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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 11:42

 

Alors que la situation macroéconomique réelle du pays est très difficile. Les dirigeants français tombent une nouvelle fois dans leur travers néolibéral. En effet, le gouvernement cherche encore une fois à faire venir des immigrés pour combler le soi-disant manque de main-d'œuvre dans le pays. De la même manière que les chiffres bidons du chômage avait servi d'excuse à la réforme immonde du RSA, ou à la justification du recule de l'âge de départ à la retraite, ce pseudo-plein emploi sert à justifier une nouvelle vague d'immigration alors même que le taux d'emploi réel n'a pas bougé depuis la crise de 2008. On a juste camouflé le chômage avec l'apprentissage et l'emploi à court terme . Les médias ne parlant que de la catégorie A des chômeurs, le changement de catégorie des chômeurs permet d'afficher des statistiques trompeuses. Exactement comme aux USA, on préfère mettre la réalité sous le tapis en changeant l'appellation des chômeurs.

 

Un indice fort du non-plein emploi est l'évolution des salaires qui est largement inférieure à l'inflation. Sur un an les salaires dans le secteur privé ont augmenté de 4,5% ce qui est important, mais l'inflation sur la même période fut de 5,1% ce qui indique une perte de pouvoir d'achat réel de 0,6% sur cette année. Si nous étions réellement en situation de plein emploi comme le claironne le gouvernement, nous aurions de fortes hausses de salaire, plus rapide que l'inflation or ce n'est absolument pas le cas. Autre indicateur, la situation des cotisations retraite qui sont en déficit cette année. Un déficit qui a servi de justification à la fameuse réforme. Oubliant que s'il y a un problème de cotisant c'est peut-être aussi lié à un taux de chômage plus élevé qu'officiellement. La stagnation des salaires et la mauvaise situation de l'emploi réel ainsi que la dégradation de la qualité des emplois participent aussi à la dégradation de la situation du régime des retraites. Il est d'ailleurs surprenant que l'on parle sans arrêt du chômage sans parler de la médiocrité des emplois créés. Nous en avons déjà longuement parlé, mais la France aujourd’hui a surtout besoin d'emploi dans l'industrie, pas dans les services déjà surdimensionnés pour le pays. Or le seul facteur sur lequel a voulu jouer le gouvernement fut la durée de cotisation. En même temps, on peut le comprendre, c'est le seul facteur que l'UE lui permet de manipuler n'ayant plus de contrôle sur les politiques macroéconomiques comme la monnaie, ou les politiques commerciales. Un seul facteur peut aller dans la direction officielle du taux d'emploi, c'est l'amélioration de la situation économique des Assedic, mais comme vous le savez sûrement le gouvernement a violemment réformé l'assurance chômage, et permis d'exclure plus rapidement les chômeurs de l'accès aux aides. Le résultat de ces politiques cyniques fut bien évidemment une amélioration du bilan comptable des Assedic. Il n'est pas certain cependant que cela fut bénéfique au pays puisque cela a participé à la casse de la demande intérieure à un moment où l'inflation a explosé.

 

Comme on le voit ici, ce gouvernement est totalement englué dans une vision libérale de l'économie, avec la courbe de Phillips attaché en bandoulière. Persuader que le vrai plein emploi est une catastrophe nourrissant l'inflation, il fait tout pour que cela ne se produise pas, il fait en réalité l'inverse de ce qu'il dit. L'obsession pour la casse des salaires est visible dans toutes ses décisions. Le fait de vouloir obliger les gens au RSA à faire des emplois en étant sous-rémunérés. La volonté d'utiliser les jeunes des lycées professionnels pour concurrencer les salariés normalement rémunérés. La destruction progressive des droits des chômeurs ou encore le recul de l'âge de la retraite sont autant de preuves de ce qui motive réellement ce gouvernement. Ajoutons à cela une distribution invraisemblable d'argent public sur les entreprises (près de 7% du PIB c'est le premier poste de dépense de l'état et de loin) faisant de l'état macronien l'état le plus néolibéral de toute l'OCDE, un état au service du capital et de la rente. Le dernier maillon de la chaîne est bien évidemment l'immigration, l'arme absolue du capital contre l'amélioration de la situation des salariés, l'armée de réserve du capital comme disait Marx.

 

L'état néolibéral c'est ça. Un état qui finance par l'impôt les entreprises privées.

 

L'origine de l'immigration de masse

 

Depuis les années 70, la France est sous la domination de politiciens attachés à la lutte contre la hausse salariale. Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'un choix favorisant certains intérêts au détriment de l'intérêt général de la population. Car dans les années 70, l'inflation revient en force sous l'effet de plusieurs facteurs que je résumerais ainsi. En premier, les gains de productivité ralentissent, l'amélioration des processus technique ne permet plus de croître au même rythme qu'après guerre. Ensuite ,les USA changent le système monétaire international en mettant fin au lien entre l'or et le dollar ce qui permettra aux USA de financer gratuitement leur économie en exportant leur inflation. C'est la fameuse phrase de John Connally « le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème ». Ensuite, il y a l'augmentation du prix de l'énergie et la dérégulation financière qui a accompagné la fin de l'étalon or. Pour terminer, les pays occidentaux et la France sont frappés d'une baisse importante de la natalité qui va mettre en péril l'équilibre entre le salariat et le patronat au détriment de ce dernier, et il le sait très bien. Le partage de la valeur ajoutée qui a été équilibré sous le régime keynésien d'après-guerre va donc se rompre, et les néolibéraux vont servir alors une idéologie tout à fait concordante avec les intérêts de la rente et de la finance. C'est à cette époque que se fait donc le tournant libéral sous Giscard en France et que les socialistes continueront avec une étonnante efficacité. En effet, les socialistes ont été si efficaces que les gens continuent à croire que ce fut des politiques de gauche qui furent appliquées dans les années 80-90. En réalité, ils étaient rose à l'extérieur, mais bleu à l'intérieur et la construction européenne a bien aidé notamment l'acte unique Européen en 86.

 

La solution contre la hausse des salaires en occident fut une trithérapie économique. La libre circulation des marchandises pour mettre en concurrence les salariés occidentaux avec ceux des pays moins avancés, cela concernait d'abord les industries lourdes et les secteurs nécessitant la main-d’œuvre la moins qualifiée. Mais comme vous le savez maintenant même les secteurs de pointes sont délocalisés, le niveau de formation dans nombre de pays en développement n'ayant plus grand-chose à nous envier. La libre circulation des capitaux pour mettre fin à l'état providence en permettant aux riches et aux multinationales de ne plus payer d'impôt en faisant de l'optimisation fiscale. Et la libre circulation des personnes pour permettre au tiers-monde pauvre économiquement, mais riche en population de déverser sa population en occident et ainsi favoriser la stagnation salariale et même la baisser comme ce fut le cas dans des secteurs comme le BTP en France.

 

L'immigration de masse est donc l'une des solutions employées par le capital pour valoriser ses intérêts et casser toute forme de revendication pour un meilleur partage de la valeur ajoutée. C'est ce qui explique la cassure des années 70 où l'on voit clairement que les salaires ne suivent plus la hausse des gains de productivité comme ils le faisaient pourtant depuis 1945. J’insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un hasard ici, mais bien d'un objectif assumé plus ou moins ouvertement en occident. Dans le monde anglo-saxon, c'est explicite, mais en France les élites jouent les fausses victimes du hasard globaliste. L'immigration de masse est donc une arme destinée à maintenir le taux d'emploi suffisamment bas pour ne pas nourrir l'inflation comme le prône la fausse loi issue de la courbe de Phillips. On pourrait montrer que ce lien est plus complexe que cela, mais ce n'est pas le sujet du texte. Quoiqu'il en soit le gouvernement Macron qui a fait venir bon nombre d'immigrés, continue sur la même lancée, l'esprit néolibéral ne s'impliquant jamais dans les conséquences à long terme de ses décisions. En effet quid des effets politiques d'une immigration massive ? Que se passerait-il si les autochtones devenaient minoritaires ? Ne risque-t-on pas des guerres interethniques ou d'autres joyeusetés du même genre? Dans la logique néolibérale n'existe que l'intérêt individuel, les groupes n'existent pas , les nations n'existent pas, les cultures n'existent pas et même les familles n'existent pas. Il n'y a que l'homoeconomicus n'agissant que dans son intérêt individuel. Si l'on voulait résumer la « pensé » néolibérale, la colonisation des Amériques par les Européens fut une chance immense pour les natifs américains puisque leurs terres sont maintenant infiniment plus riches qu'elles ne l'étaient à l'époque. Cela devrait faire réfléchir certains sur le sens qu'on donne au mot progrès chez les néolibéraux.

 

La grande rupture des années 70.

 

Le déclin démographique mondial

 

Vous m'objecterez peut-être l'argument disant que l'immigration de masse était inévitable étant donné les rapports de force démographiques. C'est oublier bien vite que le déséquilibre ne date pas d'hier et que le volume migratoire est très différent d'un pays à l'autre. Des pays comme le Japon ou la Corée du Sud qui ont des problèmes démographiques bien plus graves que la France n'ont pourtant toujours pas une vague migratoire importante. Et ce n'est pas une question géographique, la Grande-Bretagne est une île et elle est pourtant nettement plus soumise à l'immigration que le Japon. Ce fut bel et bien un choix. Alors je n'oserais dire un choix collectif puisqu'il n'y a jamais eu de vote sur la question, mais un choix quand même.

 

Évidemment, nous ne parlerons pas de toutes les conséquences de l'immigration de masse y compris économiques puisque cela entraîne de nombreux problèmes que ce soit en matière de mœurs, de politique et même en matière économique. L'immigration a constitué en partie notre problème de logement, car il faut bien loger tous ces gens. Il faut alimenter les infrastructures, les nourrir, instruire leurs enfants. Tout ceci à un coût qui n'entre évidemment pas dans le calcul de nos hurluberlus du libéralisme. Quand on fait le bilan total, je doute que ce soit très positif même après plusieurs générations, mais là n'est pas le problème au fond. Cette question migratoire n'aurait jamais dû être motivée par des questions économiques. On ne peut pas gérer une société avec ce seul paramètre comme motif d'action. C'est bien l'obsession pour la seule question économique qui est la maladie de notre temps. À aucun moment nos politiciens ne se sont dit qu'il vaudrait peut-être mieux une faible croissance avec un déclin démographique plutôt qu'une guerre civile alimenté par une immigration massive. De la même manière qu'ils n'ont pas vu que la globalisation finirait par mettre de nouvelles puissances économiques à la tête de la planète à l'image de la Chine, ils n'ont pas vu que l'immigration causerait d'énormes problèmes pour nos nations à terme. Ils ont refusé de le voir et nous en subissons les conséquences aujourd'hui.

 

On pourrait d'ailleurs rajouter à cet argument le fait que résoudre un problème de sous-natalité par une immigration constante est en soi problématique. En effet, la transition démographique n'est pas qu'occidentale, elle touche déjà la majorité de la planète. En Asie, la fécondité est inférieure au seuil de reproduction . Même l'Inde qui vient de devenir le pays le plus peuplé de la planète connaît une baisse de la natalité spectaculaire. Dans les grandes villes de ce pays qui préfigure l'évolution à terme de la natalité du pays, on est largement en dessous de 2 enfants par femme déjà. C'est l'inertie démographique qui va faire croître encore le pays pendant quelques décennies, mais ensuite ce sera la chute comme chez nous. Comme je l'ai dit d'ailleurs dans un précédent texte de ne pas trop compter non plus sur l'Afrique subsaharienne. Des données récentes montrent une chute spectaculaire des naissances. Ce qui sera une bonne chose pour eux puisque cela signifie une possibilité de développement, mais cela veut dire que vers 2040-2050 il n'y aura plus vraiment de stock de réserve pour alimenter l'immigration mondiale en tout cas pas assez pour alimenter à la fois l'Amérique, l'Europe et l'Asie en main-d’œuvre. C'est ce qui arrive aux USA actuellement, le pôle migratoire mexicain commence à se tarir avec une natalité à 1,9 enfant par femme.

 

La seule solution rationnelle pour demain est donc de revenir à des natalités raisonnables dans nos pays, mais cela va entrer en contradiction avec l'imaginaire néolibéral qui ne veut pas investir à long terme dans l'éducation et l'élevage d'enfant. Le capital essaie de tout externaliser et de minimiser ses propres efforts d'investissement pour maximiser ses profits. Cette vision est totalement incompatible avec le développement réel d'une société qui nécessite des investissements dont la rentabilité se fait souvent à très long terme. Le fait de faire des enfants et de les élever rentre dans cette catégorie du très long terme. La transition démographique mondiale donnera probablement un coup fatal au capitalisme néolibéral, la globalisation n'aura en fait que retarder la nécessaire sortie d'un système économique à courte vue conduisant notre espèce à une impasse. Reste à imaginer par quoi il sera remplacé.

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9 juin 2023 5 09 /06 /juin /2023 11:43

 

S'il y a bien une question qui joue un rôle majeur pour différencier la vision économique keynésienne de la vision classique ou néoclassique qui nous dirige depuis les années 70 c'est bien celle de l'investissement. Je vais faire un petit rappel ici de cette différence très importante. Car elle conditionne en réalité une grande partie des politiques publiques et des obsessions erronées de ce qui se prétend être l'élite française. En effet, depuis les années 70, et contrairement au discours grotesque sur le prétendu socialisme du modèle français , c'est bien la vision néoclassique qui s'est imposée en France. L'échec patent de ce modèle pousse ses défenseurs à en nier l'existence pour éviter d'avoir à argumenter justement sur les origines de cet échec qui ont entraîné le pays dans un déclin inconnu depuis des siècles. Un peu comme le communisme dans les années 80, les néolibéraux vous expliquent que ce n'est pas leur théorie qui est fausse, mais simplement qu'on ne l'a pas assez appliqué quand ils en nient même l'application depuis les années 70 . Pourtant la France a bien coché toutes les cases du bon petit élève du libéralisme avec la suppression des frontières pour le commerce, les capitaux et même les personnes. La France a bien dérégulé son économie et mis l'état sous la coupe des marchés financiers en l'obligeant à emprunter sur ces derniers à la place de la banque de France. Tous ces facteurs macroéconomiques sont le cœur du néolibéralisme, car ils conditionnent tout le reste en fait.

 

Et non la France n'est pas un pays socialiste, communiste ou keynésien, les imbéciles que nous affrontons confondant au passage toutes ces écoles de pensé, qui sont pourtant souvent incompatibles, quand elles ne sont pas franchement opposées. Keynes a été l'un des premiers intellectuels à décrire le communisme en Russie comme un phénomène religieux et ils disaient de Marx qu'il n'avait rien découvert de réellement original avec ses textes. Les mettre dans le même panier relève donc une inconnaissance pure. Quant à la lubie libérale qui consiste à mettre en parallèle les dépenses de l'état et le soi-disant socialisme français, c'est oublier un peu vite que le premier poste de dépense de l'état est dans le soutien aux entreprises. L'état néolibéral est un état qui n'est pas maigre comme dans le libéralisme classique ou pire les thèses grotesques des libertariens qui pullulent un peu trop sur les réseaux sociaux français à mes yeux. L'état néolibéral est un état qui lève des impôts pour alimenter les intérêts privés et soutenir les couches sociales aisées. Et c'est très clairement ce qui ressort de la situation macroéconomique française. Cette obésité étatique n'a pas forcément été voulue par les néolibéraux, mais elle est en quelque sorte la conséquence de leurs dogmes. En effet en dérégulant l'économie, vous détruisez des facteurs de production et des usines. Vous cassez donc la base salariale du pays et la demande qui est adressée aux entreprises. Suivant les thèses libérales au bout d'un moment, le marché se rééquilibre tout seul par la sainte volonté de la loi de l'offre et la demande. Mais c'est en réalité la non-élasticité des salaires qui empêche la demande de trop s'effondrer jusqu'à ce que nous soyons tous morts comme disait Keynes.

 

Lorsque le modèle libéral a cassé la demande intérieure par sa dérégulation, le taux de chômage explosa jusqu'à se stabiliser à un niveau élever, mais pas à 100% de la population heureusement. L'impossibilité de trop baisser les salaires empêche alors de libéralisme de conduire à l'effondrement total de la société. Ce sont les fameuses rigidités sociales et salariales tant décriées par les libéraux qui ont toujours empêché la grande catastrophe qui résulterait de l'application totale de leurs modèles théoriques. Alors ce modèle adepte sans le dire du « struggle for life » typiquement américain, qui est explicite chez les libertariens, s’accommode fort bien d'un fort taux de chômage. D'autant que parmi les thèses économiques erronées, celle de la courbe de Phillips et du lien théorique en inflation et chômage, tend à motiver les libéraux à vouloir un chômage élevé pour éviter l'inflation. Cependant, la faible demande entraîne une faible croissance économique. Et c'est là que le néolibéralisme remplace le libéralisme classique avec sa roue de secours étatique. Si l'on admet, que les théories libérales n'ont d'yeux que pour les intérêts des couches sociales dominantes, ce qui semble assez réaliste, l'obésité de l'état néolibéral prend un sens. Il s'agit d'un modèle dont le but est de produire uniquement une croissance économique pour le haut de la société. Le biais de l'endettement public permet ainsi de combler le modèle en colmatant les effets de l'insuffisance de la demande structurelle provoqués par le libre-échange et la libre circulation des capitaux. L'endettement est donc structurel dans ce modèle puisque c'est elle qui permet le maintien de la croissance économique. Sans cela nous serions en stagnation depuis 40 ans au moins.

 

C'est la demande qui pilote l'investissement

 

Mais au milieu des nombreuses élucubrations que l'on appelle la théorie économique libérale ou néoclassique, l'une d'elles tient un poids particulier. C'est la fameuse maxime de Jean Baptiste Say, encore un hurluberlu français, qui émit l'hypothèse ridicule que l'épargne est toujours égale à l'investissement. De cette simple hypothèse, qui est pourtant contredite par toutes les observations, la théorie néoclassique va déduire tout un tas de politiques économiques qui se révéleront particulièrement néfastes. Un exemple simple et bien connu du grand public, c'est la fameuse théorie du ruissellement très en vogue au moment du tournant néolibéral anglo-saxon avec Reagan et Thatcher au pouvoir. Une théorie encore à la mode en France chez les macronistes puisque toute la politique de Macron a consisté à dégager du revenu supplémentaire pour les classes sociales les plus aisés pour accroître l'investissement, pensait-il. Car si vous supposez que l'épargne est égale à l'investissement, alors toute politique visant à accroître l'épargne va nécessairement faire gonfler l'investissement et donc la croissance économique à terme grâce aux gains de productivités qui en résulteraient. C'est tout le fondement théorique des baisses d'impôts sur les plus riches, enfin c'est en tout cas l'excuse qu'ils en donnent et je pense que certains sont de bonne foi.

 

Évidemment ce choix politique implique de nombreuses suppositions auxquelles ses apôtres n'ont bien souvent jamais réfléchi. Tout d'abord est-ce que l'épargne est vraiment égale à l'investissement ? Comme je l'ai dit, la réponse est non et c'est bien le problème. Si l'épargne était toujours égale à l'investissement, comme le supposé Jean-Baptiste Say, il n'y aurait jamais eu de crise économique puisqu'il n'y aurait jamais eu de stockage de la valeur, de thésaurisation comme disait Keynes. Si 100% de l'épargne est toujours investi, il n'y a pas de problème d'insuffisance de la demande ou de sous-investissement. Or comme on a pu l'observer régulièrement, en particulier en 1929, ces crises existent bien et il n’y a donc pas d'égalité absolue entre l'épargne et l'investissement. La seconde hypothèse qu'implique cette politique de ruissellement est que la simple augmentation de leur revenu pousse les riches et les grandes entreprises à investisseur. C’est bien mal connaître le monde réel que de supposé ça. Et cela résume le caractère assez fantasmagorique des hypothèses qui servent de références aux théories économiques libérales.

 

Une entreprise n'investit pas parce qu'elle gagne tout d'un coup plus d'argent. Il n'y a pas d'automaticité entre le fait de gagner plus et le fait d'investir plus. L'investissement n'a comme motivation qu'une réponse à un besoin. Ce n'est que si votre carnet de commandes est plein et que vous n'arrivez pas à y répondre entièrement que vous allez investir. Il ne faut jamais oublier que le but d'une entreprise est de gagner de l'argent, pas de créer des emplois, d'investir ou de défendre l'intérêt général. C'est d'ailleurs assez drôle de voir que les libéraux bien souvent se retrouvent aveugles face aux conséquences de leurs propres hypothèses. Car c'est bien cet égoïsme naturel des acteurs économiques qui invalide le lien entre l'investissement supposé et les gains supplémentaires résultant de la politique de ruissellement. Si vous accroissez les revenus des entreprises en période de faiblesse de la demande, elles ne vont pas investir, elles vont soit se désendetter, soit thésauriser, mais elles n'auront aucune envie d'investir puisque la demande qui leur est adressée stagne ou baisse. Au mieux, elles investiront dans des machines pour réduire le besoin de main-d’œuvre et accroître encore leurs marges. Mais c'est vraiment dans le meilleur des cas. En vérité la seule chose qui pilote l'investissement c'est bien la demande comme l'avait très bien vu Keynes. Une politique de baisse d’impôt ou de charges pour les entreprises n'a donc de sens que si elle est accompagnée d'une véritable politique de relance. Et encore faut-il prendre en compte les contraintes externes. En régime de libre-échange, les entreprises préféreront importer d'ailleurs pour répondre à la demande ce qui creuse les déficits commerciaux.

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4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 14:37

 

Je commence ce texte par un titre qui rappellera beaucoup de choses aux adeptes d'Emmanuel Todd puisque c'était le titre d'un de ses ouvrages phares « L'illusion économique » sorti en 1997, il y a déjà 26 ans. Ce titre parlait déjà à l'époque des étrangetés de l'économie américaine dont on nous disait qu'elle était formidable et à la source d'une nouvelle révolution industrielle USA oblige. Rappelons qu'à la fin des années 90 le monde célébrait la naissance d'un monde unipolaire. Après la fin de l'URSS qui est en réalité tombée toute seule, les USA semblaient être la seule et unique superpuissance de la planète. C'est ainsi que naquirent des thèses assez délirantes comme celle de la fin de l'histoire de Fukushima et les fantasmes d'un monde globalisé totalement américanisé. C'était le paradis des Alain Minc et autre Jacques Attali qui rêvaient d'un monde sans frontières avec en bandoulière la sous-culture américaine s'étalant dans le monde entier. Et effectivement, toute personne ne regardant que les informations officielles, et la presse mainstream, pouvait y croire. Sauf qu'Emmanuel Todd n'était pas ce genre de personne. Lui qui avait prévu l'effondrement de l'URSS s'est mis à réfléchir sur la situation économique réelle des USA, et c'est de ces réflexions qu'est né son livre. D'ailleurs, en parlant des apôtres du globalisme, Emmanuel Todd vient de débattre avec Alain Minc sur le site du figaro. Si cela vous intéresse, voici le lien de la vidéo.

 

La situation difficile que voyait Emmanuel Todd dans l'économie US ne s'est pas arrangé depuis, bien, au contraire. La clef pour comprendre le caractère très spécial de l'économie est dans sa situation commerciale. Les USA sont un trou commercial pour la planète, le monde produit, les USA consomment. Nous avons parlé récemment de la situation de l'économie turque et comme je l'ai souligné si la production industrielle de la Turquie est relativement correcte contrairement à la France ou à la Grèce, le pays consomme tout de même trop de produits importés. Le résultat est un déséquilibre permanent de la balance commerciale et de la balance des paiements qui inclut les services et la finance. Il résulte de la situation commerciale de la Turquie une pression à la baisse sur la Lire turque. Une baisse constante qui implique une augmentation des prix sur les denrées importées qui provoque donc de l'inflation. Et on l'a vu pour ce pays, l'inflation a atteint des sommets à plus de 75% d'inflation annuelle même si heureusement elle semble baisser à l'heure actuelle. Après il est possible qu'entre l'industrie et l'inflation, le gouvernement turc préfère l'industrie. Et il a probablement raison à long terme, mais le coût social est très élevé. Du reste, on a vu que contrairement aux discours monétaires habituels pour la Turquie, les dévaluations ne semblent pas corriger le déséquilibre commercial. Il faudra probablement des mesures protectionnistes et une planification industrielle pour rééquilibrer les choses.

Pour en revenir à notre sujet comment expliquer qu'un pays comme la Turquie qui est quand même un gros pays de 85 millions d'habitants connaissent des déboires monétaires liés à son déficit extérieur, et non les USA ? En effet, le déficit commercial américain est abyssal. Et ce déficit dure depuis les années 70. Vous avez bien lu, les USA n'ont pas eu de balance commerciale à l'équilibre depuis pratiquement la fin des années 60. Or aucun pays au monde ne peut se retrouver dans cette situation sans avoir à long terme des tensions sur sa monnaie. Car le déficit signifie que vous avez plus besoin de monnaie étrangère pour acheter vos biens importés que ce que les étrangers ont besoin de votre monnaie pour acheter vos produits. Cet état de fait conduit normalement à des dévaluations plus ou moins constantes, voire à des effondrements monétaires comme celle de la Russie dans les années postsoviétiques ou pour l'Argentine dans les années 90. Mais pour les USA il ne se passe rien. On voit d'ailleurs que la règle s'applique même à la zone euro puisque l'euro s'est déprécié depuis que l'Allemagne connaît des difficultés commerciales. En effet pour la première fois, la zone euro est devenue déficitaire commercialement. Et la sanction a été immédiatement, l'euro s’est dévalué.

 

C'est avant tout cette bizarrerie qui a poussé Emmanuel Todd à se questionner sur la réalité de l'économie américaine. Un questionnement qui devrait aujourd'hui être encore plus fort dans le débat public, mais qui vraisemblablement n'intéresse pas grand monde. En effet, le discours actuel reste encore sur la toute-puissance de l'économie américaine, les IA et les fantasmes de geek d'Elon Musk ayant maintenant remplacé la bulle internet. Même chez les économistes hétérodoxes, rares sont ceux qui doutent de la réalité américaine que ce soit pour le taux de chômage ou pour la réalité de leur inflation ou de leur croissance. Pourtant il existe des données tenues par des économistes américains eux-mêmes qui montrent la duplicité des autorités américaines en la matière. On est obligé d'admettre que les USA sont la première puissance économique mondiale même si des millions d'Américains vivent dans des mobile homes, même si l'espérance de vie diminue et même si cela fait extrêmement longtemps que vous n'avez pas acheté un produit réellement fabriqué aux USA. Oubliez les services qui représentent 80% du PIB, dont 15% rien que pour leur catastrophique système de santé, soit deux fois la moyenne des autres pays de l'OCDE. Non, les USA sont la première puissance du monde et surtout pas la Chine dont vous dépendez pourtant quotidiennement pour les produits qu'elle fabrique. C'est cela le paradoxe de l'économie mondiale actuelle, ou plutôt de l'image qu'en ont les Occidentaux.

 

La difficile comparaison internationale

 

Alors comme on l'a déjà dit, la comparaison économique internationale est un exercice difficile bien que rares sont ceux à l'admettre. On l'a vu avec les conséquences des mesures anti-russes sur les économies occidentales. L'Europe de l'Ouest sous l'égide de l'Allemagne s'est crue toute puissante face à la petite Russie. Petite d'un point de vue PIB exprimé en dollar, j’insiste sur ce fait. D'après ces données la Russie n'était pas plus puissante que l'Espagne et pourtant c'est bien l'Europe de l'Ouest qui s'est prise les conséquences directes des mesures commerciales qu'elle a pratiquées. Ce qui montre finalement que le plus puissant des deux n'était pas celui qu'on croyait en réalité. C'était in fine la grande Russie et la petite Europe. C'est qu'en réalité l'économie réelle de la Russie n'était pas celle de l'Espagne, mais plus celle d'une Allemagne avec des ressources naturelles en plus. Mais pour comprendre cela, il fallait admettre que le PIB n'est pas du tout un indicateur pertinent pour les comparaisons internationales, le poids de l'industrie aurait été bien plus parlant. Des économistes ont longtemps pensé à cette question, mais cela, semble-t-il, était un peu oublié depuis que l'occident semble en perte de vitesse. À l'époque des trente glorieuse et de Jean Fourastié, inventeur du terme, on comparait les pays non en fonction du PIB, mais en fonction des capacités de production. Même quand j'étais jeune dans les années 80-90, nos livres d'histoire-géographie étaient encore bardés de comparaisons sur la capacité de production d'acier, de voiture, d'engrais, etc.. C'était comme ça que l’on comparait les pays. Ce n'était pas simple, pas toujours très pertinent, mais probablement infiniment plus rationnel que les comparaisons de stupide de PIB exprimé en dollar. Au moins si notre gouvernement avait analysé de cette façon l'économie russe, il en aurait vite conclu la non-pertinence des sanctions économiques.

 

Il existe d'autres outils pour comparer les pays comme la parité de pouvoir d'achat, mais certains économistes vous diront que le calcul de l'inflation diffère suivant les pays ce qui fausse un peu le calcul. On objectera ici que c'est la même chose pour la plupart des calculs économétriques et que cela valide le fait que les comparaisons internationales basées sur ce genre de donnée sont non pertinentes. On revient donc à la bonne vieille solution précédente et elle n'est guère flatteuse pour les USA et l'occident en général. Je rappelle par exemple que la Chine vient de devenir le premier producteur de voitures au monde devant le Japon. Le premier pays occidental est l'Allemagne en troisième . Les USA arrivent sixièmes derrière l'Inde et la petite Corée du Sud. C'est étrange pour la première puissance du monde, non ? Pour l'acier, la Chine est de très loin le premier producteur mondial, elle produit la moitié de la production mondiale. C'est un point important parce que dans l'histoire industrielle la production d'acier a toujours été au cœur de la puissance. En 1850, la Grande-Bretagne faisait la moitié de la production mondiale d'acier. En 1945, c'était les USA et aujourd'hui c'est la Chine. Je vous laisse faire la conclusion tout seul. Les USA n'arrivent qu'en quatrième position derrière la Chine, le Japon, et l'Inde. Ils sont au même niveau de production que la Russie et la Corée du Sud . Parlons des smartphones, une technologie moderne s'il en est. Sur les dix premiers fabricants de smartphones, sept sont des entreprises chinoises.

 

À dire vrai on pourrait faire un inventaire à la Prévert, la Chine arrive loin devant partout, même sur les dépôts de brevet, et dans les innovations scientifiques. Donc a mes yeux la question ne se pose même pas, la Chine est déjà la première puissance économique du monde quoiqu'en disent le PIB exprimé en dollar. Pour la petite histoire, le magazine "Le nouvel économiste" avait mis en place un comparatif assez instructif basé sur les célèbres burgers de Mc Donald. C'est le fameux indice Big Mac qui permet de comparer le prix de cette denrée en fonction des pays. L'avantage c'est que c'est une production très homogène et qu'elle ne dépend pas du pays concerné. Tous les Big Mac sont théoriquement les mêmes en termes de composition. Et regarder leur prix permet d'avoir une idée du coût de la vie local et donc de comparer un peu le niveau de vie réel en dehors de toute considération monétaire. Ainsi on apprend qu'un Big Mac à Tokyo coûte 41% moins cher qu'à Paris, et 61% moins cher à Moscou. Au contraire aux USA, le Big Mac coûte 20% plus cher. Les salaires aux USA sont censés être 35% supérieurs à ceux de la France, mais en comptant 20% de plus pour le coût de la vie l'écart est nettement moindre. À l'inverse le niveau de vie est vraiment très supérieur au Japon. Quant à la Russie, on voit que même si les salaires sont 74% plus faibles qu'en France si tous les prix sont au même niveau que le Big Mac soit 61% plus bas l'écart de niveau de vie n'est plus si énorme. Une dernière statistique pour la route tout de même celle des machines-outils. Les machines-outils sont des produits essentiels pour la production industrielle et sont aussi une marque de savoir-faire technique de pointe. Et bien même là-dessus les USA sont négligeables. Les statistiques dates de 2014 et pourtant la Chine était déjà le premier producteur mondial devant le Japon, l'Allemagne et l'Italie. Les USA arrivent sixièmes derrière encore la Corée du Sud à égalité avec Taïwan et juste devant la Suisse...

 

Principaux pays producteurs de voiture dans le monde

 

La xénophobie occidentale au cœur du problème ?

 

Comme vous le voyez quand on s'intéresse aux données réelles de production, les USA sont déjà largués par la Chine et même par d'autres nations pourtant bien plus petites. Et dans les quelques domaines où elle n'est pas encore première, comme l'aviation, elle fait tout pour rattraper son retard et le combler rapidement. Alors vous me direz, mais au fait pourquoi le dollar se maintient malgré ces statistiques et ce déficit commercial. Nous en avons déjà longuement parlé, c'est le rôle du dollar comme monnaie internationale qui maintient cette monnaie artificiellement haute. Les autres pays ont peur de laisser le dollar s'effondrer, car d'une part toutes les transactions pour les matières premières se faisaient dans cette monnaie. Ensuite parce que le dollar c'est une énorme réserve de dette cachée un peu partout sur la planète. Si cette monnaie s'effondre, la dette part en fumée en quelque sorte. Et de cela dont les détenteurs de ces avoirs, les banques, les investisseurs privés et même les états, n'ont pas du tout envie. On parle souvent des banques « too big to fail » comme disent les Anglo-saxons, mais la devise s'applique en réalité à l'économie US elle-même. Mais comme vous le savez, les choses changent rapidement avec la crise géopolitique actuelle. La Chine connaît très bien la réalité économique et va probablement tout faire pour faire tomber les USA de leur piédestal et reste à voir comment cela se produira.

 

Cependant, il est toujours aussi étrange de voir cette américanophilie délirante chez les commentateurs en occident et surtout en France. Pourtant même les économistes mainstream peuvent avoir parfois des éclairs de lucidités quand ils parlent par exemple de la France. Certains n'hésitent pas à dire que la France vit aux crochets des exportations allemandes qui compensent nos déficits commerciaux à travers l'euro. Ils en concluent un peu bêtement que l'euro nous protège. C'est vrai dans un sens, mais ils oublient aussi généralement de dire que c'est aussi l'euro qui a cassé la production française et donc créé en quelque sorte le déficit commercial. De sorte qu'aujourd'hui on ne distingue plus la poule de l’œuf. Cependant dès qu'il s'agit de l'économie américaine, le non-sens le plus total apparaît. Les Américains sont les plus productifs, ils innovent comme personne, ils sont géniaux. Et pourtant toutes les données disent le contraire. L'innovation grâce à la R&D est effectivement importante aux USA en tout cas bien meilleurs qu'en Europe, mais on fera remarquer que cela n’empêche pas les USA de crouler sous les importations de technologie importées. Pourquoi ? La réponse est simple. Il faut distinguer les entreprises américaines de l'économie américaine. Apple est théoriquement américaine, mais ne produit plus grand-chose aux USA, elle n'y paye même plus ses impôts. Comme toutes les grandes entreprises américaines, elle a fortement délocalisé sa production et même sa R&D en fait. Il suffit de voir le cas des sites de production de l'entreprise pour s'en convaincre. On pourrait donc même affirmer que l'innovation aux USA est une catastrophe pour leur économie puisqu'à chaque fois cela se transforme en produit importé supplémentaire. Les économistes qui parlent sans arrêt de monde global sans frontière font comme si la nationalité des entreprises avait encore une importance alors que ce qui compte en réalité d'un point de vue macroéconomique c'est la domiciliation des sites de production et des sièges sociaux. Bien souvent, la production est en Asie, et les sièges sociaux dans des paradis fiscaux. On a voulu des entreprises internationales et bien elles le sont. Appel, Intel, ou Microsoft ne sont pas plus américaines, que Renault ou LVMH ne sont françaises.

 

Les sites de production d'Apple

C'est encore chez Emmanuel Todd que nous allons trouver une hypothèse intéressante. Dans son dernier texte sur Marianne, il parle de la xénophobie des peuples protestants. Pour lui, le refus de voir le monde extérieur permet de concilier le sentiment intérieur de supériorité. Notre pays étant aujourd'hui totalement sous l'influence des grandes puissances anglo-saxonnes, nos élites ont en quelque sorte absorbé leurs délires de suprémaciste anglo-saxon blanc. Et il y a un refus de voir la réalité du dépassement de l'occident par d'autres régions du monde qu’elle soit chinoise ou autre. Cela donne une incapacité à s'adapter à ce Nouveau Monde par des stratégies de défense. Je pensais déjà que le libre-échange global avait un fondement raciste par sa vision d'une spécialisation d'ensembles humains gigantesques. Et il suffit de relire les « penseurs » de la globalisation pour voir qu'ils pensaient réellement que la Chine resterait un simple exécutant pour les entreprises occidentales sans jamais remettre en question la hiérarchie économique globale. L'exemple du Japon aurait pourtant dû leur ouvrir les yeux, mais il n'en a rien été. La situation actuelle est que les peuples d'occident, obsédés par leur propre domination, qui dure depuis la révolution industrielle, n'arrivent pas à admettre que ce soit terminé. Et pourtant il est essentiel d'admettre que nous sommes faibles pour commencer à nous défendre. Les Chinois ne nous sont pas inférieurs, pas plus que les Indiens et demain les Africains, et il serait temps de comprendre que si nous continuons à ne pas regarder le monde réel nous pourrions réellement disparaître à terme.

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29 mai 2023 1 29 /05 /mai /2023 17:57

 

Erdogan a donc été réélu. On constatera comme souvent que les sondages d'opinion et les grands médias français se sont encore trompés. On peut se demander dans quelle mesure le conflit actuel entre l'Ukraine, l'occident d'un côté et la Russie de l'autre a influencé le vote. Erdogan étant probablement vu comme le candidat le moins pro-occidental. Les soutiens affichés de certains atlantistes à l'opposition d'Erdogan lui ayant en fait probablement facilité la tâche. Ce ne serait pas la première fois que l'aveuglement occidental sur sa propre image aura produit les résultats inverses à ceux escompter. Ce qui ne signifie pas pour autant d'ailleurs que l'opposition à Erdogan fussent réellement plus pro-occidental en réalité. La Turquie a sa propre dynamique politique, et il n'est pas si certain que l'UE et les USA aient tant de poids que ça dans l'affaire, même si théoriquement la Turquie est notre allié puisque membre de l'OTAN. Il est cependant clair, il me semble, que la question de la géopolitique a primé quelque peu sur les questions intérieures, où Erdogan semble en difficulté. Nous reviendrons sur les questions économiques, mais sachez par exemple que l'inflation en Turquie atteint des niveaux vraiment extrêmement élevés.

 

Alors est-ce que l'on peut faire le rapprochement de cette élection avec l'élection présidentielle française de 2022 ? En effet dans les deux cas l'irruption du conflit ukrainien semble avoir joué un rôle majeur dans l'arbitrage des électeurs. Macron qui a un bilan calamiteux a pu jouer les rassembleurs au terme d'une campagne passablement discrète et jouer son rôle de défenseur de la nation face au grand méchant russe. De la même manière, Erdogan a joué sur la corde patriotique et anti-occidentale pour faire oublier son bilan économique plus mitigé comme nous allons le voir. On voit que deux personnages pourtant aux antipodes d'un point de vue idéologique peuvent user des mêmes cordes finalement s'il s'agit de se maintenir au pouvoir. L'intérêt du pays par contre je ne suis pas certain qu'il en soit gagnant. Après tout, Erdogan sort quand même de vingt ans au pouvoir, on aurait pu croire qu'une passation de pouvoir eut été assez sage même avec quelqu'un de son propre mouvement politique.

 

Mais cette élection, qui semble avoir été relativement étonnement bien couvert par nos dirigeants, symbolise tout de même un changement profond dans la géopolitique mondiale. En effet qui aurait pu croire, il y a dix ou vingt ans, qu'une élection en Turquie puisse avoir une telle importance pour les USA et ses satellites ? Alors vous me direz que la Turquie a toujours été importance d'un point de vue stratégique bien évidemment et ce n'est pas nouveau. Sa place géographique fondamentale ayant été à la base d'ailleurs de la construction de Constantinople à l'époque de l'Empereur Constantin . Le détroit du Bosphore a toujours été d'une importance cruciale dans le commerce entre l'orient et l'occident et a fait la prospérité de la ville durant la longue période romaine. Elle a aussi attiré les convoitises toujours pour les mêmes raisons. Cependant à l'époque moderne cet état de fait est moins vrai, le canal de Suez et le contournement de l’Afrique ou le passage par le canal de Panama ayant amoindri ce rôle. C'est clairement plus pour des questions de géopolitique que la Turquie est importance pour les USA. En effet, grâce à elle, les USA peuvent facilement intervenir là où il y a du pétrole au Moyen-Orient ainsi que menacer l'Iran et la Russie. Mais si l'importance de la Turquie est devenue plus grande dernièrement c'est essentiellement parce que le nombre des alliés des USA a fortement diminué depuis l'apparition du conflit.

 

En effet, les rapports de force sont en train de changer très vite. Le déclin des USA et de leurs satellites est déjà ancien depuis les années 70 en réalité. Mais il a d'abord été assez lent durant la période 70-90. Depuis la crise internet au début des années 2000, la succession de crises et de bulles qui frappent les économies occidentales a acté le déclin économique de nos régions. Les délocalisations incessantes ont nourri les futures grandes puissances sous l'effet de la globalisation néolibérale. Et c'est bien évidemment la Chine qui devient la nouvelle grande puissance planétaire. Et ne soyons pas dupes, il y a d'autres puissances qui montent derrière elle, de l'Inde à l’Indonésie. C'est dans ce cadre global que les USA ne semblent plus être la puissance de protection qu'ils avaient pu être par le passé. On a donc des changements d'alliance extrêmement rapides avec la prise de conscience par les élites de ces nouveaux rapports de force. Le conflit actuel entre une Ukraine soutenue par la totalité de l'OTAN et la Russie ne fait que confirmer que même dans le domaine militaire l'occident n'est plus en haut. L'une des conséquences est la montée rapide des BRICS qui viennent aussi de dépasser le PIB en parité de pouvoir d'achat du G7 qui pèse de moins en moins. Et un nouvel exemple de ces changements géostratégique est que l'Arabie Saoudite, alliée historique des USA depuis 1945, vient d'annoncer son intention de rejoindre les BRICS. On comprend donc un peu plus l'importance de la Turquie dans l'affaire, car une rupture de ce pays avec le camp occidental risque de réduire à néant les capacités de projection miliaire américaine dans la région. Rappelons que les porte-avions ne peuvent en aucun cas remplacer réellement des bases au sol. Et cela alors que les Chinois remettent de plus en plus fortement l'achat de matière première et de pétrole en particulier en dollar. La fin des pétrodollars pour les USA serait une catastrophe alors même que les USA viennent de faire augmenter encore le plafond de leur dette publique et que les déficits commerciaux battent des records.

 

 

Une économie à la grecque ? Pas vraiment en fait.

 

Nous avons donc vu rapidement pourquoi l'élection en Turquie fut si importante pour les USA et leurs sbires. Et on peut voir la victoire d'Erdogan un peu comme une défaite des USA et de l'UE d'un pont de vue géopolitique. Cela éloigne aussi probablement définitivement l'idée d'une Turquie qui deviendrait membre de l'UE, ce qui n'est pas une mauvaise chose à mon avis ni pour nous ni pour la Turquie d'ailleurs. Cependant pour ce qui est des Turcs eux-mêmes l'élection ne fut pas forcément une très bonne chose du point de vue important,économique. Certes la géopolitique c'est important, mais les politiques économiques aussi, surtout pour la population notablement plus pauvre que la notre. Et là-dessus Erdogan, avec ses politiques hétérodoxes, n'a pas forcément convaincu. Entendons-nous bien, je ne suis pas moi-même un libéral et un partisan de l'école économique libérale comme l'appelait Friedrich List à son époque. Et il est important de laisser aux politiques le soin de faire les choix collectifs pour lesquels ils seront jugés et non les économistes prodigues de solutions prémâchées souvent fausses. Cela ne veut pas pour autant dire que toute politique qui n'est pas néolibérale est forcément une bonne chose.

 

Croissance du PIB en % d'une année sur l'autre

 

Taux d'inflation annuel en %

Sur le plan de la croissance économique, les nouvelles ne sont pas terribles. Certes, la croissance a fait un bond notable en 2021 grâce à une politique expansionniste sur le plan monétaire et accommodant sur les taux d'intérêt avec près de 11% de croissance. Il ne faut pas oublier l'effet rattrapage par rapport à la période COVID et aux fermetures des frontières notamment en Europe. On voit cependant rapidement une baisse puisque la croissance tombe rapidement à 5,5 % en 2022. Vue de France, cela peut sembler beaucoup, mais la Turquie reste un pays assez pauvre. Pour relativiser cela, précisons que la Turquie a un niveau de vie équivalent à celui de la Grèce si on l'exprime en parité de pouvoir d'achat, soit environ 30000 dollars par an. Sachant que le niveau de vie de la Grèce s'est effondré depuis 2010 et que c'était l'un des pays les plus pauvres de l'UE. Bref, la Turquie devrait connaître des taux de croissance nettement plus fort parce qu'elle part de plus loin. Disons une croissance d'au moins 5 % par an de façon régulière pour rattraper son retard. Si la croissance continue à baisser au même rythme, la croissance sera insuffisante pour réduire le chômage local qui reste à plus de 10% . Car le pays connaît une croissance démographique importante et il faut créer les emplois pour cette population active croissante. La Turquie bénéficie en effet de l'effet de transition démographique. Les naissances baissent, alors que la baisse de la mortalité infantile précédente permet un accroissement en proportion de la population active. Cela permet une croissance économique forte comme la France dans les années 50-70. Mais la natalité a déjà fortement baissé et l'ouest du pays est déjà bien en dessous du seuil de reproduction. Il faut que la Turquie profite de ce court laps de temps pour se développer. Mais le gros problème turc c'est le gros déficit commercial. Car c'est bien là que le bât blesse. Erdogan a fait comme Mitterrand en 81, il a fait une relance économique keynésienne sans vraiment faire de politique industrielle et de protectionnisme. Bref du Keynes sans le cadre théorique et commercial qui va avec. La dévaluation de la lire turque est donc un phénomène assez normal et cela nourrit la forte inflation . Le déficit commercial turc a ainsi atteint plus de 110 milliards de dollars en 2022. En 2021 la lire turque a ainsi perdu 44% de sa valeur face au dollar nourrissant l'inflation des produits importés.

 

Balance commerciale turque.

 

Le pari d'Erdogan est probablement de valoriser les productions locales, mais le tissu économique est quelque chose de fragile. Il est dangereux de faire des changements aussi brutaux quand on n'a pas la base industrielle pouvant permettre de vite lancer des productions locales en lieu et place des importations. Car en ce cas les consommateurs n'ont pas le choix ils doivent payer les prix plus cher des produits importés, les productions locales n'étant pas encore capable de répondre aux besoins. Nous modérerons notre avis sur la question en soulignant le fait que contrairement à la France ou à la Grèce, la Turquie a bien développé son industrie. Elle représente 27% de l'emploi en 2021 et l'on constate que la part de l'emploi industriel a bien augmenté vers 2005 environ. À noter que l'industrie pèse le même poids sur l'ensemble du PIB soit environ 27% ce qui est bien mieux que la Grèce ou la France avec à peine 10% … Donc on le voit, la situation, la Turquie n'est pas totalement noire malgré cet énorme déficit commercial et sa très forte inflation. Le pays a une base industrielle contrairement à des pays comme la France. C'est juste qu'à l'heure actuelle les importations sont trop fortes par rapport à la production locale. Est-ce que la seule dévaluation peut résoudre le problème, j'ai comme un doute, car malgré une dévaluation de 44% c'est le trou commercial. Et la baisse est constante depuis 2008, or, la balance commerciale ne s'améliore pas. Il faudrait donc une autre politique probablement plus interventionniste et protectionniste visant à substituer des importations par des productions locales. On le voit si la politique monétaire est importante, elle ne peut pas tout.

 

 

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 17:30

 

David Cayla a fait un exposé assez condensé sur les effets de la construction européenne sur la cohésion sociale de nos nations. Il a également longuement discuté avec Jacques Sapir sur la situation économique européenne chez nos amis de République souveraine . Je dois dire que si je n'ai pas été d'accord sur certains points de détail, l'ensemble était plutôt convaincant. J'admets ne pas avoir encore lu son dernier livre « Déclin et chute du néolibéralisme », il faudra que je m'y attelle visiblement. Je vous invite à prendre le temps à regarder les deux vidéos pour vous faire une idée. L'UE au bord de l’abîme. L’intégration économique européenne est-elle un facteur de désintégration sociale? Le point intéressant de l'analyse de Cayla est l'importance qu'il donne à la question de la géographie et à l'importance des avantages acquis en matière industrielle. C'est un point que j'avais déjà abordé, mais sur lequel je n'avais probablement jamais assez insisté. L'analyse de Cayla a le mérite de remettre la géographie à sa place dans son rôle économique fondamental en matière d'avantage comparatif très important.

 

Et la construction européenne a été une démonstration particulièrement forte en la matière. En effet comme le souligne Cayla l'unification européenne a concentré les activités dans les territoires qui avaient le plus accès au réseau fluvial traversant l'Allemagne avec le Rhin au centre. Ce processus de concentration des activités qui ont résulté de la dérégulation de la circulation des capitaux à partir de l'acte unique européen en 1986 fut le point de départ véritable de cette spécialisation géographique et l'unification monétaire en sera la clef de voûte en quelque sorte. Cette réalité est très importante à souligner surtout avec la démagogie récurrente de certains intellectuels et économistes français qui ont tendance à réduire la désindustrialisation de la France aux conséquences d'un choix individuel de fainéantise ou d'autres absurdités du genre. Or il n'en est rien. Le simple fait de supprimer les frontières aux capitaux et aux marchandises a favorisé la mitteleuropa pour résumer la chose. Les territoires périphériques n'ayant pas accès à cet énorme réseau fluvial ont été en quelque sorte abandonnés par les investisseurs et les industriels, car moins bien lotis au départ.

 

 

Et il n'est donc pas vraiment surprenant de voir les plus grands ports européens à la sortie directs des grands fleuves traversant la mitteleuropa. Reléguant les ports français à des rôles extrêmement mineurs. Je rappelle que le premier port utilisé pour les marchandises françaises n'est pas en France, c'est Anvers. La carte fluviale du transport des marchandises en Europe est assez parlante en la matière. Relancer le projet d'un canal Rhin-Rhône élargi dans une optique d'une réindustrialisation grâce à l'accès au commerce fluvial ne serait donc pas une si mauvaise idée à plus ou moins court terme. Du reste en regardant cette carte, on comprend tout de suite l’engouement de l'Allemagne pour l'intégration des Balkans dans l'UE alors que cette région reste problématique avec encore des tensions politiques entre certains pays. Il s'agit simplement de continuer à étendre l'installation industrielle allemande dans la région en profitant du commerce à travers le Danube. À côté de ça la France est bien mal lotie et l'on comprend mieux la désindustrialisation du pays au-delà des questions ridicules sur les 35h, les charges sociales,la fainéantise des Français ou tout autre croquemitaine traditionnel libéral. Dans le commerce mondial, les hubs industriels s'installent là où c'est le plus pratique de produire et de distribuer les marchandises.

 

De la même manière que l'unification de la France a spécialisé les régions et entraîné le déclin de certaines moins avantagées, la construction européenne et l'euro ont spécialisé de grandes régions et des nations entières. La grande différence c'est que l'UE n'est pas unie sur le plan linguistique et culturel et qu'il n'y a pas de solidarités économiques réelles entre les régions riches et les régions pauvres à travers un budget conséquent. Les populations européennes sont donc beaucoup moins mobiles qu'au sein des nations ce qui entraîne des chômages importants dans les pays perdants et un manque de main-d’œuvre chronique au cœur des régions industrialisées. C'est d'autant plus vrai que l'Allemagne reste frappée par une démographie naturellement déclinante. Mais en analysant ainsi la situation, on peut sérieusement se demander comment les dirigeants français ont pu être assez bêtes pour croire que la France gagnerait quelque chose en participant à cette unification économique.

 

 

Le libre-échange est une théorie qui ignore le réel.

 

Plus largement on peut se demander comment des gens a priori intelligents ont pu le plus sérieusement du monde penser que la globalisation conduirait au meilleur des mondes. À un enrichissement général de l'humanité qui vivrait dans une félicité éternelle. Il faut relire et revoir les penseurs des années 80-90, tels Alain Minc vantant une mondialisation heureuse et bénéfique à tous. Loin de ce résultat, la globalisation a fait énormément de perdants et quelques très gros gagnants comme la Chine ou l'Allemagne. Encore une fois, la réussite n'est pas le fruit d'une intelligence particulière, mais bien plus souvent le résultat d'avantage au départ. La Chine a, en plus de sa main-d’œuvre abondante, de ses salaires très bas et de sa population très obéissante, bénéficié aussi d'une géographie avantageuse en termes de fleuve et de port facilement accessibles. Ajoutons à cela une forte propension culturelle à l'instruction des jeunes et le décollage chinois était une évidence qui avait d'ailleurs été largement prévue par certains intellectuels.

 

Le libre-échange avait une tare dès le départ en fait. Il s'agit d'une théorie qui est un simple jeu de raisonnement excluant en réalité énormément de paramètres de sa propre logique. Le point de départ est un axiome qui prétend l'égalité des acteurs économiques et qui ignore parfaitement le protectionnisme naturel du monde dans lequel nous vivons. Les questions géographiques par exemple n'entrent jamais dans le raisonnement, pas plus que les systèmes sociaux ou les salaires. Et je ne parlerais même pas des contraintes géopolitiques. En réalité, le seul libre-échange qui est un tant soit peu de sens dans le monde réel est celui pratiqué à l’intérieur des nations parce que la solidarité nationale et l'homogénéité des lois et des salaires permettent une application plus proche de l'idée d'un libre-échange réel. Mais entre les nations, le libre-échange, au sens de la déréglementation du commerce, entraîne surtout des concentrations d'activité chez ceux qui ont des protections naturelles. Et comme le disait si bien Friedrich List, le pays qui n'a nulle qualité et nul avantage comparatif n'aura plus qu'à vendre ses enfants et prostituer ses femmes. Pour beaucoup de nations dans le monde c'est déjà le cas en réalité. Donc le seul moyen de sortir de la misère ou de l’empêcher de s'étendre est de rompre en réalité avec le libre-échange apparent pour essayer de compenser les désavantages que l'on peut avoir. C'est dans ce cadre-là que le protectionnisme apparaît comme très pertinent.

 

Et la France dans tout ça, me direz-vous ? Comme je l'ai dit dans mon précédent texte, la réindustrialisation est une nécessité absolue. Mais nous avons un problème d'élites, incapables de se remettre en question, et surtout d'aborder de façon rationnelle la question européenne. L'UE est un désastre pour notre pays.Certes, les Français bénéficient des marchandises moins chère venue de l'optimisation économique de l'Allemagne et de ses satellites économiques, mais au prix d'un déclassement social massif de la population et d'un déclassement national. Le pays ressemblant de plus en plus à un pays du tiers-monde avec un petit noyau de gros rentiers en son centre. Une telle société n'est à mon humble avis pas très viable très longtemps et la colère d'une masse croissante de la population ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que les effets de la désindustrialisation se font sentir. Surtout avec la fin de l'endettement possible de la part de l'état français qui faisait jusque là de la compensation. Il n'y a que deux solutions. Soit, nous nous réindustrialisons. Ce qui passe par une rupture avec le libéralisme et l'UE. Ce qui n'a rien avoir avec la réindustrialisation imaginaire de Macron. Soit, la France accepte son déclassement et fait partir plusieurs millions de Français du territoire pour se concentrer sur ses activités tertiaires et touristiques. Les Français en question allant bosser en Allemagne et dans la mitteleuropa. Je vous avoue que je pense qu'il s'agit là du vrai projet de Macron. Faire de la France un sous-pays peuplé de 20 à 30 millions d'habitants réduit aux services et intégré dans l'Allemagne en fait. Est-ce que les Français accepteraient une telle évolution, je ne sais pas, mais nous sommes bien partie pour.

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 17:13

 

Notre grand leader charismatique et magnifique vient donc de nous faire entrer dans l'ère de la réindustrialisation. Pour faire oublier sa lamentable « réforme » des retraites, Macron n'a rien trouvé de mieux que de faire une communication sur la réindustrialisation avec l'usine de batterie de Dunkerque. Et le mot communication est très important dans tout ça, car avec les hurluberlus qui nous dirigent depuis 50 ans, c'est bien la communication qui compte et non le résultat. On le voit régulièrement dans tout un tas de domaines où la communication dans les médias forme la seule colonne vertébrale de l'action politique en France . Et il y a fort à parier que ce sera la même chose pour la réindustrialisation malheureusement. Il est déjà extrêmement curieux qu'un homme qui a passé toute sa carrière à vendre des bijoux industriels français à des puissances étrangères devienne subitement un défenseur acharné de la souveraineté industrielle du pays. Rappelons ensuite que pour Macron lorsqu'il parle de souveraineté celle-ci est européenne dans sa tête pas française, il l'a même dit et répété plusieurs fois. On ne saurait donc lui faire confiance aveuglément lorsqu'il parle de réindustrialiser le pays.

 

 

Et surtout sa politique industrielle n'a strictement aucune cohérence ni aucun sens des priorités pour l'instant. Car avant de parler de réindustrialiser le pays, il faudrait déjà commencer par arrêter l’hémorragie provoquée par les absurdités plus ou moins récentes de l'économie française les faisant fermer à tour de bras. Par exemple, l'industrie automobile française est passée entre 2005 et 2022 de 3,5 millions de véhicules produits par an à seulement 1,3. Il s'agit là d'un désastre parce que ce n'est pas uniquement l'automobile qui est touchée, mais aussi toutes les petites entreprises industrielles qui vivaient en partie des commandes de l'industrie automobile. Il s'agit là d'un cas typique de destruction du biotope industriel. Or comme je l'ai déjà souvent dit sur le blog, l'euro a été le vrai moteur de cette destruction, on voit clairement l'effet de l'euro sur la dégradation de notre capacité de production. La France qui produisait des véhicules moyens et non du haut de gamme a été plombée par le fait de partager la même monnaie que l'Allemagne et de ne plus pouvoir dévaluer. Rajoutons au passage les effets des lois Hartz en Allemagne qui arrivent entre 2003-2005 et qui vont faire baisser les salaires en Allemagne de façon importante. Ce choc de monnaie surévaluée plus une déflation salariale en Allemagne vont être fatals à l'industrie française particulièrement à l'industrie automobile.

 

Macron a surtout creusé les déficit commerciaux du pays.

 

Évidemment dernièrement la question du prix de l'énergie s'est rajoutée au désastre de l'eurolibéralisme puisque la France qui avait un petit avantage comparatif grâce au prix de l'électricité l'a perdu. Grâce à l'absurdité du marché européen de l'énergie, les Français se retrouvent avec le prix électrique le plus élevé d'Europe. Et évidemment, l'industrie qui est fortement consommatrice d'électricité se retrouve en difficulté, on se souvient tous de la mise en chômage technique du célèbre fabricant de verre Duralex en fin d'année dernière. Si le prix de l'électricité est un désastre pour la population, pour l'industrie et beaucoup d'activités de services, ce fut une calamité qui a fortement participé à l'inflation générale et à la destruction d'activité de production. Mais que fait le gouvernement pour résoudre ce problème de fond ? Absolument rien à part distribuer des chèques payés par l'endettement des Français. Un endettement de plus en plus lourd et qui pourrait pousser le pays à la cessation de paiement dans les années qui viennent. Il y avait pourtant une réponse simple à donner en sortant du marché européen de l'énergie pour commencer. Puis en refaisant d'EDF le fournisseur d'électricité en reconnaissant que l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence était une bêtise. Il s'agit là de la meilleure aide à court terme que l'on pourrait faire à nos industriels. Leur fournir de l'électricité à un prix raisonnable et plus bas qu'en Allemagne et ailleurs en Europe grâce au nucléaire. Et cela ne coûterait pas grand-chose au contribuable en plus. Mais ne comptons pas sur Macron pour chercher la meilleure solution pour le pays. Ce n'est pas son but qui n'est que de faire du marketing et rien d'autre. Et surtout il ne veut en aucun cas rompre avec les dogmes européens pourtant largement catastrophiques pour le pays.

 

Une politique industrielle doit être cohérente et profonde.

 

L'effet Macron sur l'industrie est strictement invisible

 

On ne fait pas de politique industrielle uniquement en signant des chèques, et parfois de très gros chèques. L'information reste à confirmer, mais la fameuse usine de batterie qui devrait ouvrir à Dunkerque n'est pas venue s'installer en France parce que c'est bien d'y faire des batteries. L'état et les collectivités auraient déboursé entre 1 et 1.5 milliards d'euros d'aide directe! Ce qui reviendrait à injecter entre 300 000 et 500 000 euros par emploi créé. Est-ce que ce type de dépense est rationnelle ? D'autant que la France ne développe pas par ailleurs toute l'infrastructure technique visant à produire l'entièreté de cette production de batterie. Ce sera simplement une usine d'assemblage de composants pour la plupart importés. Qui sait, cela pourrait même aggraver notre déficit commercial en faisant le bilan final. D'autant que même nos importations passent par des ports marchands situés à l'étranger. Le minimum avant de parler de réindustrialisation serait quand même déjà de rapatrier sur notre sol les activités portuaires nécessaire au pays. Ce ne sont pas les villes portuaires qui manquent pourtant. À l'heure actuelle le premier port français est Anvers... Quant aux usines étrangères subventionnées, on en a déjà eu en France et l'expérience fut plutôt négative. Généralement, les entreprises ferment une fois les subventions touchées pour aller dans les endroits réellement compétitifs pour elles. Mais le plan communication de Macron aura fonctionné, il est le président de la réindustrialisation même si tous les chiffres disent le contraire. La France n'ayant même pas retrouvé son niveau de production d'avant la crise COVID. Pour donner un ordre de grandeur, la France a un niveau de production industrielle qui est aujourd'hui inférieur de 10% à celui de l'an 2000...

 

Il ne faut pas aller plus loin l'explication pour notre balance commerciale super-déficitaire. Nous sortons de vingt ans de stagnation industrielle puis d'un recul net à partir de 2007-2008. Et cela ne risque pas de changer si nous ne nous attaquons pas aux sources de la désindustrialisation. Et les raisons ne sont pas microéconomiques comme a pu le dire, monsieur Loïk Le Floch-Prigent dernièrement. Certes, les réglementations peuvent être contraignantes et l'administration française pourrait certainement s'améliorer sur ce plan. Mais le vrai problème est simplement la rentabilité. Ce n'est simplement pas rentable de produire en France si par ailleurs vous laissez les frontières ouvertes. Il faut réduire les coûts de production en France et renchérir dans le même temps le coût des importations. Sans un effort minimal en ce sens, il n'y a simplement aucune chance pour que le pays se réindustrialise. Et je le répète même si les gens ont envie de créer de l'industrie et des activités de productions même dans l'agriculture, l'ouverture des frontières commerciales plus l'euro rendent ces aventures simplement impossibles. Ce n'est pas par hasard si l'industrie est partie progressivement depuis 1974, c'est la conséquence des politiques macroéconomiques de dérégulation commerciale et financière. Les Français ne sont pas devenus subitement anti-industrie au milieu des années 70. Les hommes politiques ont décidé à l'époque qu'il fallait ouvrir les frontières pour casser les salaires et l'inflation comme le disait la doxa néolibérale. Tout ce que nous subissons aujourd’hui est la conséquence logique de ces choix.

 

Je vois aujourd'hui dans le débat public une absence totale sur la question des politiques macroéconomiques. C'est le signe que l'idéologie libérale a totalement envahi les esprits puisque toutes les solutions imaginées tournent toujours autour de solution microéconomique comme le discours de monsieur Loïk Le Floch-Prigent dans son interview. Mais c'est avant tout du point de vue macroéconomique qu'il faut agir. La France doit retrouver sa monnaie et dévaluer par rapport à l'Allemagne et a ses satellites. Il nous faut renchérir le coût des importations. Par ailleurs, nous devons mettre en place un nouveau tarif extérieur national puisque l'Europe est engoncée dans le libre-échange doctrinal. On pourrait par exemple mettre en place immédiatement un tarif de 5% sur tous les produits importés puis faire grimper progressivement le tarif sur plusieurs années à 30%. Le but étant d'envoyer un message clair aux industriels, importer des produits coûtera de plus en plus cher et produire sur place pourrait être avantageux à terme. L'objectif étant de limiter l'effet inflationniste de la hausse de la taxation des importations en laissant le temps aux producteurs de relocaliser les activités. On le voit, il s'agit d'une politique qui s'inscrit dans le temps, on ne peut pas transformer une économie instantanément par la magie de la communication et du carnet de chèques. On doit également imaginer des protections plus immédiates sur les secteurs où nous avons encore des capacités de production, mais où celles-ci déclinent en mettant de forts droits de douane ou en mettant des quotas. L'avantage des quotas étant qu'ils sont insensibles aux variations monétaires. C'est d'ailleurs ce type de protectionnisme que préférait notre ancien prix Nobel d'économie Maurice Allais.

 

Une fois qu'on aura admis qu'un protectionnisme est nécessaire, on pourra parler de subvention et de politique industrielle à proprement parler. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. C'est là d'ailleurs qu'il faut remettre une vraie politique de stratégie industrielle. Comme je l'ai dit, il ne faut pas simplement fabriquer les batteries, mais être capable de produire tous les composants qui rentrent dans leurs fabrications. La France fortement désindustrialisée devrait peut-être commencer par des industries moins tape-à-l’œil, mais plus accessibles comme le textile et l'industrie de la sidérurgie. Il n'y a pas que dans l'industrie de point qu'on croule sous les déficits commerciaux. Il faudra de toute manière plusieurs décennies pour réindustrialiser, c'est le boulot d'une génération. Et il faut bien comprendre que nous ne serons plus jamais le top au niveau technique, scientifique et industriel. Le centre du monde est désormais l'Asie. Mais nous devons avons avant tout chercher à pourvoir à nos propres besoins dans les limites du raisonnable de façon à maintenir un certain niveau de vie. Faisons une réindustrialisation modeste et rationnelle et non une course à l’hybris pour laquelle nous perdrons inévitablement. Et surtout arrêtons de parler et de faire de la com pour les médias et agissons réellement.

 

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11 mai 2023 4 11 /05 /mai /2023 16:44

 

Le macronisme est un mouvement politique extrêmement étrange à plus d'un titre. On le dépeint souvent comme la fusion des multiples branches du libéralisme français. Le libéralisme économique pur de la droite d'une part et le libéralisme social de l'ancien parti socialiste. Pour résumer, c'est la fusion du libéralisme économique et du libéralisme libertaire. On ne saurait cependant lui associer le libéralisme politique, car l'autoritarisme de plus en plus affiché du mouvement macroniste le rapproche plus de la tendance autoritaire d'une frange importante de l'histoire politique française. Macron serait donc un libéral au sens économique et sociétal, couplé à une vision autocratique de la politique. Je ne saurais dire s'il s'agit là du fond du macronisme ou d'une évolution imputable à la perte de contrôle du pays par les classes sociales bourgeoises sur le plan politique. Mais il y a indéniablement une montée de l'autoritarisme chez Macron et ses subalternes. Le bloc bourgeois, dont la stratégie de l'essuie-glace entre la gauche et la droite n'était plus pertinente, a pris un virage franchement autoritaire. La démocratie d'apparat, qui nous tenait lieu de régime politique, fait de moins en moins illusion au fur et à mesure que le bloc bourgeois s'énerve de ne pas voir ses projets être mis en pratique sans discussion préalable. L'étrange moment que nous vivons est en partie lié à cette obsession pour le libéralisme économique qui aujourd'hui va jusqu'à remettre en cause les libertés publiques et les libertés politiques. Je l'avais déjà écrit, mais il y a une opposition réelle entre le libéralisme politique et le libéralisme économique, même si les deux parlent de liberté, elle n'a en réalité pas du tout le même sens. Nous vivons aujourd'hui en Europe cette contradiction absolue à un niveau jamais vu.

 

Je parle de l'Europe bien évidemment puisque les bureaucrates bruxellois ont fêté le 9 mai dernier l'anniversaire de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 . Cette construction européenne qui est présentée sans arrêt comme la source de la prospérité du continent d'après guerre alors qu'elle n'a vraiment commencé à peser qu'au moment où justement le continent commença à rentrer en crise dans les années 70. Comme l'UE et l'euro ont un bilan absolument épouvantable sur le plan économique, seul leur reste la possibilité de s'associer à des réussites qui ne sont pas de leur fait. Les bureaucrates et les idéologues bruxellois ne sont en fait guère différents de ce pauvre maître Gims et ses fantasmes égyptiens, réécrivant l'histoire à leur convenance en créant une histoire fantasmagorique pour combler une blessure narcissique. Car l'UE ce n'est pas la paix, celle-ci fut le fruit de la guerre, des USA de l'URSS et de la destruction de l'appareil militaire allemand. L'UE ce ne fut pas la prospérité d'après guerre qui s’appuya essentiellement sur les états nations européens interventionnistes et protectionnistes. L'UE c'est la CEE qui dérégule l'économie dans les années 70 puis le système monétaire européen qui maintient artificiellement la valeur des monnaies provoquant crises et chômage, puis l'euro qui a définitivement fait sortir les pays membres de la croissance mondiale. L'UE c'est 50 ans de déclin économique et l'euro 20 ans de stagnation. Vous comprenez maintenant pourquoi les européistes sont si prompts à associer leur UE à des réussites comme Ariane Espace, Airbus, etc..

 

L'UE, l'euro et la concurrence salariale

 

L'UE a de nombreuses tares que je ne vais pas totalement énumérer, car la liste serait trop longue. La dérégulation financière a mis fin à la possibilité de taxer les grandes entreprises et les particuliers fortunés qui peuvent en toute légalité jouer sur le différentiel fiscal entre les pays membres. L'Irlande a fait toute sa fortune sur l'attraction des multinationales cherchant à ne pas payer d'impôt par exemple. Il est de ce fait assez risible de voir des dirigeants français, à l'image de monsieur Gabriel Attal, vouloir lutter contre les fraudes fiscales alors même que toute la construction européenne a été fabriquée pour les favoriser. Cette concurrence fiscale a en effet été voulue pour tirer les fiscalités nationales vers le bas par le simple jeu de la concurrence. Le pays ayant la fiscalité la plus basse attirant mécaniquement les entreprises dans un système où il n'y a plus de frontières pour les capitaux. Un enfant de cinq ans comprendrait ça. Et nos dirigeants le savent très bien même s'il faut faire semblant et donner un os idéologique à ronger de temps en temps à la population en lui faisant miroiter un retour à une fiscalité plus juste.

 

Mais il y a un autre domaine où la dérégulation a entraîné une situation désastreuse, c'est bien évidemment celui des salaires. Les libéraux se gargarisent souvent de la question de la concurrence. La concurrence c'est le mécanisme magique qui fait baisser les prix et produit des gains de productivité. Enfin ça c'est la théorie parce qu'en pratique c'est infiniment plus compliqué et il n'est pas rare qu'en réalité la concurrence fasse grimper les prix et nuise à la productivité, mais c'est un autre débat sur lequel je reviendrais probablement une autre fois. Cependant ce qu'ils oublient généralement c'est que la concurrence est un processus transitoire dans le marché. La nature tendancielle du marché est de concentrer les activités, car la plus grosse entreprise finit toujours par écraser les autres au bout d'un moment. C'est pour ça qu'on assiste progressivement à des concentrations de capital et d'activité. L'entreprise la plus grosse pouvant rapidement investir plus et faire baisser les prix plus rapidement par l'économie d'échelle. À la fin, le marché se réduit rapidement à des cartels au mieux et à des monopoles privés au pire comme c'est souvent le cas dans le domaine de l'informatique par exemple. Et le capital adore ça la concentration, car moins de concurrence c'est plus de marge possible et des prix forts. L’amoindrissement de la concurrence est donc le but du capitalisme qui concentre les activités et qui peut ensuite prendre autant de marge qu'il le souhaite. Un coup d’œil rapide aux marges des activités de l'agroalimentaire ou de la gestion de l'énergie ou de l'eau montre que nous avons des cartels en France et en Europe, pas des marchés concurrentiels. S'ils le furent probablement au début des années 80, la concentration des activités est telle aujourd'hui qu'ils peuvent prendre d'énormes marges sans crainte de perdre des parts de marché. (merci à François Geerolf pour le graphique).

 

 

Le marché européen étant déjà ancien des cartels et des monopoles à l'échelle du continent, se sont maintenant fabriqués. Penser donc que le marché européen produit de la concurrence est essentiellement faux si l'on se place du côté des entreprises. Un marché composé de deux ou trois grands groupes, ce n'est pas un marché concurrentiel selon la définition même du marché selon les libéraux eux-mêmes. Alors de quelle concurrence parle-t-on lorsque l'on parle de marché européen aujourd'hui ? Est-ce que l'entrée hypothétique de l'Ukraine va accroître la concurrence en Europe pour les entreprises européennes ? Évidemment non . Sur le plan agricole peut-être, cela détruira encore plus l'agriculture française ou ce qu'il en reste pour la production de blé. Mais sinon l'Ukraine ne produit pas grand-chose et encore moins depuis la guerre. Tout comme pour l'entrée des pays de l'Est au sein de l'UE c'est avant tout sur le plan des salaires que la concurrence est féroce. Car ce qui structure aujourd'hui le marché européen c'est avant tout la concurrence entre les salariés et les systèmes sociaux des différents pays membres. Lorsque les européistes vous parlent de concurrence libre et non faussée, c'est en fait de la concurrence salariale qu'ils parlent sans parfois même s'en rendre compte.

 

Une baisse des salaires en France pour sauver notre appartenance à l'euro ?

 

Et dans la même idée que celle sur la dérégulation financière, il s'agissait donc avant tout de casser les salaires et les avantages sociaux dans les pays membres de la construction européenne. Ce fut parfois dit de façon explicite, mais le plus souvent caché derrière de faux arguments et un panache de fumée idéologique présentant l'UE comme un havre de progrès social et civilisationnel. C'est dans ce cadre-là qu'il faut à mon sens penser la politique actuelle de monsieur Macron. Ce dernier semble comprendre un peu la situation dramatique du pays. Il sait pertinemment que le déficit commercial a atteint un niveau extrêmement dangereux qui hypothèque même l'avenir de la France dans la zone euro. En effet, il n'est pas certain que l'Allemagne accepte encore longtemps de partager sa monnaie avec un pays plombé par les déficits commerciaux même si cette dernière en bénéficie comme nous l'avons vue dans mon texte précédent. La bourgeoisie française, peu attachée à l'intérêt national, doit donc tout faire pour sauver son appartenance à l'UE et à l'euro. En effet, en cas d'exclusion, le pays devrait rééquilibrer ses comptes brutalement. Avec une monnaie nationale, cela signifierait une baisse brutale du niveau de vie pour tous les Français, mais aussi pour les classes dominantes par le truchement de la dévaluation monétaire.

 

La bourgeoisie rentière doit donc trouver une méthode pour rééquilibrer les comptes extérieurs sans nuire à ses propres intérêts. Évidemment le seul moyen pour y arriver, à moins d'espérer une réindustrialisation magique produite par la verve de notre président, c'est la basse de la demande intérieure et l'amélioration de la compétitivité des salariés français. Comme il ne faut pas trop compter sur la hausse de la productivité dans un pays où les entreprises préfèrent verser des dividendes aux actionnaires plutôt qu'investir en R&D, c'est par la baisse des salaires qu'il faut le faire. Las, les Français ne sont pas des Allemands ou des Japonais, capables d'accepter la baisse de leurs salaires et de leurs niveaux de vie en fermant leurs gueules. Il faut en passer par d'innombrables méthodes de camouflage présentant des mécanismes pensés pour tirer les salaires vers le bas comme des stratégies visant à améliorer telle ou telle situation économique particulière. C'est exactement ce que l'on voit en ce moment comme politique agressive de la part du gouvernement Macron.

 

Ainsi la pseudoréforme des retraites prend du sens s'il s'agissait simplement de baisser les pensions à terme puisque le chômage chez les plus de 55 ans est très élevé. Retarder l'âge de la retraite revient donc à diminuer le nombre d'annuités versé. De la même manière la pseudoréforme pour aider les gens au RSA à retrouver le chemin du travail, ne vise en fait qu'à créer une main-d’œuvre pas chère qui concurrencera ceux payés au SMIC à temps plein. Et c'est la même chose pour le paiement au rabais de l'apprentissage dans les lycées . À chaque fois, il s'agit de créer des statuts intermédiaires justifiant une sous-rémunération pour des salariés qui rentreront en concurrence avec les smicards de gros secteurs d'emplois. Bien sûr, tout ceci est présenté comme des mesures d'insertion ou de formation visant à attirer vers le travail des populations jugées fainéantes par le système bourgeois. On le voit ici, l'immigration et les délocalisations ne sont pas les seules méthodes employées par les classes sociales dominantes pour tirer les salaires vers le bas. La casse de la demande intérieure est le seul mécanisme imaginé par nos élites pour rééquilibrer la balance des paiements . Cela fait longtemps qu'ils font ça d'ailleurs. Car une sortie par le haut passant par le protectionniste, une véritable politique industrielle et des dévaluations aurait des répercussions sur le niveau de vie des dominants. Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin l'origine de leur obsession pour l'UE et leur absence totale de volonté de protéger les salariés français de la concurrence étrangère, car ce serait contraire à leur intérêt à court terme.

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8 mai 2023 1 08 /05 /mai /2023 16:36

 

Les mauvaises nouvelles s'accumulent chez nos voisins allemands avec une dégradation des comptes extérieurs et une récession économique en vue. La servilité des dirigeants germaniques vis-à-vis de l'Empire américain s'est maintenant largement retournée contre eux. Depuis la rupture économique avec la Russie et notamment la fin de l'utilisation du gaz russe l'industrie allemande s'enfonce dans la crise. Et l'inquiétude du milieu patronal allemand semble véritablement croître. C'est d'autant plus légitime d'ailleurs que les USA loin de s'être arrêté au sabotage des liens entre Moscou et Berlin, s'est aussi aussi arrangé pour récupérer une partie de l'industrie allemande à travers ses aides protectionnistes. Plus le temps passe, plus on peut se demander si la politique de la crise entretenue par les USA en Ukraine ne visait pas seulement l'Union européenne et son dirigeant l'Allemagne. Car c'est bien l'Europe de l'Ouest qui est le plus durement frappée économiquement dans ce conflit en dehors de l'Ukraine elle-même. Au final, pour la Russie cette histoire n'a as été si dramatique, elle semble même sortir de plus en plus renforcée grâce à l'évolution géopolitique. La Chine quant à elle s'est vue renforcée aussi par cette crise la faisant passer de plus en plus comme étant la seule et unique véritable superpuissance tant par les moyens que par la sagesse de sa diplomatie. Les USA eux ont utilisé la crise pour détruire l'économie européenne et allemande et espérer se réindustrialiser à leurs dépens.

 

On le voit, comme le disait Emmanuel Todd, l'Allemagne se retrouve dans une position extrêmement délicate. D'un côté l'Allemagne a une stratégie mercantiliste claire, l'euro protégeant l'Allemagne de la concurrence de ses voisins directs, ces derniers ont perdu totalement leur industrie, en particulier la France. Il agit également comme une protection par sa sous-évaluation. En effet, si l'euro est beaucoup trop fort pour la France, la rendant totalement non compétitive, dans le cas allemand c'est l'inverse. L'euro est trop faible pour l'Allemagne rendant ses exportations largement moins chères. En effet sans l'euro, le deutsche mark s'envolerait à cause des excédents commerciaux réduisant la compétitivité du pays et rééquilibrant partiellement les grands déséquilibres du commerce allemand. La stratégie allemande est basée sur l'euro qui lui offre des armes à la fois à l'intérieur de l'Europe et à l'extérieur. L'excédent anormal de l'Allemagne depuis 20 ans est entièrement lié à ça. Le Japon qui a longtemps fonctionné de façon proche de l'Allemagne n'a pas bénéficié d'un tel mécanisme et n'a pas aujourd'hui d'énormes excédents.

 

De l'autre côté, cette stratégie a probablement fâché Washington qui semblait perdre un temps le contrôle de l'UE au profit de l'Allemagne par le biais économique. L'Allemagne ayant éliminé économiquement ses deux adversaires français et italiens. Cependant, Berlin reste très dépendante du parapluie militaire américain, ce qui explique très certainement la non-réaction germanique face aux actions pour le pipeline Nordstream ou pour la situation avec la Russie. Il y a quand même la question du commerce avec la Chine. Pour Berlin la perte du marché chinois serait un désastre à court terme même si la Chine devient un concurrent sérieux y compris sur les activités dans lesquelles l'Allemagne n'avait jusqu'ici jamais été inquiétée. À court terme les USA auront sûrement du mal à séparer l'Allemagne de la Chine, les choses pourraient évoluer quand Berlin perdra complètement ses avantages commerciaux face à l'empire du Milieu. Les choses dans le domaine évoluent très vites, la Chine concurrence déjà l'Allemagne sur les machines-outils et les biens d'équipement. Et je ne parlerais même pas de la voiture électrique qui pourrait bien tuer l'industrie automobile allemande, un secteur où la Chine est très largement dominante.

 

L'euro, une monnaie absurde qui a détruit le continent

 

Il faut tout de même relativiser la crise récente de l'industrie allemande. Elle a beaucoup souffert avec les mesures COVID ou encore la hausse du prix de l'énergie, mais l'Allemagne continue de maintenir son excédent commercial. Il est moins fort, mais il est toujours là. La plongée dans le déficit commercial de l'ensemble de la zone euro est liée à la fois à la baisse de l'excédent allemand, mais aussi à la dégradation du commerce extérieur des autres membres en particulier la France et ses 164 milliards d'euros de déficit. De fait, il n'y a comme je l'ai souvent dit aucun mécanisme de rééquilibrage au sein de la zone euro. Les concepteurs de cette monnaie stupide n'y ont même pas pensé. Le seul mécanisme est la stupide règle des 3% de déficit public qui n'a absolument aucun sens d'un point de vue macroéconomique.

 

Balance commerciale allemande toujours excédentaire

 

Le véritable problème de la stratégie allemande et qui va se retourner contre elle petit à petit c'est l'affaiblissement économique que l'euro produit sur l'ensemble du continent. Certes, l'Allemagne semble bénéficier économiquement de l'euro, mais c'est en réalité un trompe-l’œil. Avoir des excédents commerciaux n'est pas une bonne chose en soi. Cela traduit une volonté de domination vis-à-vis d'autres peuples, mais cela hypothèque également la croissance économique de l'ensemble qui y est soumis. L'Allemagne malgré ses excédants commerciaux rentre petit à petit en récession. Et si l'on regarde à long terme, la croissance économique allemande était en fait bien meilleure avant l'euro. Alors qu'à l'époque elle était loin d'avoir des excédents. L'obsession mercantile allemande est donc une stratégie qui n'est pas si payante que ça. Je pense même qu'en détruisant économiquement ses voisins l’Allemagne détruit le continent et se condamne en réalité à devenir un simple satellite d'autres puissances bien plus peuplées et grandes. L'Allemagne, pour régner, a désertifié économiquement le continent. Loin d'avoir fait de l'Europe un démultiplicateur de puissance, elle a dû la ratiner pour la dominer. Mais la faible croissance de ses voisins finit par avoir des effets délétères sur la dynamique économique allemande elle-même.

 

La situation est maintenant dramatique. La zone euro est la région du monde qui a la plus faible croissance depuis vingt ans. Cette faible croissance a de nombreux effets en dehors de la stagnation du pouvoir d'achat, cela signifie aussi peu d'investissement, notamment en R&D. Le continent est absent dans un nombre croissant de développements technologiques et se fait dépasser, y compris sur les technologies où il dominait. Les statistiques sur les dépôts de brevet, s'ils ne disent pas tout sur le niveau scientifique d'un pays, montrent quand même le déclassement du continent sur le plan technologique et scientifique. Alors oui l'Allemagne est toute puissante économiquement sur le continent, mais à quel prix ? L'UE devient un satellite des USA plus ou moins ouvertement alors même qu'il y a vingt ans la France l'Allemagne et la Russie avaient ensemble dit non à l'invasion absurde de l'Irak. On le voit par ce simple exemple, loin d'avoir renforcé le continent, l'euro l'a largement entraîné dans le déclin sous la domination d'un seul de ses membres. J'ai toujours pensé que la force de l'Europe a toujours été sa division culturelle et politique qui a empêché cette zone géopolitique de stagner. L'unification de l'Europe loin d'avoir renforcé le continent a accéléré son déclassement.

 

Les choses pourraient cependant changer à l'avenir. En effet même avec les avantages de l'euro l'Allemagne à cause de son déclin démographique et du rattrapage de la Chine va de moins en moins bénéficier des effets de l'euro. Le pays a déjà un gros déficit avec la Chine qu'elle compense avec ses excédents chez les autres pays européens et dans le monde anglo-saxon. Même si cela paraît paradoxal, seul un effondrement de la puissance commerciale allemande pourrait hypothétiquement faire changer la situation sur le continent. Une fois que les élites allemandes auront compris qu'elles ne seront pas le fournisseur de la planète, comme elles l'espéraient pour pallier au déclin démographique, elles devront changer de stratégie. La montée en puissance rapide de la Chine puis de l'Inde devrait bientôt casser l'engouement allemand pour le libre-échange. Cela commence déjà d'ailleurs l'Allemagne devenant de plus en plus protectionniste et interventionniste. Les subventions annoncées pour maintenir le prix de l'énergie en Allemagne constituent clairement une violation des principes européens de non-interventionnisme et montrent le côté hypocrite des dirigeants allemands qui font exactement ce qu'ils interdisent aux autres membres de l'UE.

 

On était habitué à cette hypocrisie, mais elle devient de plus en plus visible. L'utilisation du charbon en lieu et place du nucléaire pour compenser le gaz russe a montré aussi cette hypocrisie à la vue de tous. L'Allemagne se fiche complètement du réchauffement climatique, on peut même se demander si les élites allemandes y croient réellement. Elles ont par contre tout fait que les voisins ne puissent profiter économiquement du renchérissement du prix de l'énergie. Grâce au mécanisme de l'arenh et du marché européen de l'énergie. L'Allemagne a ainsi pu empêcher la France de profiter de son parc nucléaire pour lui damner le pion comme elle aurait pu le faire si elle avait été correctement dirigée. Heureusement, l'Allemagne a pu compter sur ses gouverneurs de provinces installer au pouvoir en France. Mais ces accumulations de tactique pour se maintenir au pouvoir à court terme n'empêcheront pas la rapide dégradation du commerce extérieur allemand à terme. L'Allemagne devrait donc logiquement devenir de plus en plus protectionniste. Il se pourrait même qu'à long terme elle prône un protectionnisme européen par la force des choses pour maintenir son précarré sur le continent qui sera le dernier marché où elle dominera commercialement parlant. Il faut espérer que ce retour du protectionnisme en Allemagne permette enfin un réveil en France et en Italie, les deux grands perdants de l'unification monétaire. C'est le seul espoir à long terme que j'ai pour notre pays malheureusement.

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4 mai 2023 4 04 /05 /mai /2023 16:34

 

On parle fréquemment sur ce blog des questions des ressources naturelles. C'est que la question va devenir de plus en plus cruciale dans les décennies qui viennent. Et nous sommes malheureusement pris entre deux mouvements idéologiques sur ces sujets qui rendent les discussions sérieuses particulièrement difficiles. D'un côté une grande partie des écologistes que l'on pourrait décrire comme réactionnaire et qui ne donnent comme seule solution que l’amoindrissement du niveau de consommation pur et une baisse du niveau de vie. Ils ne le disent pas ainsi, mais c'est bien ce vers quoi conduit la décroissance par définition. De l'autre des idéologues souvent libéraux qui nient l'épuisement des ressources et pensent que le marché, la globalisation et l'innovation résoudront toutes seuls le problème. Il n'y a rien à faire par la grâce de la loi de l'offre et de la demande, le Saint-Père du libéralisme trouvera réponse à tous vos soucis. Évidemment comme à chaque fois les extrêmes font fausse route. Le chemin est complexe pour trouver des solutions et en aucun cas des idéologies plaquées artificiellement sur un problème ne sauraient le résoudre. Il serait temps que les Français et leurs élites arrêtent de penser « printemps » et commencent à réfléchir plus sérieusement en se basant sur des observations.

 

Nous parlerons donc une fois n'est pas coutume du cuivre en lieu et place des hydrocarbures. Car si la question de l'épuisement des énergies fossiles est essentielle, il ne faut pas non plus oublier que notre civilisation industrielle de consommation de masse est dépendante d'une pléthore de matériaux pour fonctionner. Rien que l’ordinateur ou le smartphone que vous utilisez pour lire de temps en temps ce modeste blog a consommé une grande quantité de matériaux, cuivre, or, silicium, fer, etc. Pour le silicium de vos processeurs et autres mémoires, on utilise des techniques pour créer les transistors qu'on appelle le dopage. Et ce dopage qui permet de créer l'effet transistor utilise aussi d'autres matériaux comme le phosphore , l'arsenic et l'antimoine. On ne parlera pas non plus des machines nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs. Machines qui utilisent aussi beaucoup de matières premières et d'énergie . C'est extrêmement complexe et d'ailleurs aucun producteur ne maîtrise vraiment toute la chaîne de production.

 

On le voit donc même si nous résolvons la question de l'épuisement des hydrocarbures, la chaîne industrielle se brisera quand même si certains matériaux clefs s'épuisent par ailleurs. Et s'il y a bien un matériau clef dans l'industrie et la technologie moderne, c'est bien le cuivre. L'on pourrait d'écrire d'ailleurs notre civilisation comme étant bien plus celle du cuivre, que celle du pétrole. Entrant à peu près dans tous les appareils technologiques fonctionnant à l'électricité, le cuivre est un ami qui accompagne l'humanité depuis des milliers d'années. Et cet accompagnement n'a jamais été aussi vrai que de nos jours. D'après les connaissances historiques que nous avons aujourd'hui, le cuivre a été le premier métal à être utilisé par l'homme. On a retrouvé des bijoux en cuivre datant de plus de 8000 ans. Sa température de fusion est de 1 085 °C, mais il reste relativement malléable à température ambiante ce qui a facilité son travail. Vous connaissez tous ses fabuleuses qualités techniques, en particulier le fait que c'est une excellent conducteur électrique et thermique. Et c'est à ce titre qu'il est si indispensable, car l'or qui est un métal avec des propriétés supérieures sur ce plan n'est malheureusement pas aussi abondant et donc beaucoup plus cher .

 

Pour le cuivre les énergies « renouvelables » sont une impasse

 

Grâce à ses propriétés physiques, le cuivre est fondamental pour notre civilisation technicienne où l'électricité est omniprésente. Malheureusement pour nous il semble bien que nous allons petit à petit en manquer . Le cuivre est recyclable à l'infini, mais la consommation augmente beaucoup plus vite que la production et il n'est pas certain que nous ayons à l'avenir suffisamment de cuivre pour répondre aux besoins croissants de la planète. Mais l'épuisement du cuivre n'est pas le problème en lui-même. Comme dans le cas des hydrocarbures, on assiste à une augmentation progressive du coût d'extraction parce que les filons sont de moins en moins riches. Or cette augmentation du coût d'extraction entraîne mécaniquement une hausse du coût du matériau à plus ou moins brève échéance . Comme dans le cas du pétrole, nous ne pourrons plus nous payer du cuivre bien avant d'en manquer totalement.

 

Concentration du minerais de cuivre dans plusieurs pays

 

Alors vous me direz que l'on pourrait remplacer le cuivre par l'aluminium. Et il est vrai que c'est aussi un bon conducteur et il est d'ores et déjà moins cher que le cuivre. Pourtant, ce dernier n'est toujours pas remplacé dans les applications courantes comme les câbles conducteurs électriques. Le fait est que si l'aluminium est aussi un bon conducteur électrique et thermique et qu'il est en plus plus léger que le cuivre, il n'est malheureusement pas aussi résistant mécaniquement. En particulier pour ce qui est de la traction mécanique qui peut se révéler essentielle pour produire des fils électriques utilisés un peu partout. On ne peut donc pas substituer la consommation de cuivre par de l'aluminium dans les applications les plus gourmandes en métaux comme le BTP. On peut également préciser qu'un moteur électrique utilise aussi énormément de cuivre dans ses bobines. L'explosion des ventes de voitures électriques va donc forcément peser sur la consommation de cuivre à l'échelle mondiale dans les années qui viennent. Et sachez aussi que les alternateurs qui fonctionnent sur le même principe que les moteurs électriques utilisent de la même manière beaucoup de cuivre. Ce qui veut dire par conséquent que les éoliennes consomment beaucoup de cuivre dans leur fabrication et leur entretien.

 

Exemple de l'usage du cuivre dans les bobines d'un moteur électrique

 

On le voit donc notre transition énergétique telle qu'elle est vendue par les médias et certains groupes écologistes semble finalement troquer l'épuisement des hydrocarbures contre l'épuisement du cuivre. Cette question est rarement abordée alors qu'elle est d'une actualité criante puisque les pays occidentaux, particulièrement en Europe, semblent décidés à abandonner la voiture thermique pour la troquer contre la voiture électrique. Et dans le même temps, ils s'attellent à faire exploser les énergies dites « renouvelables » qui ne le sont pas tant que ça en réalité puisqu'elles utilisent bon nombre de matériaux non renouvelables justement dans leur fabrication. La transition énergétique se passera difficilement des véhicules électriques, même si l'on pourrait parler de la question des transports en commun électrique plutôt que de tout miser sur la continuation d'un mode de transport individualiste tel qu'on le pratique depuis les années 60. On pourrait par contre parler d'un usage moins intensif en termes d'alternateurs. Car comme le montre le graphique suivant les moulins à vent modernes consomment, énormément de cuivre par kilowatt produit. Bien plus qu'une centrale nucléaire par exemple. Je remercie au passage le twitt de documentaire et vérité pour avoir indiqué ce graphique très intéressant sur cette question essentielle. En dehors des panneaux solaires, toutes les sources d’électricité que nous utilisons couramment emploient des alternateurs utilisant beaucoup de cuivre. Il s'agit bien sûr de transformer l'énergie thermique en mouvement mécanique, qui lui-même, par effet d'induction électrique, va produire un courant alternatif dans les fils de cuivre du récepteur, généralement le stator.

 

 

 

Les centrales nucléaires qui font exactement la même chose sauf qu'elles utilisent le combustible nucléaire pour faire chauffer l'eau et la transformer en vapeur pour faire tourner d'énormes génératrices. Et il s'avère qu'en termes de rapport volume par énergie produite, les centrales nucléaires vont consommer beaucoup moins de cuivre que les éoliennes. Car il faut beaucoup plus d'alternateurs et d'éoliennes que d'alternateur pour une centrale nucléaire pour produire la même quantité d'énergie. Et cela s'ajoute au problème de l'intermittence des éoliennes passablement problématique puisque nous ne savons pas stocker directement l'électricité en grande quantité pour l'instant. La grande densité énergétique que produit le nucléaire rend donc cette énergie encore plus importante pour l'avenir que ce que l'on aurait pu imaginer si l'on ne parlait qu'en termes de problématique sur l'énergie. Non seulement elle est un substitut rationnel au manque de pétrole, mais en plus elle permet de réduire la pression sur la consommation de cuivre. Il est donc aujourd'hui encore plus clair que cette énergie est la seule apte à répondre en partie aux problèmes des épuisements des ressources à l'échelle mondiale. Même si cette question ne se résoudra probablement pas seulement avec des moyens techniques.

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27 avril 2023 4 27 /04 /avril /2023 15:27

 

La France se retrouve aujourd'hui dans une situation très difficile avec Mayotte. L'opération Wuambushu qui vise à expulser un grand nombre de clandestins provenant des Comores provoque un tollé chez les adorateurs de la libre circulation des personnes. Mais en même temps l'explosion de la délinquance et ce qu'il faut bien appeler l'invasion démographique de l’île par les Comoriens, engendre une colère et des inquiétudes légitimes chez les Mahorais. Je ne vais pas ici discourir sur la question de Mayotte. Je ne suis guère au fait de toutes les complexités du problème. Il faut quand même admettre que de faire de ce territoire un département français était probablement une belle bêtise. D'autant que d'après l'ONU, Mayotte appartient bien aux Comores. Mais c'est un débat qui est hors de propos par rapport au sujet de ce petit texte. Concernant la crise à Mayotte à proprement parler, je vous invite à voir cette courte vidéo de Jean Michel Salomon sur la situation, c'est assez bien résumé. La question de mon texte est de comprendre rapidement pourquoi ce territoire, ainsi que ceux des autres territoires d'outremer, est à ce point sous-développé bien qu'étant théoriquement français. Certes depuis quelques années l'état fait des efforts pour développer le territoire, mais cela donne une vague impression d'une répétition des politiques économiques coloniale tel qu'elles ont pu exister autrefois. Loin de valoriser un développement autonome et une vraie croissance, la France a créé sans vraiment le vouloir un rapport de dépendance entre le territoire de Mayotte et la métropole.

 

Et cette question ne concerne d'ailleurs pas que Mayotte, ni même uniquement les DOM-TOM si l'on y réfléchit bien. C'est un problème qui est lié à la fois aux croyances françaises, à un certain manque de pragmatisme. Les Français sont un peuple profondément attaché à l'idée d'égalité. Cette idée est si profondément encrée dans la tête des Français. Cet attachement est d'ordre anthropologique si l'on adhère aux théories d'Emmanuel Todd qui a quand même bien démontré la chose dans ses nombreuses œuvres. Et en de nombreux domaines, l'égalité est une bonne chose. Vouloir que les enfants aient tous les mêmes chances à l'école est une bonne chose. Vouloir limiter l'explosion des inégalités économiques est à mon sens aussi une bonne chose. Mais bien souvent cette appétence pour l'égalité va conduire les Français à faire des bêtises et même à mal appliquer leurs propres principes. Et le cas des DOM-TOM est à ce sens tout à fait parlant. Nous avons ici des territoires très disparates, aux besoins et aux capacités variées. Les DOM-TOM ont des contraintes, des géographies et même parfois des démographiques très différentes du reste du territoire national. L'on conviendra alors assez facilement que le fait de les traiter de la même manière avec les mêmes lois et les mêmes contraintes que le reste du pays produisent des effets parfois très délétères.

 

Car l'esprit d'égalité des Français a en réalité souvent accru la divergence économique entre ces territoires et la métropole. C'est l'un des paradoxes dont nous parlerons ensuite sur les questions monétaires. Un système fortement égalitaire dans une situation de fortes inégalités peut produire en réalité un creusement profond des inégalités. Et c'est particulièrement vrai dans la situation française elle-même engoncé dans l'euro, l'UE et la globalisation. En entrant dans la globalisation, la France a détruit en quelque sorte la spécialisation de ces régions. Elles pourraient fournir nombre de produits exotiques, mais notre choix macro-économique en a décidé autrement. Nous préférons importer des bananes de la République dominicaine et nous importons l'essentiel de notre café alors que nous pourrions le produire dans les DOM-TOM. De fait si la globalisation a fortement détruit le tissu économique de la métropole dans les territoires d'outremer, ce fut l'hécatombe. Alors l'état a évidemment compensé par les aides comme à son habitude, esprit égalitaire oblige. Mais c'est un coût déraisonnable et ce n'est à mon avis pas très gratifiant pour les habitants de ces territoires qui préféreraient certainement vivre de leurs activités économiques. Leurs territoires étant simplement transformés en lieu de consommation financé par le contribuable. Il suffit de regarder rapidement la différence de chômage entre la métropole et les DOM pour voir l'énorme problème. Alors vous me direz qu’ils n'ont qu'à s'installer en métropole, mais je vous répondrais alors à quoi sert donc le fait de détenir ces territoires si nous n'en faisons rien.

 

 

Les effets des unifications monétaires

 

Il y a de nombreux problèmes liés à ces territoires. Le fait d'être une île par exemple augmente mécaniquement les prix locaux des importations. Les infrastructures coûtent plus cher, etc. Mais le principal handicap est le fonctionnement monétaire. Les DOM-TOM jadis utilisaient le franc ce qui en soi était déjà en partie un problème, mais maintenant ils utilisent l'euro. Or s'il est déjà absolument absurde de donner la même monnaie à un parisien, et à un allemand, ou à un grec, cela devient rocambolesque avec les habitants des DOM-TOM. Vous mettez des territoires sans industrie vivant essentiellement de l'exportation de produits exotiques et du tourisme avec la même monnaie que la première puissance industrielle de l'Europe de l'ouest. Et tout cela sans aucune protection aux frontières et avec une libre circulation des capitaux. Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin le désastre économique de l'outremer. Rajoutons à cela le fait que la transition démographique dans ces territoires a été plus tardive, ce qui veut dire que la population est plus jeune et qu'elle aurait besoin d'une politique monétaire extensive, plus que la métropole, et, beaucoup beaucoup plus que le reste de la zone euro en état de mort démographique. En l'état, avoir une démographie plus dynamique est structurellement un handicap quand on partage la même monnaie qu'un continent de vieillards. C'est déjà le cas pour la métropole, mais cela devient encore plus criant dans les territoires d'outremer.

 

Alors évidemment les étatistes français vous diront qu'on peut corriger avec de gros investissements publics. Mais l'expérience montre qu'en générale les unifications monétaires de territoire très disparates ont toujours tendance à concentrer les richesses là où c'est plus commode de produire ou de vendre. Et la zone euro ne fait pas exception, pas plus que le franc avant elle. Ces unifications font des territoires gagnants et des territoires perdants. L'exemple le plus simple est celui de l'Italie. Ce pays n'a été unifié qu'en 1870 après un périple d'une dizaine d'années. Avant l'unification la plupart des républiques indépendantes de la péninsule avaient leurs propres monnaies. L'unification politique va être complétée par une unification monétaire de l'Italie et les dégâts vont rapidement se faire sentir. Le sud moins industriel va rapidement péricliter au profit du nord et va devenir le fameux mezzogiorno italien. Un territoire nettement plus pauvre que le nord. L'Allemagne qui s'est unifiée un peu à la même époque va choisir une voie différente et faire converger les économies des länder avant de faire l'unification monétaire, ce qui donnera une richesse mieux répartie. Cette réalité allemande va cependant être cassée par la coupure d'après-guerre. Et les Allemands qui avaient réussi une unification monétaire harmonieuse ont malheureusement fait la même erreur que l'Italie avec l'Allemagne de l'Est qui sera économiquement lessivée par l'unification monétaire. La région ne s'en est toujours pas remise.

 

On le voit dans ces quelques exemples, la monnaie est quelque chose d'extrêmement important pour le développement d'un territoire. Avant l'euro les territoires des DOM-TOM avaient déjà une monnaie inadaptée à leurs besoins avec le franc. Mais la préférence nationale et une politique protectionniste auraient pu compenser cela. Avec l'euro cumulé au libre-échange total, c'est la catastrophe. Acheter et produire localement devient impossible et les territoires d'outremer deviennent de simple lieu de consommation nourri à la dette française. Ils ne peuvent même pas profiter du tourisme, car les territoires locaux non affiliés à la France a et à l'euro s'avèrent bien moins chère grâce à des monnaies moins fortes. La question des territoires d'outremer, si elle peut paraître détachée des questions économiques du pays en général, est donc en fait totalement liée aux problèmes de notre pays. En renonçant à sa souveraineté politique, économique et monétaire, la France a également rendu impossible la gestion de ces territoires en voie de perdition. Ils sont en quelque sorte un miroir grossissant de tous les dégâts que l'eurolibéralisme a produit depuis quarante ans sur notre territoire. Et indubitablement, le destin des DOM-TOM est lié au nôtre, on pourrait même dire que par certains aspects il préfigure celui de la métropole en voie de devenir les DOM-TOM de l'Allemagne.

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