Le dernier texte de Nicolas Dupont Aignan concernant les problèmes tunisiens me pause quelques problèmes conceptuels. En effet NDA est un gaulliste et quelqu'un d'attaché théoriquement à la souveraineté des peuples et des nations. Or dans son dernier texte il perd en partie de vue ce principe de base de la non ingérence dans les affaires d'autres nations. Le général n'était il pas le premier dirigeant occidental à traiter avec la Chine communiste? N'a-t-il pas conclu des rapprochements avec l'URSS bien que ce régime ne fut pas vraiment un de ses préférés. Il disait même que la Russie finirait par boire le communisme ce qui se révéla exacte à long terme. On peut traiter avec un régime sans pour autant le soutenir et il est à mon sens bien dangereux de s'impliquer dans les affaires des autres, c'est d'ailleurs quelque part dénier à ces peuples leur capacité à changer leur propre destin. Respecter l'indépendance des nations c'est aussi ne pas s'impliquer dans les affaires de révolte et de changement de régime, même si l'on est au fond de soit plutôt pour les insurgés. L'on peut éventuellement protéger des réfugiés et protéger des dissidents lorsqu'ils se réfugient sur notre sol, mais l'on ne doit jamais agir en soutenant tel ou tel parti à l'intérieur d'une nation étrangère. Au passage les propos tenus par nos dirigeants au pouvoir sont quelques peu déconcertant, puisqu'ils soutiennent ,eux, le pouvoir tunisien en place, faisant de l'ingérence d'une autre manière. Ainsi Michèle Alliot-Marie vient de proposer une coopération sécuritaire avec le pouvoir tunisien, violant de façon flagrante le principe si sage de non-ingérence, et ce, au moment même où la police tunisienne tire à balle réelle sur les manifestants. Nicolas Sarkozy et ses sbires ont ils envient d'entraîner la police française pour de futures pratiques sur notre territoire?
L'ingérence un danger absolu
L'expérience de ces vingt dernières années nous enseigne pourtant que derrière de droit d'ingérence se cache souvent en réalité des affaires d'intérêts plus ou moins obscures et bien éloigné des buts officiels. Que ce soit en Yougoslavie, en Irak ou en Afghanistan à chaque fois ces aventures malheureuses se sont retournées contre nous et ont fini en catastrophe. Aggravant souvent les situations locales et créant des injustices que nos pays n'ont pas fini de payer en matière d'image internationale. La doctrine interventionniste typiquement américaine à infiltrer nos propres dirigeants européens qui avaient pourtant autrefois bien conscience des dangers liés à ce type de pratiques. Que de guerres pratiquées au nom du bien, de la justice, de la démocratie, la fin du 20ème siècle fut une orgie de guerres "justes" aux conséquences désastreuses. On pourrait remarquer que les guerres coloniales furent elles aussi des guerres justes, nous allions apporter la civilisation à tout ces primitifs qui ne savaient pas quel chance ils avaient. Et au passage bon nombre d'européens se sont enrichi grâce à ces aventures aussi ruineuses pour leur patrie d'origine, qu'elle furent catastrophiques pour les peuples colonisés.
Les aventures à l'étranger cachent souvent des intérêts économiques particuliers, rarement dans l'intérêt réels des nations qui les pratiquent, mais plutôt dans l'intérêt de tel ou tel groupe influant et proche du pouvoir. La France-Afrique fut caractéristique de cette réalité et il s'agit d'une chose que les français dans leur ensemble condamnerait si on leur demandé leur avis sur la question. Maintenant il est vrai aussi que dans le monde réel il y a des conflits d'intérêts entre puissances et qu'il est vrai que si la France avait des scrupules à intervenir en Afrique ou ailleurs, d'autres comme la Chine ou les USA ne se gêneraient pas. Il me semble tout de même qu'il est du devoir de notre nation, de son esprit, et de son génie, que de faire en sorte que les autres puissances ne s'ingèrent pas non plus dans les affaires des pays les plus faibles. En dénonçant et en utilisant tout les moyens possibles pour faire obstacle à ces ingérences. En ce sens l'action interventionniste n'a de sens pour la France que si sa vocation historique est respectée, c'est à dire si elle permet aux autres peuples de se défendre contre les ingérences extérieures. Lorsque la France donne des armes permettant à des nations d'éviter des agressions ou lorsqu'elle permet l'indépendance d'autre nations par telle ou telle politique alors elle joue son rôle historique. Lorsqu'elle use de son influence et de son ingérence pour des intérêts bassement pécuniaires ou mafieux, elle fait honte à son prestigieux passé et à sa fonction géopolitique.
Le Maghreb instable
Mais n'y a-t-il pas des exceptions à ce devoir de non ingérence, hors cas de contre-influence étrangère et impériale? Ainsi certains objecteront, à juste titre, qu'il n'est pas dans notre intérêt de voir l'Afrique du nord plonger dans le chaos et qu'il vaut mieux le statut quo actuel que l'instabilité politique ou pire la mise en place hypothétique de régimes islamistes. Il est probable que nos dirigeants soutiennent à l'heure actuel les régimes d'Afrique du nord essentiellement pour cette raison, à savoir qu'ils ont peur que des barbus prennent le pouvoir en Tunisie ou pire en Algérie. Dans cette hypothèse on imagine déjà à Paris un flot de réfugiés, avec les tensions déjà importantes sur le sol français qu'ils y a entre les nord africains et le reste de la population, on peut imaginer aisément une véritable explosion de violence sur notre sol. Cependant il y a deux objections à faire à cette hypothèse:
En premier lieu nous ne sommes plus dans les années 80, contrairement à l'idée répandu en France, on assiste dans le monde musulman à un reflux des religieux et de leur pouvoir. Ils sont d'ailleurs d'autant plus vociférant qu'ils sont incapables d'empêcher leur pays d'évoluer, en ce sens bien qu'étant moins angélique qu'eux, je pense que la thèse de Todd et de Youssef Courbage sur le reflux de la pratique religieuse est la bonne. La Tunisie par exemple a un taux de natalité inférieure à la France aujourd'hui, l'Algérie est à 2.1 et le Maroc à 2.2, ces pays sont en passe de tomber à des niveaux trop bas de natalité, signe d'une évolution majeure dans la façon de vivre et d'appréhender les rapports familiaux. La poussé islamiste est une espèce de chant du cygne d'un monde qui se sait condamné mais qui ne l'accepte pas, minoritaires, les islamistes auront bien du mal à prendre le pouvoir dans ces régions. On assiste même à des poussés laïques en Algérie et dans plusieurs pays musulmans. L'Azerbaïdjan vient par exemple d'interdire le voile dans les lieux publics allant ainsi largement plus loin que la législation française, poussant à des manifestations d'indignations chez les musulmans les moins modérés du pays.
Dans un bon nombre de pays musulmans on assiste à une véritable attaque contre les traditions islamistes et même chez les états les plus religieux officiellement, la religion donne des signes de faiblesses. L'Arabie Saoudite a elle aussi un taux de natalité qui s'est effondré, les jeunes femmes veulent faire des études et rejettent le modèle de la femme pondeuse que certains aimeraient qu'elles restent. Bien sûr la rupture ne peut pas être directe, on s'affiche d'autant plus musulman que l'on pratique moins, le voile explose au moment même où la population pratique beaucoup moins en réalité. On assiste donc à la monté d'un islam d'apparat transformé en une mode vestimentaire mais oubliant totalement le fond des choses, un islam qui fait l'apologie de la chasteté féminine mais qui regarde les films pornos en cachette. On va taper sur les chrétiens et les minorités religieuses pour montrer sa force islamique mais cela ressemble plus à de l'impuissance qu'à une démonstration de force. A l'image de l'Amérique décadente qui s'attaque à de micro-états pour faire croire en sa toute puissance alors même qu'elle se fait doubler par d'autres régions du monde. Il y a peu de chances donc que la Tunisie ou l'Algérie ne deviennent des pays islamiques, cependant cela n'exclue pas non plus des périodes d'instabilité économique et politique. Mais franchement vue l'état économique de la majeure partie de la population de ces pays, cela ne pourra que s'améliorer par rapport à la situation actuelle. Une étude récente révélait qu'une majeure partie des jeunes d'Algérie voulait quitter le pays, le problème est donc déjà là pour la France et l'Europe. En réalité le pire des choix possible c'est celui du statu quo justement, celui qui a été fait ces vingt dernières années et dont on voit aujourd'hui le résultat. Et ce statut quo ne nous a pas non plus épargné les mouvements islamistes qui ont au contraire été stimulé par la léthargie économique et le chômage de masse de ces pays. Bien loin d'être un risque pour la France c'est peut-être au contraire une chance inespérée de voir la situation de ces pays devenir meilleur et donc par ricochet un moyen pour la France de résoudre ses problèmes migratoires.
Ensuite la méthode de l'ingérence à toujours des effets secondaires négatifs, la France qui se met à défendre un régime dictatorial au moment même où celle-ci fait semblant de défendre le suffrage universel en Côte d'ivoire voila bien un paradoxe que seule une politique faite de petits intérêts peut produire. En évitant de nous infiltrer dans les affaires des autres, nous éviterions en même temps ce genre de politiques contradictoires, en ces temps de communication ultra-rapide il n'y a pas mieux pour déconsidérer une politique étrangère. Ensuite plutôt que de dire aux tunisiens ou aux algériens ce qu'ils devraient faire, nous devrions leurs donner un but collectif, un horizon à atteindre, une perspective de long terme. Ce que je dis là bien évidement ne serait valable que si la France était encore gouvernée avec autre chose que des plans comptables et des bureaucrates. C'est un projet comme celui que j'ai présenté récemment une union euro-méditerranéenne qui pourrait donner cette possibilité d'évolution et d'espérance. Au travers la création d'une zone de réelle coopération et non cette mini OMC que constitue l'UE, nous pourrions établir des plans de croissance et de plein emploi pour ces pays. Grâce à des politiques économiques astucieuses faites de protectionnisme, d'équilibre des balances des paiements, de politique d'amélioration salariale et d'investissements productifs, nous pourrions résorber le chômage de ces pays et les pousser à évoluer tranquillement. Tout comme le firent en leur temps l'Espagne, le Portugal et la Grèce avant que l'UE ne deviennent cette chose néolibérale. Plutôt qu'une ingérence et un rapport de force donnons leur la main pour résoudre en premier leur problèmes concrets car ces pays sont en concurrence avec l'Asie tout comme nous, ils subissent de plein fouet l'anarchie mondiale. En changeant nous même de politique macro-économique et en créant cette union méditerranéenne, nous pourrions éviter des drames et en même temps bénéficier d'un plus grand dynamisme économique autour de la méditerranée.
René Jacquot 21/01/2011 10:36
yann 20/01/2011 13:45
René Jacquot 20/01/2011 10:46
yann 14/01/2011 22:22
RST 14/01/2011 21:34