Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Cette élection a marqué les esprits de plusieurs manières. Elle a tout d'abord confirmé une dérive qui date maintenant d'une vingtaine d'années de dislocation territoriale. Comme l'a analysé Christophe Guilluy, il existe maintenant une opposition entre la France périphérique et la France des centres-ville. Cette coupure n'est pas uniquement liée à la crise en tant que telle. Mais aussi, et surtout à la flambée délirante des prix de l'immobilier de ces deux dernières décennies. Le phénomène est simple à expliquer la simple hausse du prix de l'immobilier et des loyers chassent la population la moins fortunée des villes. Un coup d’œil à ce graphique provenant du huffingtonpost montre l'absurdité de prix en France et la décorrélation qui a eu lieu entre l'évolution des salaires et celle des prix de l'immobilier. C'est d'autant plus vrai que l'on constate que contrairement à la situation américaine, qui s'est relativement assainie, la France se maintient à faire payer beaucoup trop cher les logements par rapport aux revenus disponibles. La bulle spéculative des années 2000-2006 n'a pas été corrigée en France. Il s'agit là d'un facteur essentiel à la déstructuration territoriale du pays. Car le phénomène de séparation spatiale était beaucoup moins marqué dans les années 80-90, période pourtant elle aussi touché par le chômage de masse et la surévaluation monétaire.
Il y a donc deux crises qui cumulent leurs effets pour donner la situation présente. D'un côté, la crise de l'emploi et de la désindustrialisation liée au libre-échange et à l'euro. De l'autre une crise du logement liée très clairement à une surévaluation des biens immobiliers et des loyers. Les deux crises ne sont pas tout à fait indépendantes l'une de l'autre. Ne faisons pas l'erreur classique des raisonnements en robinsonnade libérale. Les loyers et le prix de l'immobilier ont une influence sur la viabilité d'un revenu. Il est évident qu'une entreprise qui paye ses salariés à un niveau insuffisant pour leur permettre de se loger va avoir des difficultés à recruter des employés. De sorte que les entreprises sont généralement contraintes d'appliquer des salaires plus élevés là où les prix d'habitation sont plus forts. Ainsi la région parisienne a des salaires plus élevés que le reste du pays parce que les loyers et le coût de la vie en général y sont aussi plus élevés. Il y a une question ici de savoir ce qui différencie la cause de l'effet. L'obsession des néolibéraux et de la gauche bourgeoise pour les travailleurs détachés tient d'ailleurs en partie à cette contrainte qui les enquiquine. Pour pouvoir payer moins cher des salariés qui sont rares dans leurs quartiers à haut prix du mètre carré, ils veulent maintenant importer des populations qui seront moins regardantes sur la qualité d'habitation qui leur est offerte. La disparition du petit peuple de paris a en effet créé un trou dans le remplissage du besoin pour réaliser les basses besognes des cadres à haut revenu. Pour combler ce trou, on importe du lointain de nouveau travailleur. Paradoxalement cette méthode aggrave les déséquilibres en nourrissant artificiellement le prix de l'immobilier. Parce que finalement, il faut bien les parquer quelque part les nouveaux venus.
Une région lourdement déficitaire
Cette coupure entre centre-ville et périphérie n'est pas la seule finalement que l'on peut observer. Il y a une coupure beaucoup plus dangereuse et qui s'est traduite notamment par surreprésentation du vote Macron dans la capitale française. La vision générale qu'ont les élites du pays est que la France est en quelque sorte à la remorque de la capitale française. C'est très exactement le même type de réaction que l'on a pu observer lors du Brexit avec des personnages aussi caricaturaux qu'approximatifs comme monsieur Gaspard Koenig. Un personnage qui a évidemment appelé à voter Macron, et qui se demandait ouvertement, au lendemain du Brexit, si Londres ne devait pas devenir indépendante. De la même manière voit-on le pape de l'industrie mensongère du marketing alias monsieur Jacques Seguela nous dire que c'est à la France des villes (des cadres sup) de diriger le pays. Il y a là un suprématisme qui ne souffre plus d'aucune espèce de décence ou de retenue. L'élection de Macron a fini par libérer la parole des aristocrates des temps modernes. Le problème de ce type de raisonnement particulièrement dans le cas de la région parisienne c'est qu'ils sont fondés sur une croyance plus que sur la raison. Ce qui est normal pour un suprématisme, me direz-vous.
*source : http://lekiosque.finances.gouv.fr
Première remarque et non des moindres, la région parisienne est lourdement déficitaire sur le plan commercial. Je sais que cela étonnera beaucoup de monde et c'est pourtant un fait avéré. En 2016 la région parisienne a eu un déficit commercial de près de 54 milliards d'euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, le déficit commercial de la France en 2016 était de 48,1 milliards d'euros. Oui vous avez bien lu, le déficit commercial de la région parisienne est supérieur au déficit commercial de la France dans son ensemble. C'est à se demander qui porte qui sur ses épaules n'est-ce pas ? De fait le syndrome de supériorité des élites parisiennes est loin d'être fondée. Non, la France ne vit pas grâce à la région parisienne, et non, elle n'est pas la région dynamique que certains dépeignent. Et pour cause s'il y a bien un endroit caractérisé par un immobilier au prix délirant c'est bien Paris et sa région. De fait, la surélévation du coût local de l'immobilier entraîne une désindustrialisation locale. Une délocalisation des activités productives qui peuvent aller dans d'autres pays, mais aussi ailleurs en France. D'ailleurs l'autre grande région française très déficitaire est elle aussi un lieu de haut niveau de prix pour l'immobilier à savoir la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui affiche un déficit d'environ 10 milliards d'euros.
De fait, les activités qui se développent majoritairement dans ces régions sont des activités à haut revenu, mais non productives sur le plan commercial. Or je dois le rappeler à minima, ce sont ces activités productives qui font le niveau de vie du pays. L'agriculture et la production industrielle sont des deux piliers qui fondent l'économie d'une nation, car un pays ne peut pas vivre en achetant indéfiniment des produits étrangers sans rien produire et vendre en retour. Les services ne sont pas inutiles bien évidemment, mais ils doivent être proportionnés aux capacités industrielles du pays. Du reste, les échanges dans le domaine des services sont largement inférieurs en volume aux échanges des biens et des marchandises. Il est difficile de couvrir un lourd déficit commercial avec des services sauf si vous êtes un petit pays parasite fiscal à l'image du Luxembourg. Même la Grande-Bretagne championne de la finance a aujourd'hui du mal à joindre les deux bouts sans son pétrole de la mer du nord qui s'épuise et pourtant les Anglais ont la chance de ne pas souffrir de l'euro eux. La spécialisation de l'espace français n'explique pas de tels déséquilibres, et il faut le rappeler, pendant longtemps la région parisienne était exportatrice et représentait une partie importante de la base industrielle du pays. Cette carte rend tout à fait grotesques les raisonnements de monsieur Gaspard Koenig puisque l'on voit bien que la région parisienne aurait beaucoup de mal à vivre sans le reste du pays. L'autre apprentissage de la carte c'est que l'on retrouve l'intuition toddienne puisque l'on voit bien que les régions excédentaires ont un lien avec les familles souches du même type que celles qui sont en Allemagne. Le découpage administratif des régions actuelles cache cependant la clarté du comparatif avec les structures familiales de l'analyse toddienne.
Les crises de l'immobilier et de l’eurolibéralisme sont concomitantes et produisent une fracturation non seulement entre ville et périphérie, mais aussi entre région. Le cœur intellectuel et social de la France qu'est la région parisienne se retrouve dans une situation de dépendance à cause de l'idéologie qu'elle-même fait subir au reste du pays. Sa richesse illusoire fondée sur des rentes immobilières et financières lui permet d'accepter un modèle économique qu'elle devrait pourtant rejeter puisque sa substance économique réelle est progressivement détruite. C'est véritablement paradoxal de voir la région la plus lourdement déficitaire qui est une grande victime de l'euro et du libre-échange, se faire pourtant l'avocat la plus acharnée de ce système. Ce paradoxe tient à la bulle immobilière et aux rentes financières qui permettent à la région parisienne de continuer à fonctionner. Il y a cependant fort à parier que la nécessite du rééquilibrage de la balance commerciale frappera d'abord la région parisienne. Parce qu'elle est aujourd'hui le cœur improductif du pays. Si la France doit faire des économies pour sauver le soldat euro c'est avant tout dans cette région que les efforts seront portés. Les effets des politiques de contrition de la demande intérieure produiront une flambée du chômage essentiellement partout en France. Mais c'est certainement la capitale qui subira cette fois les effets palpables de l'eurolibéralisme. La baffe libérale dans la tête des Parisiens sera peut-être le meilleur moyen pour leur faire prendre conscience de la réalité et de l'inanité du projet européiste. La capitale française ne peut pas durablement vivre en dehors de son propre pays et des conséquences de ses propres décisions. Elle a voulu Macron qu'elle en subisse les conséquences, elle redeviendra peut-être ensuite une capitale digne de nom quand elle aura remis en cause ses dogmes.