louanges au gouvernement turc, qu'il est agit intentionnellement ou par négligence. ». En effet comme le note Bairoch les importations n'étaient pas taxé à plus de 3% soit quantité négligeable. Comme je l'avais noté dans mon texte sur la concurrence, celle-ci n'a de sens qu'entre égaux en cas contraire elle produit une destruction massive de l'industrie la plus faible ou la moins avantagé. L'empire Ottoman ne s'en est jamais remis, l'une des civilisations les plus puissante de la planète s'est écroulé pour cause de non politique commerciale.
Un autre cas de démolition par libre-échange intégral est l'Inde, là encore il s'agissait d'un pays riche et prospère avec une grande variété de productions artisanales. Mais les colonisateurs britanniques n'ont vue dans l'Inde qu'un marché pour leurs exportations, le déséquilibre commerciale constant qui s'établit entre la Grande-Bretagne et son immense colonie va condamné celle-ci à un déclin dont elle ne fait que se sortir aujourd'hui. On pourrait d'ailleurs ironiser sur le fait qu'aujourd'hui la situation s'est inversé.
On pourrait multiplier les exemples et je ne peux que vous conseiller encore une fois la lecture des travaux de Paul Bairoch en la matière. Tous les pays sous-développé actuelle son d'ancien libre-échangistes ce n'est pas une théorie bancale comme celle de la théorie des avantages comparatifs,non, ce sont des faits historiques issus de l'expérience commerciale du 19ème et 20ème siècle. Or dans la science ce sont les fait qui comptent et non les théories aussi plaisantent et reposantes soient elles pour l'esprit.
Le contre exemple historique américain
L'ascension surprenante des USA coïncidence avec une fermeture commerciale sans équivalent dans le monde. Contrairement à la légende qu'ils se sont eux mêmes forgés les USA ne se sont pas construit sur le libre-échange bien au contraire. Ce graphique va vous le montrer jusqu'à la deuxième guerre mondiale les USA taxait très fortement les importations, ce n'est qu'après la mise en place de leur domination militaire et politique qu'ils devinrent des libre-échangistes, non sans arrières pensés bien évidement. Comme leur prédécesseur anglais, ils pensaient que leur avance était telle que nul ne pourrait jamais les rattraper, mais comme à chaque fois le libre-échange s'est retourné contre ses promoteurs. Ce qui n'était qu'une stratégie de domination à court terme se transformera en principes naturels qui finalement conduiront au déclin macro-économique et à l'effondrement impérial.
Vous remarquerez que les droits de douanes furent augmentés au lendemain de la guerre de sécession. Car oui contrairement à la légende, là encore, les USA n'ont pas fait la guerre pour libérer les esclaves, la durée de la ségrégation le montre d'ailleurs, les noirs étant restés des habitants de seconde zone longtemps après Lincoln, mais pour des intérêts purement économiques. Ainsi le nord industriel ne pouvait pas se développer à cause de la concurrence britannique féroce, le nord était donc pour le protectionnisme commercial, et pour l'abolition de l'esclavage comme caution morale. Le sud lui était pour le libre-échange car l'esclavage lui donnait une AVANTAGE COMPARATIF... vis à vis de l'étranger en matière agricole en plus de ses avantages naturelles en terre vastes et riches. Avec la défaite du sud l'Amérique est devenu largement protectionniste et a réussi son industrialisation, le sud lui a décliné.
Avec la domination de l'empire américain les entreprises américaines se sont mis à rêver d'exporter le made in america partout dans le monde et particulièrement dans l'Europe dévastée. Les intérêts industriels ont alors oublié leur protectionnisme qui les avaient avantagé si longtemps et se sont mis à prôner le libre-échange ce qui produira des changements puissant dans l'économie US. Tout comme l'abrogation des "Corn laws " et la mis en place du libre-échange l'ont fait pour la grande-Bretagne un siècle avant, l'abolition des mesures de contrôle commerciale va progressivement devenir un dogme et faire décliner l'industrie US.
Déclin relatif ou absolu
La différence entre les deux est assez simple à comprendre, la France du 19ème siècle est un exemple de déclin relatif . Notre pays a du son déclin en terme de poids essentiellement à une raison démographique, alors que la France était quatre fois plus peuplé que la Grande-Bretagne en 1800 la population de cette dernière était plus élevé en 1900. Notre pays a connue une stagnation démographique d'un siècle au moment même ou le reste de l'Europe puis de la planète connaissaient un boom sans précédent de leur population. Cependant la France s'est industrialisé elle est resté une grande puissance, en déclin certes mais continuant à faire partie de l'histoire et des pays avancé. Le niveau de vie français a continué à grimper et nous avions une industrie, une agriculture et des capacités militaire toujours croissante. La France a su protéger son industrie et quelques expérience de libre-échange furent rapidement abandonné, comme quoi nos élites d'alors avaient un peu plus de plomb dans la cervelle.
A l'inverse le déclin absolu entraine une baisse du niveau de vie général de la population, une perte de souveraineté et une faiblesse qui peut au final carrément détruire des institutions et des pays qui avait pourtant vécu des siècles durant. L'empire Ottomans existait depuis 1299 il a pourtant été détruit en l'espace de quelques générations son déclin économique ayant nourrit des séparatisme locaux il éclata en 1922. De la même manière des peuples créatifs et intelligents contraints au libre-échange comme l'Inde perdirent tout une partie de leur savoir faire et s'enfoncèrent dans la misère. On peut rajouter l'exemple sud américain. Le fait que l'Amérique du Sud soit resté en régime de libre-échange explique en grande partie la différence d'évolution avec l'Amérique du Nord.
Notre avenir
L'Europe et l'occident ne peuvent que décliner à court terme
La situation française du 19ème s'est aujourd'hui étendu à toute l'Europe, la grande Europe incluant la Russie représentait 25% de la population mondiale en 1920, elle ne fait plus que 12% aujourd'hui probablement moins de 7% en 2050. Même si le niveau de vie s'accroit au rythme planétaire le poids relatif ne peu que diminuer. Donc quoique ne nous fassions nous ne pèserons plus jamais comme nous l'avons fait par le passé.
De plus au début du 18ème siècle le niveau de vie de la planète était partout à peu près équivalent. L'industrialisation d'une partie du monde va enclencher un déséquilibre historique de grande ampleur qui va favoriser les peuples d'occidents ce qui va leur permettre, momentanément, de peser bien plus lourd que leur poids démographique. C'est cette période que nous enterrerons aujourd'hui avec le retour de la Chine en attendant l'Inde, l'Amérique du sud et l'Afrique.
Mais comme je l'ai expliqué précédemment il y a une différence importante entre déclin relatif et absolu et ce que nous faisons aujourd'hui en matière économique déterminera ce qu'il adviendra de notre pays et de notre continent. Voulons nous nous effondrer comme l'empire Ottomans en maintenant le libre-échange tout en croyant toujours être les plus intelligents et les plus avancés? Puis disparaitre des pages d'histoires, laissant nos éventuels descendants sur une terre dominer peut-être par des puissances étrangères. Ou allons nous accepter notre déclin et nous y préparer en protégeant ce qui peut l'être, en maintenant une industrie et un potentiel de création et de production sur notre sol. Et pourquoi pas en relançant la natalité pour qu'a moyen terme notre continent reste un poids important dans le monde.
Demain la science viendra d'Asie
Il faut définitivement tordre le cou à l'idée que nous nous spécialiserons dans les sciences c'est une escroquerie intellectuelle un argument bidon issu d'une théorie qui s'est révélé fausse et nuisible à l'essai, celle des avantages comparatifs. Comme le fait remarquer Jean luc Gréau dans son deuxième interview rien que la Corée du Sud produit plus d'ingénieurs que les USA, or la Corée du Sud ne fait que 49 millions d'habitants! Imaginez la Chine puis l'Inde, près de trois milliards d'habitants à eux deux, il faut être cinglé pour croire qu'ils ne vont pas être le cœur de la science de demain. Notre adaptation au monde de demain devra donc se faire en maximisant les scientifiques aptes à parler les langues asiatiques par exemples et à copier ce qui se fera la-bas (thèses, brevets, nouveau concepts). Croire que nous tiendrons à la course est chimérique, nous seront derrière un peu comme nous l'étions avec les USA, ou comme avec le Japon actuel. Le protectionnisme permettra l'installation d'entreprises asiatiques intéressées par nos marchés, sur notre sol. Elle transfèrerons ainsi des savoir-faire acquis dans le nouveau centre du monde.
Je sais que la perspective d'être à la périphérie des grandes civilisations fait mal au cœur des occidentalo-centriste mais sur les 2000 dernières années l'histoire du monde s'est surtout faite en Asie. La Chine a toujours était la première puissance du monde, et même à son apogée l'empire Romain n'aurait pas pu rivaliser avec les armés chinoises . Deux siècle de domination occidental ce n'est finalement pas grand chose. Pourtant cela n'a pas empêché nos ancêtres de vivre, d'inventer leur propres façon d'exister. Les occidentaux doivent se sortir de l'esprit de domination issu d'une période courte de la révolution industrielle s'ils ne le font pas et s'ils se laissent enfumer par leur pseudo-grandeur passé nous allons droit au déclin absolu. Accepter notre déclin s'est voir qu'aujourd'hui nous sommes les faibles et que nous pouvons à notre tour être les victimes de l'histoire et c'est accepter le besoin du protectionnisme comme élément régulateur. Ceux qui prônent le libre-échange sont comme le dit Gréau des racistes qui croient toujours en la domination de l'occident.