Alors que la campagne présidentielle devient de plus en plus pestilentielle et de moins en moins rationnelle grâce à l'éclairage obscurantiste des médias mainstream. Les difficultés inhérentes de la construction européenne continuent de s'accumuler. Pour ceux qui se poseraient quelques questions sur le programme de monsieur Macron, sachez que ce dernier a déjà été appliqué avec rigueur dans d'autres nations européennes. Car le programme économique de monsieur Macron n'est pas le sien à proprement parler, mais la résultante des contraintes produit par la monnaie unique et le libre-échange. Il faut le dire et le répéter pour ceux qui ne le comprennent pas, il n'y a pas de choix au sein de l'UE et de l'euro. Il n'y a pas de choix parce que le choix d'une autre politique est contraint par la structure même de la zone euro et de l'UE. On peut bien comme beaucoup, et même comme monsieur Macron dire que l'on veut une autre Europe. La réalité pratique est que la contrainte produite par la fixité monétaire avec nos principaux partenaires commerciaux nous oblige à dégrader l'emploi plutôt que la valeur de la monnaie. Et ce n'est pas le fruit du hasard puisque le but réel de la construction européen a toujours été la déconstruction des politiques sociale par la mise en concurrence libre et « complètement faussée » des différents systèmes sociaux composant l'UE.
L'Italie et l'Espagne détruisent ce qui reste de leur jeunesse pour sauver l'euro, leurs rentiers et la croissance allemande.
Les pays du sud de l'Europe sont littéralement en train de devenir des caricatures du célèbre mythe de Cronos. La structure de la zone euro empêche en pratique toute forme de dévaluation monétaire. Elle ne laisse comme seule possibilité d'adaptation que la compression salariale et le taux de chômage. Je ne parlerais même pas du libre-échange qui est la source de la souffrance profonde des sociétés occidentales depuis trente ans. D'autres pays comme les USA ou la GB, bien que ne faisant pas partie de la zone euro souffrent aussi du libre-échange. Il est cependant assez clair que l'euro a fortement aggravé la situation européenne en empêchant la seule mécanique de régulation commerciale qui reste dans un système de libre-échange à savoir la fluctuation monétaire. Certains s'échinent à penser que l'euro a mis fin à la guerre des monnaies pour le plus grand bien de tous. Il s'agit là d'une escroquerie intellectuelle puisque les dévaluations compétitives ont été remplacées simplement par les dépréciations salariales compétitives. Une guerre salariale qui a d'abord été déclenchée par l'Allemagne paye qui manifeste une agressivité commerciale dont il faudra bien un jour que les Européens comprennent qu'il s'agit d'une politique mercantiliste. C'est d'ailleurs ce que rappelle très justement Jean Claude Werrebrouck dans son dernier texte à propos de l'Allemagne et de l'euro. L'Allemagne a aujourd'hui le plus gros excédent commercial de la planète. Et cette situation ne pourra pas durer éternellement tant elle met en danger les pays déficitaires.
On pourrait même dire que la guerre économique est la continuation de la violence passée sous d'autres formes. Puisqu'il n'est plus possible physiquement et moralement d'annexer un pays par la guerre, pourquoi ne pas le faire par l'économie ? Nos chantres du plus jamais ça, et de l'antifascisme compulsif, devraient alors se regarder sous un autre jour. Ils ne sont finalement que les défenseurs d'un nouveau Reich prenant une forme économique. Un nouveau Reich dont la violence n'a d'égale que l'aveuglement des classes sociales françaises dominantes. Les couches sociales supérieures françaises actuelles sont finalement tout aussi collabo que leurs ancêtres en 1940. Pour en revenir à nos amis italiens et espagnols, quelques chiffres bruts. La politique de l'offre pratiquée par les gouvernements de ces pays semble conforter les milieux européistes puisqu’effectivement les balances commerciales italiennes et espagnoles ont retrouvé des couleurs. Ces pays sont devenus excédentaires, mais il faut bien comprendre que ces excédents ne sont pas le fruit d'une réelle dynamique économique propre à ces pays.
C'est essentiellement la contraction de leur demande intérieure qui a permis ce redressement. Et cette contraction de la demande intérieure a produit une très forte hausse du chômage dans des pays qui sont pourtant tout aussi vieillissants que l'Allemagne. Le taux de fécondité en Italie est de 1,39 enfant par femmes exactement le même qu'en Allemagne, il est encore plus bas en Espagne avec 1,27 enfant par femme. Malgré ces démographies les remèdes libéraux de la politique de l'offre ont réussi l'exploit de faire exploser le chômage local qui atteint 12 % en Italie et 18 % en Espagne. On relativisera ces chiffres en prenant en compte qu'il s'agit des taux officiels. On sait d'expérience que ces chiffres sont souvent sujets à discussion. Il y a quand même quelque chose d’extraordinaire de voir que le continent le plus vieux du monde est aussi celui où le taux de chômage des jeunes est le plus élevé. Dans un pays comme le Japon où la natalité est aussi faible qu'en Italie. Vous avez un rapport entre salarié et employeur totalement différent avec 1,45 offre d'emploi par demandeur d'emploi. Un rêve pour le jeune français ou italien moyen. Mais le Japon a sa propre monnaie et n'a pas décidé de jeter à la poubelle son industrie pour tout importer d'Allemagne ou d'Europe de l'Est.
On rajoutera dans le cas de l'Espagne que la baisse du chômage doit aussi beaucoup à l'émigration. Car oui l'Espagne est redevenue un pays d'émigration. En 2013 par exemple, le solde était de -251531 habitants au pays de Cervantès. Le solde migratoire est fortement négatif depuis 2010. De quoi largement relativiser les chiffres du chômage et probablement réjouir l'Allemagne « Arbeit macht frei » . Qui n'existe plus ne peut plus consommer ni être au chômage. L’Espagne a donc trouvé la solution libérale absolue au chômage, faire disparaître physiquement ses gueux. L'Allemagne se frotte déjà les mains de l'application de ce même type de remèdes en France, une main-d’œuvre qualifiée lui tend les bras. On comprend un peu mieux sous cet angle l'engouement pour Macron des élites allemandes. Est-ce que c'est l'intérêt de la France d'appliquer ce genre de remède? C’est à vous de voir. Mais comprenez bien qu'il s'agit d'une fuite en avant. Ce n'est en aucun cas viable à long terme.
Cependant il faut bien voir que lorsque la France prendra le même type de direction que les pays du sud. À savoir une politique de contraction de la demande intérieure par diverses méthodes, on peut faire confiance au nouveau président pour y arriver. Les excédents commerciaux italiens et espagnols vont fortement se contracter. Car une part importante de ces excédents se font avec la France. L'on verra alors probablement quelques hurluberlus prôner un nouveau tour de vis dans les pays du sud lorsqu'à nouveau la balance se creusera. Nous voyons bien ici que la logique des dévaluations compétitives a juste changé d'apparence. Cependant, il y a bien une distinction à faire sur ce plan. Les dévaluations touchent à égalité toutes les catégories de la population d'un pays. Lorsque votre pays dévalue, toutes les importations coûtent plus cher. C'est la grande hantise des classes sociales dominantes. À l'inverse les politiques de déflation salariale touchent les populations les plus pauvres en premier. C'est un point extrêmement important que Keynes notait déjà dans les années 30. Si les classes sociales dominantes préfèrent les baisses de salaires, et la destruction de la demande intérieure, c'est bien parce qu'elles en sont généralement protégées. Là où l'inflation est égalitaire, la déflation salariale est fondamentalement inégalitaire. L'euro c'est bien surtout si c'est les pauvres qui en payent les pots cassés.
L'euro est un outil de suicide collectif
Le pire dans tout cela c'est que cette souffrance n'a pas les effets que l'on croit généralement. Tout d'abord il faut le répéter, la croissance européenne est plus faible avec l'euro. Il suffit de regarder la croissance des pays non membres de la zone pour voir que la dynamique économique est moindre en zone euro. Si l'euro semble effectivement en apparence favoriser l'Allemagne. Et il est vrai que l'Allemagne affiche d'énormes excédents commerciaux, pour ce qui est de la croissance économique c'est beaucoup plus discutable. Car si l'euro a permis à l'Allemagne de réaliser son fantasme de domination commercial, la croissance du PIB germanique n'est guère foudroyante. Elle est globalement plus faible qu'avant la mise en place de l'euro, elle est aussi caractérisée par une plus forte instabilité. Il y a fort à parier que la souffrance de ses voisins n'arrange guère en faite la dynamique allemande sur le long terme. C'est plus un jeu de perdant perdant, il y a un caractère fortement sadique dans cette situation. Les Allemands donnent l'impression de vouloir dominer, pas de vouloir être prospère. Ensuite le principal problème de l'Allemagne n'est pas économique, mais démographique. Il s'agit là d'un problème que ce pays refuse d'aborder. L'euro et l'accumulation des excédents commerciaux sont en quelque sorte des illusions de stratégie pour les élites allemandes. Une espèce de diversion en attendant la fin.
Car accumuler des excédents commerciaux peut certes sauver le capitalisme allemand de la léthargie de la demande intérieure à court terme, mais en aucun cas cela ne résoudra l'inéluctable effondrement de la société allemande. De plus en pillant comme elle le fait les pays du sud en attendant le gros morceau qu'est la France, elle ne fait que reculer pour mieux sauter. En effet, la très grave crise humaine que produisent ces politiques de l'offre a comme effet corollaire d'aggraver encore la crise démographique de ces pays. La France n'est d'ailleurs plus épargnée puisque grâce aux réformes récentes des socialistes concernant les politiques familiales, la France est à son tour touché par la baisse de la natalité. Pour prendre un exemple, un pays comme le Portugal est en voie d'extinction. Le taux de chômage atteint 14 %, la natalité est l'une des plus basses du monde et les jeunes comme en Espagne partent à l'étranger. On estime que la population portugaise devrait baisser de plus de 20 % d'ici 2060, et ce n'est qu'un début.
Tout ceci n'est pas raisonnable et n'est pas du tout le fruit d'une politique intelligente fondée sur l'intérêt général. Un modèle économique fondé sur le pillage des pays les plus faibles pour compenser momentanément ses propres faiblesses n'est ni saint ni viable à long terme. Plutôt que d'accumuler des excédents commerciaux, nos pays devraient se demander comme relancer la natalité, et mettre fin à 40 ans de déclin démographique. Et ce n'est pas imitant l'Allemagne que la France s'en sortira . Au contraire, elle est l'un des seuls pays d'Europe qui avait jusqu'à présent su résister au suicide démographique. Le rêve allemand c'est une caricature de l'esprit capitaliste. Avoir des salariés sans faire d'enfant et sans avoir à les éduquer. Produire des biens sans avoir de salarié, produire sans avoir à consommer. Accumuler toujours plus, accumuler sans savoir où tout ceci nous mène. Cette vacuité absolue, ce nihilisme moderne sont tout entier incarné par l'euro et son leader l'Allemagne . En un sens, Macron est bien un dirigeant européen modèle, il incarne parfaitement le Cronos moderne.