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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

Les solutions de Patrick Artus

Mitteleuropa2.pngNatixis vient de nous montrer dans l'une de leur dernière dépêche  leur inaltérable capacité à s'enfermer dans un cadre limité d'analyse et de solution. On trouve dans ces dépêches à la fois du bon et du très mauvais, caractéristique d'esprits conscients des problèmes qu'ils ne nient pas, mais limités par leurs contraintes sociales à ne faire que des propositions aptes à ne pas choquer leur lectorat bien pensant. Patrick Artus réédite son exploit de proposer des non-solutions comme il l'avait fait lorsqu'il avait proposé de dévaluer l'euro tout en augmentant les salaires de notre zone monétaire. A vrai dire le gros problème d'Artus semble qu'il essai de ménager tout et son contraire. Il semble ignorer également parfaitement les contraintes politiques en donnant des solutions qui sont en fait politiquement impraticables. Or proposer des solutions économiquement viables mais politiquement impraticables revient à ne pas proposer de solutions du tout. Artus finira bien par se rendre compte que proposer comme il le fait des solutions collectives européennes, comme la création d'un état fédérale est tout simplement ridicule vue le degrés de solidarité intra-européenne.

 

    Cependant le constat d'Artus sur les déséquilibres nous pouvons entièrement le partager, c'est un fait que l'origine réelle de la crise est bien dans les déséquilibres commerciaux. Cependant sur le constat qu'il fait nous pourrions y mettre un bémol, ainsi il sépare l'Europe dite du nord, de l'Europe du sud, l'Europe du Nord étant l'Allemagne, les Pays bas, la Belgique l'Autriche, et la Finlande, l'Europe du Sud étant la France, l'Italie, l'Espagne la Grèce et l'Irlande. On pourrait gausser ici sur la problématique géographique mettant l'Irlande au sud et l'Autriche au Nord, mais ce n'est pas le problème. En fait on constate surtout que les pays du nord sont en fait des extrapolations de la puissance germanique, les Pays-bas et la Belgique sont les ports de l'Allemagne, l'Autriche une extension territoriale, il n'y a guère que la Finlande qui ne fait pas partie du cercle germanique mais Baltique. Il serait d'ailleurs amusant de coller la Pologne et les pays d'Europe centrale à ces statistiques puisque l'on sait bien que l'Allemagne a reconstruit sa Mitteleuropa par son influence commerciale. L'image qui illustre d'ailleurs cet article étant une carte approximative montrant la géographie de la Mitteleuropa germanique. Mais bien sûr ces états ne sont pas dans l'euro donc cela  semblerait ne pas coller avec l'objet de l'analyse d'Artus qui est de savoir comment résoudre les déficits commerciaux des pays de l'Europe du sud. Quoique à bien y réfléchir le fait qu'une bonne part des sites de productions germaniques ne soit pas en zone euro mais en Pologne et en république Tchèque par exemple, doit faciliter les excédents allemands face à ses concurrents intra-européens.

 

amploimanufacturier.jpgQuoiqu'il en soit l'autre problème de Artus c'est qu'il présente les états de l'Europe du nord comme des "bons" élèves en quelque sorte. Il semble ainsi oublier les interactions entre les nations et le fait que les déficits des uns sont les excédents des autres et vis versa. Ce qui rend l'exportation de ces modèle extrêmement discutable, et l'on pourrait tout autant affirmer que les mauvais sont les pays excédentaires qui tire la croissance vers le bas en comprimant leurs demandes intérieures au détriment des autres états européens.  Ensuite lorsque l'on regarde les graphiques qu'il donne, comme  par exemple l'emploi manufacturier, on ne dénote pas d'évolution différente. Les pays de l'Europe du Nord perdent aussi des emplois industriels, ils partent seulement de plus haut. Et même si la valeur ajoutée augmente c'est oublier un peu vite que ces gains se sont fait au détriment de la demande des autres pays de la zone euro pour l'essentielle. Car l'Europe du nord face à l'Asie et à la Chine fait pâle figure elle aussi. Par exemple l'Allemagne a 21.5 milliards d'euros de déficit commercial avec la Chine, ce n'est pas du tout négligeable. Petite remarque au passage  il semble tout de même qu'il y est une grosse différence entre les différents pays excédentaires suivant le sens de leurs investissements. L'Allemagne comme la Chine accumule des excédents mais elle investit aussi beaucoup à l'étranger contrairement à l'empire du milieu qui est devenu une pompe aspirante de toute la richesse mondiale. Malheureusement l'Allemagne investit  surtout en dehors de la zone euro ce qui n'est pas étranger aux déséquilibres intra-européens. Sur cette question je ne peux que vous conseiller la lecture de ce texte chez project-syndicate qui explique en quoi l'Allemagne ce n'est pas tout à fait la Chine. 

 

  L'Allemagne n'est donc pas le golgothe invulnérable que semble croire nos extasiés de l'excédent, nous vivons  peut-être le champ du cygne de l'industrie germanique, un grand feu d'artifice avant l'extinction définitive. L'Allemagne et sa périphérie font illusion grâce à leur marché du sud prisonnier à cause de l'euro, une fois ces derniers tombés l'économie allemande se montrera sous son vrai jour.

 

Les solutions d'Artus

 

  Ensuite si nous quittons la question des comparaisons et que nous nous attaquons aux solutions de monsieur Artus force est de constater qu'il fait montre de peu d'imagination car selon lui les pays déficitaires n'ont que trois solutions:

 

  1-Réindustrialiser en abaissant leur coût du travail en imitant les allemands, c'est à dire en réduisant les salaires, les prestations sociales et tout ce qui peut augmenter le prix du travail horaire. Artus critique cette solution car elle serait contraire à la nature de la spécialisation de la zone euro. En effet en créant une seule zone monétaire  les pays européens devraient accepter de se spécialiser dans ce qu'il font le mieux. On voit ici la vielle lubie libérale qui confond la production industrielle avec la production agricole qui elle effectivement devait se spécialiser par la géographie. Les libéraux oublient qu'aujourd'hui les avantages comparatifs se construisent ils ne sont plus le fait de la nature, on peut produire des processeurs aussi bien à Shanghai qu'à Paris ou à Casablanca. Quand au coût du travail il ne peut en aucun cas être qualifié d'avantage naturel, tant il est le fruit de conventions qui n'ont rien avoir avec une quelconque réalité "naturelle".

 

  2- Les pays du sud pourraient se réindustrialiser en sortant de la zone euro en dévaluant. Là Artus reconnait ce que bien peu d'économistes mainstream reconnaissent, le fait que la zone euro n'est pas aussi géniale que ce que l'on a vendu aux européens depuis Maastricht. Mais effrayé par cette hypothèse notre économiste préfère sortir l'artillerie anti-anti-euro nous disant combien il serait couteux en terme d'intérêt sur la dette publique de sortir de la monnaie unique. A cela nous pourrions lui rétorquer qu'en fait si nous abandonnons l'emprunt sur les marchés le coût deviendrait nul et les difficultés qu'il nous prédit deviendrait caduque. Mais bien sûr Artus reste dans le cadre du cercle de la raison libérale.  On pourrait aussi dire que les marchés ne sont pas complètement cons et qu'il vaut mieux un pays qui dévalue et retrouve un certains dynamisme pour rembourser leur dette plutôt que de s'enfoncer toujours plus dans le sur-endettement. Si ça se trouve l'explosion de l'euro fera baisser les taux et non l'inverse.

 

  3-Enfin la troisième solution, est la moins réaliste, c'est  celle qui consiste en des transfères permanent de compensation au sein d'un état fédéral européen. L'Italie, la France et l'Espagne devenant des provinces touristiques à l'image de la Corse ou du Languedoc Roussillon en France, l'Allemagne serait la région parisienne à l'échelle de l'Europe redistribuant les restes de sa prospérité aux sou-fifres misérables du sud. Il faut être bien naïf pour croire qu'il existe une identification commune suffisante pour que les peuples de l'Europe du sud acceptent par l'économie ce que l'Allemagne n'a jamais réussi à faire par les armes. Pareillement on voit mal les allemands donner indéfiniment de l'argent à ceux qu'ils jugeront être des parasites accrochés à leur bottes.  Il s'agit là en plus d'une grave ignorance des mécanismes économiques, la spécialisation peut peut-être apporter des gains à court terme mais néglige les potentialités créatives qui auraient pu naitre en cas de non spécialisation territoriale. La vision spécialisée des territoires est une vision stationnaire de l'économie. Si la Corée du Sud avait écouté les libéraux du FMI dans les années 70-80 elle n'aurait jamais fabriqué de voiture et se serait transformée en producteur de riz pour le Japon. Il en va de même pour l'Europe du Sud, rien n'est écrit pour l'éternité et rien n'interdit au sud de fabriquer un jour des produits industriels et de concurrencer à terme les allemands, à moins de croire aux inégalités génétiques n'est-ce pas?  

 

  Donc au final des propositions d'Artus on ne retiendra que la seconde qui reste la plus rationnelle même si l'auteur a peur de celle-ci. On regrettera qu'Artus n'ai pas émis la possibilité alternative du protectionnisme. Possibilité  qui pourtant permettrait, comme je l'ai montré dans un texte précédent, de sauver son précieux euro tout en rééquilibrant les échanges à l'intérieur de la zone . Mais le protectionnisme pour Artus c'est comme la terre ronde pour les anciens, une impossibilité ontologique que l'on ne peut même pas imaginer.

 

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R
<br /> <br /> @ Yann<br /> <br /> <br /> Emmanuel Todd prédit la chute de l'euro mais persiste avec le protectionnisme européen:<br /> <br /> <br /> http://toutsurlachine.blogspot.com/2010/12/opinion-cessons-de-nous-agenouiller.html<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> @Malakine<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci pour le qualificatif je crois savoir que sur ton propre blog tu n'admets pas ce genre de propos non? Sinon je pense equ'en réalité Artus ne dit pas tout ce qu'il pense de la situation. Son<br /> dogmatisme est un dogmatisme social, il a des contraintes liées à sa situation personnelle puisqu'il travail pour une grande banque. Je ne le voit pas proposer une nationalisation bancaire comme<br /> Lordon par exemple, car cela correspondrait à un suicide salariale. Donc il s'exprime dans le cadre autorisé par sa situation à mon sens ce qui rend de suite plus excusable ses solutions qui n'en<br /> sont pas. Car quoique tu puisse en dire ses propositions sont souvent inapplicable en pratique même si en théorie c'est intéressant. Quand il avait proposé de dévaluer massivement l'euro et<br /> d'augmenter les salaires dans les mêmes proportions j'avais trouvé cela intéressant même si cela était en fait impossible. Surtout l'augmentation des salaires simultanés dans toute l'Europe.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Concernant la dette espagnole une grande part de celle-ci n'est pas le fruit du déficit commercial. En réalité la plupart des dettes publiques sont le fait de l'endettement auprès des marchés<br /> financiers dans le but d'investissements intérieurs. Tu le sais aussi bien que moi emprunter sur les marché pour financer des investissements requérants essentiellement des emplois locaux cela<br /> n'a rigoureusement aucun sens. Si les dettes de nos nations n'étaient que le fruit des déficits commerciaux elles seraient sans nul doute largement inférieures aux montants actuels.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> De plus dans tout les cas l'Espagne doit réduire son déficit commerciale. Dans le cas d'une sortie de l'euro cela pourrait se faire en dévaluant tout en relançant l'activité interne du pays. Ce<br /> faisant cela favoriserait les activités locales au détriment des importations. Cela ferait plus de chorizo et moins d'écrans plasma ce n'est pas forcement plus mal . En plus cela augmenterait l'activité touristique l'Espagne étant un grand pays du tourisme cela aiderait à redresser la barre plus<br /> rapidement.<br /> <br /> <br /> Et puis si l'Espagne en est là  c'est justement parce qu'on lui permet depuis des années d'avoir un déficit commercial sans ajustement monétaire. Son économie serait développé de façon plus<br /> équilibré si cette avantage apparent n'avait pas été là.<br /> <br /> <br /> @J. Halpern<br /> <br /> <br /> Merci pour ces rappels et pour votre soutien.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> @JeanJ<br /> <br /> <br /> Ne vous inquiétez pas cela arrivait souvent ce genre d'engueulade sur le blog de Malakine. On se connait depuis quelques années par blog et commentaires interposés ce n'est rien qu'une petite<br /> friction sans conséquence.  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> @ Malakine<br /> <br /> <br /> "Un pays qui a un déficit de sa balance courante de 10 % comme l'Espagne ou l'Irlande devra bien acheter d'une manière ou d'une autre de la monnaie étrangère sur les marchés financiers pour<br /> financer ses importations."<br /> <br /> <br /> Le but de la dévaluation est de rétablir l'équilibre des échanges, de sorte de n'avoir plus besoin de cet argent extérieur. Si l'irlande veut à la fois sortir de l'euro et vivre à crédit, alors<br /> tu as raison mais je ne crois pas que ce soit l'idée d'Artus ni de Yann !!!<br /> <br /> <br /> Il va de soi que la dévaluation ne fait pas disparaître le coût de l'adaptation d'une économie dopée pendant 10 ans au financement extérieur. Elle est simplement moins ravageuse que la déflation<br /> car elle ne bloque pas la croissance économique qui compense en partie l'appauvrissement lié au renchérissement des importations. La hausse du PIB et des prix réduisent le poids des dettes. Mais<br /> il faut éviter que des flux et reflux spéculatifs ne mettent à mal les débiteurs et l'Etat, et compromettent cette croissance. D'où la necessité de se déconnecter de la finance mondialisée si<br /> l'on veut sortir par le haut de l'impasse actuelle.<br /> <br /> <br /> Concernant le ton des échanges : je partage ton appréciation d'Artus, son travail est de bonne facture mais dans la limite des conditions institutionnelles dans lesquelles il travaille. De ce<br /> dernier point de vue la critique de Yann est tout à fait fondée. Artus se refuse - pour des raison qu'il n'explicite pas dans l'article cité - à imaginer une réglementation de la finance. Or<br /> c'est cette réglementation qui est la clé de tout. Yann a tout à fait raison de le souligner.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> > J Halpern<br /> <br /> <br /> Réfléchis deux minutes. Un pays qui a un déficit de sa balance courante de 10 % comme l'Espagne ou l'Irlande devra bien acheter d'une manière ou d'une autre de la monnaie étrangère sur les<br /> marchés financiers pour financer ses importations. Autant comme il est débile d'affirmer que la France aurait les mêmes taux d'intérêts que l'Irlande si elle sortait de l'Euro (vu que sa balance<br /> n'est que faiblement déficitaire) autant comme il est tout aussi débile de dire qu'elle n'a qu'a revenir à sa livre et emprunter auprès de sa banque centrale et le tour est joué. Non, ces pays<br /> qui ont joué l'économie d'endettement et/ou qui se sont désindustrialisés ont un problème très sérieux.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> > Jean<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Désolé pour le ton, mais parfois le ton systématiquement critique qui règne dans nos milieux me fatigue. Et j'en sais quelque chose !!. Yann n'est d'ailleurs pas le dernier à poster des<br /> commentaires critiques pas toujours formulés en des termes très amicaux. Ici c'est cette critique condescendante de Patrick Artus que j'ai du mal à supporter. Alors certes il ne dit pas toujours<br /> ce qu'on aimerait entendre, mais il fournit des matériaux d'analyse toujours pertinent et qui donne au lecteur des mois d'avance dans la compréhension des évènements sur l'ensemble des<br /> commentateurs qui ne font que se recopier. J'ai compris - enfin - ce qui se passait dans la crise de l'euro grâce à ces analyses. Je lis toutes ces notes depuis des années avec toujours le même<br /> intérêt. Il ne mérite pas qu'on lui crache dessus ou qu'on le présente comme quelqu'un d'enfermé dans ses dogmes ou de complètement à coté de la plaque comme yann le fait dans ce billet.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> En outre, je crois qu'il faut respecter ceux qui savent. Quand tu n'es pas d'accord avec qqun comme Artus, d'abords tu te demandes s'il n'y a pas quelque chose que tu as compris de travers.<br /> Ensuite tu tu cherches le non dit car il est évident qu'il ne peut pas tout dire. Puis tu te poses la question si on ne peux pas arriver à des conclusions différentes avec un autre référentiel.<br /> Et après éventuellement, tu peux essayer d'apporter ta contribution au débat, humblement ... mais jamais tu ne regardes pas de haut un économiste de ce niveau !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> @Malakine<br /> <br /> <br /> Pourquoi cette agressivité ? Même si vous n'êtes pas d'accord avec Yann il n'y a vraiment aucune raison d'écrire "c'est que tu es vraiment un con".. Ca ne vous arrive pas de vous tromper? (je ne<br /> veux pas dire pour autant que Yann se trompe)<br /> <br /> <br /> Yann a peut être une interprétation différente de la votre concernant Artus... why not?<br /> <br /> <br /> <br />
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