29 mars 2010
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Après avoir analysé la situation allemande et montré en quoi cette nation n'était en aucun cas un modèle à imiter, il me sembla judicieux de voir quel est l'évolution de l'autre grande nation de famille souche et ultra-exportatrice, à savoir le Japon. La situation de ce pays préfigure d'ailleurs peut-être l'évolution futur de ses voisins proches que ce soit la Corée du Sud ou l'énorme Chine. Analyser le futur du Japon c'est aussi voir ce qu'il adviendra si nous persistons à vouloir croire à la société dite post-industriel, la fameuse société de la connaissance, car s'il y a bien une nation qui correspond au meilleurs critères qu'ils puissent y avoir pour créer cette fameuse société du savoir c'est bien le Japon.
En effet la nation nippone dispose d'un niveau scolaire tout à fait stupéfiant, la moitié de sa jeunesse fait des études supérieures, le Japon semble être la première nation à avoir une généralisation d'un haut niveau d'instruction. L'évolution à long terme nous montrera peut-être si ce fait conduit à une nouvelle cohésion démocratique, cohésion mis à mal par l'éclatement des niveaux scolaires comme l'a si bien montré Emmanuel Todd dans ses œuvres diverses. L'autre apprentissage que peut nous donnez le Japon c'est de savoir si effectivement il est possible de produire une société dites de la connaissance, car si le Japon avec son niveau scolaire moyen n'y arrive pas ce n'est pas la France ou les USA qui pourront y arriver. Est ce que l'économie japonaise si intelligente et si puissance en matière technologique arrive à résister au mastodonte chinois et à l'écrasement de la masse salariale qui découle du libre-échange avec de tel écarts de niveau de vie?
On va donc faire un petit topo sur l'ex empire du soleil levant et essayer d'aborder tout ces sujets avec modestie et pertinence. On commence par l'une des questions essentielles la démographie.
1-La question démographique
Le Japon a toujours été un pays fortement peuplé, il avait déjà une population de 29.9 millions d'habitants en 1800 soit une population supérieure à celle de la France de la même époque. Or à cette date la France était la nation la plus peuplé d'Europe, la japon est donc une puissance ancienne en terme de poids démographique. Elle a subit une évolution assez particulière par rapport aux autres puissances industrielles surtout après la deuxième guerre mondiale. Alors que d'une manière assez générale la natalité dans le monde occidental va connaitre un petit boom, le fameux babyboom, le Japon va lui connaitre une stabilité et une descente constante jusqu'au seuil de reproduction. Mais comme tout les autres pays développé il va connaitre un passage sous ce seuil pendant les années 70 trois ans après l'Allemagne le Japon passe sous ce seuil pour lentement descendre jusqu'à atteindre un planché à 1.24 enfants par femme.
Il y a depuis 2005 un léger rebond et la natalité est remonté à 1.34 enfants par femme en 2009 ce qui reste largement insuffisant pour renouveler les générations et stabiliser la démographie. Il faut d'ailleurs savoir que dans la ville de Tokyo la natalité est maintenant inférieure à 1. L'évolution japonaise ne fait malheureusement que préfigurer ce que sera l'ensemble de l'Asie émergente si dynamique aujourd'hui mais dont le dynamisme installe petit à petit une crise dramatique. Car ces pays vont vieillir encore plus vite que le Japon qui lui devrait d'après certaines études compter plus de 40% de 65 ans et plus en 2050. Et sa population ne sera alors inférieure à 100 millions d'habitants comme le montre la courbe suivante. Bien sure rien n'interdit de penser que les autorités japonaises feront tout pour inverser la tendance, mais pour les vingts prochaines années au moins il y a aura déclin de la population.
Pas d'immigration au Japon
Curieusement il y a peu de débat sur les choix fait par le gouvernement japonais sur la question de l'immigration. Pourtant comme on l'a vue s'il y a bien un pays qui des problèmes démographique c'est bien le japon, il est le pays le plus vieux du monde et sa fécondité est encore plus basse que celle de l'Allemagne et pourtant le gouvernement japonais se refuse à faire de l'immigration de masse. Comme le montre cet article. C'est en étudiant les autres pays ayant pratiqué l'immigration que le gouvernement japonais à définitivement tranché sur la question, voila qui mériterait débat et qui semble aller dans le sens d'une Michelle Tribalat sur l'intérêt économique réel de l'immigration.
2-l'économie
L'économie japonaise est de tout les pays avancé celui qui eu l'évolution la plus fulgurante. Rendez vous compte que le Japon en 1860 était encore une nation féodale proche de ce que la France était en matière d'organisation avant la renaissance. L'autorité de l'état n'était même pas garantie car partagé entre l'empereur et les seigneurs féodaux les Shogun et les clans. Pendant longtemps le japon a prôné une politique d'autarcie totale les premiers rapports entre le japon et les occidentaux furent d'ailleurs houleux. Les portugais furent les premiers à y mettre le pieds, mais le succès du christianisme apporté par les missionnaires fut considéré comme un danger pour la société nippone, il y eu un massacre et 300000 personne furent exécutés. Après cela il y eu fermeture,et à partir de 1639 les seuls contacts entre le Japon et l'extérieur était sur l'ile de Dejima.
Le renouveau des contacts entre le japon et l'occident fut des plus brutal puisque c'est un vulgaire commandant américain qui ouvrit les frontières japonaises avec les eussent et coutumes si cher aux anglo-saxon à savoir à coup de canonnière (1854). C'est le fameux commodore Matthew Calbraith Perry qui reste un célèbre personnage de l'histoire japonaise. C'est par cette entrée en fracas que les japonais découvrent avec stupeur l'avance technologique occidentale, et qu'ils vont se lancer comme un seul homme dans le rattrapage de l'occident pour éviter un destin aussi funeste que celui de la Chine et l'horrible guerre de l'opium. Il y eu une guerre civile qui divisa le japon entre une partie visant le soutien de l'empereur et de l'empire et une autre qui visait à maintenir un équilibre des pouvoirs entre les seigneur et l'empereur. C'est d'ailleurs une histoire très intéressante que cette lutte puisque il y avait le Shogun Tokugawa qui défendait cette équilibre des pouvoirs et qui était soutenu par la France et de l'autre l'empereur soutenu par les anglo-saxon. Un film fut d'ailleurs tiré de cet épisode c'est le fameux Dernier Samouraï avec Tom Cruse dans le rôle d'un américain qui aidait le clan de Tokugawa, sauf que dans le monde réel c'était un français du nom de Jules Brunet qui aida le shogun.
Quoiqu'il en soit après cette période vint l'ère Meïji qui fut d'une rapidité incroyable les japonais envoyèrent des étudiants en occident et copièrent techniques et sciences, littérature, musique etc... Tant et si bien que le Japon fut la première nation non occidentale à battre militairement une nation occidentale, la Russie qui fut battue en 1905. On connait mieux la suite, expansionnisme militaire le japon connaitra une folie impériale jusqu'aux deux bombe nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki. Mais il est à noter que cette expansionnisme n'est pas étranger à la montée de l'Asie par la suite, non seulement parce que le japon va influencer ses voisins mais aussi parce qu'il a montré au monde entier que l'occident n'était pas invulnérable choc psychologique important.
Après la guerre les japonais vont connaitre une forte expansion, mais contrairement aux croyances rependues elle ne fut pas plus rapide que la moyenne. Les pays d'Europe du sud par exemple avaient jusqu'aux années 70 une croissance plus forte c'est une remarque très important qu'à fait Paul Bairoch à ce sujet. En effet à partir des années 70 le monde devient libre-échangiste, mais les japonais vont laisser leurs frontières fermées une décennie de plus en 1980 les produits importés étaient encore taxé à 10%. Alors que le Japon des années 60 était dans la moyenne des pays les moins avancés de l'ocde il va brusquement connaitre une croissance plus forte que les autres et ce jusqu'aux années 90. Comment ne pas y voir le fait du protectionnisme, au milieu d'un océan de libre-échange celui qui reste protectionniste gagne de le gros lot, du moins à court terme puisque évidemment cela va rapidement produire des effets négatifs sur les économies importatrices. Les deux graphiques suivants représentent la croissance économique japonaise et son commerce extérieur.
Il est tout de même assez drôle de voir à quel point l'économie japonaise et allemande, ou même coréenne sont collés à la croissance américaine, on ne pourrait pas mieux montrer le rôle des USA comme moteur de la consommation mondiale. En effet grâce à ses exportations le Japon est devenu momentanément plus riche mais comme l'Allemagne il est en fait tombé dans un piège. Son obsession pour ses exportations lui a fait perdre en quelque sorte le vrai sens de la croissance économique, le Japon ne se voit plus que comme une nation visant à s'accaparer des marchés à l'extérieure en oubliant comme l'Allemagne son marché intérieur. Le changement dans les années 70 est d'ailleurs spectaculaire, comme on le voit avant 1971 la balance commerciale reste complètement à l'équilibre ce qui n'a pas empêché le japon de connaitre une forte croissance jusque là. Mais à partir du fameux décrochage de l'or et du dollars les choses commencent à se déséquilibrer, comme dans le cas de l'Allemagne. Le Japon va commencer à entrer dans la fameuse mondialisation, avec en plus un bon mur protectionniste pour aider son expansion impériale de type économique. Et les choses vont aller vite la croissance de l'excédent commercial va même pousser les américains à menacer de protectionnisme le japon dans les années 80.
Dans les années 90 le Japon va caler, il va entrer dans une période de faible croissance et de dépression économique. Une véritable déflation comme on en avait pas vue depuis l'entre deux guerre va s'installer. Cette déflation sera la conséquence de l'éclatement des bulle financières et immobilière, du moins est-ce l'explication officielle. Mais comme dans le cas de la crise mondiale actuelle ces bulles ont une origine celle du décrochage de plus en plus massif entre les gains de productivité et les revenus des salariés. D'autre part c'est bien le libre-échange qui a permis à ces bulles de se former, la demande américaine ne pouvant croitre indéfiniment en absorbant les exportations allemandes et japonaises, il est arrivé une cassure dans la demande intérieure US. Ce qui donna un coup fatal au modèle extraverti nipon, donnant ainsi l'inverse de la fable de La fontaine puisque jusqu'à présent c'est bien les fourmis allemandes et japonaises qui se sont fait floué et qui continuent à l'être en accumulant des bouts de bonds du trésor américains sans intérêts à long terme.
Pour contrer les effets de la déflation les japonais vont inonder le pays d'argent et il vont faire exploser la dette publique. Exactement ce que viennent de faire nos gouvernants avec la crise de 2007-10, à la différence près que les japonais s'empruntent à eux même jouissant d'une épargne monumentale. On pourrait d'ailleurs se demander si ce n'est pas le devenir de toute l'Asie, les consommateurs asiatiques rechignant à consommer et préférant épargner, les états sont obligés de se substituer aux consommateurs en créant une dette compensant le trop d'épargne nationale.
Explosion des inégalités
Le Japon est peu connu pour ses inégalités et pour cause jusqu'au milieu des années 90 c'était l'un des pays les plus égalitaire au plan économique et ce sans une grande politique sociale. C'était le pays de l'emploi à vie propice à une société de grands savoir faire technique, car la stabilité de l'emploi est en réalité essentielle au maintient d'un haut niveau de productivité contrairement à la vulgate néolibérale. Or depuis la crise et en constante accélération depuis 2000, le Japon connait une poussée énorme des inégalités. Le Japon est aujourd'hui le deuxième pays de l'OCDE après les USA en nombre de personne vivant sous le seuil de pauvreté. Le coefficient de Gini du Japon qui était l'un des plus faible de l'OCDE est en passe de rattraper celui des USA passant de 0.278 à 0.32 (voir ici) depuis une quinzaine d'années. Comme dans le cas de l'Allemagne les excédents commerciaux se font de plus en plus au prix de la misère sociale et le Japon souffre de plus en plus de la concurrence coréenne et surtout chinoise.
On peut donc résumer, la situation du Japon est similaire à celle de l'Allemagne à la différence que le Japon n'a pas de voisins suffisamment riches pour absorber sa production tout en enflant sa dette extérieure momentanément. Le Japon nous montre l'Allemagne sans l'Europe et ce qu'elle deviendrait sans ses irresponsables voisins. Il est à noter également un chômage très faible contrairement à l'Europe mais comme nous l'avons vue les japonais ont une faible démographie et il ont choisi comme les américains de casser les salaires plutôt que de voir croitre le chômage comme en Europe, il y a donc plein d'emplois très mal payés.
Et pourtant un très gros effort de R&D
Et pourtant encore plus que l'Allemagne le Japon est une nation industrieuse et créative, elle se donne les moyens de réaliser la fameuse société de la connaissance que ce soit en matière d'investissement dans la recherche avec 3% du PIB investit dedans. Ou dans l'éducation les jeunes japonais jouissant d'un niveau scolaire renvoyant les pays d'Europe à être de vulgaire pays sous-développé.
Vous remarquez que les pays qui parle le plus d'économie du savoir la GB et la France sont pourtant bien mal placés, si on les compare au Japon ou à la Corée, les uns parlent les autres agissent. Mais malgré ces investissements le Japon ne connait plus de croissance car le cœur du problème n'a jamais été l'innovation, mais bien la faiblesse des salaires et de la consommation intérieure, le tout aggravé par le déclin démographique. En cassant les USA et l'Europe les asiatiques ont condamné leur moteur économique, le Japon seul ne pouvait pas y arrivé, c'est l'entrée en jeu de la Chine qui a définitivement rendu caduc le modèle exportateur.
3-Conclusion
On a fait un petit tour rapide de l'économie japonaise mais cela nous montre le peu de véracité qu'il y a à présenter comme solution à la crise une poussée dans la spécialisation hitech. C'est le choix fait par le Japon et il l'on bien fait, à la mesure de leur capacité organisatrice, mais où ce que cela les mènent? Déclin démographique, déclin économique, jeunesse désespérée avec un fort taux de suicide et un rejet parfois totale de la société dans laquelle ils vivent, voir le phénomène hikikomori. Alors bien sure le libre-échange n'est pas responsable de tout les problèmes de la société japonaise, mais il y participe grandement. Le pays s'est en partie désindustrialisé, les jeunes trouvent surtout des emplois précaires et les services comme chez nous se sont développés de façon hypertrophié. Il reste bien sure les secteurs de pointe, mais ces derniers ne peuvent fournir l'emploi pour tous. Et les choses vont aller en s'aggravant étant donné la monté en gamme de la Chine. Même le secteur de l'animation japonaise aujourd'hui devenu le fer de lance de la japanculture est en grande partie fabriquée en Corée du Sud, privant la jeunesse japonaise d'emplois de base pourtant nécessaire à la découverte de nouveaux créateurs.
De plus l'évolution du japon le met en tête des nations au plan du niveau scolaire, si l'on se fit à la proportion de jeunes faisant des études supérieurs. Maintenant la majorité des japonais est probablement sur-diplômé par rapport aux emplois disponibles puisque la plupart des emplois industriels sont partis, et ceux restant ne sont accessibles qu'a une petite élite hautement performante, ou réservés par copinage, un peu comme en France. Le résultat est probablement que le Japon doit ressembler à une véritable cocotte minute sociale. Alors il est vrai que la structure familiale japonaise de par son respect de l'autorité, empêche fortement la population de réagir, mais l'histoire nippone montre qu'il peut y avoir des mouvements fort de contestation de l'autorité centrale. Après tout ce fut le cas à l'époque pas si lointaine de Tukugawa. Les dernières élections ressemblent d'ailleurs un peu à une révolution, le PLD qui dirigeait le pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale s'est fait jeter et remplacer par des progressistes du PDJ qui ont comme principal caractéristique d'être fortement anti-américain. Mais ce nouveau gouvernement va avoir en face de lui de très gros problèmes, la dette publique qui semble trop forte et surtout la contradiction qu'il y a à vouloir relancer la demande intérieure sans protectionnisme.
En effet les japonais ne semble pas avoir compris que la faible demande intérieure est le fruit du libre-échange plus encore que celui de la démographie. Ils en constatent les effets avec des salaires qui stagnent voir régressent, mais ne font pas encore le lien avec une politiques commerciale qu'ils ont longtemps cru positive pour le japon. Pourtant lorsque l'on regarde l'évolution sur une longue période on voit vite que le libre-échange à plutôt était une mauvaise idée, créant des bulles et des cracks et alimentant probablement le pessimisme et l'effondrement de la natalité. Celle-ci ne passant sous le seuil de reproduction qu'après la libéralisation du commerce, alors qu'elle était stable jusque là. Il faudra un jour étudier de près les effets de l'économie sur le taux de fécondité. Quoiqu'il en soit le nouveau gouvernement japonais semble aller dans le même sens que le voisin chinois à savoir une politique de relance intérieure. Mais il n'aura pas à mon sens les moyens de le faire sans protectionnisme, il est possible à l'avenir que la balance commerciale niponne deviennent négative.