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Nous en avons déjà longuement parlé, mais c'est un sujet important. L'image des USA étant leur force surtout en Europe, les Européens ayant développé un étrange complexe d'infériorité probablement produit par la domination que ce pays exerce sur notre continent depuis la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, je constate que beaucoup de gens défendent assez largement les politiques économiques américaines, en particulier les économistes plutôt keynésiens. Il est vrai que les USA contrairement à l'Europe n'ont jamais vraiment adhéré totalement à la doxa néolibérale qu'ils ont pourtant largement contribué à répandre. La dérégulation commerciale et financière générale a été véritablement mise en place par les USA et la Grande-Bretagne, même si beaucoup de théoriciens néolibéraux venaient de France. En pratique ce sont donc bien les USA qui ont forcé le reste de l'occident à se soumettre à ces nouvelles « vérités » économiques.
Ce fut d'autant plus leur volonté que les USA dans les années 70 avaient besoin d'un nouveau mécanisme pour financer les conséquences de la guerre du Vietnam et de la dégradation de leur commerce extérieur. Nous en avons déjà longuement parlé, les USA ont finalement choisi d'utiliser le dollar comme moyen de paiement infini en décrochant le dollar de l'or en 1973. Ce choix de Nixon est absolument fondamental puisqu'il transforme les USA en un empire alors que jusque là les USA étaient restés une nation avec une forte base industrielle. La dérégulation financière avait pour but d'aspirer les capitaux du reste de la planète grâce justement au rôle du statut monétaire qu'ils avaient. La stratégie a fonctionné puisque les USA en déclin depuis les années 60 ont retrouvé un énorme poids alors même qu'ils ont continué en réalité de décliner sur la durée. Leur poids n'était plus le produit de leur capacité de production, mais leur capacité à acheter le monde avec des dollars, qu'il ne tient qu'à eux d'émettre. Évidemment ce statut est une nuisance pour l'industrie américaine elle-même. Pourquoi produire des choses quand vous pouvez tout importer gratuitement ? Ce phénomène est visible en France aussi puisque nous avons désormais une monnaie, l'euro, qui n'est plus du tout lié à nos capacités de production. Le résultat est la disparition d'une certaine discipline collective poussant la nation à faire attention à ses capacités industrielles et agricoles. Tout se passe comme si les grands équilibres n'avaient plus d'importance jusqu'au jour où nous serons rattrapés par la réalité et là le choix sera extrêmement violent.
Les pays de famille nucléaire suivant les thèses d'Emmanuel Todd semblent plus enclins que les autres à se laisser flotter sur les eaux de l'irresponsabilité macroéconomique quand les contraintes disparaissent momentanément. La vitesse à laquelle les USA, la Grande-Bretagne, et la France, ont laissé couler leur industrie a quelque chose de stupéfiant, sachant que ces pays ont été parmi les premiers justement à s'industrialiser et à tirer profit de la puissance que l'industrie produisait. En France, on peut même parler de haine de la production nationale. Derrière les discours sur la nécessité d'acheter français, on voit des collections de mesures tout plus ou moins systématiquement contraires à l'intérêt de nos producteurs. Le refus obstiné de nos élites de sortir du marché européen de l'électricité, pourtant totalement contraire à nos intérêts et qui a fait de l'électricité française l'une des plus chères du monde, alors que nous avons parmi les coûts de production les plus faibles, en est une surprenante démonstration. On peut évidemment penser ici qu'il y a de la corruption et des liens d'intérêt entre nos dirigeants et ceux qui gagnent énormément d'argent dans cette escroquerie à grande échelle. Mais il y a aussi quelque chose qui est de l'ordre de la haine, de l'intérêt national et de la production.
Les statistiques américaines
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Mais revenons à la situation américaine. Comme je le disais, les économistes hétérodoxes soutiennent mordicus les politiques de Biden. Et il est vrai que dans un paysage de pays obsédé par les réductions de dette et les baisses des salaires il peut sembler opportun de soutenir les seules qui semblent comprendre que l'économie mondiale est entrée dans une phase d'insuffisance de la demande. Car nous arrivons à la phase terminale de la globalisation néolibérale. Les précédentes mondialisations avaient toutes fini par se casser la figure dans des conflagrations militaires. Elles n'ont jamais pu aller au bout de leur logique même si les conflagrations militaires étaient même probablement liées aux effets des mondialisations précédentes. Sans faire de marxisme, il est évident que par sa nature déstabilisatrice le libre-échange conduit à changer les rapports de force économiques. Des changements qui finissent par aboutir structurellement à des changements de rapport de force géopolitique, les puissances montantes n'acceptant plus la domination des anciennes puissances dominantes. Nous sommes d'ailleurs à nouveau dans ce cas de figure puisque ni la Russie, ni la Chine, ni les BRICS n'acceptent plus le système de pillage financier mis en place par les USA depuis 1973.
La globalisation américaine a permis aux USA de jouir sans entrave depuis 50 ans, mais elle a aussi créé de nouveaux concurrents à travers les mécanismes de délocalisation et de transfert de technologie et de savoir-faire. À l'échelle globale, la spécialisation produite par la globalisation fut la production en Asie et secondairement en Europe et la consommation aux USA. Les USA devenant en quelque sorte l'état keynésien de la planète comme disaient Emmanuel Todd dans « Après l'Empire ». La situation présente n'est guère différente en réalité. Les USA continuent d'émettre de la monnaie quand les crises arrivent pour continuer à relancer la consommation qui permet à la planète d'avoir de la croissance dans un monde où les salaires sont écrasés par la concurrence internationale. Sans les relances américaines régulières, le monde n'aurait plus de croissance depuis longtemps, car l'Europe et l'Asie ne pratiquent pas ce genre de politique à l'exception du Japon. La Chine tout comme l'Allemagne attendent que la croissance vienne par les exportations et la demande extérieure.
Le problème c'est que cette belle mécanique globalisée ne peut fonctionner que tant que les USA pesaient largement plus que les autres acteurs économiques. Or c'est de moins en moins vrai. La crise actuelle en Chine et la montée du chômage sont liées à la prise de poids de ce pays qui ne peut plus se contenter d'attendre que la croissance vienne des exportations. La Chine est désormais trop grosse pour être un pays qui ne vit que par ses excédents commerciaux. À cela s'ajoutent les mesures américaines qui veulent arrêter la montée en puissance de ce pays, même s'il est bien trop tard pour ça. Donc dans un contexte planétaire déflationniste avec une Chine qui va tirer les prix planétaires vers le bas, il est évident que l'on peut trouver quelques aspects positifs à la politique de relance américaine. D'autant que ces derniers semblent vouloir rompre avec le libre-échange qui continue pourtant à faire rage en Europe malgré l'effondrement industriel du continent. Cependant, il faut bien voir que la politique USA se fait grâce à leur statut monétaire. Pour l'instant, les USA restent un pays libre-échangiste avec des droits de douane de 3,5% en moyenne tout comme l'Europe. Rappelons que les USA de la grande époque entre 1865 et 1945 c'était plutôt 50% de droit de douane en moyenne.
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Les politiques protectionnistes US sont en réalité assez timorée et concernent seulement certains secteurs de pointe. Or les déficits commerciaux américains sont généraux et touchent pratiquement tous les secteurs d'activité, y compris agricoles. Les USA auraient besoin de droits de douane, de quotas et pas seulement de subvention pour quelques secteurs aussi spectaculaires que soient ces politiques. Nous sommes encore ici dans le domaine du spectacle d'une société où les hommes politiques cherchent avant tout à communiquer efficacement dans les médias avant de chercher des politiques qui soient efficaces réellement sur les objectifs affichés. Lorsque l'on regarde la balance commerciale des USA on voit qu’elle recommence à se dégrader malgré le protectionnisme affiché. La communication se fait aussi sur tout un tas d'autres domaines. Le chômage par exemple. Les autorités américaines aiment à faire croire au plein emploi aux USA. Nous ne parlerons pas ici de la qualité des emplois qui n'est jamais prise en compte lorsque l'on parle de cette question alors qu'il s'agit d'un sujet essentiel. Avoir un emploi qui ne permet ni de se loger ni de fonder une famille, est-ce un véritable emploi ?
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Je me contenterais de rappeler que les chiffres du chômage aux USA sont encore plus discutables qu'en France. Si l'on regarde le taux d'activité des personnes en âge de travailler, ce n'est guère reluisant. Si le taux est remonté à 74%, il reste en dessous de son niveau de l'an 2000 qui était de 77%. Et si l'on s’intéresse aux hommes, le taux n'est que de 79% alors qu'en 1970 par exemple le taux était de 85% . Et en 1977, les USA avaient déjà un problème de chômage. L'un des problèmes de la mesure de l'économie américaine est le changement des instruments de mesure depuis les années 80-90. En effet face à leur déclin, les autorités US n'ont pas hésité à changer la façon dont ils mesuraient le chômage, l'inflation et même le PIB. Il est donc dès lors assez difficile de prendre les données officielles complètement au sérieux, surtout si l'on voit par ailleurs des données non économiques en contradiction avec ces données. Les USA connaissent par exemple une spectaculaire dégradation de leur situation de santé avec un effondrement de l’espérance de vie, une hausse de la mortalité infantile et une très forte baisse de la natalité. Cela peut provenir d'autres problèmes que les questions purement économiques, mais avouons quand même qu'il est difficile de penser ce pays en très bonne santé quand on voit ce genre de donnés.
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On peut donc se pencher sur les données alternatives. Cela tombe bien, l'économiste John Williams est un traditionaliste qui a eu la bonne idée de garder les vieilles méthodes de calculs qui existaient avant les traficotages grossiers de ces dernières décennies. Et là d'un seul coup tout s'éclaire. Le taux de chômage américain n'est pas de 3,5%, comme le claironnent les autorités, mais de 25%.. Ce qui explique le décalage qu'on peut avoir sur les statistiques officielles entre le taux de chômage et le taux d'actif. Soyons clairs, il n'y a pas que les USA qui camouflent leur réalité déplaisante, en France c'est la même chose. Mais il est bien difficile de conclure sur l'efficacité de telle ou telle politique si les données de base ne sont pas fiables. Pour le PIB c'est encore pire, les USA selon les statistiques de John Williams sont en récession permanente avec une inflation réelle bien plus élevée que celle donnée par les institutions officielles. Il est difficile de trancher entre ces données et les données officielles seulement indéniablement les statistiques de John Williams collent un peu mieux à la dégradation de la situation d'une bonne part de la population américaine qui meurt de plus en plus jeune. Cela prouve également que d'utiliser simplement l'endettement et l'émission monétaire est insuffisant pour redresser une économie en perdition. C'est un ensemble cohérent de mesures qu'il faut prendre. Distribuer des chèques ne suffira pas à réindustrialiser les USA, et c'est aussi vrai en France.