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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 16:15

 

Image - FouleJ'aurai pu répondre dans un commentaire aux propos tenus par mon commentateur à batterie longue durée La Gaule, mais le sujet de son propos me semblait trop complexe pour n'en faire qu'un commentaire de commentaire. La question qui est soulevée dans ce commentaire est le rapport de l'individu à la société en général. Et qu'elle influence l'évolution de ce rapport des individus avec la société a pu avoir sur la crise que nous connaissons aujourd'hui. Car la crise n'est en fait qu'en apparence économique, si des choix économiques aberrants sont faits c'est avant tout parce qu'il y a une crise politique et  une crise de la représentation politique. Vouloir résoudre la crise économique en elle même est tout à  fait louable et souhaitable. Ce blog est d'ailleurs essentiellement centré sur ces questions de raison économique. Malheureusement, apporter un remède purement logique et intellectuel à la crise économique ne suffit pas et nous ne tomberons pas dans le piège duquel était prisonnier Keynes lui-même, celui de croire que la raison peut l'emporter simplement par sa logique et sa capacité à convaincre. Si tel était le cas, il y a fort à parier qu'il n'y aurait jamais eu de crises et que le monde serait tellement bien géré que les révolutionnaires auraient depuis longtemps disparu. Il n'en est rien malheureusement.

 

Si la raison peut parfois convaincre, elle seule ne peut changer le monde et la société. Il y a des conditions pour que celle-ci puisse s'appliquer dans le monde réel.  L'une des conditions à cette application est la capacité à transmettre à d'autres pour que collectivement cette raison puisse changer la société. Celle-ci ne pouvant être changé que collectivement. On ne révolutionne pas une société seul dans son coin, ce qui n'est d'ailleurs pas forcément un mal. Quoi qu'il en soit les changements s'ils doivent avoir lieu ont besoin d'un support apte à les porter en haut de la pyramide sociale. Ce n'est qu'une fois au pouvoir que ces idées nouvelles mues éventuellement par la raison pourront entreprendre de changer un cours des choses qui nous parait suicidaire en l'état actuel des choses. Mon précédent texte qui analysait la signification du rapport entre les désirs de la population en général et sa représentation politique, montrait une rupture entre la volonté populaire qui est nettement protectionniste, et son élite politique qui est nettement opposée cette idée. À l'image de la dernière intervention de Jean Michel Aphatie bien représentatif de son milieu social .  Je soulignais également le fait qu'aujourd'hui la société est comme une accumulation de classes sociales empilées les unes sur les autres à l'image d'un tas de tranches de salamis, si l'on veut donner une représentation culinaire. Chacun des membres appartenant à une tranche de ce salami social vit uniquement sur sa tranche et rares sont les individus qui passent d'une tranche à l'autre. Tout le problème de notre système politique c'est qu'il n'a pas été conçu pour fonctionner avec une telle sociologie. En effet, notre système politique est issu d'une période historique dans laquelle les individus bien qu'appartenant à des classes sociales différentes pouvaient tout de même se reconnaitre et exister dans des espaces communs grâce à des transcendances verticales qui traversaient la société. Ces relations verticales pouvaient avoir comme apparence la religion ou les partis politiques, le service militaire jouait probablement lui aussi un rôle de mélangeur de classe sociale. Quoi qu'il en soit il existait bien autrefois des mécanismes de ce type qui permettaient aux gens de sortir de leur propre milieu et de faire preuve de ce que l'on pourrait appeler une empathie sociale. L'esprit national était aussi une de ces mécaniques qui permettaient cette empathie.

 

Notre système politique a fonctionné tant que cette sociologie, ce lien entre les différentes couches sociales, cette empathie existaient. La démocratie représentative électorale pouvait fonctionner tant que le bourgeois pouvait s'identifier au pauvre et prendre sa défense ou au moins comprendre son point de vue. C'est, comme le souligne La Gaule dans son commentaire, la grande différence avec l'ancien régime celui des féodalités où les strates sociales étaient justement déjà en forme de tas de salamis. Dans l'ancien régime, on ne se mélangeait pas et les différentes classes sociales étaient rangées chacune à leur place. La différence avec notre époque était peut-être qu'avec le temps ces stratifications sociales avaient su trouver un certain équilibre pour que globalement la société fonctionne. La nôtre est une stratification récente et bordélique en quelque sorte, certaines strates du haut n'ayant pas conscience qu'en éliminant celles du bas elles se suicident autant économiquement que politiquement. À ce stade de raisonnement, on peut se poser deux questions. La première est de savoir d'où vient cette évolution. La deuxième est de savoir si cette évolution est momentanée ou permanente. Si c'est un phénomène momentané lié à quelques évolutions récentes, on peut espérer un retour à une véritable démocratie sous une forme ou sous une autre. Si c'est un phénomène permanent, la démocratie ne pourra plus exister, car celle-ci ne peut en aucun cas coïncider avec une sociologie de type communautaire ou une société de caste. La démocratie ne peut exister que dans une communauté d'égaux. Non pas d'égaux absolus, mais d'égaux dans l'imaginaire des individus des différentes classes sociales. Seuls des individus se sentant égaux par le droit peuvent en effet s'imaginer discutant même en appartenant à différentes classes sociales. Si celui du haut ne se sent pas l'égale de l'ouvrier ou du cadre alors la démocratie est tout simplement impossible.



L'individualisme d'objet ou de moyen

 

Répondons donc à cette première question de savoir d'où vient cette évolution vers la stratification sociale. La réponse à cela est dans le rapport qu'entretient l'individu à la société en général. Pour Emmanuel Todd ce que l'on nomme l'individualisme est le fruit de l'amélioration du niveau scolaire des individus. Des gens mieux instruits seraient plus aptes à l'esprit individuel. Mais il y a là un problème de définition que souligne là encore la Gaule dans son commentaire. Que signifie l'individu dans le sens où l'entend Emmanuel Todd et surtout que signifie l'individualisme. On confond ici deux concepts, l'un étant l'individualisme dans le sens de l'égoïsme c'est à dire une conscience individuelle tournée uniquement vers soi même, c'est l'individualisme d'objet. Et une individualité dans le sens d'un esprit libre qui pense en dehors des pressions extérieures, que l'on pourrait appeler un individualisme de moyen. On conçoit aisément que ces deux individualismes n'ont pas vraiment les mêmes conséquences du point de vue collectif. Et lorsqu’on lit les anciens libéraux, ceux de la grande époque à l'image d'un Montesquieu, on s'aperçoit que l'individu tel qu'ils l'entendent, c'est un individu de moyen. Un individu qui pense en dehors des pressions de la société, mais pas uniquement pour lui même. L'individu d'autrefois était un individu qui prenait plaisir à la vie en société et qui s'inquiétait du destin public. L'individualisme dans ce sens est un individualisme d'esprit critique, un esprit critique visant à la recherche de la vérité dans le plus grand intérêt de tous. Je pense que lorsque Todd décrit l'individualisme augmentant avec le niveau scolaire il pense à cet individualisme là. Pour illustrer mon propos j'aime à citer Montesquieu qui résume ici la différence qu'il y a, entre l'individualisme tel qu'on l'entend aujourd'hui, et l'individualisme tel qu'on l'entendait à l'époque.

 


Montesquieu (1748) « De l’esprit des lois » (livre premier) :

 

« Pour l'intelligence des quatre premiers livres de cet ouvrage, il faut observer que ce que j'appelle la vertu dans la république est l'amour de la patrie, c'est-à-dire l'amour de l'égalité. Ce n'est point une vertu morale, ni une vertu chrétienne; c'est la vertu politique; et celle-ci est le ressort qui fait mouvoir le gouvernement républicain,comme l'honneur est le ressort qui fait mouvoir la monarchie. J'ai donc appelé vertu politique l'amour de la patrie et de l'égalité. »

 

« Lorsque cette vertu cesse, l'ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir,et l'avarice entre dans tous. Les désirs changent d'objets: ce qu'on aimait, on ne l'aime plus; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. Chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître; ce qui était maxime, on l'appelle rigueur; ce qui était règle, on l'appelle gêne; ce qui y était attention, on l'appelle crainte. C'est la frugalité qui y est l'avarice, et non pas le désir d'avoir. Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers. La république est une dépouille; et sa force n'est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous. »

« Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c'est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une aristocratie. »

 

« La démocratie a donc deux excès à éviter :l’esprit d’inégalité qui la mène à l’aristocratie, ou au gouvernement d’un seul et l’esprit d’égalité extrême, qui la conduit au despotisme d’un seul . »

 

 


On constate bien au contraire une poussée de l'individualisme d'objet, un individualisme qui confine de plus en plus à l'égoïsme pur et simple. La vertu telle que l'entendait Montesquieu a bien disparu et les conséquences sont bien celles qu'il nous décrit. D'un individualisme orienté vers l'intérêt public et la vie commune, nous sommes passés à un individualisme d'objet, centré sur l'unique intérêt à court terme de l'individu lui-même. Lorsque l'on parle d'individualisme aujourd'hui nous parlons bien évidemment de ce deuxième individualisme. Cet individualisme d'objet est potentiellement le contraire de l'individualisme de moyen. En effet si le but de l'individu est son intérêt propre alors la liberté de penser n'est plus sa priorité. En effet d'un point de vue logique, il est plus efficace pour son intérêt propre de se plier à la loi du groupe, d'obéir aux conventions établies. Car comme le disait habilement Keynes pour critiquer les marchés financiers mieux vaut dans son intérêt propre avoir tort avec la foule que raison contre elle. Ainsi l'individu d'objet est-il l'inverse de l'individu de moyen. Loin de faire acte d'esprit critique il est conformiste, il plie aux mœurs majoritaires. Il fait ses choix en fonction de son intérêt social propre, ceux qui lui permettront de tirer un maximum de bénéfices de ses relations sociales. Dans les banlieues on met le voile, dans les quartiers chic on porte un iPhone, dans les deux cas ont fait plier ses préférences et ses choix aux contraintes sociales,uniquement dans son propre intérêt pour se faire bien voir de la communauté locale. C'est bien l'inverse de l'individualisme noble celui d'un Montesquieu ou d'un Rousseau.

 

Alors est-ce que cet individualisme est le fruit de la hausse du niveau scolaire? Je ne le crois pas à vrai dire. On a plus affaire à une question d'évolution culturelle autonome qu'à une question de niveau scolaire pur. Après tout autrefois nous produisions de grands esprits dont l'intérêt était porté à la chose publique. Et je ne vois pas en quoi avoir des connaissances d'un niveau universitaire peut transformer votre être en un individu totalement égocentrique. Pour ma part, je pencherais plutôt sur une explication liée à la hausse du niveau de vie et aux effets secondaires du progrès technique. Un progrès qui, comme l'avait souligné l'auteur de science-fiction Isaac Asimov, a pour effet secondaire d'éloigner les hommes les uns des autres, de favoriser notre capacité à nous recroqueviller sur nous même. Car la vie en société c'est se faire violence, et l'homme n'aime pas souffrir. Il est donc tenté, pour éviter cette violence, d'user au maximum de tous les instruments dont il dispose et qui lui permettent d'éviter cette violence. La technique à encourager cette nature en lui permettant d'atteindre des niveaux normalement impossibles sans elle. Les Geeks ou les nolife sont quelque part le phénomène caricatural et très représentatif de cette évolution. On se recroqueville pour ne pas souffrir pour ne pas être confronté au réel, et la technique nous permet de le faire. Cela crée des individus plutôt tournés vers eux même, pas forcément mauvais, mais qui à cause de leur isolement ne peuvent agir collectivement et donc politiquement. Cela nourrit aussi la dépolitisation de la vie publique et l'effondrement des partis politiques qui ont de plus en plus de mal à s'alimenter en troupe.

 

Finalement dans ce que je dis on voit que tout n'est pas si noir. En fait, l'individu d'objet ne l'est peut-être pas totalement, et il n'est peut-être individu d'objet que parce qu'il pense ne pas pouvoir agir dans le monde réel à cause de son isolement. Notre société est malheureuse, de nombreuses études le montrent et l'individu tourner entièrement vers lui même souffre de ce manque d'action collective et de cet enfermement sous forme d'une nouvelle société de caste. Cette contradiction entre le soi-disant bonheur affiché par la société ultramatérialiste et l'usage massif de psychotropes d'alcool et de drogue montre ce paradoxe. Si notre société était réellement ce qu'elle prétend être, pourquoi donc tant de gens cherchent à s'en échapper sous une forme ou sous une autre ? Il est étrange que le débat sur le cannabis n'ait pas soulevé cette triste réalité. Les gens se droguent pour échapper à une réalité de plus en plus pénible, il en va de même avec les paradis virtuels ou les forums de discussions, ou même les blogs. Finalement, cette situation nous indique peut-être que cette société n'est qu'un moment de l'histoire. Cette évolution récente, cette re-stratification, n'est peut-être qu'un phénomène momentané qui ne durera pas parce que la société ne le supporte pas. Auquel cas tout le problème est de savoir comment arriver à recréer des liens verticaux dans une telle société. Il faut des ruptures qui permettent aux gens de se rencontrer à nouveau en dehors de leur milieu social. Des mouvements qui mettent à nouveau le « nous » en avant et non le « je ». Le sondage sur le protectionnisme nous montre que finalement l'individualisme d'objet n'est pas si prégnant que cela, qu'il n'est peut-être qu'apparence. Et que les gens attendent avec impatience la moindre occasion pour pouvoir s'en échapper.

 

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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 20:50

Une nouvelle preuve du divorce des Français d'avec leurs élites vient d'être apportée par l'étude sur les idées que se font les Français du protectionnisme. Cette étude commandée à l'IFOP pour l'occasion de la conférence sur le protectionnisme européen est relativement surprenante, y compris pour moi d'ailleurs. En effet, il semble que les thèses protectionnistes soient beaucoup plus admises que ce à quoi l'on pouvait s'attendre même en étant fortement optimiste. Il faut dire que le démocrate que je suis pensait, tout de même, qu'il y avait encore un certain lien entre le vote ou les orientations de vote de la population et son avis sur les questions économiques. De ce fait, je pensais bêtement que puisque l'UMP et le PS pèsent encore lourdement sur le plan électoral, leurs candidats restant en tête pour les élections présidentielles, c'est que les Français dans leurs majorités étaient encore pour le libre-échange, ou du moins qu'ils y étaient résignés. Et bien, c'était une erreur, il semble bien que les Français soient capables de rejeter massivement le libre-échange tout en continuant à voter pour les partis classiques. Bien évidemment, ces sondages prennent en compte les abstentionnistes si nombreux dans notre pays, mais même en regardant chez les militants politiques des partis dominants, ce que fait cette étude, le protectionnisme est largement plébiscité.

 

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Ces graphiques proviennent de l'étude Ifop

 

Cette fois nous pouvons réellement conclure à un déni total de démocratie, tant l'écart entre ceux qui nous dirigent et ceux qui votent est devenu monstrueux. Comment expliquer une telle évolution dans un système qui quoiqu'on en dise reste un système électoral donc un système dans lequel les hommes politiques ont quand même intérêt à aller dans le sens de leurs électeurs. Jacques Sapir a récemment donné son avis sur le sondage en question que vous pouvez retrouver sur le site protectionnisme.eu. Il conclut de cette évolution sur le libre-échange et l'écart avec les partis traditionnels comme cela:

 

 "Le bon sens voudrait donc que les « grands partis » se saisissent sérieusement d’une question qui, comme l’indique ce sondage, transcende les partis et les positions sociales. Des réponses fortes et positives doivent y être apportées d’urgence, et l’on ne pourra plus s’abriter derrière l’argument d’une inaction européenne pour justifier sa propre inaction.

 À défaut, il faut s’attendre à une montée en puissance des partis qui, eux, auront compris l’importance de la question du libre-échange et de la mondialisation. Il sera trop tard, au soir d’une élection, de venir le regretter."

 

On ne saurait lui donner tort, mais est-ce que pour autant l'on peut être d'accord avec son hypothèse de montée des partis alternatifs ? Si cela parait logique, il faut tout de même rappeler que les alternatives sont anciennes. Pour rejoindre mon précédent texte sur la question de la démocratie il se trouve que la dissolution de notre démocratie n'est pas seulement du fait des politiques. Elle l'est aussi, et même surtout du fait du désintérêt global pour la chose politique. Dans mon texte sur l'étrange placidité politique des Français, j'avais indiqué que le cœur du problème était le manque de temps octroyé à la politique. J'ai cru comprendre d'ailleurs lors de la conférence du M'PEP, que Frédéric Lordon n'était pas loin de partager mes vus sur cette question. D'ailleurs lorsque l'on regarde les mouvements populaires actuels on constate le peu d'effets politiques qu'ils ont, y compris en Grèce à l'heure actuelle. Les gens ne savent pas comment changer les politiques ni quelles directions prendre. La culture politique de nos compatriotes s'étant fortement réduite depuis trente ans, et les relais classiques ayant pratiquement disparus, nous nous retrouvons en quelques sortes avec une colère populaire qui n'arrive pas à se transformer en mouvement politique. Or rien ne changera tant qu'il n'y aura pas de transmission politique de la colère populaire. Je ne sais pas s'il y a vraiment un précédent historique à cette situation, le vide des croyances collectives et l'absence de structures verticale de transmission entrainent une véritable débâcle de l'action politique.

 

    Une débâcle qui apparaît effectivement dans cette situation où nous voyons 80% des Français être pour le protectionnisme et probablement 95% des dirigeants et des "élites" être contre. Quelque part, nous voyons aussi ici une manifestation du communautarisme produit par la poussée de l'individualisme. On reste entre soi, entre ceux que l'on connait, ce phénomène caricatural dans les banlieues et chez les populations immigrées est tout aussi valable chez les autres classes sociales. Tout se passe comme s’il n'y avait pas de transmission entre les différentes classes sociales, comme si elles étaient devenues imperméables aux mouvements externes à leurs propres milieux sociaux. C'est ce qui explique le retard qu'a eu la classe moyenne par rapport aux effets du libre-échange si on la compare avec l'évolution des classes sociales ouvrières massacrée dès les années 80. La classe moyenne et moyenne aisée n'ayant commencé à souffrir que depuis une dizaine d'années les ingénieurs commençant dans les années 2000 à découvrir à leur tour les joies de la délocalisation. On constate que la conscience du problème du libre-échange monte dans le niveau des classes sociales avec le temps, au début seuls les ouvriers voyaient le problème, aujourd'hui c'est au tour des ingénieurs et des cadres. De fait, on peut craindre que le mouvement massif actuel ne trouve pas de relais chez les classes encore supérieures, celles qui gagnent dans la mondialisation et qui n'ont en fait pas eu à souffrir de la crise. Ce cloisonnement des classes sociales enfermées dans leurs strates sociales de façon horizontale ne permet pas de traduction politique à leurs aspirations. C'est ce qui explique ces mouvements sur les retraites qui n'aboutissent à rien même si massifs. Ou encore ces mouvements des indignés qui s'épuisent déjà, alors même que la situation empire.



Mobiliser la population ne suffit pas, manifester non plus. Il faut des traductions dans les urnes et pour cela il faut des militants politiques, de nouveaux partis ou des adhésions massives dans les partis donnant des alternatives. Or malheureusement pour l'instant on ne voit rien, c'est ce qui explique la poussée d'un parti comme le FN d'ailleurs. En effet, il semble que les partis alternatifs raisonnables n'arrivent pas à décoller ni dans les sondages, ni en matière de militants. La collusion du manque de temps, les citoyens étant absorbés par leur vie quotidienne de plus en plus difficile, et la stratification sociale liée à la poussée de l'individualisme et à la mort des anciennes organisations collectives produisent un phénomène d'asymétrie entre la majorité des désirs de la population et la réalisation politique de ces aspirations. Violence, frustration et dépressions naissent de cette asymétrie déjà ancienne, mais qui atteint aujourd'hui des niveaux jamais vus avec la crise. Le pire n'est pas certain, mais cette situation est effectivement inquiétante et il reste à espérer que le bon sens auquel aspirent Jacques Sapir et Emmanuel Todd adviendra, à savoir un retour à la raison des élites actuelles qui dirigent les partis classiques. Car dans ces conditions il n'est pas exclu du tout que le FN finisse par emporter l'adhésion, lui qui s'avère être la seule organisation alternative en place à avoir la taille suffisante pour se faire élire sous pavillon protectionniste. Auquel cas des problèmes majeurs pourraient advenir pour notre pays. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'eu égard à la réputation du FN, qu'elle soit méritée ou pas, ce dernier puisse, en toute tranquillité, imposer son programme protectionniste. Au contraire, il pourrait être le parti qui aurait le plus de bâtons dans les roues pour appliquer ce type de programme. Entre les divisions internes au pays et les pressions internationales, on imagine déjà la monter aux réactions extrêmes que cette situation pourrait engendrer. Le seul rôle positif du FN étant à mon sens la pression qu'il exerce sur les autres grands partis obligés de réagir à ses propositions.

 

Quoi qu'il en soit ce sondage sur l'opinion des Français vis-à-vis du protectionnisme aura peut-être un effet sur les partis principaux, même s'il est vrai qu'ils ne devaient pas totalement ignorer cette réalité. On doit espérer que les aspirations naturellement personnelles de nos politiques à l'égo démesuré suffiront à les pousser dans une direction protectionniste. La course au pouvoir pouvant justifier à elle seule de faire coïncider les discours d'avec les aspirations populaires. En ce sens, nous devons espérer que l'amour du pouvoir soit plus fort ici que la force des relations interpersonnelles et que pour une fois nos politiques se comportent à l'image des entrepreneurs politiques que décrit Jean Claude Werrebrouck. Un comportement qu'ils n'ont en fait guère eu jusqu'ici en matière de libre commerce, préférant la rupture avec le peuple à la rupture d'avec leur milieu social.

 

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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 21:20

 

logo-mpep1.pngVisiblement, le dernier texte critiquant la démondialisation, qui avait été posté sur le site de médiapart par une partie de dirigeants scientifiques d'ATTAC, et que j'avais moi-même critiqué ici, n'est pas passé inaperçu. Il semble avoir réveillé la fracture qui traverse aujourd'hui la gauche sur la question des solutions pratiques à mettre en œuvre face à la crise de l'euro et de la mondialisation néolibérale. Le texte en question a d'ailleurs provoqué la réponse virulente de deux de nos économistes préférés Frédéric Lordon et surtout Jacques Sapir qui, probablement à cause du titre de son dernier livre, s'est justement senti visé par le texte d'ATTAC. Il semble d'ailleurs que cette question ait fait débat pendant la réunion organisée par le M'PEP. Elle s'est déroulée ce Week-end. Celle-ci avait comme invités notamment Jacques Sapir, Frédéric Lordon, Emmanuel Todd ou encore Jacques Nikonoff le fondateur du M'PEP et ex-dirigeant d'ATTAC. Je vous invite à écouter les discussions qui ont eu lieu, c'est très instructif et la séance des questions dans la deuxième partie entame quelques sujets très corrosifs. De la position qu'il faut avoir vis-à-vis du FN à la question justement de la stratégie de sortie de l'Union européenne.

 

Partie 1: Chaque intervenant parle 10mn sur "Que faire de l'Union européenne?"

Partie 2: Séance de question-réponse

 

La droite, la gauche et le libéralisme

 

    Cette affaire montre toute la tension qui existe au sein de la gauche sur cette question européenne. Les gens de gauche étant tiraillés par leur envie de résoudre les problèmes sociaux du pays, leur envie de réduire la fameuse fracture sociale qui est aujourd'hui une fracture béante. Et leur besoin d'idéalisme,et d'internationalisme qui produit chez une grande partie d'entre eux une peur de la nation, de la frontière et  de la limite. Or il est clair que sans les nations et les frontières il est en pratique impossible de résoudre les problèmes actuels. Je ne dis pas bien évidemment qu'il n'existe des problèmes sur ces sujets qu'à gauche. La droite elle aussi est divisée entre sa partie libérale postnationale et sa partie plus traditionnelle et  attachée aux restes de colbertisme qui ont fait la France. Je crois cependant que la droite a moins de problèmes existentiels avec la notion de frontière ce qui me pousse à penser que le déblocage sur la question du protectionnisme viendra en premier de la droite plutôt que de la gauche. En effet, si le discours libéral s'est imposé à droite et notamment dans la partie de la population de la droite qui croit en la nation, c'est avant tout parce que le libéralisme économique se présentait comme efficace pour l'économie du pays. Le libéralisme triomphant des années 70-80 était un libéralisme nationaliste si je puis dire, qui disait en quelque sorte que les nations les plus ouvertes étaient celles qui allaient croitre le plus vite. Le libéralisme de l'époque n'était pas, ou ne se présentait pas uniquement comme un moyen d'écraser les pauvres ou d'accroitre les inégalités. Il y avait derrière lui l'idée d'un plus grand dynamisme. Ce n'est pas un hasard si le FN a été regeanomaniac même si ce parti semble avoir étrangement oublié cette période de sa pensée économique.

 

  Si le libéralisme économique a plu à la droite des affaires parce qu'il permettait d'accroitre les dividendes des actionnaires, il ne faut jamais oublier que même à droite les riches sont très minoritaires. Ceux qui vivent de leur rente ne peuvent pas vous faire gagner une élection présidentielle même en dominant tous les médias. Donc si le libéralisme a plu à l'époque à droite c'est aussi, voir même surtout, parce qu'il se présentait comme un moyen d'améliorer encore l'économie française. Il était vu comme une bonne chose pour la nation. Donc on peut dire que l'imposition du libéralisme à droite fut en quelque sorte le résultat d'une erreur. Les patriotes de droite se faisant en quelque sorte flouer par les promesses de la droite d'affaires et de son libéralisme triomphant. Avec comme apothéose l'élection de Nicolas Sarkozy élu comme quelqu'un qui allait redresser la France et son industrie et qui a finalement pour bilan la plus grande destruction d'emploi industriel que la France ait connu dans son histoire récente.  Le libéralisme a affaibli la nation et quand on aime son pays on rejette les politiques qui peuvent nuire à son intérêt. Le virage actuel du Front National peut-être aussi analysé dans ce sens d'ailleurs et pas uniquement dans le sens d'une pure stratégie électorale. Encore une fois, une grande partie des gens de droite ne sont pas libéraux par nature, leur rejet de l'immigration de masse par exemple en est une preuve assez flagrante. Un vrai libéral ne peut pas être opposé à la libre circulation des personnes puisqu'il ne croit pas à l'action collective, mais uniquement à l'addition de comportements et de choix individuels qui compose le marché. La confusion de la droite et du libéralisme est donc quelque chose d'historiquement circonstanciel. La droite n'aura aucun problème moral à rejeter une politique qui n'a en fait tenu aucune de ses promesses.

 

À gauche c'est plus compliqué. D'abord parce qu'il faut le rappeler le libéralisme économique vient de gauche. Il s'est construit contre la société traditionnelle et s'est même fait l'ennemie à ses débuts de la rente. Adam Smith critiquait les rentiers de son époque. Ensuite, il y a une forte confusion entre le libéralisme économique et le libéralisme politique qui conduit souvent à penser que l'on ne peut pas avoir l'un sans l'autre. La liberté individuelle s'est construite contre le conservatisme et la droite. Le libéralisme fait donc partie intégrante du logiciel intellectuel de la gauche. Il y a d'ailleurs une certaine contradiction entre le fait de mettre l'individu au dessous de tout sur les questions sociétales, les mœurs, et en même temps s'offusquer des mêmes libertés lorsqu'elles sont dans le champ économique. Il y a là une vraie contradiction entre la gauche qui rêve d'un ordre économique non individualiste, ou socialiste et la même gauche qui porte son attachement aux choix purement individuels sur le plan sociétale. On s'inquiète des choix individuels lorsqu'ils mettent en péril l'organisation économique, mais l'on se fiche des actions individuelles lorsqu'elles mettent en danger les structures familiales ou l'éducation des enfants. Au final si la gauche s'est fait dévorer par le libéralisme c'est peut-être aussi parce qu'il ne pouvait pas en être autrement. Le libéralisme des mœurs de gauche ne pouvant in fine que se traduire sur le plan économique que par un libéralisme débridé. Enfin, la gauche est naturellement portée à l'universalisme tout comme l'est le libéralisme. Si la gauche a facilement accepté le libéralisme, c'était avant tout pour ses promesses d'un monde sans frontière qu'il partage avec son cousin communiste. Vouloir rompre à gauche avec cette notion d'universalisme sera autrement plus difficile que d'imposer l'idée à droite que le libéralisme est économiquement néfaste pour la nation. D'ailleurs à gauche lorsque vous dites que le libre-échange est mauvais pour les salariés français on vous rétorque systématiquement que c'est quand même bon pour les Chinois. Un certain François Hollande peut être futur remplaçant de DSK répétant à satiété ce message. Comme si cela compensait le malheur des ouvriers français.  

 

Et l'Europe

 

  Ces problèmes se retrouvent sur la question de l'Europe qui ne fait que reprendre les problématiques que j'ai énoncé précédemment. Dire à gauche qu'il faut sortir de l'Europe pour protéger les salariés français s'oppose à l'idée universaliste que les gens de gauche dans leur majorité croient être une défense plus efficace à l'échelle du monde. Alors il s'agit probablement d'un universalisme mal compris en ce sens que défendre le salarié français par exemple en mettant des protections face à la Chine pourrait obliger cette dernière à augmenter ses salaires chez elle. Ce qui au final serait bon pour le travailleur chinois. Mais la majorité des gens de gauche ne le voit pas ainsi, du moins pas encore. Ce qui compte c'est le réflexe pavlovien qui dit que frontière, égal nationalisme, égal rejet de l'autre. Il sera bien difficile et bien long de faire changer ces idées reçues. Donc quand on dit on va sortir de l'euro ou de l'Europe, l'homme de gauche moyen entend, on va faire du nationalisme, on va exporter nos problèmes chez les autres, alors que c'est en fait l'inverse. À droite par contre on peut s'appuyer justement sur le réflexe nationaliste pour rejeter l'Europe dans l'intérêt de la nation, même si notre but n'est pas uniquement national. C'est paradoxal en fait, la population de droite est plus à même d'améliorer par ses réflexes pavloviens le sort des plus faibles que la gauche dont c'est pourtant la justification existentielle. 

 

 

 

 

 

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8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 20:45

  bourse-mouton

La France va mal, c'est un fait et  différentes études  montrent que les Français n'ont plus guère de doute sur l'avenir du pays en l'état actuel des choses. Tout va mal oui, mais les Français savent-ils au moins pourquoi? C'est la véritable question que l'on devrait se poser, car de la réponse à cette question dépend la réponse à  l'étrange énigme que représente la placidité actuelle de la population française. On s'énerve, on critique, on voit le déclin et le puits sans fond, mais étrangement on vote toujours pour les mêmes partis. Et les deux seules réactions de rébellion consistent à voter stérilement vers le FN ou à ne pas voter du tout. Pourtant nous savons qu'il existe des alternatives y compris au sein des grands partis politiques, mais force est de constater qu'ils ne pèsent pas grand-chose face à l'abstention ou aux partis classiques. Alors la question est de savoir pourquoi les gens ont un vote si conservateur alors que c'est justement ce conservatisme qui les a mis dans la situation actuelle. La réponse à cette question est multifactorielle. On pourrait parler du rôle des médias ces derniers ne jouant visiblement pas leur rôle vis-à-vis des citoyens. Mais les médias modernes permettent aujourd'hui de se renseigner sur d'autres visions économiques ou politiques que celles qui sont en vogue. L'image des médias de masse écrasant la pauvre victime citoyenne est en réalité aujourd'hui un peu surannée. C'était encore vrai il y a une dizaine d'années, ça l'est beaucoup moins aujourd'hui. L'explication vient donc probablement d'ailleurs même si les médias masses ont participé en leur temps à la dépolitisation de la vie sociale et y participe encore.

 

Je passerai à côté de l'idée d'un complot visant à l'abrutissement des masses, comme la plupart des théories du complot, elle ne tient pas la route à cause de la nécessité d'une politique rationnelle et constante visant à cet objectif. Il faudrait coordonner tant de monde que c'est humainement impossible. Et je ne crois pas non plus à la méchanceté gratuite d'une partie de nos élites qui voudraient tous nous transformer en zombis pour contrôler nos vies. Il y a probablement une incompétence fréquente, un suivisme social certain, mais une méchanceté de type machiavélique ce n'est pas si courant même chez nos dirigeants le plus mauvais pour notre collectivité. Cependant on ne peut pas négliger par contre les thèses qui pensent que   l'abrutissement serait le fruit du progrès technique lui même. Thèses qui s'articulent souvent avec l'idée d'une fabrique à crétin planifiée. La facilité nous rendrait ainsi plus idiots et moins alertes en quelques sortes. Pourquoi pas? À l'image des calculatrices scientifiques qui vous dispense même de faire vos calculs différentiels ou de mémoriser vos cours pour les élèves tricheurs . On pourrait aussi parler des jeux vidéos, des divertissements comme les BD, les films, les mangas, les Iphones et j'en passe, pour en conclure à une décadence intellectuelle de la jeunesse et de toute la population. Là on est sur le terrain classique des réactionnaires de Zemmour à Finkielkraut. Il y a peut-être du vrai là-dedans, mais aussi beaucoup d'idées préconçues. Ainsi les jeux vidéos sont par exemple un progrès par rapport à la télévision , en effet face à un jeu vidéo vous êtes actif, même si cette activité est rarement intellectuelle ou productive. Mais quand vous regardez la télé, vous ne faites strictement rien d'autre. Donc en un sens ce média est finalement meilleur que la télévision, surtout avec la télévision actuelle. Mais le vrai problème c'est que cette réflexion qualitative qu'aiment tant les réactionnaires rate probablement l'essentiel. En fait, ce n'est pas vraiment la qualité de ces médias qui rend nos concitoyens si somnolents, y compris pour des choses aussi essentielles pour eux que la politique. C'est la quantité qui est le problème, le dosage pour reprendre l'entête de mon blog. 

 

Du temps et des hommes

 

   Car notre crise est en réalité  une crise de l'usage du temps. C'est en tout cas l'hypothèse la plus vraisemblable que l'on puisse avoir sur cette question. La décadence apparente que nous connaissons et qui prend la forme d'une apathie politique, d'une apathie plus générale pour les choses de l'esprit, et même d'une   apathie  vis-à-vis de la vie familiale. Les hommes modernes y compris leurs enfants en bas âge sont littéralement épuisés. Car ils consacrent tout leur temps au travail et à la consommation de bien ou de service. Bernard Stiegler parle lui d'épuisement libidinal, l'énergie motrice des individus étant entièrement captée par le système économique du travail à la consommation. Il ne reste rien pour les activités qui n'ont pas de valeur marchande, mais qui sont pourtant nécessaires à la vie de la société. Cela va de la vie de famille à la vie culturelle en passant par les questions politiques ou scientifiques. Tout se passe comme si la sphère marchande en aspirant toutes les forces humaines finissait par détruire le corps qui lui permet pourtant de fonctionner. Car tout ce qui n'a pas de valorisation marchande disparaît même si pourtant l'existence de ces activités était essentielle, ce qui est le cas de la politique en l'occurrence ou de l'éducation parentale. Les activités humaines se résument de plus en plus à l'échange marchand et la société dépérit peu à peu.  



Cependant à titre personnel plutôt que de parler d'énergie libidinale terme provenant du bréviaire freudien, je préfère parler d'un mauvais usage du temps. En pratique cela revient en fait à la même chose que les thèses de Stiegler, mais étant un affreux matérialiste cartésien je préfère m'appuyer sur une notion de physique plutôt que sur une notion de psychologie. Disons que ce mauvais usage de notre temps est le fruit d'une captation excessive par la sphère marchande de cette énergie libidinale. Les élèves passent par exemple trop de temps à se distraire et pas assez à étudier. Les parents passent trop de temps à travailler ou à avoir des activités récréatives pas assez pour éduquer leurs enfants ou simplement leur parler. Et bien évidemment il y a encore moins de temps à consacrer à la chose publique, pourtant notre démocratie est fondée et n'a de sens que si les citoyens s'en emparent. S'ils ne parlent pas politique s'ils ne creusent pas les sujets importants qui les touchent du libre-échange à la question des retraites, de l'énergie, ou d'autre chose alors le système politique s'étiole et s'appuie sur un nombre toujours décroissant d'individus. La plus grande marque de ce déclin étant le nombre ridicule de militants politiques à l'heure actuelle, même chez les partis les plus gros comme l'UMP ou le PS. Autrefois il y avait des millions de membres dans les partis. Combien sont-ils aujourd'hui? Deux cents milles en comptant large pour le plus gros groupe. On m'objectera ici que c'est la faute à la représentation politique, à leurs propositions qui sont éloignées des préoccupations de citoyens. Mais c'est faux, il y a des petits partis politiques qui représentent tout le spectre possible de l'échiquier politique, des protectionnistes aux européistes forcenés. Ce n'est pas l'appauvrissement de l'offre politique qui a réduit la démocratie, c'est malheureusement l'éloignement des citoyens de la chose publique qui a fini par laisser cette chose essentielle des affaires humaines à quelques opportunistes.

 

Il faut d'abord comprendre la crise pour faire des conclusions politiques

 

 Le peu de temps que les citoyens consacrent à la politique ne leur permet pas de bien mesurer tous les tenants et les aboutissants de la crise actuelle. C'est d'autant plus vrai que les médias s'amusent à tout mélanger avec leur habitude de zapper d'une information à l'autre sans prendre le temps d'analyser. Et malheureusement l'utilisation majoritaire des nouveaux médias se fait de la même manière. Il faut aller le plus vite possible sans prendre le temps, parce qu'on a autre chose à faire et jamais le temps de bien faire. Le résultat c'est que les débats s'expédient rapidement et que le partage se fait à coup d'idées reçues puisque pour communiquer vite, il faut expliquer peu. Alors tout ceci peut sembler désespérant et çà l'est en quelque sorte. Cependant avec la crise il y a peut-être une chance de voir un réveil se produire, de toute façon les Français n'auront guère le choix. Ils auront d'ailleurs beaucoup de temps et bien peu de moyens pour l'occuper une fois la crise bien avancée. Si nous voulons que nos concitoyens renversent le système, il faut d'abord faire comprendre le sens de la crise à nos concitoyens. Ensuite seulement, ils voteront, ou mieux ils s'engageront, pour des partis ou des orientations de partis politiques allant dans le bon sens.



À l'heure actuelle et contrairement à ce qu'affirme souvent Emmanuel Todd, quelquefois aveuglé par son optimisme, je ne suis pas sûr que le protectionnisme soit déjà accepté par la majorité de la population. Il en va de même pour la question de l'euro, malgré la crise actuelle et le massacre des Grecques on trouvera encore une majorité importante de nos concitoyens pour défendre la monnaie unique. Parce que ce serait pire sans elles croient-ils ? Il y a une bonne part des idées disséminées effectivement par les médias dominants qui tiennent lieu de croyance impossible à contredire, du moins dans le temps imparti par nos concitoyens suractifs. Ainsi l'annonce du record de déficit commercial ce mois-ci pour la France a-t-elle produit sur le site du figaro un festival d'idées reçues en guise de commentaires. Des idées reçues pourtant faciles à infirmer comme je l'ai fait régulièrement sur le blog. Tout y passe du « regardez l'Allemagne, elle a des excédents parce que les Allemands travaillent plus », au mythe sur l'investissement dans la recherche qui expliquerait ce succès germanique. Il y a aussi des gens pour parler de l'euro, mais pas forcément de façon correcte. Alors c'est le figaro évidemment, mais cela prouve la confusion d'une grande partie de nos concitoyens. Or tant qu'il y aura de la confusion, ce n'est pas la peine d'essayer de faire un vaste mouvement politique ou une révolution, car pour cela il faut des objectifs clairs et rassembleurs. Le prélude à un changement radical est donc essentiellement dans l'information des foules. Mais celle-ci ne pourra se produire que lorsque nos concitoyens prendront enfin du temps pour cela. On ne choisit pas un parti politique ou un candidat en lisant uniquement l'affiche électorale, ou les slogans un jour avant l'élection. Si la démocratie est malade, ce n'est pas uniquement à cause des hommes politiques français. Car ils ne sont finalement que le symptôme d'un plus large relâchement civique.

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 22:30

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Dans un papier du Nouvelobs j'apprends qu'une tribune sur Médiapart a  lancé l'idée d'un retour de Lionel Jospin, notre ancien premier ministre ayant fini sa carrière sur un "bon bilan" et un effondrement électorale qui a permis au FN en 2002 d'aller au second tour de l'élection présidentielle. Il faut vraiment qu'une partie des socialistes soit complètement désespérée pour croire que, monsieur, "bon bilan" puisse sauver le PS de la débandade actuelle. Car la débandade en question n'est pas entièrement due à la disparition de DSK l'homme providentiel qui devait gagner la prochaine élection et permettre au libéralisme rose de réformer cette vieille France rancie. Le coeur du problème c'est l'impossibilité pratique qu'il y a à réconcilier des intérêts divergents des différentes composantes qui font le parti socialiste. Comment en effet réconcilier ceux qui veulent encore réduire les inégalités et lutter contre le chômage, y compris en utilisant le protectionnisme ou la dévaluation ? Et en même temps protéger les intérêts d'une classe sociale des centres-ville aisés qui lit le NouvelObs et qui constitue une vaste partie des 20% de la population pour qui la mondialisation c'est formidable. C'est cette schizophrénie, qui conduit le PS à faire soit des programmes sans queue ni tête pour contenter tous les électorats sans trop les brusquer, soit à se diviser au cours de luttes intestines qui le condamne à l'échec électoral. Sans parler de la capacité phénoménale des gens de gauche à se crisper sur quelques divergences idéologiques même extrêmement mineures. Comme je l'avais dit dans un autre texte la gauche a supprimé les frontières nationales, mais les a remplacés par des frontières idéologiques beaucoup plus insurmontables

 

Retour sur les années fastes du socialisme 1997-2002

 

Le bilan de Lionel Jospin s'est d'ailleurs construit sur un mensonge ou plutôt sur une transformation de la réalité par nos dirigeants. La croissance de cette période ou la baisse du chômage momentanée qu'a connu le pays ne fut pas le fruit des 35heures, ou des diverses réformes gouvernementales d'alors. Mais le résultat du passage d'une politique monétaire à une autre. En réalité, la relance de la croissance d'alors est une véritable démonstration de la puissance de la monnaie sur la dynamique économique d'un pays, mais nos dirigeants de l'époque se sont bien gardés d'expliquer pourquoi la croissance française est passée à plus de 3% par an et à vue la création de plus d'un million d'emplois sur une si courte période.

 

 Franccontre dollar

Source

 

Il fallait conserver la légende de la croissance fruit des politiques menées par le gouvernement de l'époque. En réalité il s'agit plus d'un storytelling, comme disent les Américains, que d'une explication valable. Il y avait en fait deux causes prépondérantes à la reprise de l'époque, la première était l'effet de la bulle internet américaine, l'ère Clinton étant une période de croissance relativement forte même si celle-ci était en grande partie liée à la surconsommation locale. Le déficit commercial US étant déjà important à l'époque sans atteindre les niveaux actuels. Le premier pilier de la demande mondiale tournait à plein régime attirant une grosse quantité de capitaux du reste de la planète. Le deuxième facteur prépondérant est l'abandon momentané du franc fort qui prévalait depuis le début des années 90, et comme on peut le voir sur le graphique précédent. À partir de 1996 le franc commence à se dévaluer face au dollar. Entre 96 et 97, il passe de 5 francs pour un dollar à  plus de 6 francs soit une dévaluation de près de 20%. En 1999, l'euro apparait avec un taux de change à 1.2€ pour un dollar, ou encore 0.83$ pour 1 €, ce qui traduit en franc nous donne 5.46 francs pour un dollar. Comme vous pouvez le voir, ce taux de 1999 est déjà très élevé pour notre monnaie si l'on se fit à l'évolution depuis 1980. On avait même atteint un taux de 9 francs pour un dollar en 1985 soit en euro un pauvre  0.73€ pour un dollar suivant le taux de conversion du franc en euro, c'était très loin des taux actuels.

 

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 Evolution du taux de change de l'euro en dollars depuis 1999

 

  Aujourd'hui avec un euro égal à 1.5€ cela nous fait un  joli 4.37 francs pour un dollar soit le taux le plus haut que la France ait connu depuis 1980. Quoi qu'il en soit la période 1997-2002 est une période de dévaluation monétaire, l'euro va d'ailleurs rapidement perdre de sa valeur puisqu’entre 1999 et 2001 il passe de 1.2 $ pour un euro à 0.9$ pour un euro ce qui nous fait un taux de  7.28 francs pour un dollar. Ce passage monétaire permet à la France de profiter au maximum de la bulle US et de sa croissance, les USA étant le seul pays du monde développé à faire régulièrement des politiques de relance depuis les années 70 à l'exception de l'épisode français 81-83. On voit directement la corrélation entre la croissance française, l'excédent extérieur, et la bulle internet US sur les graphiques ci-dessous:

 

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C'est donc la collusion de la croissance US et de la dévaluation momentanée qui ont accéléré la croissance française à une période ou la concurrence des pays asiatiques n'était pas encore à son niveau actuel. Ce fut en quelque sorte le dernier moment de croissance avant l'arrêt complet puisque nous faisons du surplace depuis avec en plus cette récession exportée par la dépression américaine liée à ses contradictions internes dont nous avons déjà parlé longuement. Il n'y a pas eu de miracle des 35heures ni même par la suite de catastrophe des 35heures. Ces dernières n'ont probablement eu aucun effet réel sur l'économie française, mais les politiques aiment bien donner des causes sur lesquelles ils peuvent agir plutôt que de parler des causes sur lesquelles ils ne veulent pas agir. En l'occurrence, les 35heures sont de la même manière utilisées par la droite et la gauche, pour masquer le fait que la monnaie,  les politiques macroéconomiques et l'évolution du commerce expliquent bien mieux ces changements de taux de croissance. Cela nous a évité de parler du projet de l'euro en l'occurrence. Il reste cependant une question. Pourquoi l'euro s'est-il dévalué de 1999 à 2001? La réponse à cela est simple. L'Allemagne n'avait pas encore absorbé ses difficultés avec l'ex-RDA et ce pays connaissait des déficits commerciaux. C'est ce hasard historique qui  a rendu possible l'unification monétaire. Ces déficits entrainant le Mark à la baisse les autres monnaies européennes, qui était déjà collé à lui pour permettre l'unification monétaire, baissaient avec lui. C’est ce qui explique la baisse du franc à partir de 1996. Et la croissance US a fait le reste. La forte croissance des USA permettant des taux de croissance forts en Europe provoquée par des excédents importants en France et en Italie. Dans ce court laps de temps historique, nos économies ont convergé et l'euro a pu se faire pour notre plus grand malheur, nous le savons aujourd'hui.

 

Et aujourd'hui alors?

 

Comme nous l'avons vu le taux de change de l'euro est aujourd'hui très fort pour la France, mais à cela s'ajoute la morosité du moteur de la demande mondiale les USA. La reprise étant déjà fini il faut s'attendre à une dégradation de la demande extérieure alors que nous avons déjà d'importants déficits commerciaux. Ce qu'il faut bien comprendre en revanche c'est que la monnaie seule n'explique pas totalement les variations de la croissance. La période de 97-2001 nous montre, par exemple, qu'on ne pas expliquer uniquement par la dévaluation cette reprise. Et il n'est pas sûr qu'une dévaluation simple puisse aujourd'hui relancer la croissance française comme à l'époque. Notre pays n'est plus en retard par rapport à la locomotive américaine, il en va de même pour les autres pays d'Europe. Nous ne pouvons plus attendre de la relance de nos exportations qu'elle fasse croitre suffisamment nos économies pour employer tous nos jeunes. Et malgré ses énormes excédents, l'Allemagne n'a pas une croissance si énorme que cela cette année. Les dévaluations ne doivent donc plus être envisagées uniquement comme un moyen de tirer sa croissance par ses exportations. Elles doivent surtout être considérées comme un moyen d'éviter que la demande intérieure ne parte à l'étranger. La France a besoin d'une relance de sa demande intérieurs couplée à une dévaluation et à des mesures protectionnistes. Pour ce qui est de la période Jospin, elle montre combien la monnaie est un outil important dans la gestion de la croissance économique du pays. Elle nous montre combien également nos dirigeants peinent à comprendre ces idées relativement simples. La gauche ayant préféré expliquer sa réussite de l'époque par ses propres politiques, elle est passée à côté de l'essentiel. Et elle ne comprend toujours pas la situation actuelle en partie à cause de ses conclusions erronées de l'époque. C'est ainsi que des discours de bonne gestion ont pris place à la réflexion sur la monnaie, le libre-échange ou les politiques de relance. Faire un bilan de cette période et montrer ce qui s'est réellement passé pourra, peut-être je l'espère, débloquer certains esprits sur ces questions.

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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 16:31

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  Cette date anniversaire est importante dans le sens où les faits démontrent jours après jour les effets néfastes de la construction européenne telle qu'elle s'est faite. Il devient toujours plus difficile au système de cacher les vices de fonctionnement de l'euro ou les incohérences pratiques que produit cette structure bureaucratique. En mai 2005 j'avais voté non au TCE comme la majorité de mes concitoyens, cependant à l'époque j'étais déjà  sceptique quant à la possibilité qu'il y avait à pouvoir sauver la monnaie unique et la construction européenne. J'étais d'ailleurs déjà septique quant à la possibilité de faire du protectionnisme européen. À l'époque je participai souvent au forum de Marianne sur l'ancien site de ce célèbre hebdo. Que de noms d'oiseaux ai-je reçu avec mes idées de protection nationale de dévaluation ou de contrôle des capitaux. Même sur ce forum qui attirer des gens plus à même d'avoir des idées hétérodoxes il était bien difficile de défendre alors de telles idées sans se voir caricaturer. "Quoi vous voulez le modèle albanais ou nord-coréen? " Rares étaient ceux à lire réellement les propositions ou à penser que l'UE était une construction impossible à sauver. Six ans plus tard, et une crise économique d'une ampleur jamais vue, les choses ont changé. Il n'est plus difficile aujourd'hui de critiquer l'euro. En tous cas, ces idées sont bien moins rejetées qu'il y a deux ou trois ans. Chez les alternatifs beaucoup ont évolué et sont passées d'une critique de la construction européenne visant sa simple réforme, à une volonté de sortie pure et simple de l'euro et de la construction européenne. Je pense ici à un collègue blogueur comme Malakine par exemple. Les positions ont changé et l'impensable est devenu la seule alternative crédible à la crise actuelle. 

 

Le débat manqué

 

 J'ai tout de même quelques regrets quant à l'évolution du débat sur l'Europe depuis 2005. Car ce vote me semble avoir été largement gâché par les hommes politiques, mais aussi par les citoyens. Je crois que le vote de 2005 était le dernier moment pour une vraie réforme de la construction européenne. Mais les européistes ont verrouillé le débat et l'ont interdit en violant  au passage le vote français  par une félonie dont le peuple se souviendra encore longtemps, ainsi que les historiens du futur qui jugeront je crois sévèrement cette dérive oligarchique de notre régime politique. Il était pourtant encore temps de sauver l'Europe à l'époque, si seulement les dogmatiques de l'euro l'avaient été un peu moins. Si seulement ils avaient accepté de prendre en compte les incohérences de la construction européenne. Mais les extrémistes sont ainsi, ils ne reculent devant rien pour imposer leur dogme jusqu'à ce que cela les conduise à la catastrophe, nous y sommes.

 

  Mais il n'y a pas que chez les européistes qu'il y a eu des occasions manquées. Que dire du comportement des nonistes de gauche nombreux et puissants qui ont littéralement disparu après  le vote. Jean Luc Mélenchon ou encore Laurent Fabius n'ont pas profité de leur victoire pour agir. Que se serait-il passé si au lieu d'écouter leurs intérêts à court terme ils avaient fait sécession avec le PS libéral? Où en serait aujourd'hui un tel groupe s'il avait existé avec Sarkozy au pouvoir et la crise de l'euro en gestation avancée? La réponse est simple, le phénomène Marine Le Pen n'existerait pas et ils seraient en train de se préparer à monter à la tête de l'état aux prochaines élections. À l'aune de l'histoire récente, on imagine ce gaspillage qu'a été la volonté de rester au PS des nonistes de gauche. On voit bien ici le prix à payer pour la pseudo-unité de la gauche dont on sait comme elle a fini en 2007. Trahir ses idées au nom du réalisme n'est pas si intelligent que ce que l'on peut croire à long terme, en fait ce n'est guère payant. Alors Mélenchon est effectivement parti, mais c'était déjà trop tard. II aurait fallu agir avant, tant que l'évènement était frais dans la tête de nos compatriotes. Les nonistes de gauche auraient certainement perdu en 2007, et toute  la gauche avec, mais ils auraient créé une dynamique qui aurait tout écrasé pour 2012. Aujourd'hui, cette gauche protectionniste et euroseptique se fait manger par Marine Le Pen, vers qui les plus faible se tournent malheureusement. On a même failli avoir DSK comme candidat à la  prochaine présidentielle, un homme encore plus libéral que Sarkozy.

 

 Ces six années ont été gâchées, rien n’a été fait pour inverser la tendance de la construction européenne, ses contradictions se sont même largement aggravées. Nos élites s'enferment de plus en plus dans leur tour essayant d'empêcher toute forme de contradiction de les atteindre malgré les évidences et la réalité qui les entoure. Alors ils peuvent maudire ce vote sur le TCE et détester ceux qui ont rejeté leur constitution. En réalité, ce rejet était la dernière occasion qu'ils avaient pour pouvoir sauver leur construction, aujourd'hui il est trop tard. Le feu se répand, la Grèce va probablement quitter l'euro et d'autres la suivront ensuite. Chaque nation reprendra son destin en main et le rêve européen ne sera plus dans quelques années qu'un cauchemar dont personne ne souhaitera plus se souvenir.

 

  En souvenir de cette époque, voici deux textes que j'avais écrits sur le forum de Marianne. Il date de 2005 pendant la période d'avant le vote,mais vous retrouverez facilement les thématiques actuelles, elles n'ont pas changé,  sauf qu'aujourd'hui elles sont prises enfin au sérieux. Le premier texte concernait la monnaie unique et l'impossibilité qu'il y a pour la faire fonctionner. Le deuxième texte est une réponse à Emmanuel Todd et à un article qu'il avait publié en mai 2005 sur Politis. Un article qui m'avait particulièrement énervé puisque j'avais appris à ce moment-là que Todd était pour le "Oui". J'avoue n'avoir toujours pas compris son point de vue d'ailleurs. Je n'ai plus le texte original de Todd, par contre on doit surement pouvoir le trouver quelque part sur le net.

 


L’Euro est-il viable ? (Avril 2005)

 

Voilà une question qui fâche au moment ou l’on va voter pour une constitution européenne . L’Euro est une mauvaise réponse donnée à une question mal posée. Les élites de notre continent qui ont construit ce machin n’en ont pas vraiment compris toutes les conséquences à long terme. Dans la théorie économique, la valeur de la monnaie d’un pays sur le marché des changes internationaux est fondamentalement corrélée aux échanges de ce même pays. Quand ce dernier connaît un excédent commercial c'est-à-dire qu’il exporte plus qu’il n’importe, sa monnaie devient rare en quantité sur le marché mondial (d’ailleurs cette théorie s’appelle à juste titre la théorie quantitative). Comme ce qui est rare est cher, la valeur de cette monnaie va grimper par rapport aux autres (celles des pays qui sont en déficits) parce qu’elle est plus demandée pour l’achat des marchandises de ce pays. Mais du coup le prix des marchandises exportées par cette nation vont augmenter et en même temps le prix des marchandises importées vont baisser. En théorie (et uniquement en théorie) la balance commerciale de ce pays va naturellement s’équilibrer, la valeur de sa monnaie devrait être stable sur un marché mondial en équilibre avec de petites variations ici ou là, le marché des changes est théoriquement toujours en équilibre.

 

Même si ce raisonnement est juste, force est de constater que la réévaluation monétaire ne parvient pas à équilibrer les balances commerciales, d’ailleurs de combien faut-il dévaluer le dollar pour équilibrer la balance commerciale de ce pays avec la Chine sachant que le différentiel salarial est d’au moins un pour vingt. La valeur d’une monnaie peut certainement jouer sur de petit différentiel commercial, mais pas lorsque les écarts sont trop grands. Mais utilisons cette théorie qui est l’un des fondements de la théorie économique classique pour l’appliquer à notre zone monétaire. Cette zone connaît des disparités commerciales énormes qui rendent impossible l’apparition d’un intérêt général pour toutes les nations qui y sont engagées. Certains pays ont d’énormes excédents, l’Allemagne à elle toute seule représente les trois quarts de l’excédent de la zones euro, alors que l’Espagne connaît un déficit en pleine explosion, sans parler de la France. Mais si l’euro varie en fonction des monnaies des pays extraeuro et donc régule le commerce avec les autres zones monétaires, il ne régule pas le commerce interne! L’Allemagne est excédentaire vis-à-vis de tous les pays de la zone euro, mais il n’y a aucun mécanisme qui permette de rééquilibrer cette situation.

 

Les Européens souhaitaient une zone de stabilité monétaire, ils voulaient revenir à l’époque de Bretton Woods et du Dollar garantis or qui a permis trente ans de stabilité monétaire, mais ils ont oubliés ce qui va avec la stabilité de la monnaie : le protectionnisme ! Pendant tout le 19e siècle l’or était par excellence la monnaie du commerce international les pays qui avaient un déficit pratiquaient le protectionnisme pour équilibrer leurs commerces et conserver leurs réservent d’or c’est ce qui a donné l’illusion d’un commerce autorégulé (voir Paul Bairoch « Mythes et paradoxe de l’histoire économique »), seule la Grande-Bretagne à l’époque pratiquait le libre-échange parce qu’elle avait acquis une avance industrielle considérable qui lui garantissait un excédent commercial vis-à-vis de ses partenaires. La stabilité de l’or permit une faible quantité de crises économiques non pas parce que sa valeur était stable, mais parce qu’aucun pays ne pouvait se permettre de déséquilibre constant pour la raison évoquée précédemment. Contrairement à la situation actuelle où l’étalon monétaire international qu’est le dollar permet de façon burlesque à la nation américaine de payer ses importations avec du papier. L’Amérique ressemble curieusement à l’Espagne des conquistadores qui payait ses importations avec de l’or provenant de ses pillages en Amérique du Sud sans se soucier de sa propre industrie, et avec comme différence de taille que les mines de l’Amérique ne sont limitées que par la quantité d’encre disponible pour imprimer les billets de banque. Quand il n’y a pas de moyen de dévaluer sa monnaie, il faut bien équilibrer la balance commerciale d’une manière ou d’une autre, sans quoi le pays déficitaire est condamné à voir son chômage augmenter et son économie s’effondrer. L’euro joue aujourd’hui le même rôle que l’or à cette époque, mais uniquement dans le cadre de la zone euro, chaque état membre se doit de faire attention à ses réserves d’euro sans quoi il risque une pénurie qui profite aux détenteurs de capitaux. Car l’argent devenu rare peut être thésaurisé afin de produire de la valeur, la rareté des capitaux conduit à la stagnation de l’économie et à la montée du chômage.

 

Or l’Europe a tout simplement oublié ce détail central, elle interdit toute possibilité de mettre en place des droits de douane c’est totalement incohérent(voir l’article III-36 de la constitution qui interdit les droits de douane). À cela vient s’ajouter un autre problème, vu la place de l’économie allemande dans le commerce extérieur de la zone euro la valeur de cette monnaie reflète la puissance des exportations allemandes et non les déficits espagnols et français, même si l’Espagne et la France sont en déficit la zone euro est globalement excédentaire +150Md€ l’année passée et donc l’euro s’apprécie sur le marché international. De ce fait, les marchandises du reste du monde sont de moins en moins chères pour le consommateur français ou espagnol ce qui aggrave encore leurs déficits en détruisant les dernières industries rescapées du libéral socialisme(la Chine vient de devenir notre premier déficit bilatéral avec 5Md€ au premier semestre 2004 devant l’Allemagne un déficit qui s’accroît de plus en plus vite). Ces pays se retrouvent doublement punis même si les fonds européens permettent pour l’instant à l’Espagne de faire illusion.

 

En conclusion, on pourrait dire que seul le retour d’un protectionnisme coopératif dont le seul but est l’équilibre des échanges internes à la zone euro pourrait permettre non seulement la survie, mais aussi l’utilisation du plein potentiel de la zone euro. Nous devons protéger notre commerce des exportations agressives de pays comme la Chine ou le Japon par une barrière commune (comme dans le traité de Rome 1957, préférence communautaire), mais aussi comprendre que l’équilibre interne de la zone euro doit être atteint par des moyens protectionnistes modérés si l’on veut éviter l’éclatement inéluctable où nous conduirait la germanisation de l’industrie du continent. Il est évident que si la zone euro s’employait à user de cette stratégie couplée avec une politique de relance de la demande intérieure commune(politique industrielle, hausse des salaires, baisse d’impôt pour les bas revenus, politique de grands travaux..) l’Europe connaîtrait rapidement le plein emploi voire même la pénurie étant donné le déclin démographique du continent. Le vote pour la constitution devrait être un débat sur ce dont je viens de parler, mais on préfère perdre du temps à voter un texte qui pour moi est sans intérêt et n’apporte rien de plus que le conservatisme et le laissez-faire transcrit en texte pour l’éternité. Mais même si la constitution est rejetée les problèmes demeureront, tant que l’on ne parlera pas commerce, monnaie et relance, il n’y aura pas de solution pour le chômage et la croissance de notre continent, c’est sur ce débat là qu’il faut entraîner les politiques. On peut du moins espérer que l’éventuel « non » agisse comme un réveille-matin, mais je n’ai pas trop d’espoir. Si l’Europe ne fait rien l’UE disparaîtra et la France reprendra son indépendance monétaire ce qui ne serait pas forcement une catastrophe tout dépendrait des dirigeants présents lors de cet événement. Pour terminer et montrer l’importance de la politique monétaire, pendant la période 98/2000 l’euro s’est déprécié de plus de trente pour-cent face au dollar et aux monnaies asiatiques qui y sont amarrées, on est alors passé en France de la politique du franc fort à celle de l’euro faible ce qui a permis la reprise économique. La politique du gouvernement d’alors aussi nulle que celle du gouvernement actuel a pourtant donné l’illusion de l’efficacité grâce à la forte baisse du chômage et à la reprise de la croissance, mais je ne vois pas de différence entre Lionel Jospin et Raffarin c’est dans les deux cas une politique libérale (le marketing n’est pas le même, mais le produit est identique). Seul la différence des valeurs monétaires explique la divergence des résultats et notamment le fait que l’Allemagne d’alors essayait péniblement d’absorber l’ex RDA. Globalement la RFA + la RDA avait un déficit commercial qui explique la faiblesse de l’euro à l’époque. Mais c’est du passé, l’Allemagne connaît un excédent commercial de plus en plus gros qui va faire grimper l’euro à des sommets inimaginables détruisant totalement notre tissu industriel ou ce qu’il en reste après 20ans de franc fort, on pourrait même dire que nous entrons dans le franc fort éternel.

 


 

 

 

 

Emmanuel Todd vote « oui » à la constitution européenne ! (Mai 2005)

 

 

Pour celles et ceux qui connaissent ce brillant auteur, la surprise doit être de taille, car cette position est aussi incompréhensible à première vue que celle de monsieur Jean François Kahn. La position d’Emmanuel Todd est expliquée succinctement par un interview paru dans l’hebdomadaire Politis n850 de la semaine du 5 au 11 mai 2005. Pour ceux qui n’ont pas la chance de le connaître, il faut savoir qu’il s’est longtemps engagé contre le libre-échange et le projet de Maastricht, il reste d’ailleurs nettement contre le libre-échange, je vous invite à lire ses deux derniers ouvrages « Après l’empire » et « L’illusion économique ». Dans cette interview il expose deux arguments qui à mon sens relèvent plus du coup de poker que de l’analyse rationnelle et intelligente auquel il m’avait habitué :

 

  1. Le traité constitutionnel serait un traité qui ne sert pas à grand-chose, il ne fait que réajuster un petit peu l’organisation de l’Europe sans en changer le fond, vous remarquerez qu’il s’agit d’un argument proche de celui de JFK (ce n’est peut-être pas un hasard E.T. étant proche de la rédaction de Marianne, son nom apparaît d’ailleurs dans les noms de la rédaction rubrique idées).

 

  1. L’ultralibéralisme serait en train d’être battu, il va mourir de sa belle mort. Il cite l’exemple de la Grande-Bretagne qui commence à réinvestir dans ses services publics. Pour lui la partie 3 qui est celle qui institutionnalise le libéralisme était présente lors des traités précédents (ce qui est vrai) et n’a était incluse dans la constitution que pour rassurer les nouveaux membres de l’UE, notamment la partie concernant l’OTAN. Il s’agissait donc de les rassurer, mais pour E.T. la position des pays de l’Est n’est que temporaire, ils sont juste en retard dans leurs visions du monde (c’est pour cela qu’ils sont pros américains et ultralibéraux). Pour lui il faut faire preuve de pragmatisme économique en votant « oui », et il faut voir les pays de l’est comme des alliés et non comme des ennemis dans le champ de bataille de la mondialisation.

 

  1. Il ne croit pas à l’irréversibilité du texte. Il donne en exemple le fait que les politiques sont en train de mettre à la poubelle le pacte de stabilité qui devait soi-disant durer pour l’éternité dans le traité de Maastricht (il va à mon avis un peu vite en besogne, car cet élément est remis dans la constitution). Le protectionnisme continental apparaîtra comme la seule solution à moyen terme pour l’Europe face à l’implosion de l’économie américaine et à la menace chinoise. Il faut dès lors préparer l’UE en concevant un minimum de règles communautaires permettant ce nouveau protectionnisme, notamment la prise décisionnelle grâce à la majorité qualifiée.

 

  1. L’Europe doit faire contre poids face à l’empire américain, après l’effondrement du dollar c’est l’Europe qui deviendra le centre économique de la planète. Elle est plus démocratique que les États-Unis et il ne faut pas confondre les deux espaces géopolitiques (il s’adresse là au lectorat de Politis qui est plutôt d’extrême gauche, ce qui n’est pas mon cas), l’Europe serait plus soft que l’Amérique dans son approche diplomatique. Un rejet de la constitution serait comme un feu vert donné à l’administration américaine lui disant OK on laisse tomber l’UE et on vous donne les clefs de la planète.

 

Je vais répondre point par point à ces arguments et j’espère que vous serez nombreux à réagir à ces propos qui contrairement aux arguments habituels des Oui-ouistes sont défendables et non idéologiques, donc dangereux pour les partisans du NON.

 

  1. Premier point, je suis d’accord avec lui, ce traité ne sert en fait pas à grand-chose, philosophiquement il est proche du traité de Maastricht et continu dans la même direction et c’est en 1992 que les électeurs auraient dû dire NON. Cela aurait évité la poursuite du franc fort et le chômage de masse qui en a résulté. Mais ce vote est l’occasion pour le peuple de dire ce qu’il pense des technocrates bruxellois, d’ailleurs si ce texte est sans importance réelle, pourquoi s'inquiéter d’un éventuel rejet ? Certes, le texte modifie quelque peu le mode de fonctionnement de l’UE, quoique pas tellement si l’on regarde celui de Nice. Mais c’est là a mon avis le changement le plus fort chez E.T., il considère dorénavant la construction européenne comme inéluctable, il est rentré dans la pensée unique qu’il a si longtemps fustigée, adieux la France, on est bien loin de « L’illusion économique ».

 

  1. L’ultralibéralisme ne recule pas, il est au contraire de plus en plus puissant, malgré des faillites à la chaîne causée par ses idées lorsqu’il travaillait au FMI monsieur Camdessus continu d’être considéré comme un homme que l’on écoute. Monsieur Minc a maintenant une émission pour lui tout seul sur Direct 8, on va bientôt libéraliser les services (Bolkestein) même si pour l’instant la réforme est mise au placard, grâce à l’hypothèse du NON au demeurant. Si à l’échelle internationale le libéralisme recule (en Asie où il est inexistant, en Amérique du Sud il est moribond, et aux USA on ne parle plus que de protectionnisme) ce n’est pas le cas en Europe, et il ne reculera pas par l’opération du Saint-Esprit, il faut que les citoyens se battent pour le faire tomber. Quant à la Grande-Bretagne même si Tony Blair a effectivement augmenté les dépenses de l’état, c’est oublier que le pseudo-plein emploi obtenu dans ce pays a pour corollaire un fort endettement à l’américaine vis-à-vis de l’extérieur avec un déficit commercial de 40Md€ cette année. La croissance britannique est fondée sur l’endettement des ménages presque trois plus fort qu’en France. On ne peut pas dire que les Anglais soient devenus antilibéraux, là c’est prendre ses rêves pour des réalités, au contraire le libéralisme est en train de prendre racine et d’être complètement intériorisé dans la tête des Britanniques comme des autres européens. Le protectionnisme reste un sujet tabou pour les biens pensants malgré les efforts de quelques auteurs comme E.T. justement ou Jean Luc Gréau « l’avenir du capitalisme ». Et d’ailleurs ce n’est pas parce qu’une politique est souhaitable pour redresser une situation que la société prendra la décision de l’appliquer. Il y a plein d’exemples historiques de sociétés s’enfonçant dans un déclin permanent alors qu’elles auraient objectivement pu s’en sortir ( c’est mon coté pessimiste qui ressort, E.T. lui est un homme vigoureusement optimiste, de là peut-être vient la différence de vision. Mais à mon sens mieux vaut prévoir le pire des cas pour éviter les mauvaises surprises).

 

  1. Le texte n’est révisable que si tous les membres soit les 25 états membres le veulent ! Le seul moyen pour la France de changer la politique commerciale une fois la constitution adoptée sera de sortir de l’UE. Car je ne vois pas comment changer ce texte sachant que les états membres n’arrivent pratiquement jamais à se mettre d'accord, et sachant à quel point le libéralisme est incrusté dans la tête de nos voisins. Il n’y a qu’en France ou l’on voit encore des gens critiquer le libre-échange, ailleurs c’est le règne de la résignation (les autres européens nous considèrent d’ailleurs comme des fossiles dépassés). Le libre-échange en Europe résistera à la crise économique longtemps même si à force il finira peut-être par céder face à la réalité. Mais supposons un instant que le libre-échange soit terminé avec l’extérieure de la zone euro, l’intérieure de la zone possède à 25 états des disparités de niveau de vie suffisantes pour bloquer la hausse des salaires et de la demande qui en découle pour les 20 prochaines années minimums. Ce n’est peut-être rien à l’échelle de l’histoire où se place E.T. ,mais c’est énorme pour ceux qui sont au chômage et dans la précarité en France et ailleurs sur le continent aujourd’hui et maintenant. De plus Il n’y a pas de règle européenne permettant de sortir par le haut de ce dilemme, il faudrait une règle équivalente au système de Bretton-Woods dans laquelle seraient interdits les excédents et les déficits commerciaux bilatéraux. Aucun pays ne devrait avoir à jouer un rôle spécial dans l’économie du continent, or monsieur E.T. sait pertinemment que l’Allemagne fait presque autant de dégât à l’économie française que la Chine, critiquer les dégâts causés par les pays à bas salaires sur nos économies est juste, mais les autres pays développés qui font la course à l’excédent pour réduire leur chômage en pillant les autres est aussi détestable (Allemagne, Japon, Corée du Sud). L’UE c’est une minimondialisation avec les mêmes effets locaux. L’Allemagne continue à faire cavalier seul en terme commercial, elle enregistre cette année 205Md€ d’excédent face à une pauvre France en déficit prévu de 7.7Md€, l’Espagne est à moins 40Md€ sans parler de la G.B. (à noter que la GB à tout de même sa propre monnaie ce qui limite les dégâts du libre-échange, car elle varie en fonction de la balance des paiements, ce n’est évidemment pas le cas de notre pauvre pays). Ces déficits sont notamment engendrés par le commerce avec l’Allemagne, or aucun mécanisme ne permet de rééquilibrer les échanges internes à la zone euro. On a pas le droit de taxer les importations (article III-151) et on a plus de monnaie à dévaluer face au mark puisqu’on a la même monnaie que l’Allemagne. On fait comment ? On supplie les Allemands de nous épargner eux qui ont fait financer la reconstruction de l’Allemagne de l’Est par le reste de l’Europe dans les années 90. Il n’y a pas de solidarité européenne chacun tire la couverture à soi, le couple franco-allemand n’est qu’une façade qui fait apparaître de graves fissures alors l’UE...

 

  1. Mais voilà en fait pourquoi E.T. est pour la constitution européenne, il veut que l’Europe remplace les USA dans le rôle régulateur mondial de l’économie. Il veut remplacer un empire par un autre peut-être ? Il pense qu’il n’y a pas d’autre moyen pour mettre fin à la folie de la mondialisation qui cache en fait une américanisation de la planète (le monde produit pour que l’Amérique consomme). À court terme l’euro ferait tomber le dollar, c’est ici que E.T. fait appel au pragmatisme économique, serrons les dents en attendant la fin de la domination du dollar. Il se trompe et fait preuve à mon avis de bien peu de pragmatisme économique au contraire de ce qu’il affirme. Il devrait lire Norman Palma professeur d’économie à la Sorbonne :). Ce dernier explique très bien que l’euro est la corde avec laquelle les USA vont se pendre (d’accord avec E.T.), mais il dit également que la zone euro va énormément souffrir, l’euro va grimper à des sommets inimaginables. Les étrangers paniqués vont chercher une valeur refuge momentanée pour sauver la valeur de leur patrimoine, conservé jusqu'à présent avec la monnaie américaine (ainsi les trois quarts de l’épargne mondiale est aux USA et la dette de la plupart des pays du monde est exprimée en dollars, sans parler des réserves chinoises et japonaises représentant prés de 1300Md$ cette année, ou du pétrole vendu en dollars valorisant cette monnaie). Cette course vers la monnaie européenne engendrera sa montée et l’effondrement de la valeur du dollar, mettant fin à l’empire. Mais l’Europe se retrouvera ruinée par ce système, si rien n’est fait toutes nos industries seront détruites. Le coup de poker de Todd est ici, il suppose que les autorités européennes vont bien réagir en mettant des droits de douane, moi je pense qu’ils ne feront rien parce que l’UE n’est pas une démocratie et qu’elle se fiche de l’intérêt général. Et je tiens à signaler que l’affaire du textile chinois tant à confirmer mon hypothèse négative et non la sienne plutôt positive. Mais y avait-il besoin de l’euro pour voir la fin du système américain ? Non, la monnaie de ce pays est soutenue par la Chine et le reste de l’Asie, ces pays n’auront pas les moyens de la soutenir indéfiniment, même en l’absence de l’euro le dollar se serait effondré. Mais dans cette perspective c’est l’or et non l’euro qui aurait servi de valeur refuge (voir peut-être le Mark , le Yen, et le Yuan), c’est donc pour rien que l’on a construit la zone euro et fait souffrir les Français. L’effondrement du dollar entraînera donc la destruction de la zone euro à long terme et non sa domination. Mais supposons que E.T. ait raison, et que l’Europe domine, est-ce souhaitable ? Est-ce que les états européens à l’heure actuelle présentent des visages réellement démocratiques ? Où est-ce simplement le fait que l’Europe est faible qui empêche nos dirigeants de se comporter comme G.W. Bush et ses collègues ? L’exemple le plus frappant est que la constitution inscrit dans la politique extérieure de l’UE la volonté d’étendre sur la planète entière le libre-échange, n’est-ce pas un peu impérialiste (voir l’article III-292 §-e de la partie 3)? Demandons à nos amis africains ce qu’ils pensent de l'attitude de l’Europe dans les grandes réunions sur le commerce international, ils sont j’en suis sure moins positifs sur l’action de l’UE qu’E.T. . Certes les Européens « paraissent » plus sympa, mais c’est parce qu’ils sont plus intelligents et peut-être encore plus vicieux que leurs homologues américains. Moi je ne veux que ce que voulait De Gaule, la liberté et l’indépendance de tous les peuples du monde et non un empire fut-il à nouveau européen. Je pense que la démocratie en Europe est profondément malade et que ce vote pour la constitution est une occasion en or pour remettre le continent dans la bonne direction. Le peuple a son mot à dire sur son propre avenir, le principe de la constitution française n’est-il pas « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Emmanuel Todd contredirait-il son propre discours profondément démocrate dans son livre « L’illusion économique », et ferait-il passer les intérêts de la classe dirigeante de la France avant celui des Français !Où pratique-t-il le passivisme à son tour (voir son livre)? Je ne comprends pas sa position qui se place dans un jeu cynique de géopolitique qu’il a lui même tant décrié par le passé ,et je le dis avec d’autant plus d’amertume que j’admire ses ouvrages. C’est ce genre de raisonnement en terme de rapport de force entre états qui a conduit notre continent au bord du gouffre lors de deux conflits mondiaux. Je finirais en citant E.T. lui-même :« L’idée d’une contrainte économique agissant de l’extérieur sur les états, baptisée mondialisation, n’est qu’une illusion. Le sentiment d’impuissance qui paralyse les gouvernements ne sera surmonté que si renaît l’idée de nation. »

(L’illusion économique )

« Les États-Unis sont sortis vainqueurs du XXe siècle parce qu’ils avaient su, sur une très longue période, refuser de s’impliquer dans les conflits militaires de l’Ancien Monde. Suivons l’exemple de cette première Amérique, celle qui avait réussi. Osons devenir forts en refusant le militarisme et en acceptant de nous concentrer sur les problèmes économiques et sociaux INTERNES de nos sociétés. »

(Après l’empire)

 

 

 

 

 
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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 20:13

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Étrangement j'ai toujours eu une certaine antipathie pour Arnaud Montebourg. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours eu quelques doutes sur ses convictions profondes, ou plutôt il m'a toujours donné l'impression de défendre des idées non pour ce qu'elles représentent, mais pour ce qu'elles peuvent lui rapporter pour sa propre carrière. En ce sens, Montebourg est pour moi un véritable carriériste capable de changer de point de vue uniquement si cela lui parait favorable à sa carrière personnelle. Je l'avoue en disant cela, je n'ai aucune preuve de ça et c'est peut-être mon intuition qui m'induit en erreur sur sa personne. Et après tout, il est vrai que je ne le connais pas personnellement et qu'il n'a jamais eu les hautes fonctions publiques pour montrer si ces convictions sont réelles ou juste simulées.

 

 

 

Cependant quelles que soient ses intentions, il est vrai que Montebourg représente maintenant l'aile protectionniste au sein du PS, avec son collègue Benoit Hamon. Il est maintenant candidat à la candidature socialiste et même s'il a peu de chance de l'emporter il représente une évolution sensible au sein du PS, puisque maintenant on peut parler protection douanière à l'intérieure du parti socialiste. Bien sûr, il faut y mettre les formes pour éviter de choquer l'âme de gauche du socialiste si sensible au vocable et à l'idéologie. Oui parce qu'au PS on aime la liberté d'expression quant celle-ci est très limitée dans l'espace du pensable et d'idéologiquement conforme aux principes du socialisme version post1984. Le protectionnisme est donc un mot assez tabou et les politiques font d'énormes contorsions verbales pour ne pas user du terme. Dans cette tache digne de l'art de la rhétorique de la cour de Louis XIV, Montebourg a choisi son angle verbal d'attaque avec le terme démondialisation, il a fait sien le mot employé par Jacques Sapir dans son dernier livre.

 

 

Montebourg parle de relocalisation, de protectionnisme, de taxe pour le contrôle financier. Mais comme beaucoup de gens à gauche il est en retard de plusieurs guerres, si je puis dire. En premier lieu le protectionnisme de Montebourg est un protectionnisme européen. Car si Montebourg est effectivement dans une position iconoclaste par rapport à la majorité de ses collègues du PS il a quand même le virus européen dans le sang. Et c'est là le cœur du problème pratique qui s'élève contre ses idées. Car c'est bien gentil de prôner le protectionnisme européen, mais en pratique un président de la République française, même  bien élu, aura le plus grand mal à imposer une telle idée en Europe. Et il aura surtout bien du mal à vendre cette idée à une Allemagne qui accumule des excédents commerciaux à notre encontre. Le fait est que le protectionnisme européen est une solution théorique qui n'a pas de possibilité d'application dans le monde réel. Imaginons que Montebourg soit élu, que fera-t-il si nos voisins refusent une telle politique? Que choisira-t-il? L'Europe et son libre-échangisme radical au protectionnisme impossible ou la France et son protectionnisme réalisable. Ce choix là Montebourg n'en parle pas et c'est une constante chez les gens de gauche y compris chez les plus radicaux comme Mélenchon. La gauche se fracasse sur la haine de sa propre nation, une haine qui rend impossible en pratique l'action collective. Une fois au pouvoir je doute sérieusement de la capacité des gens de gauches à véritablement agir dans le sens de l'intérêt du pays. Ils sont tellement persuadés que la nation est un reste inutile du passé.

 

 

Dans les propos de Montebourg, il n'y a donc rien sur les problèmes de l'euro, ni même sur la question de la dette publique et de son éventuelle monétisation. En effet pour cela il faudrait au préalable que l'état français reprenne rapidement le contrôle de sa propre monnaie ce qui veut dire mettre fin à l'euro. Ces problèmes-là seraient pourtant posés à Montebourg si éventuellement il devenait candidat à l'élection présidentielle. Marine Le Pen aurait facilement sa peau en abordant de tels sujets et en le mettant face à ses contradictions. Seulement même s'il pensait à ces questions là, ce qui est possible. Montebourg pourrait-il en pratique devenir le candidat du PS tout en allant aussi loin dans la critique des politiques que son propre parti a défendu ces trente dernières années? Peut-on rejeter l'Europe parce qu'elle empêche une politique plus sociale tout en étant au parti socialiste? Montebourg est peut-être un homme neuf, comme Benoit Hamon, mais le parti dont ils cherchent à modifier le comportement ou le programme a une histoire, une idéologie de base. Le transformer sera tout aussi difficile que transformer un parti comme le FN en un parti républicain. (oui je suis provocateur). On m'objectera que ce genre de transformations prennent du temps, je veux bien l'admettre. Mais la France est aujourd'hui empêtrée dans une crise extrêmement grave, elle n'a pas le temps d'attendre que le PS se transforme dans les dix prochaines années. La crise de l'euro c'est maintenant, la crise du libre-échange c'est maintenant, le chômage de masse c'est maintenant  tous ces problèmes n'attendrons pas dix ans. Nous assistons à une accélération de l'histoire et les membres du PS comme ceux de la majorité au pouvoir semblent avoir dix ans de retard sur la réalité. Le protectionnisme européen on pouvait encore le défendre au moment du référendum sur le  TCE dont c'est le sixième anniversaire demain d'ailleurs. Aujourd'hui après la crise grecque et l'explosion d'égoïsme à l'échelle européenne ce n'est plus crédible. L'euro sera d'ailleurs très certainement au cœur de la campagne. La sortie de l'euro de la Grèce étant maintenant évoquée officiellement, on imagine l'effet de contagion une fois que celle-ci aura quitté le titanique de la monnaie unique européenne.

 

  Si Montebourg peut sortir renforcer de la disparition de DSK, il serait beaucoup plus crédible s'il osait aborder ces questions qui pour l'instant ne le sont que dans les partis alternatifs au système. Un discours réaliste sur l'euro et sa nécessaire transformation ou explosion pouvant d'ailleurs lui faire accéder au média. Un candidat PS portant une forte critique sur la construction européenne voila bien une révolution qui pourrait peut-être faire revenir une partie des classes ouvrières vers le PS. Il y a malheureusement peu de chance pour que cela arrive.

 

 

 

Video où Montebourg souligne le soutien que lui apporte Emmanuel Todd  
 

Arnaud Montebourg est bien présent sur internet. Il y a un site pour son groupe défendant sa candidature au PS c'est "des désirs et des rêves".  Sur ce site on voit d'ailleurs une partie de ses propositions, il y en a douze mises en avant. Elles sont tout de  même assez floues. On est loin d'un programme pratique à la Jacques Sapir. On remarquera au passage l'obsession pour les taxes à caractère écologique dont j'ai dit sur ce blog qu'elles étaient particulièrement inégalitaires ce qui fait tache pour un socialiste. Il vaudrait mieux proposer des quotas mais c'est un autre sujet.

 

 Les propositions d'Arnaud Montebourg:

 

1-Doter l’Union européenne d’une « diplomatie écologique et sociale »
 
Son rôle sera de faire intégrer dans les traités de libre échange de l’OMC de nouvelles conditions non-marchandes, afin de garantir que la compétition ne se fasse pas au détriment du travail et de l’environnement
2-Invoquer les règles sanitaires, sociales et environnementales pour encadrer le commerce mondial
 
 Invoquer dès à présent l’article XX du GATT qui octroie des dérogations aux obligations du Traité de l’OMC si sont en jeu « la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux » et « la conservation des ressources naturelles épuisables », afin d’imposer des interdictions de commercialiser ou des taxes douanières sur les produits en provenance de pays violant les obligations du Protocole de Kyoto relatif à la lutte contre le réchauffement climatique. 
 
3-Créer une agence française sanitaire, sociale et environnementale chargée de calculer le coût écologique et social des biens
 
 Créer une agence française sanitaire, sociale et environnementale chargée de calculer le coût écologique et social des biens produits hors d'Europe, selon des critères transparents (normes sociales de l’Organisation Internationale du Travail, kilomètres carbone…). Cette agence sera capable d’établir un « juste coût carbone », mais aussi sanitaire et social, produit par produit, et de proposer à l’Union Européenne des mesures anti-dumping. 

 

4-Instaurer une taxe carbone extérieure aux frontières de l’UE 

 

Cette taxe carbone aura pour but que les produits importés reflètent leur « juste coût carbone, sanitaire et social »

 

5-Reverser les sommes collectées aux frontières de l’UE au Fonds d’Adaptation prévu par le protocole de Kyoto

 

 Ce fonds permettrait la conversion écologique des industries du Sud et obligerait le Nord à des transferts de technologie

 

6-Créer une taxe carbone européenne progressiste et progressive

 

 Cette taxe serait applicable à l’intérieur de l’Union Européenne. Elle encouragerait les entreprises à changer leurs manières de produire et établirait une équité avec les firmes non européennes soumises à la taxe carbone extérieure.

 

7-Instaurer par des traités bilatéraux un système de préférences commerciales

 

 Cette mesure s’établirait au bénéfice des pays s’adaptant au mieux et au plus vite aux normes sociales et écologiques internationales

 

8- Cette mesure s’établirait au bénéfice des pays s’adaptant au mieux et au plus vite aux normes sociales et écologiques internationales

 

 Cette taxe ciblerait notamment le transport maritime sous pavillon de complaisance et afin d’améliorer le bilan carbone

 

9-Adopter une loi en France faisant appliquer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises transnationales produisant dans les pays à faible coût

 

 Adopter une loi nationale en France, applicable aux entreprises transnationales disposant d’unités de production dans les pays à bas salaires, les tenant pour responsables des dommages environnementaux et sociaux imputables à leurs filiales et à leurs sous-traitants. Le vote d’une loi permettant d’engager la responsabilité des maisons mères, ayant leur siège en Europe ou hors l’Europe, pourra conduire à des sanctions judiciaires d’interdictions de produits fabriqués en violation des standards internationaux. Possibilité sera ainsi donnée à la justice de poursuivre une entreprise pour des fautes lourdes commises à l’étranger en matière de pollution ou de mise en danger de la vie des travailleurs

 

10-Obliger toute entreprise cotée en bourse à publier un rapport annuel sur l’impact social et environnemental de leurs activités

 

 Ce bilan social et environnemental serait sous peine de sanctions, aujourd’hui inexistantes. Il s’agit d’établir et de publier les comptes des entreprises pays par pays, et de publier des registres complets des actionnaires significatifs pour renforcer la coopération judiciaire et fiscale.

 

11-Sanctionner les Etats et entreprises non coopératifs

 

Lutter contre la corruption et augmenter les risques de sanction sur les Etats et entreprises non-coopératifs.

 

12-Doter notre pays d’une procédure anti-dumping à la française

 

Il s’agit de mécanismes d’interdiction unilatérale (provisoire ou non) de la commercialisation de certains produits (hors UE), en cas d’agression commerciale par des prix déloyalement bas. Il faut faire reconnaître par l'Union européenne un droit à la subsidiarité en la matière.

 

 

PS:Arnaud Montebourg a aussi un blog si vous voulez poster vos critiques...

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 20:05

guaino

  Henri Guaino a montré hier soir le caractère totalement fantasmagorique de ses actions en tant que conseiller de Nicolas Sarkozy. Face à Emmanuel Todd il n'a fait qu'aligner des poncifs et de multiples mensonges sur la réalité gouvernementale et les politiques menées. À tel point qu'il a fini le dialogue par des propos totalement mensongers du type "La France ne s'est couchée devant personne ni devant l'Allemagne ni devant l'Amérique". Pour ensuite affirmer "Je vous mets au défi de montrer où la France s'est couchée face aux USA", je ne sais pas par exemple en rejoignant l'OTAN. Ou encore en laissant les troupes françaises en Afghanistan alors même que Sarkozy avait promis durant la campagne de les retirer. Bref un véritable foutage de gueule en règle. C'est à croire que monsieur Guaino rêve la politique menée par ses collègues ou qu'il est complètement sur une autre planète.

 

 

Mais n'ayant aucun argument à présenter, car prisonnier de son statut personnel, le pauvre Guaino a passé son temps à pratiquer les conseils de Goebbels mentir en permanence en espérant que le mensonge se transformerait en vérité. Sur l'euro il n'a rien démontré, il n'a fait qu'affirmer. Sortir de l'euro serait irresponsable, je crois exactement l'inverse, c'est irresponsable d'y rester. Je l'ai d'ailleurs démontré à de multiples reprises sur ce blog. D'ailleurs, l'une des plus grosses erreurs intellectuelles de Guaino fut d'annoncer benoitement que le problème de l'euro était sa gestion. En réalité, vous pourriez mettre le meilleur des hommes à sa tête, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle que vous auriez les mêmes problèmes. L'euro est en pratique ingérable puisque ne pouvant satisfaire en même temps à tous les intérêts divergents des peuples européens. Le plus drôle dans l'affaire c'est que cet ancien partenaire de Philippe Seguin a employé les mêmes méthodes que les défenseurs de Maastricht en 1992. Pour défendre l'euro, il a déclaré les propos de Todd irresponsables et nous annonce la fin du monde si nous en sortions. Il aurait fallu rappeler à ce monsieur que les mêmes annonces étaient faites en 1992 par un Delors ou un François Mitterrand. On nous présentait alors le choix comme étant entre Maastricht ou la mort de la France. Il est quand même étrange d'entendre un antimaastrichien de l'époque user de ce genre de procédé pour justifier le maintien d'une monnaie dont on constate tous les jours les effets néfastes.

 

C'est la faute à nos prédécesseurs  

 

 

Cette expression pourrait résumer la défense choisie hier soir par Guaino. Dédouanant Sarkozy de toute responsabilité alors même qu'il a le pouvoir depuis quatre ans, il fait feu sur les prédécesseurs du gouvernement actuel. Nous remarquerons au passage que Guaino oublie un peu vite que la droite est au pouvoir depuis 2002 et non depuis 2007, et que Sarkozy était membre du gouvernement précédent. Il oublie également que si le quinquennat de notre petit président fut effectivement victime d'une crise phénoménale, il n'en demeure pas moins que le modèle prôné par son champion était largement inspiré des mécanismes qui ont justement provoqué cette crise. Nicolas Sarkozy voulait même importer les subprimes en France. On est bien loin d'un champion gaulliste défendant un secteur public puissant et ayant une stratégie industrielle. Alors oui la crise a tout balayé, mais heureusement au final. Si la crise avait pris du retard, la France aurait sans doute adopté le modèle délirant anglo-saxon dans toute la grandeur de sa stupidité structurelle et nous aurions eu une crise bien plus grave en France. Donc la crise nous a finalement sauvé in extrémis du néolibéralisme, planqué derrière des discours gaullistes, qui tiennent lieu de politique économique à Sarkozy. Pire Sarkozy avait une opportunité historique de rompre, avec le système il n'en a rien fait. Et ce ne sont pas les beaux discours de Guaino qui changeront cette triste réalité.

 

 

Où est la régulation financière ? Où est la politique monétaire ? Est-ce Nicolas Sarkozy a-t-il réussi, ou seulement, tenté de convaincre la BCE et l'Allemagne de l'intérêt pour l'Europe d'une dévaluation ? C'est quoi en fait le bilan de Sarkozy ? Dire "C'est la faute des prédécesseurs" est bien pratique, cela fait trente ans en France qu'on entend ce discours. La politique fiscale favorable aux hauts revenus c'est la faute aux socialistes? La réduction des budgets de recherche alors même que l'on fait des discours ventant une politique scientifique d'envergure c'est aussi la faute aux prédécesseurs ? La suppression d'un fonctionnaire sur deux, qui est là effectivement une politique totalement démagogique, c'est aussi la faute aux prédécesseurs ? On peut dire "c'est la faute à l'Europe", mais dans ce cas il faut rompre avec elle et non continuer à la légitimer comme le fait Guaino en prévoyant la fin du monde si nous en sortons. Et s'il ne veut pas rompre alors qu'il se taise et laisse la politique sérieuse à d'autres.

 

 

Guaino, la puissance verbale au service de l'impuissance volontaire

 

 

  En réalité, Guaino et ses discours sont l'exact contraire du gaullisme ou du volontarisme politique. Il confond les discours et les actes. Il fait comme si tenir des propos suffisait à changer le réel. Guaino c'est un peu le socialiste de l'UMP. On fait de grandes envolées lyriques avec de grands principes, mais l'on ne produit pas de réflexion sur  « Comment faire pour y arriver ? ». Cette question-là Guaino ne se la pose pas à l'image de ses concurrents socialistes. Il est plus dans une posture qu'autre chose. Comme un Villepin il s'attache au verbe pour cacher son impuissance et ses incohérences. Car en renonçant à critiquer l'Europe, à en sortir ou à sortir de l'euro Guaino sait pertinemment qu'il renonce de fait à changer véritablement de politique. Ici son opposant était en fait bien mal choisi pour lui en faire la remarque. Emmanuel Todd prônant surtout un protectionnisme européen dont on voit mal en pratique comme il pourrait advenir. Quelque part, Henry Guaino montre dans quelle impasse les élites françaises se retrouvent à cause de leur choix pro-européen. Et face à cette réalité d'impuissance qu'ils n'acceptent pas, eux qui n'ont en réalité que le pouvoir de parler, ils conspuent ceux qui donnent les seules solutions rationnelles possibles. Accuser sans arrêt les autres d'irresponsabilité, n'est-ce pas finalement reconnaître que c'est bien la question du sens des responsabilités de nos élites qui est posée ?

 

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 17:43

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Comme cela était prévisible les tension politiques au sein de la zone euro commencent à devenir importante. La chancelière allemande vient par exemple de remettre au gout du jour le racisme antilatin de son pays avec des propos tout à fait provocants à leur encontre. En effet pour Angela Merkel :«Il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne, que tous fassent un peu les mêmes efforts, c'est important», c'est ce que nous apprend cette dépêche AFP. En version plus crue, cela donne "faut aller bosser bande de fainiasses", j'espère que d'éventuels germanophones pourront traduire ça en allemand. Ce commentaire est d'une gravité extrême, il émane tout de même d'une représentante de la plus haute fonction politique allemande. Dans les pays latins excédés par un chômage qui flambe et des salaires qui s'effondrent, on va surement apprécier ce type de discours complètement à côté de la plaque. Mais le plus étonnant c'est que les élites allemandes semblent sincèrement croire qu'elles n'y sont pour rien dans la situation actuelle des pays latins. Pourtant comme nous l'avions vu, hier les chiffres parlent d'eux même, c'est bien l'excédent allemand le problème numéro un de la zone euro, la surévaluation arrivant en seconde position.

 

 

      La réaction des élites allemandes à la crise semble souligner un esprit d'innocence totale en regard des problèmes que produisent leurs propres politiques commerciales. On dirait presque un état d'esprit à l'américaine, je fais des choses pour moi même sans me soucier des conséquences chez les autres et je feins d'être surpris de ces mêmes conséquences.   Alors est-ce de la mauvaise foi, ou un mélange d'idiotie ou d'ignorance, je n'en sais rien, il n'empêche que les propos d'Angela Merkel sont particulièrement déplacés. Cela confirme aussi mon hypothèse d'une révolte contre l'euro et l'Europe produit par l'égoïsme de certains rentiers d'âge élevé ce qui est le cas d'une bonne partie de la population allemande. Cela peut paraître paradoxal puisque c'est justement l'euro qui permet à l'Allemagne de produire ses excédents, mais c'est sans compter sur les croyances diverses et variées.

 

 

  Les familles souches croient en la hiérarchie entre les hommes, entre les organisations et donc entre les peuples, même si effectivement à cause du passé de l'Allemagne les gens ont tendance à cacher ou à maquiller ces croyances. Cela ressort de temps en temps, et les crises sont des moments propices pour voir ce type de comportement ressortir. Les Allemands pensent leurs sociétés mieux organisées et pense que naturellement les autres devraient les imiter, bien que si cela se produisait les avantages allemands fondraient comme la neige au soleil. Si tout le monde cherchait l'excédent, il n'y aurait plus de clients nulle part. C'est un fait rationnel, mais il est plus grisant et plus euphorisant pour un esprit de famille souche de penser être au sommet de la hiérarchie européenne. Nous avons affaire à un sentiment de supériorité plus qu'à autre chose. À l'inverse chez les pays latins on croit à l'égalité, les propos de Merkel vont donc heurter de plein fouet cette croyance et les Latins vont eux accuser, à juste titre d'ailleurs, l'Allemagne d'égoïsme ou d'être responsable de la situation. Mais comme les mentalités divergent, il y a peu  de chance qu'un tel imbroglio puisse être résolu autrement que par un divorce. Cependant dans ce cas ce n'est pas la victime  de maltraitance qui demandera le divorce, mais l'agresseur en l'occurrence l'Allemagne. Car dans la tête des Allemands il est inimaginable de payer pour des fainéants ou des incapables latins.

 

Une Espagne en pleine crise sociale

 

 

    L'autre grande nouvelle sur le plan de l'instabilité politique en Europe c'est l'apparition de mouvements populaires contre la paupérisation généralisée provoquer par la crise et surtout par les pseudoremèdes à la crise économique espagnole. C'est ce que nous apprend par exemple cet article. Comme je l'avais dit il n'y a pas longtemps, le chômage des jeunes espagnoles dépasse les 50%, un taux de pays du tiers-monde à forte natalité ce qui n'est pas le cas de l'Espagne qui est un pays qui vieillit rapidement. Il est étonnant d'ailleurs que la population espagnole n'ait pas réagi plus tôt et avec plus de violence tant les politiques menées ont été cruelles et stupides.

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Cela ne va pas aller en s'arrangeant, car l'Espagne doit créer beaucoup d'emplois pour revenir à la situation antérieure à la crise. Même si cette situation n'était pas encore idéale le taux de chômage n'étant pas alors à zéro, mais à 8 ou 9 % ce qui était déjà trop. Le pays a tiré sa croissance sur une bulle immobilière qui a aujourd'hui éclaté. Un tel modèle n'était bien évidemment pas viable, non pas à cause de la montée des prix irrationnels de l'immobilier, mais à cause du déficit commercial que la surconsommation espagnole produisait. Il faut bien comprendre qu'un modèle économique est viable pour une nation, que si les comptes extérieurs sont équilibrés. C'est la seule véritable contrainte, tout le reste c'est du blabla savant sans intérêt. Qu'un pays ait un déficit public n'a aucune importance s'il n'y a pas de déficit extérieur, c'est juste un problème de répartition interne des richesses et d'impôts mal dosé. La crise espagnole était inscrite dans son déficit commercial, ce qui a permis à des économistes sérieux comme Jean Luc Gréau de prévoir la catastrophe.

 

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L'Espagne doit reconstruire une industrie, seulement dans le cadre de l'euro on ne voit pas bien comment cela peut-être fait. L'appartenance à la zone euro condamne ce pays à produire des déficits commerciaux en permanence et la seule méthode qu'il ait pour équilibrer ses comptes est dans la hausse du chômage et la baisse du niveau de vie. Seulement comme nous en apercevons maintenant même les Espagnoles ont des limites. Le graphique suivant montre bien la paralysie engendrée par la monnaie unique sur la production industrielle espagnole, non ce n'est pas un hasard si celle-ci stagne à partir de 99. Les quelques années de croissance entre 2005 et 2007 étant surtout dues à l'emballement de la bulle spéculative immobilière comme l'atteste le déficit commercial de ces mêmes années.

 

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En Ecosse  aussi çà chauffe

 

 

Autre effet des crises de l'Europe et du néolibéralisme, les indépendantismes régionaux sortent renforcés de l'incapacité des états européens à régler leurs problèmes économiques. Un référendum sur l'indépendance écossaise pourrait ainsi être bientôt organisé ce que réclame le dirigeant du parti indépendantiste écossais Alex Salmond. Il est aussi le premier indépendantiste à devenir le dirigeant du gouvernement autonome d'Écosse qui était remis en place à l'époque de Tony Blair. L'Écosse qui fait pourtant partie de la Grande-Bretagne depuis 1701 ne supporte plus sa dépendance à l'égard de l'état britannique et la crise a surement donné une certaine dynamique à ces courants indépendantistes. Je rappellerai à nos lecteurs férus de Todd, que l'Écosse est d'ailleurs un état où la famille souche est dominante, alors que la famille anglaise est de type nucléaire absolue. La famille souche est caractérisée par l'inégalité et l'autorité, la famille nucléaire absolue par l'individualisme et l'absence d'intérêt pour l'égalité . Cette différence se traduit probablement par une meilleure résistance de l'identité écossaise à la globalisation et à l'américanisation. Un peu comme l'Allemagne, grande nation de famille souche, résiste mieux à la mondialisation avec un certain nationalisme latent. Dans un système économique qui s'effondre comme c'est le cas de la GB, les gens se rattachent alors à ce qui les unit, mais le fort individualisme anglais empêche une telle évolution. Les habitants de l'Écosse se tournent donc naturellement vers leur identité résiduelle écossaise.  Avec tous ces problèmes, on pourrait se demande si finalement l'Union européenne ne va pas finir par produire plus d'états nation une fois que sa disparition, pratiquement inéluctable, se sera produite. L'Europe d'après l'UE pourrait être composée de plus d'états qu'au départ. Ce qui serait un paradoxe historique de plus puisque le but de l'UE était à l'origine de faire un état plus grand que les états nations membres.

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 20:50

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Dominique Strauss Khan vient à nouveau de faire parler de lui, mais pas forcément en sa faveur. Notre candidat potentiellement le mieux placé à gauche vient en effet de se faire arrêter aux USA pour agressionsexuelle. Je tiens à préciser avant toute chose que l'on ne sait pas encore grand-chose des accusations. Même si l'on déteste cet homme et ses idées, ce qui est mon cas, il est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Même s'il est vrai qu'aux USA c'est l'inverse un accusé doit démontrer qu'il est innocent. C'est une précaution d'autant plus importante à prendre que l'on sait que les USA sont aussi connus pour leurs absurdités judiciaires en matière de mœurs. Les féministes enragées américaines ayant transformé le rapport homme femme en lutte sanguinaire, produisant une société où les sexes se séparent comme en Arabie Saoudite, mais pour des raisons de sécurité judiciaire. Il se pourrait simplement que notre DSK soit victime d'un de ces excès typiquement nord-américains et d'une accusation à but purement pécuniaire. Cependant cette affaire, si elle est fondée et même si elle ne l'est pas, pourrait quand même remettre en cause la candidature de DSK ce qui pourrait bouleverser la situation électorale en France. Car l'élection n'est pas pour dans très longtemps et ce genre d'affaires pourrait bien durer plus que le laps de temps qui nous sépare de 2012. Ce qui ipso facto met fin à la candidature de DSK.

 

Et si DSK n'était pas candidat?

 

 

On pourrait donc se poser la question de savoir ce qui se passerait électoralement si DSK n'était pas candidat. Si l'on se fit aux divers sondages d'opinion qui ont été réalisés sur les candidatures potentielles, on pourrait conclure à une catastrophe pour le PS. En effet d'après la plupart des sondages DSK était le candidat socialiste avec le plus fort potentiel électoral, sa non-candidature pourrait donc provoquer une catastrophe pour les socialistes aux prochaines élections. D'autant qu'avec sa disparition il pourrait très bien y avoir quelques nouvelles personnalités du parti tentées par une candidature. Auquel cas la disparition électorale de DSK pourrait produire une véritable guerre des candidats au PS. D'autant que les divergences à l'intérieur du PS augmentent, ce parti étant partagé depuis longtemps entre l'idée qu'il se fait de lui-même, à savoir, être un parti social et sa base électorale liée à ses choix économiques favorables aux classes moyennes supérieures. Lorsque l'on voit les propositions du think tank proche de DSK, Terra nova, et ses propositions toutes plus libérales les unes que les autres et les réactions de rejet que cela suscite, on se dit, que le PS n'est pas si stable que cela et pourrait très bien éclater. Un éclatement qui pourrait être produit par les pressions croissantes exercées par les multiples courants se partageant l'électorat centriste et libéral allant du Modem à Europe Ecologie, en passant par Borloo. À cela s'ajoute la pression exercée par Mélenchon et de l'autre côté Marine Le Pen qui désormais est largement majoritaire chez les ouvriers et les couches populaires. D'ailleurs, même les classes moyennes aisées commencent à ressentir les effets dévastateurs de l'euro et du libre-échange. Il n'est pas dit qu'elles de finiront pas dans le giron de la seule alternative économique qui puissent paraître crédible celle du FN. Mais le PS ne veut pas choisir entre son socialisme et son internationalisme libéral. Il essaie de mélanger la carpe et le lapin.

 

 

Le PS a de moins en moins la possibilité de jouer sur tous les tableaux comme il l'a fait depuis le tournant de la rigueur dans les années 80. Il a voulu se maintenir chez les couches populaires avec des discours sociaux, mais des pratiques libérales libertaires qui plaisaient aux classes aisées. Cette dichotomie ne fonctionne plus, ou, en tout cas, de moins en moins. Le PS va devoir enfin trancher et choisir son camp. C'est le sens des propositions de la fondation Terra Nova qui voulait que le PS abandonne la classe ouvrière française pour se focaliser sur sa réélection et son « marché » électoral propre le bobo du centre des grandes villes en quelque sorte. La candidature de DSK aurait pu valider cette évolution définitive et comme je l'avais écrit dans un autre texte, le plan idéal de cette transformation assumée aurait été un match DSK/ LE PEN au second tour de la présidentielle avec une victoire écrasante de DSK. Ce dernier aurait pu produire la purge libérale dont le pays a tellement besoin d'après les libéraux et cela avec une validation démocratique apparemment totale puisque résultant d'une victoire écrasante au second tour, le FN jouant le rôle de grand repoussoir des idées nationales et protectionnistes. Manque de chance, ce beau scénario vient de tomber à l'eau, encore une farce de la ruse de l'histoire.

 

La fin de la candidature DSK serait une chance pour le PS

 

 Mais on pourrait aussi faire un raisonnement tout à fait différent de celui-ci et envisager que peut-être le libéralisme affiché de DSK aurait été plus un handicap qu'autre chose pour des élections présidentielles. Il aurait peut-être eu beaucoup de difficultés à s'imposer au premier tour, surtout avec l'orgie de candidats centristes et libéraux Borloo, Bayrou, Villepin, Hulot... Il y avait embouteillage au centre. Un candidat moins marqué libéral idéologiquement pourrait donc en fait être une vraie chance pour le parti socialiste, enfin sauf s'il s'agit de mettre François Hollande à la place. Et soyons fou, c'est peut-être le moment pour les quelques socialistes ayant encore un minimum le sens de l'intérêt général, de proposer des politiques radicalement différentes de celle du camp dominant Strauskhanien, aujourd'hui vaincu par une affaire de mœurs. Il paraît qu'il y a des gens qui défendent l'idée protectionniste au PS. Il serait peut-être temps qu'ils se montrent plus féroces. D'autant que la seule force réelle de la candidature DSK était sa marque de « sérieux », notre coureur de jupon étant également président du FMI. C'était la seule façon d'imposer un candidat encore plus libéral que Sarkozy à la tête de l'état français, en vendant à la population l'idée que DSK était le meilleur économiste de France, à l'image d'un autre fossoyeur de l'économie française jadis premier ministre. Imposer un candidat libéral qui n'aurait pas cette aura serait suicidaire sur le plan électoral pour le PS, son électorat se réduisant à rien face à la concurrence au centre. On peut donc espérer que le futur candidat du PS n'ait pas l'intention de prendre conseil chez Terra nova à moins d'une envie de suicide collectif chez les socialistes.

 

 

 

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