Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous sommes donc en route pour une législative précipitées. L'étrange calcul électoral d'Emmanuel Macron semble pour l'instant se retourner contre lui dans un chaos de plus en plus incontrôlable. Cependant, cette affaire a mis en avant la mentalité dramatiquement basse des candidats politiques, quel que soit leur bord. La situation de certains partis politiques commence à ressembler à des épisodes du « Trône de fer » ou des Rois maudits qui avaient servi d'inspiration à George R. R. Martin pour son œuvre. Le pauvre parti d'Eric Zemmour, dont j'avais déjà parlé et qui me semblait être une impasse, explose aujourd'hui sous les effets du carriérisme de certaines de ses têtes de liste. On pourrait en dire autant des Républicains d'ailleurs. À gauche on fait semblant de ressusciter le Front Populaire, mais sans le peuple puisqu'en réalité les couches populaires votent plutôt pour le camp d'en face n'en déplaise à Mélenchon. Peut-être faudrait-il plutôt parler de Front Bobo. C'est d'autant plus vrai maintenant qu'ils cherchent à faire fusionner LFI avec le PS de Glucksmann qui est pourtant nettement plus proche philosophiquement du macronnisme. On peut déjà imaginer la grande implosion si ce Front Populaire arrive au pouvoir à la suite des législatives. Il est difficile d'aller à gauche et à droite en même temps.
Les électeurs voient donc bien que derrière tout ce cirque se cache en réalité surtout des ambitions personnelles et que les motivations réelles n'ont en fait que peu de rapport avec l'intérêt de la population. Il faut dire que depuis Maastricht puis la mise en place de l'euro, la politique en France n'est plus qu'une coquille vide, un théâtre où l'on fait semble de prendre des décisions importantes, alors que l'essentiel est décidé ailleurs . Il est assez étonnant en fait que la population continue à voter, c'est presque triste de voir une population continuer à croire un peu dans un système à ce point avili. Il est vrai également que dans un système aussi centralisé où il n'y a plus aucun corps intermédiaire et où les grands pouvoirs ont été transférés ailleurs, les citoyens n'ont plus de prise sur rien. Les élections sont en quelque sorte le dernier lieu de semblant de civilité où l'on joue à la démocratie.
Alors que va-t-il se passer aux prochaines élections ? Il est tout à fait possible que nous nous retrouvions dans une situation avec un RN sans majorité absolue et dans ce cas il sera incapable de diriger puisque visiblement il est bien en peine d'obtenir des alliés. Si c'est le pseudo-Front de gauche qui gagne, on aura automatiquement un nouveau pouvoir centriste. D'abord parce que la gauche devra sa victoire en partie à l'aile PS-Glucksmann et qu'en général dans ces conditions c'est souvent les minoritaires qui pèsent. Ce fut d'ailleurs l'une des raisons de la cinquième république par rapport à la quatrième, mettre fin au jeu des partis qui donnait trop de pouvoir de négociation aux petites listes par le jeu des alliances. On voit bien ici que la constitution du général de Gaulle a échoué même avec tout le respect que l'on peut avoir pour le grand Charles. Il est donc assez probable que la victoire de la « gauche » soit en fait le retour de la gauche plurielle sous une autre forme c'est-à-dire un mouvement centriste et européiste. L'Europe étant le seul socle commun à la gauche actuelle. Car même si LFI parle souvent de rupture avec la construction européenne, c'est toujours en dernier recours, et en réalité contraint et forcé.
Autant dire qu'il n'y aura jamais de rupture avec l'UE venant de la gauche. Car pour le faire, il faut avoir un vrai attachement à la nation française, ce qui n'est pas le cas des gens de gauche pour leur grande majorité. Ils se plaindront des conséquences de la disparition des solidarités nationales, mais jamais de la perte du liant nécessaire à cette solidarité. Cela fait partie des grands paradoxes de la gauche française, celle qui consiste à conchier ce qui permet en pratique la solidarité entre les classes sociales d'un même pays, le patriotisme. Les drapeaux palestiniens que brandissent les gauchistes en lieu et place du drapeau français démontrent en soi l'incapacité de la gauche à renouer avec l'esprit national. Ils peuvent s'amouracher de patries étrangères maltraitées, mais pas de la leur. Comme si les maux des Français n'avaient pas d'importance en tout cas beaucoup moins que ceux des étrangers. À ce stade c'est d'un avis psychiatrique dont nous aurions besoin, même si l'on peut toujours se rappeler de la fameuse formule de Rousseau sur cet amour du lointain promu par les cosmopolites :
« Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins »
Il faudrait d'ailleurs rappeler au passage à nos amis de gauche que le Front Populaire de l'époque, s'il était bien entendu farouchement opposé au racisme, n'en demeurait pas moins opposé également à l'immigration sans limite. Comme le rappelle dans ce texte l'historien Ralph Shor le Front Populaire était aussi très patriotique. Il a même fait appliquer la lois de 1932 limitant l'emploi des étrangers dans les entreprises privées, même le RN actuelle ne propose pas ça. Et comme le dit l'historien lui-même en 1936, les Français ont d'abord pensé à eux même et le Front Populaire a pu accéder au pouvoir dans ce cadre bien loin de la gauche actuelle pour qui les problèmes du lointain semblent nettement plus importants que les problèmes immédiats des Français. C'est d'ailleurs très bien expliqué par Christophe Guilluy dans un article récent où il résume très bien la situation qui a permis au RN d'atteindre son score actuel et la gauche bourgeoise à une très grosse responsabilité dans l'affaire.
Le piège néolibéral et l'UE
Comme je l'ai dit dans mon texte précédent brillamment commenté par La Gaule, le prochain gouvernement va se retrouver dans une impasse. Quel que soit le courant montant au pouvoir. Car aucun des deux courants ne veut rompre réellement avec le système européen. Et de toute manière, il ne pourra pas le faire dans des conditions de cohabitation. En effet, les référendums par exemple ne pourront pas être organisés sans l'approbation du président. Et connaissant Macron, il n'y a strictement aucune chance pour qu'il collabore ouvertement avec le prochain gouvernement qui ne sera pas de sa couleur. Son esprit enfantin et capricieux, pour ne pas dire pire, le poussera certainement à multiplier les coups pour nuire au gouvernement. Il le faisait déjà passablement avec ses propres troupes alors imaginait avec un gouvernement d'un autre courant politique qu'il méprise en plus . Donc imaginons qu'un gouvernement de Front Populaire ou du RN voulant mettre en place des lois ou des politiques contraires au droit européen. La Commission européenne bloc, tout comme la cour de justice européenne. La BCE décide de menacer la France directement et de provoquer une crise économique sévère dans le pays en nous asséchant les rentrées monétaires. Que se passe-t-il ?
Le gouvernement courageux veut organiser un référendum sur la sortie de l'UE ce qui est extrêmement improbable avec le RN ou avec le Front de Gauche. Il ne le pourra pas puisque le président ne le voudra pas et le référendum reste la prérogative du président de la République. Donc vous voyez le dilemme. Même si le futur gouvernement voulait rompre avec l'UE, il ne le pourra pas dans le cadre de l'exercice du pouvoir sous une cohabitation. Il faut impérativement avoir le président de son côté. On voit ici encore une fois les limites de la cinquième république qui a été un peu trop pensé pour le meilleur des hommes que fut le général de Gaulle.
L'autre facteur est éminemment économique. Nous vivons dans une structure économique entièrement façonnée par l'idéologie néolibérale depuis les années 70. Si l'UE est l'incarnation de ce pouvoir n'oublions pas que la première contrainte qui a été introduite artificiellement fut la fin du circuit du trésor et l'imposition qui a été fait à l'état d'emprunter uniquement sur les marchés financiers. Comme le disait Raymond Barre lui-même, maintenant l'état devra payer ses dettes. Sous-entendant que l'état ne pourrait plus les monétiser comme il le faisait un peu jusque là. En mettant l'augmentation de la masse monétaire sous condition d'emprunt à intérêt privé, la France a mis les mains dans l'engrenage de l'accroissement de la dette sans fin. Un engrenage qui a permis depuis de justifier tous les renoncements et qui explique que la France de 2024 ne peut plus se payer la sécurité sociale qu'elle avait en 1945 quand le pays était pourtant ruiné.
Pour résoudre les problèmes de la France, il faut donc en préalable enlever les chaînes qui empêchent les politiques publiques d'aller dans un autre sens que celui de la dérégulation et de la privatisation généralisée. Si vous ne revenez pas à un système de monnaie nationale et d'emprunt à la banque de France, effectivement ce sont les marchés financiers en plus de la BCE et de la Commission européenne qui imposeront leur agenda. Il est d'ailleurs tout à fait possible que ce soit là, en réalité, le piège ultime d'Emmanuel Macron. Un homme, qui, il faut le rappeler, est un pur produit de la finance. On peut très bien imaginer que toute sa stratégie fut de surendetter le pays, pour ensuite le faire tomber sous la coupe des marchés financiers, et pour justifier la démolition totale des derniers services publics et du système de retraite. Le pays se retrouverait ainsi vendu à la découpe pour des entreprises et des pays étrangers. La France arrive à un moment similaire à celle de la Grèce en 2010 et il faut rappeler qu'à l'époque c'est la gauche qui a préféré rester dans l'euro l'UE et piller le pays pour les beaux yeux des marchés financiers. Il n'est pas exclu que nous soyons au bord d'une évolution semblable.