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10 mai 2024 5 10 /05 /mai /2024 15:29

 

Nous en avons déjà longuement parlé, mais c'est un sujet important. L'image des USA étant leur force surtout en Europe, les Européens ayant développé un étrange complexe d'infériorité probablement produit par la domination que ce pays exerce sur notre continent depuis la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, je constate que beaucoup de gens défendent assez largement les politiques économiques américaines, en particulier les économistes plutôt keynésiens. Il est vrai que les USA contrairement à l'Europe n'ont jamais vraiment adhéré totalement à la doxa néolibérale qu'ils ont pourtant largement contribué à répandre. La dérégulation commerciale et financière générale a été véritablement mise en place par les USA et la Grande-Bretagne, même si beaucoup de théoriciens néolibéraux venaient de France. En pratique ce sont donc bien les USA qui ont forcé le reste de l'occident à se soumettre à ces nouvelles « vérités » économiques.

 

Ce fut d'autant plus leur volonté que les USA dans les années 70 avaient besoin d'un nouveau mécanisme pour financer les conséquences de la guerre du Vietnam et de la dégradation de leur commerce extérieur. Nous en avons déjà longuement parlé, les USA ont finalement choisi d'utiliser le dollar comme moyen de paiement infini en décrochant le dollar de l'or en 1973. Ce choix de Nixon est absolument fondamental puisqu'il transforme les USA en un empire alors que jusque là les USA étaient restés une nation avec une forte base industrielle. La dérégulation financière avait pour but d'aspirer les capitaux du reste de la planète grâce justement au rôle du statut monétaire qu'ils avaient. La stratégie a fonctionné puisque les USA en déclin depuis les années 60 ont retrouvé un énorme poids alors même qu'ils ont continué en réalité de décliner sur la durée. Leur poids n'était plus le produit de leur capacité de production, mais leur capacité à acheter le monde avec des dollars, qu'il ne tient qu'à eux d'émettre. Évidemment ce statut est une nuisance pour l'industrie américaine elle-même. Pourquoi produire des choses quand vous pouvez tout importer gratuitement ? Ce phénomène est visible en France aussi puisque nous avons désormais une monnaie, l'euro, qui n'est plus du tout lié à nos capacités de production. Le résultat est la disparition d'une certaine discipline collective poussant la nation à faire attention à ses capacités industrielles et agricoles. Tout se passe comme si les grands équilibres n'avaient plus d'importance jusqu'au jour où nous serons rattrapés par la réalité et là le choix sera extrêmement violent.

 

Les pays de famille nucléaire suivant les thèses d'Emmanuel Todd semblent plus enclins que les autres à se laisser flotter sur les eaux de l'irresponsabilité macroéconomique quand les contraintes disparaissent momentanément. La vitesse à laquelle les USA, la Grande-Bretagne, et la France, ont laissé couler leur industrie a quelque chose de stupéfiant, sachant que ces pays ont été parmi les premiers justement à s'industrialiser et à tirer profit de la puissance que l'industrie produisait. En France, on peut même parler de haine de la production nationale. Derrière les discours sur la nécessité d'acheter français, on voit des collections de mesures tout plus ou moins systématiquement contraires à l'intérêt de nos producteurs. Le refus obstiné de nos élites de sortir du marché européen de l'électricité, pourtant totalement contraire à nos intérêts et qui a fait de l'électricité française l'une des plus chères du monde, alors que nous avons parmi les coûts de production les plus faibles, en est une surprenante démonstration. On peut évidemment penser ici qu'il y a de la corruption et des liens d'intérêt entre nos dirigeants et ceux qui gagnent énormément d'argent dans cette escroquerie à grande échelle. Mais il y a aussi quelque chose qui est de l'ordre de la haine, de l'intérêt national et de la production.

 

Les statistiques américaines

 

Le déficit commercial américain ne se rebouche pas malgré la "réindustrialisation" médiatique

 

Mais revenons à la situation américaine. Comme je le disais, les économistes hétérodoxes soutiennent mordicus les politiques de Biden. Et il est vrai que dans un paysage de pays obsédé par les réductions de dette et les baisses des salaires il peut sembler opportun de soutenir les seules qui semblent comprendre que l'économie mondiale est entrée dans une phase d'insuffisance de la demande. Car nous arrivons à la phase terminale de la globalisation néolibérale. Les précédentes mondialisations avaient toutes fini par se casser la figure dans des conflagrations militaires. Elles n'ont jamais pu aller au bout de leur logique même si les conflagrations militaires étaient même probablement liées aux effets des mondialisations précédentes. Sans faire de marxisme, il est évident que par sa nature déstabilisatrice le libre-échange conduit à changer les rapports de force économiques. Des changements qui finissent par aboutir structurellement à des changements de rapport de force géopolitique, les puissances montantes n'acceptant plus la domination des anciennes puissances dominantes. Nous sommes d'ailleurs à nouveau dans ce cas de figure puisque ni la Russie, ni la Chine, ni les BRICS n'acceptent plus le système de pillage financier mis en place par les USA depuis 1973.

 

La globalisation américaine a permis aux USA de jouir sans entrave depuis 50 ans, mais elle a aussi créé de nouveaux concurrents à travers les mécanismes de délocalisation et de transfert de technologie et de savoir-faire. À l'échelle globale, la spécialisation produite par la globalisation fut la production en Asie et secondairement en Europe et la consommation aux USA. Les USA devenant en quelque sorte l'état keynésien de la planète comme disaient Emmanuel Todd dans « Après l'Empire ». La situation présente n'est guère différente en réalité. Les USA continuent d'émettre de la monnaie quand les crises arrivent pour continuer à relancer la consommation qui permet à la planète d'avoir de la croissance dans un monde où les salaires sont écrasés par la concurrence internationale. Sans les relances américaines régulières, le monde n'aurait plus de croissance depuis longtemps, car l'Europe et l'Asie ne pratiquent pas ce genre de politique à l'exception du Japon. La Chine tout comme l'Allemagne attendent que la croissance vienne par les exportations et la demande extérieure.

 

Le problème c'est que cette belle mécanique globalisée ne peut fonctionner que tant que les USA pesaient largement plus que les autres acteurs économiques. Or c'est de moins en moins vrai. La crise actuelle en Chine et la montée du chômage sont liées à la prise de poids de ce pays qui ne peut plus se contenter d'attendre que la croissance vienne des exportations. La Chine est désormais trop grosse pour être un pays qui ne vit que par ses excédents commerciaux. À cela s'ajoutent les mesures américaines qui veulent arrêter la montée en puissance de ce pays, même s'il est bien trop tard pour ça. Donc dans un contexte planétaire déflationniste avec une Chine qui va tirer les prix planétaires vers le bas, il est évident que l'on peut trouver quelques aspects positifs à la politique de relance américaine. D'autant que ces derniers semblent vouloir rompre avec le libre-échange qui continue pourtant à faire rage en Europe malgré l'effondrement industriel du continent. Cependant, il faut bien voir que la politique USA se fait grâce à leur statut monétaire. Pour l'instant, les USA restent un pays libre-échangiste avec des droits de douane de 3,5% en moyenne tout comme l'Europe. Rappelons que les USA de la grande époque entre 1865 et 1945 c'était plutôt 50% de droit de douane en moyenne.

 

Taux de participation à l'économie des hommes en age de travailler.

Les politiques protectionnistes US sont en réalité assez timorée et concernent seulement certains secteurs de pointe. Or les déficits commerciaux américains sont généraux et touchent pratiquement tous les secteurs d'activité, y compris agricoles. Les USA auraient besoin de droits de douane, de quotas et pas seulement de subvention pour quelques secteurs aussi spectaculaires que soient ces politiques. Nous sommes encore ici dans le domaine du spectacle d'une société où les hommes politiques cherchent avant tout à communiquer efficacement dans les médias avant de chercher des politiques qui soient efficaces réellement sur les objectifs affichés. Lorsque l'on regarde la balance commerciale des USA on voit qu’elle recommence à se dégrader malgré le protectionnisme affiché. La communication se fait aussi sur tout un tas d'autres domaines. Le chômage par exemple. Les autorités américaines aiment à faire croire au plein emploi aux USA. Nous ne parlerons pas ici de la qualité des emplois qui n'est jamais prise en compte lorsque l'on parle de cette question alors qu'il s'agit d'un sujet essentiel. Avoir un emploi qui ne permet ni de se loger ni de fonder une famille, est-ce un véritable emploi ?

 

 

Je me contenterais de rappeler que les chiffres du chômage aux USA sont encore plus discutables qu'en France. Si l'on regarde le taux d'activité des personnes en âge de travailler, ce n'est guère reluisant. Si le taux est remonté à 74%, il reste en dessous de son niveau de l'an 2000 qui était de 77%. Et si l'on s’intéresse aux hommes, le taux n'est que de 79% alors qu'en 1970 par exemple le taux était de 85% . Et en 1977, les USA avaient déjà un problème de chômage. L'un des problèmes de la mesure de l'économie américaine est le changement des instruments de mesure depuis les années 80-90. En effet face à leur déclin, les autorités US n'ont pas hésité à changer la façon dont ils mesuraient le chômage, l'inflation et même le PIB. Il est donc dès lors assez difficile de prendre les données officielles complètement au sérieux, surtout si l'on voit par ailleurs des données non économiques en contradiction avec ces données. Les USA connaissent par exemple une spectaculaire dégradation de leur situation de santé avec un effondrement de l’espérance de vie, une hausse de la mortalité infantile et une très forte baisse de la natalité. Cela peut provenir d'autres problèmes que les questions purement économiques, mais avouons quand même qu'il est difficile de penser ce pays en très bonne santé quand on voit ce genre de donnés.

 

On peut donc se pencher sur les données alternatives. Cela tombe bien, l'économiste John Williams est un traditionaliste qui a eu la bonne idée de garder les vieilles méthodes de calculs qui existaient avant les traficotages grossiers de ces dernières décennies. Et là d'un seul coup tout s'éclaire. Le taux de chômage américain n'est pas de 3,5%, comme le claironnent les autorités, mais de 25%.. Ce qui explique le décalage qu'on peut avoir sur les statistiques officielles entre le taux de chômage et le taux d'actif. Soyons clairs, il n'y a pas que les USA qui camouflent leur réalité déplaisante, en France c'est la même chose. Mais il est bien difficile de conclure sur l'efficacité de telle ou telle politique si les données de base ne sont pas fiables. Pour le PIB c'est encore pire, les USA selon les statistiques de John Williams sont en récession permanente avec une inflation réelle bien plus élevée que celle donnée par les institutions officielles. Il est difficile de trancher entre ces données et les données officielles seulement indéniablement les statistiques de John Williams collent un peu mieux à la dégradation de la situation d'une bonne part de la population américaine qui meurt de plus en plus jeune. Cela prouve également que d'utiliser simplement l'endettement et l'émission monétaire est insuffisant pour redresser une économie en perdition. C'est un ensemble cohérent de mesures qu'il faut prendre. Distribuer des chèques ne suffira pas à réindustrialiser les USA, et c'est aussi vrai en France.

 

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6 mai 2024 1 06 /05 /mai /2024 15:49

 

La campagne des Européennes a donc commencé. On remarque tout de suite l'explosion des discours tous plus grotesques, et irréalistes, les uns que les autres. Peu de candidats veulent rompre avec la construction européenne alors que c'est la seule solution pour sauver le pays. Mais les médias étant ce qu'ils sont, c'est à dire inféodé aux classes sociales dominantes, c'est de nouveau la vieille lune de l'autre Europe qui remplit les discours de nos candidats à commencer par ceux prétendument de gauche. Pour ceux qui ne le sauraient pas, ou qui auraient une mémoire de poisson rouge, l'autre Europe c'était déjà le discours des socialistes dans les années 70-80 . C'est dire si la méthode est éculée. Mais c'est assez symptomatique de la démission générale des prétendus élites qui dirigent, ou plutôt font semblant de diriger ce pays. Ils veulent véritablement la mort de la France en tant qu'entité politique. Ce n'est jamais dit ainsi directement, mais tout montre dans leur comportement cette volonté en particulier chez monsieur Macron qui ne manque aucune occasion pour rabaisser le pays. On notera d'ailleurs le grand silence général sur la volonté de supprimer les droits de veto des états membres, une volonté de transformer l'UE en un état fédéral sans peuple, une première dans l'histoire.

 

Nous en avons une nouvelle preuve de cette volonté d'abaissement du pays en ce moment même, puisque Macron en bon vassal qu'il est, a voulu faire venir la pathétique Von der Leyen lors de sa rencontre avec le dirigeant chinois. Cela jure un petit peu avec la visite du chancelier allemand en Chine dernièrement où il n'y avait aucun dignitaire européen, ni même un seul drapeau européen . C'est que les élites allemandes n'ont visiblement pas envie de dissoudre leur pays dans l'UE et c'est très vraisemblablement le cas de la plupart des pays membres. Cet acharnement à vouloir aller contre les intérêts du pays de la part de ceux qui sont censés le représenter est vraiment très curieux. Sûrement un des effets du nihilisme dont parlait Emmanuel Todd. Mais il atteint en France un niveau extrêmement préoccupant pour l'avenir du pays. Même aux USA il reste quelque bribe de notion de défense de l'intérêt nationale. Je dis bien quelques bribes, car c'est plus verbal qu'autre chose. En France on peut être ouvertement antifrançais, contre les intérêts de la nation et êtres candidat aux Européennes ou à la présidentielle. À l'image de monsieur Gluksmann qui se sent plus chez lui à New York ou à Berlin qu'en Picardie. On se demande bien pourquoi il est candidat chez nous du coup. C'est assez symptomatique du problème de la France qui est géré depuis des décennies par une population qui n'a plus aucune attache avec notre nation. Il ne faut donc guère attendre autre chose que des discours ignorant parfaitement l'intérêt supérieur de la nation.

 

Cependant, cette situation ne serait pas possible si les Français en général avaient globalement gardé une colonne vertébrale nationale. En un sens le vide des élites c'est aussi la résultante du vide patriotique qui touche la population française persuadée que la nation et les frontières c'est le mal absolu. Et la poussée du RN ne signifie pas automatiquement un réveil du patriotisme français. Tout juste peut-on noter une réaction épidermique face aux conséquences du néolibéralisme et de la construction européenne sans une véritable prise de conscience de la nécessité d'un patriotisme minimal. Nous devons avoir en tête les gilets jaunes qui furent incapables d’articuler une pensée collective cohérente sur ces sujets à part leur slogan inlassable sur le RIC. Cette jacquerie moderne a en un sens montré l'état mental de la population française fatigué par 50 ans de libre-échange et de dérégulation économique, mais qui n'est plus capable d'avoir des projets collectifs parce que l'esprit patriotique est en lambeau.

 

 

L'UE est un outil des élites contre la population française

 

Et cette absence d'esprit collectif extrêmement fort dans notre pays se traduit par ces postures électorales ridicules. Ainsi tous les candidats ou presque veulent maintenant protéger les Français et l'industrie. Il faut dire que les chiffres du commerce extérieur sont tellement catastrophiques qu'il devient difficile de les camoufler. Rendez-vous compte, la France arrive même à avoir des déficits commerciaux avec les USA, chose rarissime sur terre. Il s'agit ici probablement d'un des effets du suicide collectifs consistant à importer du gaz naturel liquéfié US beaucoup plus chers que son équivalent russe. On notera d'ailleurs que cette stratégie à court terme d'importation est d'autant plus absurde que la production de gaz aux USA vient d'atteindre son plafond et qu'elle risque de vite descendre dans les années qui viennent. Le gaz de schiste étant en grande partie une très coûteuse aventure sur le plan environnemental à la durée de vie très limitée. Du reste, la France qui a renoncé à 'exploiter son sol avec les techniques de fracturation au nom des questions écologistes ne semble pas très cohérente en important ce même type de gaz, mais exploité ailleurs. Mais bon les modernes montrent très largement que les incohérences sont comme une marque de fabrique qui les caractérise.

 

Cette accumulation de déficits qu'ils soient commerciaux ou publics. Ainsi que la crise économique profonde dans laquelle nous sommes entrés avec un PIB qui maintenant n'aura plus de croissance, et qui probablement va décroître dans les années qui viennent poussent les candidats aux élections à des réactions au moins verbales face aux électeurs. Seulement voilà, les problèmes que la France accumule ne sont pas le fruit du hasard, mais d'un choix structurel lié à la construction européenne. Chose qu'aucun grand candidat ne dira ou n'assumera, car la rupture avec l'UE et l'euro signifie en grande partie la mort sociale, médiatique et politique en France. On a régulièrement parlé de la construction européenne sur ce blog, je n'ai jamais caché mon hostilité à cette structure qui est une nuisance absolue pour notre pays, mais aussi pour l'ensemble du continent. Et si les USA ont été en grande partie les instigateurs de la construction européenne à leur profit il ne faut pas non plus oublier le rôle très important qu'ont tenu les élites françaises dans la construction de cette superstructure. On pense bien sûr ici à Robert Schuman et à Jean Monnet. Mais dès la disparition du général de Gaulle, c'est toute la France d'en haut qui se jette sur la construction européenne en plein milieu de la crise inflationniste des années 70, et ce n'est pas un hasard.

 

En effet à l'époque, ce qu'avait prédit Keynes était en train de se réaliser. L'inflation allait tuer la rente. La contre-révolution néolibérale fut la réaction des possédants à cette mécanique qui était sur le point d'assassiner le club des super-riches occidentaux. Leurs réactions furent la dérégulation financière et commerciale à partir du milieu des années 70. Cependant si ces politiques ont été faciles à mettre en œuvre aux USA et en Grande-Bretagne, en Europe et particulièrement en France c'était autrement plus compliqué. Nous avions encore des partis communistes puissants et de Gaulle avait laissé à droite un héritage patriotique important sur le plan politique. Il fallait donc une stratégie pour faire la révolution néolibérale sans vraiment l'assumer. L'Europe a été l'outil que les élites françaises ont utilisé. De manière assez affirmée sous Giscard et de manières plus camouflées sous Mitterrand. Ceux qui vous parlent aujourd'hui de l'Europe qui protège oublient qu'en réalité c'est par l'Union européenne que le libre-échange et la dérégulation financière sont rentrés en France pour le plus grand plaisir des rentiers et des milliardaires locaux.

 

La Chine n'est qu'une partie de notre déficit commercial le reste vient surtout de l'UE

 

L'Europe qui protège c'était la CEE, celle des six pays fondateurs d'avant l'entrée de la Grande-Bretagne, quand il y avait encore un tarif extérieur commun et que le marché unique n'existait pas. Autant dire qu'elle n'existe plus depuis longtemps. Le marché européen est aujourd'hui extrêmement hétérogène et engendre d'immenses déformations de concurrence interne, spécialisant chaque état dans certaines activités et produisant d'immenses souffrances sociales et économiques. Les gens qui parlent de protectionnisme européen pour sauver l'industrie française se foutent vraiment des Français. Si la Chine est effectivement le pays qui a les plus gros excédents avec la France, il ne faut pas oublier que notre pays a des déficits commerciaux avec la plupart de ses « partenaires » européens. Un petit coup d’œil sur les statistiques de l'INSEE montre l'inanité du protectionnisme européen pour la France. On pourrait se dire que cela réduirait au moins notre déficit avec la Chine, mais il est très probable qu'en réalité on réduirait nos importations chinoises pour accroître nos importations de République tchèque d'Allemagne ou de Pologne à la place. Parce que dans le système européen la France n'a aucun avantage comparatif, elle n'a même plus son électricité moins chère grâce au marché européen de l'énergie.

 

La construction européenne est une structure qui a été utilisée pour favoriser les intérêts des actionnaires et des rentiers en France. Telle fut la réelle motivation des décideurs et des couches sociales dominantes. Vous ne pouvez donc pas réclamer à ces mêmes couches sociales qu'elles abandonnent ce qui leur permet de vivre comme des nababs en France. C'est pour cela que tout le discours européiste sur l'Europe qui protège est à mes yeux un oxymore, pour ne pas dire une insulte à l'intelligence. L'UE fut l'instrument de notre asservissement, de la destruction des couches populaires et des classes moyennes. Elle a ruiné l'industrie du pays, mais produit d'immenses fortunes peu sujettes à l'impôt grâce à la libre circulation des capitaux européens. Il n'y a donc strictement rien à attendre de la construction européenne sur ces sujets. Quant au protectionnisme européen même s'il advenait, ce qui est très peu probable, il ne peut en aucun cas résoudre la situation industrielle de notre pays qui continuerait à être détruite par la concurrence des autres pays de la zone euro.

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29 avril 2024 1 29 /04 /avril /2024 15:39

 

S'il est une nouvelle qui est passée assez inaperçue globalement c'est bien celle-là. La productivité du travail en France serait en baisse selon les indicateurs des économistes. Je précise ici selon les indicateurs des économistes parce que comme je vais le réexpliquer encore dans ce texte la notion de productivité du travail des économistes est hautement discutable. Cependant effectivement si l'on regarde les indicateurs classiques, la productivité du travail a effectivement baissé. Les économistes Jacques Sapir ou encore Philippe Murer s'en sont inquiétés dans différentes interventions récentes vidéo et écrites. Les raisons sont multiples et de nombreux facteurs rentrent en jeu dans ce domaine. Il faut cependant relativiser la question dans un pays qui est maintenant fortement désindustrialisé et qui dépend énormément des importations dans sa consommation courante.

 

 

Mais précisons comme je l'ai dit que la façon dont les économistes mesurent la productivité est en soi un problème. En effet comme je l'avais déjà longuement expliqué dans plusieurs textes la productivité du travail est une notion qui vient de l'industrie. On a commencé à vraiment se poser la question de la productivité à l'époque triomphante du fordisme. Henri Ford lui-même ayant fait fortune grâce à l’organisation scientifique du travail et la production à la chaîne. Cette notion a effectivement du sens dans une production à partir du moment où vous calculez le temps et le coût que cette production engendre. Moins il faut de travail et de temps pour produire quelque chose et plus votre productivité augmente. J'insiste sur ce point, car c'est vraiment quelque chose qui est lié à la civilisation industrielle. L'idée de calculer la productivité d'une nation est venue véritablement après la guerre quand nos nations sont devenues des systèmes monétaires de production. Les économistes ont alors utilisé le fameux PIB qui est en fait à l'origine un outil de la pensée keynésienne.

 

Cependant, si les économistes libéraux ont jeté Keynes à la poubelle dans les années 70, ils ont pourtant gardé le PIB. À croire qu'ils ont jeté le bébé et gardé l'eau du bain en quelque sorte. Les économistes calculent donc la productivité du travail en divisant le PIB par le nombre d'heures travaillées. La productivité des économistes c'est donc le PIB par heure travaillée. Évidemment dans le cadre de l'économie d'après guerre qui était une économie relativement fermée, cela simplifiait grandement les choses. En effet dans le PIB toutes les activités comptent, y compris celle des services. Or il est souvent bien difficile de calculer la productivité d'un avocat, d'un médecin ou d'un prof. Cependant, si votre pays consomme ce qu'il produit il n'est pas si dramatique de compter les activités non réellement mesurables sur le plan de la productivité. Après tout, l'efficacité de l'industrie et de l'agriculture sont incluses dans le calcul du PIB. Donc on va dire que jusqu'en 1974 la productivité calculée nationalement par le PIB par heure de travail avait du sens d'un point de vue comptable.

 

Malheureusement comme le notait déjà Jean-Luc Gréau dans son excellent livre « L'avenir du capitalisme » en 2005, aujourd'hui les importations sont comptabilisées dans le PIB. De sorte que la productivité du travail que vous regardez est totalement imbriquée dans le système d’échange international. De sorte que la productivité importée peut apparaître comme étant une productivité du travail local. Bien évidemment cela se traduit par une dégradation de la balance commerciale, mais il y a aussi des effets liés à la valeur monétaire relative. Une valeur qui peut sous-estimer la valeur du travail importé et surestimer la valeur du travail local. Vous voyez un peu le problème résultant de l'utilisation d'un outil anachronique comme le PIB. En gros le PIB est un outil statistique qui avait du sens dans des économies régulées, il en a beaucoup moins dans le système globalisé. On en arrive à de telles absurdités qu'aujourd'hui le Luxembourg est le pays qui a la plus forte productivité un monde. Mais que produit donc le Luxembourg ? Pas grand-chose en fait, c'est surtout un paradis fiscal. En seconde place il y a l'Irlande, un pays qui ne produit pas non plus grand-chose. Seule la Suisse qui arrive en troisième est un pays avec une industrie. On voit ici toute l'absurdité du calcul de la productivité en utilisant le PIB par heure travaillée.

 

Les pays les plus productifs du monde selon les économistes...

 

C'est d'autant plus vrai que depuis 1973 nous vivons dans un système de change flottant. La monnaie internationale qu'est le dollar depuis les accords de Bretton Woods en 1944, n'est plus garanti sur l'or. Elle fluctue donc tout comme les autres monnaies du monde. Cela rend encore plus étranges ces calculs de productivité qui peut varier entre les pays simplement parce que telle ou telle monnaie se réévalue ou se dévalue suivant les envies généralement irrationnelles du marché. Un exemple simple, le Japon a dévalué récemment de près de 30%. Quelques économistes de plateau télé ont crié à l'occasion que le PIB japonais avait été dépassé par celui de l'Allemagne. Chose absurde, mais passons. Donc la productivité au sens des économistes a elle aussi baissé de 30%. Pourtant, les Japonais travaillent toujours de la même manière et sont en réalité toujours aussi efficace ,collectivement parlant. Cela affole les économistes crétins qui parlent toujours d'effondrement japonais, mais ces derniers comprennent bien mieux la réalité. Cela rend les produits japonais beaucoup moins chers à l'export et réduit les importations de biens. Autre effet économique, le tourisme a explosé dans le pays. Le Japon avait déjà dévalué en 2013-2014 et ce fut une bonne chose pour son commerce extérieur. Et encore une fois la productivité réelle n'a pas été touchée en vérité, mais cela ne peut pas se mesure avec les outils qu'utilisent les économistes.

 

Productivité en baisse

 

Ce préambule était à mon sens indispensable parce que je trouve les économistes trop sûr de leurs outils et pas assez méfiant vis-à-vis des unités de mesure qu'ils utilisent. L'économie est loin d'avoir des atours en science réels. À mon avis ils devraient prendre un peu de distance avec leurs outils et penser de manière plus holiste. D'ailleurs, beaucoup d'économistes le reconnaissent, le prix Nobel d'économie Angus Deaton vient de déclarer que la « science » économique est en crise et il n'est pas le seul. Jacques Sapir lui-même avait écrit un livre s'appelant « Les trous noirs de la science économique ». On pourrait citer également l'économiste australien Steeve Keen et son célèbre livre « L'imposture économique » qui montraient déjà le caractère peu scientifique de bon nombre de thèses économiques. Non, l'économie ce n'est pas de la physique ni de la biologie, elle pourrait peut-être approcher le sérieux des historiens, mais elle en est encore loin malheureusement. D'ailleurs, il serait bon que les économistes étudient un peu plus l'histoire au passage, surtout celle des faits économiques. Cela leur éviterait les certitudes absolues sur l'efficacité ou l’inefficacité de telle ou telle posture macroéconomique. Le monde réel est toujours infiniment plus complexe que les modèles théoriques très grossiers qu'on peut en faire . Keynes disait que les économistes devaient être modestes comme un dentiste, il savait de quoi il parlait.

 

Bref, nous voyons ici que cette question de la productivité et très relative. Les statistiques officielles indiquent effectivement une baisse de la productivité du travail. L'explication toute trouvée est que la France de Macron aurait créé des emplois « massivement » sans créer de richesse supplémentaire. Donc le PIB par heure travaillée aurait chuté. C'est tout à fait plausible surtout si l'on prend en compte le fait que l'essentiel des emplois créés fut des emplois d'autoentrepreneur. Pour Jacques Sapir il y aurait eu un effet des mesures contre le Covid. Les gens seraient moins motivés et remettraient en question l'organisation du travail actuelle, surtout avec le télétravail. Cette explication ne me convainc guère. D'autant que Jacques Sapir lui-même dit que l'industrie a été plus touchée que les services. Certes, le télétravail peut avoir joué, mais je ne vois pas pourquoi l'industrie serait alors plus touchée que les services par ce ras-le-bol général du travail salarié.

 

 

Le prix de l'énergie est déjà un argument beaucoup plus valable. Surtout depuis 2022 et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le marché européen de l'électricité, qui est une aberration totale, a fait exploser artificiellement les coûts pour l'industrie et les particuliers. Il est dès lors évident que cela fait baisser mécaniquement la productivité du travail puisque les coûts de production explosent. On le voit dans l'augmentation spectaculaire des faillites de PME qui vient de dépasser le niveau de ceux de la crise des subprime, ce qui est très inquiétant pour l'avenir. On ne compte plus le nombre d'industriels qui mettent la clef sous la porte à cause du prix de l'électricité. D'ailleurs, le prix de l'électricité était le seul avantage comparatif de la France coincé dans la zone euro. Nous n'avions aucun avantage géographique, nous n’étions pas un paradis fiscal ou une société très efficace sur le plan de l'organisation du travail, mais on avait notre parc nucléaire. Grâce à la nullité de nos dirigeants et probablement à quelques interventions de corruption étrangère en particulier allemandes, ils nous ont fait perdre ce seul avantage. La France qui avait l'un des prix de l'électricité les plus bas du monde se retrouve subitement avec l'électricité parmi les plus chers de la planète. Et le tout en seulement deux ans. Il est évident que cela a un impact direct sur la productivité du pays, le contraire aurait été étonnant.

 

Mais les plus observateurs diront que la baisse a commencé comme l'a dit Sapir à partir du Covid. Et donc avant la crise énergétique qui a sans doute simplement aggravé la situation . C'est vrai, mais il y a un autre phénomène à souligner. L'euro s'est dévalué par rapport au dollar depuis 2020. Si vous calculez la productivité en PIB exprimé en dollar vous vous retrouvez donc mécaniquement avec une productivité en baisse. Il s'agit peut-être aussi simplement des effets de cette dévaluation. C'est d'autant plus vrai que contrairement au Japon, la France a largement saccagé son industrie. Elle n'est plus capable de produire rapidement des substituts aux importations et donc toute dévaluation se traduit à court terme par de l'inflation comme dans un pays du tiers-monde. C'est d'ailleurs pour cela que la sortie de l'euro doit être impérativement accompagnée d'une forte politique de réindustrialisation protectionniste préalable. Dans l'état actuel de l'industrie du pays, la seule dévaluation ne résoudra pas tous nos problèmes.

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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 16:35

 

 

Nous avons souvent abordé le sujet, en particulier dans ce texte, qui était consacré à la réalité de l'économie américaine qui est largement surestimée par le PIB exprimé en dollar. Nous allons ici accumuler quelques données sur notre réalité comparative par rapport aux nouveaux pays industrialisés comme la Chine et quelques autres. Le poids de l'occident est en réalité très inférieur à la perception qu'il en a. Il suffit souvent d'observer la réalité des pays comme la Russie, la Chine ou le Vietnam pour voir que nous avons vraiment un problème de perception en occident, particulièrement en Europe. En effet, l'actuel protectionnisme américain même s'il est loin de vraiment redresser l'industrie américaine montre que les Américains ont déjà compris leur situation de déclin. Il faut dire que les USA pratiquent la globalisation depuis plus longtemps que nous en réalité. En effet, il faut rappeler que ce pays était fortement protectionniste jusqu'en 1945. Il vivait littéralement en autarcie d'un point de vue commercial, même s'il était ouvert sur les idées et les populations étrangères.

Après la Seconde Guerre mondiale, ils vont abandonner leur politique économique et ouvrir leurs frontières. C'était une nécessité à l'époque, car les USA avaient de trop gros excédents commerciaux. Mais les effets vont vite se faire sentir les USA délocalisant dans les pays sous leur domination, en particulier l'Allemagne et le Japon. On l'a un peu oublié, mais bien avant l'arrivée de Taïwan de la Corée du Sud et de la Chine, c'est l'Europe et le Japon qui ont été les premiers lieux de délocalisation de l'industrie américaine et de la globalisation. Une main-d’œuvre qui était alors nettement moins chère que celle des USA, abondante et avec un haut niveau d'instruction. Cette première phase de la globalisation a déjà eu de graves conséquences sur la société américaine. Donc on peut dire en quelque sorte que les USA sont les premiers a avoir pris les effets du libre-échange dans la figure. Ils ont vu les Européens et les Japonais les rattraper au point de concurrencer même leurs industries de pointe. Il est donc en ce sens tout à fait normal qu'ils soient les premiers à sentir le danger de la Chine et des nouveaux pays développés. Ils ont déjà vécu ça par le passé.

 

Les Européens par contre semblent vivre dans un monde parallèle coincé dans une vision du monde des années 70. Je ne sais pas si c'est lié à leur statut de vassaux ou au vieillissement massif de la population, mais ils voient encore le monde avec un retard assez invraisemblable. Pour les Européens les USA sont toujours en haut et l'occident le centre de l'innovation mondiale. Or ce n'est plus du tout le cas comme nous allons le voir rapidement. Le drame avec les sanctions contre la Russie a montré que c'était bien la vision de nos « élites » puisqu'ils ont réellement pensé que la Russie avait le poids économique de l'Espagne et que le pays coulerait avec quelques sanctions. Mais cette pensée occidentalocentriste des Européens qui pouvait avoir du sens encore en 1950 commence à vraiment avoir des effets préoccupants sur l'avenir. En effet l'Europe n'étant plus qu'un petit appendice de l'Eurasie sur le plan économique, il lui faudrait faire un peu preuve de modestie pour trouver sa place dans ce Nouveau Monde multipolaire. Or c'est très difficile à faire quand vous croyez encore être le nombril du monde porteur de valeurs supérieures à toutes les autres même à ceux qui pèsent désormais bien plus que vous.

 

Cela donne d'ailleurs de situation cocasse. J'espère que mes lecteurs se rappellent de l'affaire des bébés congelés, dite "affaire Véronique Courjault", une femme qui avait camouflé à son mari le fait qu'elle était enceinte et qui avait congelé les bébés dans son frigo. Une affaire atroce et qui s'était passée en Corée du Sud. À l'époque j'avais été particulièrement choqué par la réaction de la justice française qui avait réclamé des analyses génétiques faites en France alors que la justice coréenne avait déjà fait le nécessaire sur la question. Comme si les études coréennes n'avaient pas de valeur scientifique. Il y avait là un paternalisme typique de la part des Français qui pensaient encore que leur « science » était supérieure à celle des Coréens. On parle ici d'une affaire qui date du début des années 2000. La Corée était déjà un pays développé avec un très haut niveau scientifique. Quand on sait que ce pays de seulement 55 millions d'habitants dépose plus de brevets chaque année que l'ensemble de l'UE, cela laisse songeur. Mais c'est une marque du racisme ontologique qui anime encore une grande partie de nos élites dominantes, même si elles se targuent d'ouverture au monde et d'amour des autres. Le même phénomène s'est répété pendant la crise du COVID où les études provenant de pays non occidentaux n'étaient pas prises au sérieux par nos élites.

 

Le déclin factuel de l'occident

 

Il nous faut donc travailler à faire comprendre à nos « élites » que le monde a changé et qu'il n'est pas très sérieux de continuer à faire comme s'il était le même qu'en 1960. Pour cela il faut sortir du baratin sur les PIB. Je l'ai déjà souvent expliqué, mais le PIB exprimé en dollar n'est absolument pas valable pour comparer des pays entre eux. Sans aller jusqu'à jeter cet indicateur à la poubelle comme le suggérait Emmanuel Todd, il faut expliquer que son usage doit être au mieux limité à des comparaisons nationales dans le temps. Entre les nations il vaut mieux utiliser le PIB exprimé en PPA qui est moins problématique. La parité de pouvoir d'achat prenant en compte le prix des biens et des services dans chaque pays. Cependant même cette méthode a des limites, les consommations divergentes en fonctions des traditions et des contraintes locales. Comme je l'avais dit dans mon texte sur le fait que les USA ne sont plus la première puissance du monde, le mieux est de faire comme à l'époque de Jean Fourastié. On compare les capacités de production réelles ou les statistiques non économiques comme l'éducation, la santé, etc..

 

Par exemple quelle est la situation sur la production et la consommation d'énergie ? Si les économies modernes progressent en matière d'efficacité énergétique, il y a quand même toujours un lien très fort entre la croissance économique et la croissance de l'énergie. C'est particulièrement vrai pour l'électricité dont la demande devrait fortement croître à l'avenir, surtout si les sociétés modernes se mettent à la voiture électrique. Et bien si l'on regarde la consommation d'énergie primaire on voit qu'il n'y a qu'un seul pays qui croit depuis 20 ans, c'est la Chine. L'UE et les USA font en réalité du surplace. Les économistes mainstream vous diront que c'est formidable parce que cela signifie que nos pays se sont enrichis sans augmenter la consommation d'énergie. Les hétérodoxes sceptiques dans mon genre vous diront plutôt que cela traduit en réalité une stagnation économique et qu'en plus cela camoufle des importations croissantes dans nos pays de plus en plus dépendant de la Chine et d'autres pays en croissance réelle eux. Le second graphique qui montre la production d'électricité est encore plus parlant puisque désormais la Chine produit plus d'électricité que les USA, l'UE et le Japon réuni.

 

Au passage, on ne voit pas comment l'UE va faire pour rouler entièrement à l'électricité sans une forte augmentation de ses capacités de production. Il faudrait au moins doubler la production d'électricité pour répondre à la demande. Or elle stagne depuis plus de trente ans et les lubies écolos qui ont fait choisir des énergies intermittentes incapables de répondre aux besoins actuels, laisse présager une catastrophe en cas d'électrification absolue du transport. Ajoutons à cela un délire antinucléaire totalement irrationnel de la part d'une grosse partie des pays européens et l'on voit poindre des coupures d'électricité régulières sur le continent pour l'horizon 2030-35. On le voit sur les questions d'énergie, la réalité de la domination occidentale est déjà largement du passé. Si l'on s'intéresse à la consommation par tête, la Chine est déjà au niveau de l'Europe. Et des pays comme la Russie ou l'Iran sont déjà notre niveau. On peut donc parier que le niveau de vie relatif est déjà assez proche du nôtre s'il n'est pas carrément supérieur.

 

Production de véhicules dans le monde (source statista. com)

 

Parlons de voiture maintenant. S'il y a bien un produit représentant le phare du progrès moderne c'est bien la bagnole quoiqu'on en pense. Et bien la Chine en 2022 c'était 27 millions de véhicules vendus, c'est à dire autant que les USA et l'UE ensemble. Comme vous le voyez là encore, la Chine pèse autant que les deux grands de l'occident. Cela colle assez avec le PIB exprimé en PPA la Chine pesant environ deux fois le PIB américain. Il y a ici une cohérence entre le PIB exprimé en PPA et la production énergétique ou encore la consommation de véhicules. Si l'on passe en termes de production, on voit un changement récent, le poids de la Chine explosant avec les véhicules électriques. Bien que second consommateur mondial de véhicules, les USA n'arrivent qu'en second producteur, justes devant le Japon et l'Allemagne pourtant bien plus petits. On remarquera la production indienne en forte augmentation également. Là encore, le poids de l'occident est loin d'être aussi gros que ce que les chiffres des PIB en dollar indiquent. On notera aussi l'incroyable déclin français depuis l'euro qui aujourd'hui arrive loin derrière l'Espagne, le Royaume-Uni et même la Thaïlande...

 

Les dépots de brevet dans le monde. L'UE est totalement larguée.

 

Je m'arrête ici pour l'instant. Nous reviendrons dans quelque temps sur les chiffres réels de notre déclin, mais il est vraiment important de prendre conscience de nos faiblesses en Europe. Il faut arrêter de croire que nous sommes supérieurs aux autres en particulier aux pays asiatiques qui nous ont largement rattrapés et même dépassés. En 2022 l'Asie a représenté 68% des dépôts de brevet dans le monde, contre seulement 18% pour l'Amérique du Nord, et 10% pour l'Europe. Dans ces conditions il faudrait peut-être un peu revenir sur terre et accepter la réalité du monde actuel. Nous sommes un peu revenus à l'époque d'avant la renaissance avec une Europe assez isolée face à un monde plus peuplé et plus riche qu'elle. Les stratégies de survie dans ces conditions consistent surtout à se protéger et à copier ce qui se fait ailleurs puisque vous n'êtes plus capable de suivre de rythme d'innovation du reste du monde. C'est particulièrement vrai pour nos pays vieillissant au niveau scolaire qui baisse en plus. Et il ne faut surtout pas entrer en querelle avec les nouvelles puissances dominantes sous peine de finir écrasé à long terme. En ce sens, notre suivisme vis-à-vis de l'empire américain en déclin est particulièrement dangereux pour notre avenir.

 

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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 15:48

 

 

Les syndicats des pharmaciens appellent donc à la grève le 30 mai prochain. Chose rarissime pour une profession qui fait quand même assez rarement parler d'elle. C'est que la situation devient dramatique sur le plan de l'accès aux médicaments. Les pénuries se multiplient, les pharmaciens passent de plus en plus de temps à chercher à renouveler leurs stocks de médicaments. Notons que dans le même temps on apprend qu'il y a des pénuries de pharmaciens. Il en manquerait près de 15000 sur tout le pays alors que le pays compte seulement 50000 pharmaciens, cela fait un très gros trou si je puis dire. On se retrouve comme dans le cas des médecins dans une absence totale de prévision à long terme de la part des pouvoirs publics qui semblent de moins en moins aptes à gérer correctement les affaires les plus courantes. Le dicton qui veut que gouverner, c'est prévoir, nous indique qu'effectivement la France n'est plus vraiment gouvernée depuis longtemps. La plupart des problèmes qui nous accablent étaient pourtant largement prévisibles et évitables.

 

La pénurie de médecins a été littéralement fabriquée par la puissance publique et les syndicats de médecins qui voulaient réduire sans arrêt le numerus clausus. Les conséquences nous les voyons aujourd'hui avec les déserts médicaux. Il en va de même avec les études pharmaceutiques. On savait très bien qu'on aurait un gros changement d'effectif avec l'arrivée des boomers à la retraite. Il fallait donc augmenter petit à petit le nombre d'étudiants dans le domaine, mais rien n'a été fait. On parle ici de problèmes qui étaient prévisibles il y a plusieurs décennies pourtant, pas d'une crise immédiate produite par un phénomène aléatoire. Cela en dit long sur le manque de réflexion à long terme du pays, mais nous en avons déjà parlé dans un texte précédent.

 

Nous allons ici plutôt nous concentrer sur la question de la pénurie de médicaments. Certains ont fanfaronné stupidement sur des problèmes similaires en Grande-Bretagne, accusant bien évidemment le Brexit dans l'affaire. Sauf que la France et l'Europe en général sont touchées de la même manière. Montrant ici que le fond de l'affaire n'est pas à proprement parler l'appartenance ou non à l'UE ou à l'euro, mais bien la question du libre-échange et de la désindustrialisation. Pour preuve, même la Suisse est touchée par le phénomène. Car si la Grande-Bretagne est effectivement désormais en dehors de l'UE, elle reste un pays extrêmement libéral ne pratiquant pas le protectionnisme et l'intervention étatique. En ce sens, les Anglais et nous sommes donc toujours sur le même bateau ivre néolibéral. Il semble tout de même que les USA aient quelque peu abandonné cette idéologie comme nous l'avions dit même si leur contrainte impériale les empêche de vraiment entamer un processus de réindustrialisation. Le continent européen lui est complètement englué dans ces dogmes. Que les nations soient membres ou non de l'UE, elles suivent à peu près toutes le même schéma d'organisation économique de spécialisation dans la globalisation, même la Suisse. Ce qu'il y a de drôle c'est que l'UE est aussi la région avec la plus faible croissance du monde, mais elle ne fait toujours pas le lien avec son dogmatisme libéral.

 

Le libre-échange a trop spécialisé les nations

 

Nous arrivons en fait probablement aux limites du schéma d'amélioration de la productivité par la spécialisation géographique. Nous avons déjà parlé un peu de ces sujets dans mon texte consacré aux effets de l'euro sur la spécialisation géographique. Il faut bien comprendre que l'ouverture aux échanges à l'échelle de la planète a produit des effets similaires à ceux des unifications nationales qui l'avaient précédé. En effet, chaque nation a produit son propre libre-échange à l'intérieur de ses frontières. Ce mécanisme a entraîné la spécialisation des régions de chaque pays nouvellement unifié. Dans le cas de la France, le processus est ancien puisque le pays est unifié depuis assez longtemps, mais cela a pu être observé au 19e siècle dans les pays comme l'Italie, l'Allemagne, ou les USA qui ont été unifiés plus tardivement. Le processus que nous avons connu depuis le 18e siècle, et l'apparition des nations modernes, fut un processus d'affaiblissement progressif des anciennes frontières.

 

Autrefois partagés en petit comté et duchés soumis souvent à leurs propres lois avec tout un tas de règles commerciales et politiques, les ensembles nationaux ont été les premiers à pratiquer le libre-échange. C'était des libres-échanges intranationaux si je puis dire. Un processus qui a entraîné la concentration des richesses dans certains lieux et le dépérissement de grandes régions. Mais ce processus était accompagné aussi d'une protection externe liée à la défense nationale même si certaines nations ont aussi pratiqué le libre-échange à plus grande échelle. Globalement, des processus de spécialisation ont permis un enrichissement collectif, mais ils ont fait des gagnants et des perdants. Surtout dans les territoires faiblement homogènes où certaines régions étaient géographiquement très avantagées par rapport à d'autres. Ce processus s'est aussi accompagné d'une fragmentation en matière de densité de population. On a tendance à l'oublier, mais les pays européens et en particulier la France avaient comme particularité d'avoir des populations relativement harmonieusement réparties au moyen-âge. À la différence des peuples latins et grecs qui avaient déjà de grosses cités et des campagnes, les peuples d'Europe de l'Ouest avaient des cités moins peuplées et beaucoup de petits villes et villages.

 

La France en particulier avait une population vraiment bien répartie sur le territoire ce qui explique l'énorme quantité de villes et village que le pays a encore aujourd'hui même si la plupart se dépeuplent depuis plus d'un siècle au profit des grandes agglomérations. On ne peut pas comprendre la migration colossale qu'a connue l'humanité depuis deux siècles sans faire le lien avec ce processus de libre-échange interne aux nations qui a précédé la globalisation actuelle. Avant que la globalisation n’entraîne des mouvements de population planétaire, les « globalisations » nationales avaient fait le même travail à l'intérieur des frontières nationales. Cependant, si les coûts de ce changement ont été élevés, on peut dire que globalement cela a permis une meilleure efficacité des économies nationales. Le principal problème de désertification pouvant en partie être réduit par des transferts étatiques vers les régions les moins bien loties.

 

Il semble par contre que la globalisation à l'échelle du monde et même de l'UE comme nous avons pu le voir dans d'autres textes n'ait pas du tout les mêmes effets bénéfiques. Pour deux raisons principales. La première est qu'il n'y a pas de nation à l'échelle globale ni de solidarité globale. Pas plus à l'échelle du monde qu'à l'échelle de l'UE. Les territoires les moins avantagés comme la France sont donc simplement condamnés à plus ou moins long terme au dépeuplement et à l'effondrement du niveau de vie. Encore une fois, l'idée que le libre-échange ne produit que des gagnants est une idiotie. Il a toujours un coût, mais ce coût était compensé à l'intérieur des nations. Il ne l'est pas du tout à l'échelle de l'UE et encore moins à l'échelle du monde. Le second facteur est la dangerosité de la spécialisation à cette échelle. Et nous en arrivons à cette question de pénurie. En effet, la globalisation a spécialisé des pays dans des secteurs particuliers. Le plus éclatant est à l'heure actuelle la production des terres dites rares qui rentrent dans la composition d'une grande partie des productions de haute technologie, en particulier celle des batteries électriques et des semi-conducteurs. Or la Chine possède un quasi-monopole, fruit de l'intervention étatique et du laissez-faire global. On voit bien les conséquences géopolitiques d'un tel phénomène.

 

Dans le cas de la production de médicament, même problème. La Chine et l'Inde qui sont les grands gagnants dans la production des produits médicamenteux et des produits chimiques pour les produire font passer leur demande avant celle du reste de la planète. Et en cas de rupture de la chaîne d'approvisionnement pour x ou y raison, c'est la catastrophe. Autre problème, une spécialisation à cette échelle a entraîné une perte de savoir-faire un peu partout. Donc en cas de rupture il devient impossible de faire appel à un voisin ayant encore une production locale pour pallier momentanément à la pénurie. De la même manière, refaire une industrie de haut niveau de technologie est extrêmement complexe lorsqu'on a perdu la totalité des savoir-faire et des compétences nécessaires à sa mise en œuvre. Les difficultés actuelles des USA pour relancer leur industrie sont là pour en témoigner. On voit ici le très grand danger que représente une spécialisation à une telle échelle. Quand aux bénéfices de cette globalisation, ils sont essentiellement allés dans les poches des 1% les plus riches, et encore. Les pénuries de médicaments ne sont qu'un début, attendez-vous à bien pire dans les années qui viennent si nous continuons dans cette direction. Imaginez un instant des pénuries de nourriture et une France dans une France n'ayant plus d'agriculteur préférant tout importer, car c'est moins cher. Nous devons comprendre que le coût de la production locale, si c’est plus élevé, a aussi l'immense avantage de nous permettre de piloter et de prévoir la production nationale. Préférons-nous vivre dans l'incertitude radicale de manquer de nourriture ou de médicament en fonction de changement de géopolitique mondiale ou de catastrophe naturelle touchant tel ou tel lieu de production planétaire ? Ou produire nous-mêmes ce que nous consommons avec comme seul problème un coût légèrement plus élevé ? À mon avis le prix de la globalisation est beaucoup trop élevé pour ce qu'elle apporte à nos concitoyens.

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19 avril 2024 5 19 /04 /avril /2024 15:38

 

Gabriel Attal vient de faire un discours voulant en apparence s'attaquer à la violence qui grossit dans notre pays et fait de plus en plus la une des journaux. Un discours nous disant en gros que cette fois c'est fini, il n'y aura plus de culture de l'excuse, et que l'on remettrait l'autorité nécessaire au bon fonctionnement de la société en particulier dans les établissements scolaires. Bien évidemment, personne ne croit une seule seconde à la possibilité pour l'état d'agir efficacement en la matière, même si les journalistes et le petit milieu parisien soutiennent en apparence le pouvoir en place. La population n'attend en réalité plus grand-chose de l'état dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Mais cette situation de dégradation permanente n'est pas le fruit du hasard ou simplement le produit du nihilisme toddien dont on a parlé fréquemment. Cette impuissance est le produit du néolibéralisme lui-même qui a institué une forme d'impuissance collective totale avec ses principes de laissez-faire en tout domaine et de survalorisation de la valeur marchande. Nous y reviendrons par la suite.

 

Concernant la question éducative dont a parlé Attal, le problème est multifactoriel. Accuser simplement l'idéologie de l'excuse est un peu court, pour ne pas dire ridicule. Une bonne part de cette culture de l'excuse s'explique en effet par les restrictions budgétaires. Comment mettre les gens en prison si l'on a ni le personnel pour les juger, ni le personnel pour les garder en prison , ni d'ailleurs les places de prison? La question des moyens est intimement liée à la question de la mise en pratique de la loi. Et l'on sait depuis longtemps qu'en France on fait des lois qu'on ne se donne pas les moyens d'appliquer. C'est vrai pour la petite délinquance comme pour la grosse d'ailleurs. On pourrait continuer en parlant des réformes scolaires qui ne sont jamais faites pour des questions d'efficacité éducative en réalité, mais simplement pour des questions budgétaires. Il en est ainsi pour presque toutes les questions régaliennes concernant l'état. La logique purement comptable a remplacé toute autre forme de priorité, mais nous allons y revenir. Pour cette question purement éducative, que fait-on de la question migratoire t? Une question qui est pour ainsi dire totalement ignorée des pouvoirs publics ? L'affaire montpelliéraine au collège Arthur-Rimbaud qui s'est déroulée récemment fut pourtant clairement le produit de la non-intégration des populations musulmanes de plus en plus revendicatives.

 

Je connais bien ce coin, et les quartiers de la Paillade et du Petit-Bard très proches fournissant l'essentiel de la population de ce collège. Ce sont des territoires que l'on peut qualifier d’étrangers, n'ayons pas peur des mots. La France dit être laïque, mais dans ces quartiers l'islam est omniprésent y compris dans les écoles. Et je n'en veux pas aux profs, ils sont comme des colons en terre étrangère, impossible d'y pratiquer les « valeurs » de la république quand il n'y a aucun français réel dans vos classes. Mais il est vrai que sur le papier ils sont français. On n’entend pourtant toujours pas le gouvernement vouloir réellement mettre une limite à l'immigration. Je rappelle qu'en France l'immigration n'est pas une immigration de travail contrairement au discours officiel, c'est essentiellement une immigration de regroupement familial qui coûte très cher au contribuable français quoi qu'on en pense. Cependant, il y a toujours cette idéologie qui gouverne notre pays et nos élites avec l'idée que toutes les populations sont interchangeables et que les trous dans la pyramide des âges peuvent être comblés en permanence par l'importation de populations bigarrées sans aucun problème. Si l'immigrationnisme est très fort à gauche, il ne faut pas oublier que la suppression des frontières est surtout un des dogmes libéraux, y compris sur les questions des mouvements des populations.

 

Pour terminer avec ce préambule sur la délinquance en France et dans le milieu scolaire je rappellerai ce chiffre qui montre qu'on a un grave problème dans l'éducation des garçons. Un problème qui est carrément gargantuesque avec les jeunes garçons d'origine maghrébine . Les chiffres suivants viennent de monsieur Jean-Louis Auduc qu'on ne peut pas vraiment qualifier d'extrême droite puisque ces chiffres viennent du site plutôt de gauche Café Pédagogique. Ainsi seulement 43% des garçons d'origine maghrébine arrivent à avoir le BAC contre 47% des filles de même origine. Chez les Français « de souche », on obtient respectivement 64% pour les garçons et 74% pour les filles. Si ces chiffres n'expliquent pas directement la violence des jeunes garçons d'origine maghrébine, ils l'expliquent en partie. L'échec scolaire aggrave mécaniquement les difficultés d'insertion. Nous en avions parlé dans un texte suite aux dramatiques émeutes de l'été dernier que les médias ont fait beaucoup d'efforts pour oublier. Or cette question est trop rarement abordée. Il ne s'agit pas d'un problème de nature des populations maghrébines, le Maroc élève très bien ses enfants qui ont d'ailleurs sûrement un bien meilleur niveau que les élèves français aujourd'hui par exemple. Il s'agit d'un problème d'immigration de population aux structures anthropologiques et à la culture diamétralement opposée aux nôtres. Tant que nous ignorerons cette question pour faire de faux diagnostics nous ne nous en sortirons pas. Mais revenons sur les questions économiques et sur l'impuissance de l'état, car la question des moyens est aussi au cœur du sujet.

 

Le modèle néolibéral sape structurellement les capacités de l'état

 

Dans les solutions régulièrement claironnées aux problèmes de société dont nous sommes victimes revient toujours la question des moyens. Et pour cause, l'action de l'état et des collectivités locales est toujours liée à cette question. Comme je l'ai dit, il est bien difficile de mettre les gens en prison si vous n'avez pas de place pour les mettre. Il est aussi difficile de remédier aux enfants turbulents s'il n'y a pas de classes et de professeurs spécialisées pour les remettre dans le droit chemin. Le laxisme judiciaire s'il a une composante idéologique a aussi une forte composante pratique. Les juges connaissent l'état des prisons en France, tout comme ils connaissent le manque de moyen pour faire simplement les jugements. Bref, dans une grande partie des problèmes de la France revient systématiquement la question des moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Et cette réalité n'est pas le produit du hasard, mais celui de notre modèle économique mis en place pendant les années Giscard, et qui n'a fait que s'approfondir depuis.

 

Certains font la distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme. Je pense que la distinction est surfaite. Je pense qu'il vaut mieux distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique, deux pensées qui sont même souvent antagonistes. En effet, le libéralisme politique pense qu'un homme égale une voix quand le libéralisme économique pense qu'un euro égale une voix. On voit tout de suite avec cette représentation l'opposition qu'il peut advenir entre les deux pensées du libéralisme. Et si je critique fortement le libéralisme économique, je reste personnellement très attaché aux principes du libéralisme politique même s'il a lui aussi ses limites. La distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme est beaucoup plus ténue. Je dirai que le fond est le même en réalité. Il s'agit fondamentalement de l'idée que l'action individuelle ne doit pas être entravée et que l'intérêt général découle naturellement des actions économiques égoïstes de chacun. C'est le fameux principe que la fable des abeilles de Mandeville qui est complètement fausse quand on connaît réellement le fonctionnement des insectes collectifs qui n'ont pas de libre arbitre.

 

La différence entre le libéralisme et le néolibéralisme est avant tout le cadre religieux et moral. Si Adam Smith a inventé cette idéologie, il ne faut pas oublier que ce libéralisme était pensé dans le cadre d'une logique morale chrétienne. Il y avait des choses que l'on ne faisait pas, et l'on était attaché à son pays, en l’occurrence à la Grande-Bretagne concernant Smith. Ce libéralisme était donc implicitement un libéralisme modéré par des principes moraux, religieux et patriotiques. Le néolibéralisme c'est en gros la même chose, mais sans ce cadre. D'où les dérives qu'il produit puisqu’effectivement il ne prend plus en compte ni la morale, ni la décence sociale, ni l'intérêt national. Le néolibéralisme était en fait en gestation dans le libéralisme économique depuis le début . Tant que les digues des tabous collectifs étaient là, cela pouvait fonctionner, mais sans ça c'est la catastrophe. C'est ce que nous vivons depuis 50 ans maintenant puisque le tournant néolibéral en France date de 1974 environ.

 

Ce néolibéralisme a fait sauter toutes les frontières en particulier économiques permettant aux plus riches d'échapper à la solidarité nationale par l’impôt et aux entreprises de maximiser leurs profits en délocalisant. Mais pour l'affaire qui nous concerne, c'est-à-dire l'impuissance publique, c'est la fin du circuit d'échange macroéconomique qui fut la vraie catastrophe. En effet en ouvrant les échanges extérieurs vous cassez le lien entre la consommation et la production. Vous créez des fuites dans le circuit économique. Autrefois quand l'état dépensait de l'argent, il émettait de la monnaie qui circulait dans le circuit économique. La question des dépenses comme si l'était un foyer n'avait pas de sens, car les dépenses étaient récupérées par la dynamique économique produite par la dépense étatique. L'état récupérait par les impôts ce qu'il dépensait dans la société, et si ce n'était pas par l'impôt c'était aussi par l'inflation. Rappelons au passage que l'inflation pendant les trente glorieuses était située entre 4 et 5 % par an plus que l'épisode d'inflation que nous venons de connaître. Mais grâce au circuit économique relativement fermé, les salaires suivaient l'inflation quand ils ne la dépassaient pas régulièrement. En fait, il est assez facile de montrer le fonctionnement du multiplicateur keynésien de cette manière comme je l'ai souvent fait, vous pouvez revoir ça dans ce texte par exemple.

 

De fait dans un contexte de chômage de masse l'augmentation de la masse monétaire n'est absolument pas un problème bien au contraire. Mais cela suppose que l'économie forme un circuit assez fermé et que vous produisiez ce que vous consommez. L'état pouvait donc payer des services même plus cher tant que cela restait dans le circuit économique national. L'argent revenait mécaniquement par l’impôt et l’augmentation du PIB produit par le multiplicateur keynésien . C'est ce système qui a produit la croissance après guerre en France et en occident. Bien sûr si vous augmentez la masse monétaire de façon excessive par rapport à la masse salariale et aux besoins, vous pouvez produire aussi une inflation excessive. Mais bien équilibré, ce système fonctionne et fonctionne encore très bien aujourd'hui. La Russie qui a une économie qui a été fermée de l'extérieur connaît maintenant une dynamique économique très forte grâce à ce mécanisme. Les dépenses militaires nourrissant la croissance économique nationale. Le protectionnisme a obligé les entreprises à faire des gains de productivité aussi à cause du manque de main-d’œuvre. L'économie monétaire de production de type keynésienne fonctionne toujours très bien contraire au système libéral.

 

Mais depuis les années 70, l'idéologie néolibérale a pris le dessus et nous avons cassé ce lien faisant de l'état un acteur économique comme un autre qui doit équilibrer ses comptes même si le pays s'effondre. L'impuissance publique actuelle est en grande partie le fruit pourri de cette idéologie de petit comptable. Une idéologie que les USA ne pratiquent pas d'ailleurs ce qui explique que ce pays globalement sort des crises beaucoup plus rapidement que l'UE et la zone euro. On voit même l'état chercher même pour les commandes publiques les acteurs les moins chers possibles, souvent étrangers, comme s'il était un consommateur lambda cherchant le prix le plus bas au supermarché du coin. Oubliant que moins l'argent circule dans le pays, plus le pays va mal, et plus les rentrées fiscales sont faibles. Cette logique de petits comptables que Keynes critiquait déjà pendant l'entre-deux-guerres est en grande partie responsable de notre impuissance. Que ce soit en matière de sécurité ou d'éducation. Or vous n'entendrez jamais Gabriel Attal ou nos énarques souligner cette question cruciale faisant semblant de résoudre les problèmes par la parole puisque les actes sont impossibles dans le petit monde étriqué du néolibéralisme. Mais ce n'est pas si grave pour eux, puisque les couches aisées peuvent échapper à ces problèmes grâce à leur argent, enfin pour l'instant.

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8 avril 2024 1 08 /04 /avril /2024 16:38

 

Les multiples problèmes récents de la firme Boeing ramènent la question du niveau de capacité technique et industrielle américaine sur la table. Alors que les USA multiplient les dépenses pour se réindustrialiser en violant au passage tous les principes du libre-échange qu'ils ont imposé au reste du monde. En effet les USA ont mis en place un système ouvertement protectionniste en misant sur les subventions plutôt que sur les droits de douane ou les quotas. Le système peut paraître étrange dans le sens où cela coûte extrêmement cher comme protectionnisme, mais il ne faut pas oublier que les USA ne payent pas le prix de leur émission monétaire. Le rôle international de leur monnaie les protégeant en partie contre les effets délétères d'une trop grande hausse de la masse monétaire. Les USA ont ainsi mis sur la table près de 400 milliards de subventions pour favoriser la production sur le sol américain en 2023.

 

Cette politique n'est pas totalement sans effet. Elle se combine en plus avec une politique extrêmement agressive vis-à-vis des états vassaux des USA. La pauvre république de Taïwan en fait les frais puisque Washington a poussé l'entreprise TSMC à produire des usines de semi-conducteur sur leur sol. De la même manière, les USA font d'énorme pression pour empêcher la Chine d'avoir accès aux systèmes de pointe en matière de production de semi-conducteur. Le fabricant néerlandais ASML et les Pays-Bas sont sous la menace américaine pour que ces derniers ne réparent pas les machines qui font de la gravure de semi-conducteurs installés en Chine. ASML étant le leader mondial des machines pour la lithographie, outils indispensables pour graver les circuits sur les wafers qui fabriquent les processeurs, les mémoires et les différentes puces électroniques dont notre civilisation moderne est devenue si dépendante.

 

Beaucoup de gens ont critiqué Trump à l'époque de sa politique d'America First, mais il faut bien constater que si Trump a beaucoup parlé de protectionnisme c'est bien Biden qui a agi de la sorte. Je ne critiquerais d'ailleurs pas du tout ces politiques à part sur leur volonté de nuire aux Chinois par des pressions sur d'autres pays. Vouloir réindustrialiser les USA est du bon sens et montre que finalement les élites américaines sont un peu moins stupides que leurs tristes homologues européens. Il est d'ailleurs assez incroyable de voir le peu de réactions en Europe par rapport à ce comportement. À l'époque de Trump qui n'a pas fait grande chose en réalité, nos élites étaient vent debout contre le grand méchant blond à la houppette ridicule. Mais maintenant que ce protectionnisme extrêmement agressif arrive dans le monde réel, nos élites ne pipent mot. On pourrait croire que nos dirigeants sont complètement à la botte des démocrates américains. Entre ce silence en matière économique, et le suivisme suicidaire en matière géopolitique contre la Russie, on sent bien le caractère totalement faussaire de la construction européenne. Nous ne sommes que des vassaux, et l'UE est en quelque sorte notre garde-chiourme ou notre tuteur au choix.

 

Avec le retour du protectionnisme américain, il est à mon sens important de rappeler rapidement l'histoire économique de ce pays. Le protectionnisme est pour ainsi dire consubstantiel à l'état américain. C'est de loin le pays qui a été le plus protectionniste au monde de la seconde moitié du 19e siècle jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Paul Bairoch dans « Mythes et paradoxes de l'histoire économique » avait fait un tableau récapitulant les droits de douane moyens sur cette période et les USA sont de loin les plus protectionnistes. On est très loin du discours que tiennent généralement les libéraux sur l'histoire économique et qui associent protectionnisme au déclin ou au retard économique. Bien au contraire dans l'histoire réelle c'est le protectionnisme qui a précédé le décollage économique de la plupart des pays aujourd'hui industrialisés. Et la Chine et l’Asie de l'Est ne font pas exception à la règle. Le retour du protectionnisme aux USA est donc plutôt un retour à la normalité historique de ce pays en réalité.

 

Le dollar et l'éducation sont les principaux obstacles à la réindustrialisation

 

Comme je l'ai dit, je ne condamne pas le protectionnisme américain bien au contraire. Il s'agit d'une politique de retour à la raison après quatre décennies de suicide industriel progressif. Ce qui est condamnable c'est le comportement des USA qui pousse d'autres pays à rompre des relations économiques avec la Chine ou la Russie alors que cela ne les regarde pas techniquement parlant. On voit bien ici que les USA sont engoncés dans une contradiction d'intérêt entre leur rôle impérial et leurs intérêts purement nationaux. Si les subventions aux industries directes visent effectivement à la réindustrialisation nationale, les pressions à l'extérieur visent à empêcher la Chine de continuer sa montée en puissance, ce qui n'a pas grand-chose à avoir avec la réindustrialisation américaine. On pourrait même dire ici que c'est un frein à la réindustrialisation américaine. En Effet, les USA auraient plutôt besoin de bien s'entendre avec la Chine s'il voulait réellement se réindustrialiser rapidement. Cela simplifierait grandement les choses.

 

Les USA ne pouvant plus prétendre concurrencer la Chine à cause du différentiel de coût. La réindustrialisation américaine vise surtout à pourvoir aux besoins intérieurs. Si les USA n'étaient pas si agressifs avec la Chine, ils pourraient éventuellement trouver un compromis avec cette puissance. Cette dernière acceptant la réindustrialisation des USA, en la soutenant même. En échange d'un accord sur la non-intervention américaine en Asie de l'Est par exemple. Bref, il me semble que la réindustrialisation américaine serait simplifiée par un renoncement à la domination impériale mondiale américaine. Mais ce pays reste traversé par cette contradiction fondamentale qui est comme on en a déjà parlé longuement fortement lié au rôle du statut du dollar en tant que monnaie d'échange internationale. La grande peur des USA étant de se retrouver avec un effondrement monétaire suite à la perte de ce statut.

 

Nous voyons donc que le premier problème des USA concernant la réindustrialisation provient justement de leur statut impérial. D'une part parce que cela les pousse à un comportement agressif par rapport à d'autres puissances qui les concurrence que ce soit la Chine, la Russie, mais aussi l'Europe en particulier l'Allemagne. Mais aussi à cause justement de leur statut monétaire. En effet, comme je l'ai dit, les USA peuvent émettre de la dette et de la monnaie à l'infinie sans se soucier vraiment des grands équilibres. Cela semble donc un gros avantage. Mais en réalité cela rend la production locale peu intéressante. Pourquoi produire quelque chose quand vous pouvez tout importer gratuitement ? De fait, la force du dollar qui maintient sa valeur même avec d'immenses déficits publics et commerciaux est à la fois un avantage et un désastre. Car cela empêche le retour de la compétitivité externe des productions américaines. Car si la dévaluation est à court terme un mécanisme inflationniste augmentant le prix des importations, c'est aussi un mécanisme qui réduit le coût des exportations et rend donc plus compétitives les productions locales. Ce qui permettrait justement une véritable réindustrialisation. Vous voyez, je pense, plus clairement toute la contradiction dans laquelle les USA se sont mis en devenant un empire après la Seconde Guerre mondiale. Le prix de la facilité de paiement avec le dollar fut la destruction de l'industrie américaine.

 

Le second facteur est plus grave, je pense, car plus difficile à résoudre rapidement, c'est celui de l'éducation. Les USA se sont désindustrialisés dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. On en a pas trop conscience en Europe parce que cette période pour nous a été celle du très fort décollage économique, mais pour les USA ce fut en fait le début des délocalisations à l'intérieur de l'alliance atlantique. À l'époque l'Europe et le Japon sont beaucoup moins chers que les Américains et les industries commencent à délocaliser chez nous parce que les USA ont alors mis fin à leur politique protectionniste. Ce n'était pas totalement illogique à l'époque où les USA avaient trop d'excédents commerciaux. Un rééquilibrage commercial par l'arrêt du protectionnisme était en fait tout à faire rationnel. Seulement, c'est vite allé trop loin. Le statut du dollar commençant a fait avoir des déficits commerciaux aux USA dès les années 60. C'est alors que le général de Gaulle fit son célèbre discours sur le dollar qu'il ne tient qu'à eux d'émettre en 1965. Mais cette situation va perdurer et s'aggraver. Et petit à petit, le système éducatif américain va s'adapter à la nouvelle donne d'un pays sans industrie où les services prennent la part belle de l'emploi.

 

 

Le déclin des études en science aux USA va être spectaculaire. Aujourd'hui les USA forment à peine 17% de leurs jeunes dans les sciences. Et une grande part des étudiants en science viennent d'ailleurs, d'Asie en particulier ce qui risque de poser de grave problème de contrôle des USA sur leur propre avantage scientifique. En effet, beaucoup de gens disent que le déclin éducatif aux USA est largement compensé par l'importation de scientifiques du monde entier et c'est juste d'un point de vue théorique. Mais c'est oublier un peu vite le facteur humain. Si vos scientifiques sont essentiellement chinois et indiens, vous ne contrôlerez rien en matière de transfert de technologie par exemple. Même si la majorité travaillera probablement pour l'oncle Sam, une part non négligeable pourra être une espèce de cinquième colonne. Dans une situation où l'Empire américain joue une lutte à mort contre la Chine et peut-être demain l'Inde, le fait que la majeure partie de leurs scientifiques viennent de ces pays pose un énorme problème de sécurité nationale. Mais voilà depuis des décennies, les jeunes Américains préfèrent les études d'avocat ou dans le commerce qui sont beaucoup plus rentables économiquement. De plus si demain les USA perdent en attractivité salariale ce qui pourrait très vite arriver si ce pays perd son statut monétaire, les chercheurs d'origines étrangères pourraient partir aussi vite qu'ils sont arrivées réduisant la force de travail technique et scientifiques à une portion ridicule de ce qu'elle est aujourd'hui.

 

Orgines des étudiants étrangers aux USA . Source : La défaite de l'occident E.Todd

Et ce problème se voit aujourd'hui dans les difficultés qu'ont les USA non seulement à se réindustrialiser, mais aussi à maintenir simplement leur capacité industrielle actuelle. On ne parlera pas ici de l'effondrement des infrastructures par exemple. Mais Boeing qui multiplie les catastrophes est un nouvel exemple de cette réalité, la finance étant passée devant les plus élémentaires conditions de sécurité technique. TSMC dont on a parlé précédemment multiplie les projets aux USA, mais a toutes les peines du monde à faire sortir ses usines de terre par manque de personnel qualifié avec en plus un niveau de productivité attendu très bas. Les productions USA coûteront beaucoup plus cher qu'à Taïwan. Nous pourrions également parler des échecs pour construire de nouvelles centrales nucléaires ou les déboires de l'industrie militaire américaine avec le fameux F35. Bref si la volonté de se réindustrialiser est bien réelle il n'est pas dit que les moyens employés à l'heure actuelle par les USA mèneront ce projet à terme. Il ne suffit pas de distribuer des chèques pour construire un appareil industriel efficace. Il faut un état stratège dans tous les domaines et il faudrait également que les USA revoient leur système éducatif fortement inégalitaire et beaucoup trop coûteux pour l'américain moyen.

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5 avril 2024 5 05 /04 /avril /2024 16:15

 

La nouvelle volonté gouvernementale de réformer encore l'assurance chômage alors même que la réforme précédente commence à peine à être mise en œuvre montre encore une fois la lucidité des formules de notre prophète préféré Emmanuel Todd. En effet il y a quelques années, Emmanuel Todd avait décrit le modèle économique français comme étant un modèle aztèque. Un modèle qui ne repose pas sur la rationalité et la raison, mais sur le mode sacrificiel. On sacrifie les chômeurs au dieu marché et au libre-échange. On sacrifie l'industrie et l’agriculture française pour le dieu euro et la construction européenne. La réforme de l'assurance chômage récente s'inscrit dans cette longue tendance à la mutilation d'une partie de la population au nom de l'intérêt général pour sauver la France de la méchante dette. Mais aussi avec comme idée dernière que les populations concernées sont responsables de leur situation. Car dans le monde pur et parfait du libéralisme et du marché qui s'autorégule, seule la fainéantise des chômeurs peut expliquer leur situation.

 

On notera au passage que si le gouvernement est prompt à réduire les droits des chômeurs de façon arbitraire, il ne réduit pas pour autant le coût de l'assurance chômage pour les entreprises et les salariés. Pourtant en toute logique si vous réduisez les services que vous proposez, vous devriez en réduire aussi les prix. Mais là non, l'état s'arroge le droit de ne pas observer la règle la plus élémentaire du marché dont il est pourtant en théorie un grand défenseur. Donc au-delà même de la question de l'injustice qui est faite aux chômeurs et du caractère délirant de ces politiques. Il y a même un vice profond de raisonnement et une spoliation pure et simple de nos entreprises et des salariés français. On pourrait rajouter à cette vision d'horreur d'une société française sacrifiant sa population la plus fragile pour ses croyances, la crise en Ukraine. En effet en plus de vouloir détruire les services publics, l'état français veut maintenant carrément envoyer les jeunes Français mourir pour l'Ukraine ou plutôt pour l'UE et l'OTAN, autres divinités intouchables des croyances de nos dirigeants.

 

La violence symbolique et la fonction du bouc émissaire

 

Cependant, cette question de modèle sacrificiel pose question dans une société qui se veut rationnelle et fondée sur la science. La récente crise du COVID et les mécanismes de peur collective qui ont entraîné des prises de décision totalement délirante comme les confinements ont montré que sous la mince couche de « science » qui organise notre société il y a en réalité une irrationalité sous-jacente toujours aussi forte. Et cette irrationalité est sans doute beaucoup plus forte aujourd’hui qu'elle ne l'était il y a seulement trente ou quarante ans. En effet au risque de radoter le nihilisme qui touche aujourd'hui l'occident et la France en particulier pousse les populations à chercher de nouvelles croyances de substitution aux anciennes croyances traditionnelles. Car l'être humain a d'une part un besoin de certitude que la science en réalité ne peut lui offrir de par sa nature. En effet, la science est fondamentalement fondée sur l'observation et elle peut remettre en cause des vérités établies précédemment par de nouvelles découvertes. C'est toute la qualité de la science, mais c'est aussi ce qui fait qu'elle ne peut pas réellement se substituer aux fonctions organisatrices des croyances religieuses ou culturelles.

 

De fait la science c'est en partie l'incertitude et la remise en cause permanente. Mais l'être humain a besoin de croire dans certaines choses stables et la religion, la culture ont cette fonction. On voit donc ici que la disparition des croyances traditionnelles a laissé un vide. C'est le fameux nihilisme dont on a parlé dans la critique sur le dernier livre d'Emmanuel Todd. Cependant, ce vide ne dure pas, il se transforme en besoin irrépressible de croyances de remplacement. C'est là que les idéologies modernes font leur apparition. À ce besoin de certitude s'ajoute aussi la mécanique de socialisation . Les religions ne sont pas seulement des croyances, mais aussi et surtout des vaisseaux par lesquels s'effectue en grande partie la socialisation des individus. Elles permettent des références communes , un langage culturel commun. C'est un processus extrêmement important, car l'être humain est un individu, mais aussi un être collectif. S'ajoute donc au besoin de certitude le besoin de partager sa vie dans un groupe avec d'autres personnes. Ces personnes ont des activités et des croyances qui vont servir de liant entre elles, et ce liant est en partie religieux et culturel.

 

Quand la république est devenue laïque, elle a quand même créé un langage commun de substitution à celui du catholicisme. Parce que les dirigeants d'alors avaient bien conscience de ce besoin et que l'on ne pouvait tout simplement pas créer une société d'athée où il n'y aurait aucune référence commune. La République française laïque a d'ailleurs été probablement plus violente que la monarchie absolue sur les coutumes et les langues régionales parce qu'elle n'avait plus l'assise religieuse derrière elle qui créait naturellement ce langage commun. Il s'agit bien sûr ici d'une hypothèse personnelle sur la question. Je pense que la grande brutalité républicaine pour imposer une culture unique en France et lutter contre les langues régionales bien plus fortement que la monarchie fut en grande partie liée à la faiblesse de ce régime. Sinon comment expliquer la violence soudaine pour des cultures et des langues locales qui étaient pourtant demeurées longtemps sous la couronne française ? Pourquoi vouloir à ce point uniformiser un pays qui avait pourtant si bien continué tel quel pendant des siècles ? La république ne pouvant plus utiliser le christianisme comme liant a dû chercher des substituts. Malheureusement, on le voit bien aujourd'hui, le clergé laïque républicain est lui-même entré en déclin. La religion républicaine a beaucoup perdu de son éclat et en tout cas elle n'arrive plus à produire de la cohésion comme elle pouvait le faire encore dans l'immédiat après guerre. Restent alors les croyances de substitution. Cependant, nous en revenons à des croyances près chrétiennes dans leur comportement.

 

Nous allons ici nous référer aux célèbres thèses de René Girard sur le bouc émissaire et le rôle qu'a tenu le christianisme dans l'histoire des religions. D'après Girard le christianisme est la dernière des religions, celle qui met fin à la religion, et celle qui a mis fin au mécanisme du bouc émissaire et du sacrifice. En effet pour Girard, la violence est à la base de la civilisation. C'est la violence contre l'autre, contre un groupe, contre un bouc émissaire qui crée la cohésion d'un groupe contre un ennemi commun. La religion finira par symboliser cette violence à travers les sacrifices. D'abord dans les sacrifices humains qui ont été pratiqués un peu partout dans le monde et dont le plus célèbre exemple fut chez les Aztèques qui pratiquaient des sacrifices immondes à grande échelle. Chose qui a grandement facilité l'invasion des Espagnols qui ont pu jouer sur les inimitiés locales produites par ces sacrifices, les Aztèques préférant sacrifier les populations des voisins à la leur. Ensuite, les religions ont abandonné ces sacrifices humains par des sacrifices d'animaux, mais la fonction est restée. La religion donnant par ces sacrifices un langage commun et un but commun à la population qui la pratiquait. Le christianisme a mis fin à cela avec le sacrifice de Jésus qui a payé pour tous les pêcher en quelque sorte. C'est la grande différence entre le christianisme, et les autres religions qui ont pu exister dans l'histoire humaine.

 

Mais aujourd’hui le christianisme et ses valeurs sont largement en déclin. Et nous faisons face à des résurgences de mécanismes de bouc émissaire sous des formes nouvelles même si le fond reste le même. L'on peut voir ici que la question du chômage telle qu'elle est utilisée n'est pas vraiment rationnelle, elle n'est même pas rationnelle du point de vue économique. Les économies réalisées sont simplement ridicules en regard des besoins de l'état et de notre endettement. Cependant, il ne s'agit pas de résoudre un problème économique, mais de trouver les responsables des échecs des politiques publiques. Les dogmes religieux comme la construction européenne, l'euro ou le libre-échange étant impossible à remettre en question, on trouve des boucs émissaires à ces échecs. On peut donc analyser le comportement de nos gouvernants comme un comportement que l'on croyait disparu de nos contrées depuis longtemps, mais qui ressurgit à l'occasion de l'effondrement des croyances collectives traditionnelles. Celui du sacrifice des pêcheurs, ceux qui ont osé ne pas se comporter correctement par rapport aux dogmes en vigueur. Ils sont responsables de nos malheurs et doivent donc être punis. Ce mécanisme est d'autant plus facile à mettre en œuvre que le libéralisme et ses préceptes ont des concepts qui produisent naturellement ce type de conclusion. L'idéal du marché pur et parfait qui s'autorégule et qui naturalise le comportement économique peut produire très rapidement ce type de raisonnement hasardeux. S'il y a du chômage, c'est forcément la faute des chômeurs qui demandent trop de salaires ou qui sont fainéants. Le marché lui ne peut pas se tromper. Il est extrêmement inquiétant de voir nos sociétés modernes revenir à des comportements à ce point primitif, cherchant en permanence des responsables à tous leurs malheurs, les chômeurs, les pauvres, les jeunes, les fonctionnaires, les Russes, les Chinois.

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 16:07

 

 

Une bien triste vidéo a fait du buzz dernièrement sur les réseaux sociaux. Il s'agit du témoignage d'une femme qui est née grâce à la PMA. Elle est farouchement opposée à cette technique qui pourtant lui a donné naissance. Il ne s'agit pas ici de débattre sur la procréation médicalement assistée. Est-ce une bonne chose ou pas ? La question à mes yeux qui m'intéresse c'est plutôt les effets de la marchandisation de la reproduction. Car avant d'être une technique, la PMA est devenue un marché. Chose que les défenseurs des « libertés » individuels ou ceux qui s'affichent comme tel évitent bien soigneusement de parler. Très souvent ces débats entrent sur les terrains moraux et religieux alors que le fond du problème est l'acceptation de la marchandisation de quelque chose qui n'a jamais fait partie du marché. Et le marché signifie inégalité d'accès, exploitation et pulvérisation des relations humaines à travers le seul prisme de l'intérêt pécuniaire. S'il y a bien un argument contraire à cette technique, c'est bien celui du danger que représente la marchandisation du corps des femmes qui devint ainsi un produit qu'on vend au plus offrant.

 

Rappelons d'ailleurs au passage que l'Ukraine dont on parle fréquemment à cause de l'horrible guerre qui s'y produit était également tristement célèbre pour sa production de mère porteuse pour les riches occidentales qui voulait un bébé par PMA. Regardez ce sublime site officiel pour faire votre marché et acheter un bébé en ligne. Cela résume à mes yeux toute l'horreur de l'extension permanente du « marché » dans tous les aspects de nos vies et sans que personne ne la remette en cause à part quelques penseurs scientifiques et philosophes. Car au-delà de cette question de la procréation médicalement assistée c'est surtout sur cette question de la marchandisation que je voulais parler aujourd'hui. Certains penseur on a déjà abordé le sujet, on pourrait citer rapidement Karl Polanyi, Ivan Illich, Jacques Ellul ou encore mon compatriote montpelliérain Jean Claude Michéa. On pourrait également dire que cette question était déjà sous-jacente chez les premiers penseurs de l'économie. Les physiocrates à l'image de Jean Jacques Rousseau pensaient par exemple que la seule véritable richesse venait de l'agriculture. Ils faisaient surtout une grande distinction qui sera malheureusement abandonnée par la suite entre la valeur marchande et la valeur d'usage.

 

On retiendra sa célèbre phrase que je cite souvent, mais qui est d'une grande clairvoyance à mon humble avis : « Du même principe on peut tirer cette règle,qu'en général les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité et que les plus nécessaires doivent enfin devenir les plus négligés. » Chez Rousseau et une partie des penseurs de son époque, la valeur marchande n'était pas la référence absolue. Rappelons qu'à l'époque la société est encore baignée dans le christianisme. Et l'influence de la croyance religieuse est encore très forte. Elle est même carrément explicite chez le papa des libéraux Adam Smith et sa main invisible qui résout tous les problèmes de déséquilibre des marchés. Delà à n'y voir qu'une expression cachée de la providence chrétienne, il n'y a qu'un pas. On avait alors bien conscience que le marché n'était qu'une petite partie de la société et l'on aurait alors considéré comme folie le fait de vouloir tout régenter par les mécanismes du marché d'offre et de demande. C'est pourtant bien ce à quoi a abouti le libéralisme au fil des siècles en perdant petit à petit le cadre moral et chrétien qui était le sien à l'origine. C'est comme cela qu'on passe d'un Adam Smith qui va à l'église et qui croit à la charité chrétienne à un Milei (le président libertarien argentin) qui fait cloner ses chiens. On voit ici un peu les effets du nihilisme d'Emmanuel Todd dont nous avons déjà amplement parlé. Ce nihilisme n'a pas touché que les politiques, il a d'abord touché les milieux intellectuels et les économistes.

 

Laissée à elle-même, la logique ne produit que des délires . Sans un cadre solide fait d'axiomes produit par la culture, l'éducation et la religion, la raison devient vite une folie. Les physiocrates pensaient donc le marché dans un cadre qui lui n'était pas marchand. Il y avait la morale, et tout un tas d'activité qui n'entraient pas dans le cadre du marché. La marchandisation de la totalité des activités humaines est un processus qui a mis du temps à se réaliser, mais qui advient aujourd’hui de plus en plus clairement. Faut-il rappeler qu'il y a à peine un siècle on aurait rigolé si vous aviez proposé de vendre de l'eau par exemple ? L'eau était gratuite, mais comme vous le savez, la pollution produite par le système industriel a permis de valoriser l'eau en la dépolluant, créant ainsi un marché de l'eau. On le voit, le processus de marchandisation est aussi un effet naturel du « progrès », ou ce que l'on nomme le progrès. Nous pourrions souligner comme le faisait Michéa que la délinquance elle-même est source de PIB. Que ces pays où l'art de vivre et la tranquillité sont pauvres. Imaginez ce pauvre Japon n'ayant ni vole de masse, ni trafic, ni cités « sensibles ». De combien le PIB japonais pourrait-il grimper s'il avait la chance d'être comme nous inondé de violence, et de trafiques en tout genre ? Je caricature à peine, mais il est indéniable que le progrès du PIB n'en est pas forcément un. Même si indirectement il est probable que le coût de ces désagréments finit par être mesuré à l'aune de l'inefficacité économique et commerciale de pays comme la France ou les USA.

 

Remettre le marché à sa place

 

L'on voit bien que la seule organisation autour de la valorisation marchande est une impasse en réalité. Trop de choses importantes finissent négligées pendant que l'essentiel est détruit. C'est exactement les propos de Rousseau. Nous pourrions multiplier les exemples. L'on se focalise souvent sur le désintérêt général des jeunes Français pour les études . La baisse du niveau scolaire est aujourd'hui un truisme comme on en a parlé dans mon texte précédent. Mais quelle motivation les jeunes peuvent-ils avoir pour les études dans une société qui valorise les manipulateurs de symboles, les amuseurs publics ou les footballeurs. Quand une société valorise des millions d'euros des sportifs ou des youtubeurs, mais maltraite ceux qui la nourrissent, ceux qui enseignent, ceux qui la défendent ou ceux qui font des sciences, il ne faut pas s'étonner que les jeunes se détournent des arts essentiels. L'effondrement de l'attrait pour tous les métiers vitaux vient en grande partie des effets du marché libre et dérégulé qui valorise le superflu et dévalorise l'essentiel. Encore une fois la seule mécanique du marché ne peut réguler réellement la société. C'est encore plus vrai dans une société qui a ouvert toutes ses frontières et qui importe l'essentiel de ce qu'elle consomme pour occuper sa population dans des métiers d'occupation pour l'essentiel, les fameux bullshit jobs.

 

Comment ne pas voir également dans la dégradation de la fécondité ou le célibat de masse, comme les derniers avatars des effets du libéralisme ? La rencontre qui était autrefois le rapport naturel entre les hommes et les femmes, fruit des rencontres et du hasard de la vie, est elle aussi devenue un marché. D'un côté le marché technologique sépare les gens. On diminue les lieux de rencontre publics , on produit une société où les gens se rencontrent moins de façon naturelle en rendant marchands tous les aspects de la vie. Il est fini le temps des églises, des bals populaires et du parti communiste. Donc les gens n'ont plus vraiment l'occasion de se rencontrer naturellement. De l'autre, on met en place des applications de rencontre marchandisant totalement les relations en transformant un acte qui était autrefois gratuit, mais qui devient subitement un marché. Dans les sociétés les plus avancées sur cette marchandisation, le Japon est probablement le champion. Là-bas vous pouvez carrément louer des petites amies et même des amis tout court. N'en doutez pas cela arrivera chez nous très vite même si le marché des « escortes » en est une prémisse.

 

On le voit ici rapidement, le problème n'est pas tant notre modèle économique ou technologique qu'un effet de mentalité. La disparition de la morale publique et des cadres chrétiens et culturels a fait disparaître les interdits et les limites. Et cette disparition des limites, de ce qui est acceptable ou non a permis cette extension du marché qui s'étend à tous les paramètres de la vie. Comme nous l'avons vu rapidement sur la question de la PMA, cette « libéralisation » n'en est pas une, c'est avant tout une marchandisation, une capitulation devant l'avarice et l’appât du gain. Bien sûr, cela n'est jamais présenté de cette manière, mais c'est la véritable motivation derrière les arguments de bienveillance sur les personnes ne pouvant pas avoir d'enfants. L'on oublie généralement les pauvres victimes de ces marchés qui n'ont pas de choix parce qu'elles sont très pauvres, quand elles ne sont pas carrément victimes de réseaux criminels ou d'autres pressions.

 

 Alors vous me direz que tout ceci est vrai, mais que peut-on faire ? La solution est très simple, il s'agit de remettre des limites. Il faut réencadrer le marché et mettre fin à son élargissement sans fin. Cela peut commencer sur certains sujets comme la PMA, mais pas seulement. On peut également mettre fin à l'existence de certains marchés très fructueux pour certains. C'est avant tout un sursaut moral qu'il nous faut avoir et un certain courage pour affronter les lobbys divers et variés qui crieront aux réactionnaires et à la limitation des libertés publiques. Quand on voit la pauvre Allemagne qui se met à légaliser le cannabis, on voit bien vers quels délires nous nous dirigeons à terme. Il faut mettre l'impensable en action et montrer qu'il ne tient qu'à nous de nous redresser collectivement. L’extension du marché n'est pas le fruit d'une mécanique lié à un phénomène naturel. Il est avant tout le fruit pourri de l'effondrement progressif de la morale publique et des croyances collectives. Tout phénomène social est réversible, y compris le tout marché. Il faut réaffirmer que tout ce qui a de la valeur marchande n'a pas forcément de valeur pour la société, que l'on ne mesure pas l'importance d'une chose uniquement par sa valeur marchande. Non Aya Nakamura ne vaut pas Edith Piaf, pas plus qu'Harry Potter ne dépasse les Misérables. Il faut remettre de la logique non marchande dans notre civilisation, il faut reciviliser la France et l'occident. C'est une peu en substance ce que disait Pierre Thuillier dans son livre de 1995 « La Grande Implosion: Rapport sur l'effondrement de l'Occident ». Chiche, pour commencer, je propose de démarchandiser le sport. La fin du professionnalisme sportif ferait beaucoup de bien non seulement au milieu sportif, mais aussi à la morale de notre jeunesse.

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 15:50

 

Notre brillant ministre de l'économie monsieur Bruno Le Maire qui s'est incroyablement illustré avec ses prévisions sur l'effondrement de l'économie russe grâce aux sanctions vient de prendre une décision absolue concernant l'économie française. En effet, Emmanuel Macron et son ministre viennent en effet de s'apercevoir de l'incroyable irresponsabilité des dirigeants français qui ont dirigé le pays ces dernières années. Et comme ils ont un grand sens de l'intérêt général, ils ont donc convenu d'un commun accord à la nécessité d'un plan d'austérité pour sauver l'économie française de la faillite. Tout ceci est effectivement ridicule sachant que Macron et son gouvernement sont largement responsables de la dégradation des comptes publics ces dernières années. On se souvient du quoi qu'il en coûte ou encore des baisses d’impôt pour les plus riches qui ont coûté un pognon de dingue pour reprendre une expression populaire.

 

La responsabilité de nos dirigeants actuels est tellement énorme qu'il faut quand même un culot invraisemblable pour dire par exemple « la responsabilité, ce n'est ni l'austérité ni le laisser-aller » comme il l'a fait dernièrement dans un direct sur BFM. On parle d'un gouvernement qui a pris des décisions stupides au moment du COVID en arrêtant toute l'activité économique et qui pour compenser a versé des milliards aux entreprises en arrêt forcé. Un gouvernement qui continue à émettre des titres de dette indexée sur l'inflation, ce qui est une aberration économique qui demanderait une enquête pour savoir s'il n'y a pas des enrichissements personnels chez nos dirigeants ou chez leurs relations. Ces décisions sont trop irrationnelles d'un point de vue de l'intérêt national pour qu'on ne puisse pas y percevoir des malversations. Même la bêtise a ses limites très franchement. On a un gouvernement qui a accru la dette de l'état de plus de 700 milliards d'euro depuis l'élection de Macron à la présidence avec pourtant un bilan macroéconomique désastreux , le PIB français étant à peine remonté à son niveau d'avant les pseudo-mesures contre le COVID. En gros, la France a perdu quatre ans de croissance malgré un accroissement de la dette considérable sur la même période, ce qui mécaniquement a fait gonfler la part de l'endettement par rapport au PIB.

 

 

Alors on pourrait se dire à ce stade que nous avons affaire à des imbéciles incompétents. Et sans doute, qu'il y aurait du vrai dans cette affirmation. Les grossièretés guerrières d'Emmanuel Macron avec la Russie confirmant ce manque évident de compétence. Mais il faut bien aussi accepter l'idée qu'il y a une stratégie derrière ces endettements disproportionnés. Tout d'abord, cet endettement n'est pas perdu pour tout le monde, il enrichit les détenteurs de titre de dette qui saignent notre pays comme les usuriers qu'ils sont. L'endettement indexé sur l'inflation montre clairement que ce gouvernement roule pour des intérêts privés. Mais il y a un second effet à cet endettement. Il permet de justifier la démolition des restes de l'état providence. Nos dirigeants ne parlent jamais de l'origine de la dette ni des décisions qui l'ont nourri. Ils se contentent de dire que l'état dépense trop. Avec en sous-entendu les dépenses sociales, d’éducation, de santé, ou d'aides sociales sont trop importantes. On voit d'ailleurs le discours néolibéral se clarifier dans les dernières déclarations de Bruno Le Maire. D'ailleurs, le dernier budget de l'état a consisté à sabrer les dépenses dans l'éducation, la santé et la recherche publique. On voit donc clairement l'usage que les néolibéraux font de la dette et il ne faut pas être très malin pour deviner que le gonflement de la dette est en fait un moyen pour justifier a posteriori la démolition de l'état providence que les néolibéraux ont en horreur.

Pour casser cette stratégie, il est important de rappeler d'où vient la dette et quelles sont les dépenses les plus importantes de l'état aujourd'hui. Les deux fortes périodes de gonflement de la dette publique ont été à chaque fois le résultat d'aide pour des acteurs privés. Faut-il rappeler les immenses dépenses faites par Nicolas Sarkozy pour sauver le système bancaire de la faillite entre 2008 et 2010 ? Ce sont des centaines de milliards qui ont été engloutis pour sauver un système totalement vérolé. Personne n'est allé en prison et l'état n'a même pas nationalisé les banques. Par contre, les Français continuent à payer les intérêts produits par cet endettement. Des intérêts qui rapportent d'ailleurs de l'argent probablement aux mêmes qui avaient conduit le système bancaire à la faillite. On comprend ici l'expression privatisation des profit et socialisation des pertes. Le second coup a donc été la crise COVID. Et là encore, ce sont des acteurs privés qui ont touché des sommes parfois délirantes et sans aucune justification au nom des mesures prises par l'état pour lutter contre le grand méchant virus. On a encore eu affaire à la privatisation des profits et à la socialisation des pertes. Enfin, rappelons que le premier poste de dépense de l'état est largement les subventions aux entreprises. Elles représentent près de 6% du PIB près d'un tiers des dépenses de l'état. C'est largement plus que les dépenses pour la santé, l'éducation ou l'armée. Du reste, les dépenses utiles sont celles sur lesquelles on fait des économies depuis des décennies au point que les salaires des fonctionnaires sont tellement faibles que désormais l'état peine à recruter. Dans le secteur de l'enseignement, c'est l'hécatombe. Or notre gouvernement veut encore plus détruire ce qui reste de l'état et de ses fonctions régaliennes pour réduire encore les dépenses. Là on peut le dire, c'est totalement irresponsable même s'il est clair que c'est l'idéologie néolibérale qui est au cœur du problème.

 

L'économie est un circuit d'échange

 

Alors vous me direz qu'il est vrai que ces gens sont ignobles et se plaignent des problèmes qu'ils ont eux-mêmes fabriqués, mais il faut bien réduire la dette. Alors la question c'est quel moyen utiliser pour y parvenir? La méthode de la contrition que prône monsieur Le Maire n'est en fait pas vraiment un choix, c'est une contrainte produite par notre appartenance à l'UE et à l'euro. Rappelons que l'inflation en elle-même est un moyen de se désendetter si on a l'intelligence de ne pas indexer les titres de dette sur l'inflation bien évidemment. L'épisode d'inflation que nous connaissons était justement un bon moyen de réduire la dette mécaniquement les rentrées fiscales augmentant aussi avec l'inflation. Si l'inflation est plus importante que les intérêts de la dette, vous vous désendettez automatiquement. Mais l'état néolibéral n'a pas voulu de cette solution parce qu'il sacralise les rentes sous toutes leurs formes au détriment des salaires, du travail et des services publics. Alors est-ce que la baisse des dépenses publiques peut réduire la dette ? L'expérience montre que non. Le plus bel exemple est celui de la malheureuse Grèce qui n'en finit pas de payer la crise des années 2008-10. Alors que d'autres pays comme l'Islande ont, fait des choix inverses et laissez filer l'inflation réduisant leurs problèmes très rapidement. Mais tout comme nous, la Grèce a préféré se suicider en restant dans la zone euro.

 

Il est assez simple d'expliquer l'endettement produit par la réduction des dépenses publiques. Si vous comprenez que l'économie est un circuit d'échange, c'est assez facile à comprendre. Les dépenses des uns sont les recettes des autres. De sorte que d'un point de vue collectif il est en réalité bien difficile, de distinguer qui produit quoi. Nos élites néolibérales pensent que le privé crée la richesse et que le public le dilapide. Mais d'un point de vue macroéconomique, ça n'a rigoureusement aucun sens. On pourrait même dire l'inverse, ce sont les dépenses publiques qui font tourner le secteur privé par les dépenses de consommation des fonctionnaires. À dire vrai, la seule chose que l'on puisse dire c'est qu'il y a des secteurs clefs. Ceux qui produisent les biens manufacturiers, l'énergie et la nourriture qui sont les vrais créateurs de richesse, tout le reste tourne grâce à eux en quelque sorte. Mais même eux sont dépendants de la demande qui leur est adressée. On voit donc que nous sommes dans un système d'interdépendance et qu'il est complètement stupide de dresser des secteurs les uns contre les autres comme le font systématiquement les idéologues libéraux. On le voit donc ici, si vous réduisez brutalement les dépenses publiques, vous cassez la demande. Et vous faites un effet multiplicateur keynésien inverse. En fait, vous allez réduire la demande et donc l'activité économique et donc in fine les rentrées fiscales. Les gens consommant moins en tombant dans le chômage. À la fin la baisse des rentrées fiscales sera sûrement supérieure aux économies que vous aurez faites sur les dépenses publiques. Cela ne peut pas fonctionner. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour autant.

 

Comme je l'ai déjà expliqué plusieurs fois, le principal problème de la France n'est pas la dette ou le service de la dette. Le vrai problème se situe dans le déficit commercial. En fait si l'économie est un circuit fermé, toute injection monétaire se traduit par une accélération de l'économie, du moins tant que vous n'employez pas tous vos moyens de production. Au-delà de ça vous ne faites plus que de l'inflation. Mais nous ne sommes pas en économie fermée et régulée. Notre tuyauterie économique a des trous pour faire simple. Elle prend la forme des déficits commerciaux, mais aussi des fuites de capitaux à l'étranger. Quand Macron a injecté de l'argent sous forme d'aide aux entreprises l'argent est vite parti à l'étranger. Parce que les Français consomment trop de produits importés. C'est cette réalité qui empêche depuis les années 70-80 les politiques keynésiennes de fonctionner correctement en France. Et la situation s'est encore plus dégradée sur ce plan avec l'euro.

 

En effet, nous ne pouvons même plus dévaluer alors qu'il s'agissait d'un moyen facile pour permettre une relance de la demande intérieure efficace tout en évitant de trop importer. Les dévaluations augmentant le coût des importations et réduisant en même temps le prix des productions françaises. On le voit donc ici rapidement, le cœur du problème de la dette n'est pas la dette en elle-même, mais les conditions macroéconomiques qui conduisent à son existence. Les solutions de l'austérité n'ont jamais fonctionné, ou alors dans quelques cas quand de petits pays entourés de pays en forte croissance qui peuvent tirer la croissance de leurs économies par l'exportation. La France n'a pas du tout ce cadre. Au contraire, l'UE est une structure économique néolibérale naturellement en dépression, parce qu'obsédée par des déficits publics, même en cas de crise. Il n'y a aucun moyen pour que notre pays compense l'effondrement de sa demande intérieure par des exportations. Les seuls moyens de sortir de la quadrature du cercle de l'endettement seraient de briser le consensus néolibéral et de rompre avec la construction européenne. Faire en sorte que les Français consomment surtout des produits français en dévaluant et en faisant du protectionnisme. Dans ce cadre-là, une politique d'investissement public aurait un effet de véritable relance. Cependant, il est indéniable qu'à l'heure actuelle il n'y a aucune chance que ce type de politique puisse arriver au pouvoir en France. Nous allons donc assister à nouveau à une destruction de l'économie nationale par des politiques ineptes. Reste à voir quelles en seront les conséquences politiques à long terme. La France de 2024 n'est plus celle des années 80-90. Elle est beaucoup plus violente pour les chômeurs et les pauvres.

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