Alors que la plupart des projecteurs médiatiques sont braqués sur la Grèce au dernières nouvelles les taux d'intérêts sur la dette de ce pays viennent d'ailleurs d'atteindre le chiffre délirant de 13%, la Grande-Bretagne vit une situation en tout point similaire, voir même plus grave. Mais étrangement point de panique sur la City dans nos médias, il est vrai qu'ils ne s'inquiètent guère non plus de la situation US, forcement meilleur puisque super Obama résout tout les problèmes. Les britanniques traversent également une crise politique qui rend le pays complètement ingouvernable, le déclin des travaillistes est certain, mais le pays possède trois grandes formations politiques capables de peser et le futur vote du 6 mai prochain risque de ne pas donner de majorité claire. Ce qui devrait favoriser les petits partis extrémistes comme le BNP (British National Party) qui pourront jouer des alliances pour permettre aux grands partis de former une majorité, c'est d'ailleurs l'un des gros problèmes du vote à la proportionnelle que cette situation souligne. L'autre petit parti qui pourrait peser étant l'UKPI dont j'aimerai qu'il y est l'équivalent en France car il réclame l'indépendance de la GB et la sortie pure et simple de l'union Européenne, tout un programme auquel je ne peux qu'adhérer. Bien sure ce parti est qualifié d'extrémiste par le système médiatique puisque l'UE est forcement notre avenir..
Mais quelque soit le prochain parti au pouvoir, il va devoir affronter une situation économique particulièrement préoccupante. Les poumons de l'économie britannique ont tout simplement cessé de fonctionner, la dévaluation a certes arrangé les choses sur le déficit commercial, preuve que oui cela aide, mais le déclin du pétrole en mer du Nord et l'hypertrophie du secteur tertiaire et financier, tout comme le déclin industriel ne prépare pas à l'optimisme.
Comme nous le voyons sur ces différents graphiques la Grande Bretagne a eu raison de dévaluer sa monnaie en 2008, le déficit sur sur les marchandises s'est notablement réduit permettant, si l'on ajoute les services, à la balance des paiements d'être proche de l'équilibre. Le choix stratégique de la Grande-Bretagne est depuis longtemps déjà de se spécialiser dans les services et notamment la finance. Grâce à la City ce pays ponctionne de gros revenue à travers la spéculation internationale, la finance représente près de 20% du PIB Britannique, mais cette stratégie est hautement risqué à long terme. En premier ce que cache en parti le modèle Britannique c'est que ce pays n'a pas eu besoin jusqu'à présent d'importer son énergie contrairement à la France ou à l'Allemagne, il s'agit là d'un avantage non négligeable et qui va fortement peser sur l'évolution économique du modèle britannique. La balance des paiements devrait à nouveau se dégrader avec l'arrivée du Pic pétrolier en mer du Nord, il faudra alors compenser quelque part cette dégradation, soit par une contraction de la demande, soit par une hausse du chômage, soit les deux. Mais il est impossible pour économie qui s'est volontairement désindustrialisée de compenser par la hausse de ses exportations et c'est bien là la limite de la société post-industrielle pourtant vantée par certains.
Ensuite les services financiers britanniques n'ont pas d'avenir, la crise a commencé à chambouler les conceptions économiques dominantes à l'échelle planétaire et le centre économique du monde est entrain de basculer vers l'Asie. Le système britannique est fondé sur le parasitisme économique des puissances européennes et américaines l'effondrement de ces puissances économiques ne pourra que faire perdre sa centralité au système financier britannique. Un parasite ne peut survivre à son hôte. Or comme nous l'avons vue c'est la finance qui permet grossièrement à la Grande-Bretagne d'équilibrer ses comptes extérieures sans cela la dette ne cessera d'enflée elle est d'ailleurs déjà extrêmement forte. Ainsi la dette publique s'est accrue de 153 milliards de £ sur la seule année 2009 soit un accroissement représentant 10.87% du PIB et dire que l'on trouve la situation française dramatique. Cependant il s'agit ici de la dette publique or ce que beaucoup oublie c'est qu'en réalité c'est la dette extérieure qui compte sur l'évolution à terme de la valeur monétaire. C'est d'ailleurs une erreur que beaucoup répètent en comparant la situation grecque à la situation japonaise, alors que les japonais, fort d'une énorme épargne, s'empruntent à eux mêmes, ce qui n'était pas le cas des grecques. Dans le cas anglais il vaut donc mieux regarder l'évolution de la dette extérieures que celle de la dette publique à proprement parler, même si l'une peut nourrir l'autre suivant le taux d'épargne du pays concerné.
Or la dette extérieure de la Grande-Bretagne s'élève à 9088 milliards de $ en juin 2009 voir ce document libre de la cia classant les pays en fonction de leur dette extérieure. Soit trois fois le PIB britannique comme quoi s'inquiéter uniquement du problème grecque c'est faire la politique de l'autruche et ce d'autant plus que si un pays de la taille de la Grande-Bretagne coule aucune nation ou organisation n'aura les reins assez solide pour éponger la dette, la Grande-Bretagne est "Too Big to save". On peut d'ailleurs en dire autant de la France ou de l'Espagne, en cas de rupture les britanniques seront obligés, soit de monétiser leur dette, soit de la répudier, croire qu'elle est encore remboursable à ce niveau relève de l'absence totale de compétence en matière d'addition et de soustraction.
L'autre problème est le peu d'efficacité du modèle britannique, la croissance y a certes était longtemps plus forte qu'en France, par exemple, mais les inégalités y ont explosé. Le coefficient de Gini de la Grande-Bretagne est aujourd'hui le plus haut d'Europe alors que pendant longtemps les Britanniques ont eu une société plus égalitaire que celle de la France, au risque de surprendre. La croissance par l'endettement et la spéculation financière a eu des conséquences désastreuses sur la structure sociale britannique et le pseudo-bas taux de chômage n'y change rien. En effet il est aujourd'hui bien connu que les statisticiens britanniques ont en grande partie caché le chômage grâce à diverses astuces comptables, ainsi y a-t-il trois fois plus de handicapés en GB qu'en France, pour des pays équivalent en nombre d'habitants c'est assez curieux n'est-ce pas. Mais c'est vrai qu'un handicapé n'est pas un chômeur. Les américains ont leur système judiciaire avec 2.1 millions de prisonniers, les britanniques ont leurs handicapés, chacun son truc pourvu qu'on appel pas les chômeurs par leur vrai nom. Et puis la productivité du travail fait du surplace la faute à un niveau scolaire stagnant et à l'hypertrophie des services, en effet les secteurs du tertiaire sont souvent peu capables de fournir des gains de productivités, lorsqu'ils représentent 74% de l'emploi total, ils pèsent forcément sur les gains de productivités globaux du pays.
Quand à la société du savoir tant chérie par les libéraux elle ne risque pas de naitre en Grande-Bretagne, ce pays fait encore moins d'efforts que la France en matière recherche et le niveau scolaire n'y est guère brillant le nombre de jeunes y faisant des études supérieurs ne dépassant guère les 35% bien loin des taux asiatiques. D'autant que les jeunes britanniques comme les jeunes français, malheureusement, se destinent surtout à la finance ou au marketing, pas aux sciences. D'ailleurs comment leur en vouloir, le marché de l'emploi britannique ne fournissant que des emplois tertiaires. Là encore la spécialisation dans les services produit tendanciellement une perte au niveau de la capacité créative dans l'industrie, sans une base industrielle forte, il est impossible de maintenir la créativité dans ce secteur. Ceux qui pensent pouvoir découpler innovation industriel et taux d'industrialisation du pays en terme d'emploi se trompent complètement.
Le modèle britannique mis en place par Margaret Thatcher et maintenue trente ans par le pétrole de la mer du nord et les travaillistes, arrive à la limite de se propres contradictions. Il n'est pas question ici de faire dans le pessimisme ou l'anglophobie, je pense d'ailleurs que la Grande-Bretagne est bien mieux placée que la France ou l'Allemagne pour se redresser. En effet les anglais ont été suffisamment sage pour ne pas se mettre dans le merdier de l'euro et il s'agit là d'un avantage tout à fait considérable. La dévaluation de 2008 a déjà allégé les problèmes macroéconomiques britanniques même s'il reste le fond à savoir une désindustrialisation excessive et dangereuse pour la prospérité du pays. Et le pays peut compter sur un patriotisme toujours florissant, il est tout à fait plausible que l'on assiste à un revirement britannique sur la question du libre-échange avec la dégradation constante de la balance des paiements que le déclin de la finance et du pétrole ne peuvent que provoquer.
Bien sure la réaction de la population britannique ne sera pas motivé par l'explosion des inégalités, les anglais n'ayant aucune attraction pour l'égalité, ce sera plutôt l'effondrement de l'ordre néolibérale tel qu'ils l'ont connu et la disparition de l'empire américain qui devrait les réveiller. Car quelque part, le nationalisme britannique s'est contenté de vivre son envie de supériorité au travers l'impérium américain, la disparition de ce dernier sera un choc tout à fait considérable pour ce peuple. L'Amérique était vue comme la continuation de la domination anglaise, c'est tout le sens des special relationship entre la GB et les USA, il faisaient parti de la même famille. Les britanniques voudront-ils couler avec leur ancienne colonie? je ne le crois pas. En tout cas ils ne pourront pas maintenir leur système en l'état, le PIB a reculé de près de 5% en 2009 et ce malgré des interventions étatiques tout à fait considérables. Il faut que les britanniques se mettent à reconsidérer leur choix en matière économique, même s'ils leur faudra pour cela affronter la City et son poids économique très important. Quand à la dette une épuration progressive est souhaitable et à d'ailleurs en partie commencé la banque d'Angleterre n'hésitant pas à monétiser la dette comme la FED.