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16 décembre 2024 1 16 /12 /décembre /2024 15:01

 

Je comptais faire un texte sur le nouveau premier ministre François Bayrou, mais j'avoue que l'idée même de parler de ce centriste sans intérêt m'a paru hautement difficile en termes de motivation. Il n'y a rien à dire sur lui. Bayrou c'est le centre historique, celui de Giscard et Barre, l'ex-UDF. Un mouvement politique qui a fait l'Europe en défaisant la France et qui a transformé notre pays en un dépotoir géant. Finalement, il n'est guère étonnant de voir Macron finir avec l'un des membres de la matrice originelle de sa propre idéologie eurolibérale. Ce courant politique a tout échoué et a conduit le pays dans le mur. Plus que tout autre courant politique c'est bien le centre et l'UDF qui ont le plus participé à la destruction postnationale de notre nation. Mais comme je l'ai dit, le but de ce nouveau texte n'est pas de résumer toutes les vilenies produites par ces idéologues depuis 50 ans ni de m’appesantir sur Bayrou. Nous allons parler plutôt d'une des nombreuses et très délétères conséquences de leur idéologie européiste. En effet un drame semble se jouer depuis quelques jours au sein de l'UE et du grand marché européen de l'énergie.

 

Rappelons que le marché européen de l'énergie n'est pas à proprement parler dans la structure de l'UE même si les deux sont évidemment liés. Certains pays membres du marché européen de l'énergie ne sont ni dans l'euro ni même dans l'UE, c'est le cas de la Norvège par exemple. Or on a appris il y a peu de temps que la Norvège semble vouloir sortir du marché européen de l'énergie. La raison invoquée est le prix de l'énergie trop élevé qui nuit aux entreprises et à l'économie du pays. Rappelons que la Norvège est un gros producteur d'énergie non seulement grâce à son gaz et à son pétrole, mais aussi grâce à ses barrages hydrauliques. De la même manière, son voisin suédois, qui lui est membre de l'UE même si la Suède n'est jamais rentrée dans l'euro, a vivement critiqué les choix énergétiques allemands. La ministre suédoise de l'Économie Ebba Busch a ainsi déclaré : « Je suis furieuse contre les Allemands . Ils ont pris une décision (de sortie du nucléaire) pour leur pays, qu’ils ont le droit de prendre. Mais cette décision a eu des conséquences très graves.» . Un argument récurrent chez les opposants de bon sens aux énergies intermittentes, mais qui prend évidemment tout son poids lorsque c'est un ministre de l'économie qui le tient.

 

On ne fait pas de politique contre les lois de la physique, si je puis dire, or c'est très exactement ce que les Allemands ont fait depuis 20 ans. Tant que le géant russe alimentait l'Allemagne en gaz, les Allemands pouvaient croire en leur mixe énergétique absurde, mais maintenant que le robinet est fermé, du moins en partie, la réalité explose aux yeux du public. On n'en rajoutera pas une couche avec les travaux d'isolation très coûteux qui n'ont pas permis de faire un kilowatt d'économie aux Allemands, mais qui ont sûrement bien nourri tout un tas d'entreprises du BTP. L'Allemagne se retrouve ainsi après des centaines de milliards de dépense à devoir brûler du gaz et du charbon et pire à devoir importer de l'électricité nucléaire française. Et tout ceci a surtout bénéficié à la Chine qui vendait ses produits pendant qu'elle s'orientait massivement vers le nucléaire chez elle. Les Chinois s'avèrent beaucoup moins irrationnels que nos amis teutons, mais toujours aussi bons commerçant par contre.

 

 

Bref l'energiewende est un désastre et ce désastre a pris une ampleur cataclysmique depuis que Berlin est privé de gaz russe. Nous ne parlerons pas ici des difficultés économiques allemandes, ce n'est pas le sujet même si c'est en partie lié. Ce qu'il est important de voir c'est que les choix allemands même s'ils sont légitimes, après tout les Allemands ont le droit de vivre sans électricité si ça les chante, ont un impact sur tout le continent à cause de l'interdépendance produite par le marché européen de l'énergie. Et c'est bien là le problème après tout. C'est d'autant plus grave d'ailleurs que les Allemands font tout pour empêcher le nucléaire d'être par exemple financé en Europe. La haine irrationnelle allemande pour le nucléaire, même si elle peut s'expliquer en partie par l'avantage français sur la question, les Allemands nous faisant la guerre par l'économie depuis la mise en place de l'euro, devient un grave problème pour la France, et les autres pays du continent. Le fait que les choix allemands se répercutent sur les coûts généraux de production de l'électricité en Europe et à travers ce marché de l'énergie, tout le monde paie le prix des choix énergétiques idiots des Allemands. Et c'est en fait bien là qu'est le problème.

 

Ce qui est vrai pour l'électricité est vrai pour tout

 

Si la ministre suédoise a fait un raisonnement tout à fait valable, elle ne semble pas comprendre qu'en dénonçant ainsi le marché de l'énergie comme un mécanisme qui fait grimper les prix en Suède, elle fait en réalité un appel à la souveraineté énergétique de la Suède. Et son raisonnement est en réalité valable pour tous les marchés, pas seulement pour le marché de l'énergie. En définitive, son propos était en réalité beaucoup plus profond et beaucoup plus général que le simple point de vue qu'elle défendait. En effet pourquoi un pays qui peut pourvoir aux besoins de sa propre population devrait-il s'aligner sur les prix globaux ? Si la France peut nourrir sa population pourquoi devrait-elle aligner ses prix avec des pays qui visiblement eux n'en sont pas capables. On est en réalité au cœur des problèmes économiques actuels et au fondement du problème que représente la globalisation. À savoir qu'un marché unique global n'a de sens que s'il y a en réalité une solidarité globale et un peuple global. C'est d'ailleurs la même chose à la simple échelle de l'UE et de la zone euro.

 

Les libéraux ont essayé de fabriquer une théorie de l'économie « naturelle ». Naturelle au sens où elle émanerait de lois comme les lois de la physique ou de la chimie. La réalité c'est que l'économie est avant tout une affaire de choix. Choix politique, cadre juridique, culturel et identitaire. Comme disait très justement Bernard Maris, l'économie c'est juste une histoire de partage de gâteau et de couteau, la grande question est de savoir qui tient le couteau. Le marché mondial n'est pas neutre, il n'est ni naturel, ni le produit d'une loi échappant à la volonté des hommes comme peuvent l'être la gravitation ou l'énergie cinétique. La globalisation a été construite d'abord dans l'intérêt des Anglo-saxons en particulier des USA surtout depuis les années 70 et l'abrogation du lien entre le dollar et l'or. La question de la souveraineté qui revient de plus en plus va nécessairement remettre en cause le marché européen, mais aussi international. Et pas seulement dans les pays qui croulent sous les déficits commerciaux. On aurait pu penser par exemple que cette hausse des prix de l'énergie serait une aubaine pour un pays comme la Norvège, car ce pays est lourdement excédentaire sur le plan énergétique. Sauf que ces prix finissent par avoir de gros impacts sur d'autres secteurs de leur économie et de leur société.

 

En l'absence de solidarité nationale du fait même que l'UE n'est pas une nation, et que les Européens ne sont pas un peuple, mais des peuples, le libre marché ne peut que faire grimper les tensions. Mais il est important de prendre conscience que cette question énergétique n'est finalement que le point névralgique d'une logique globale absurde. En rendant beaucoup trop dépendants les pays les uns des autres par l'entremise du commerce, on rend également les politiques de régulation impossible. On rend donc la politique tout court, impossible. Les problèmes internes que cela provoque finissent soit par faire imploser les pays politiquement comme c'est le cas en France soit par conduire au pouvoir des gens en rupture avec le laisser-faire marchand comme cela semble être le cas chez les Scandinaves. Alors que les libéraux depuis longtemps ont pensé en fait le marché sans la nation, il faut bien au contraire comprendre qu'il y a un lien entre le deux. Le libre marché n'a de sens que là où il y a un peuple, une nation et un état. C'est la même chose que pour la monnaie. Créer un marché mondial dérégulé c'est la porte ouverte à de graves problèmes à plus ou moins long terme.

 

Il est rassurant que quelques pays en Europe remettent les marchés dérégulés en question même si pour l'instant on reste sur des questions particulières comme celle de l'énergie où la bêtise allemande a contraint ses voisins à réagir. Mais il reste maintenant à prendre conscience qu'il s'agit en fait d'un problème général. Va-t-on devoir attendre des famines en Europe comme on a des pénuries de médicaments avant que les peuples européens ne se réveillent de leur torpeur idéologique ? La faible mobilisation en Europe contre les traités de libre-échange avec le Mercosur montre que nous avons encore un long chemin à faire avant que l'évidence du laisser-faire ne devienne caduque.

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commentaires

A
Oui, après avoir quitter le marché de l électricité Européen , l' Union Européenne demande à ce payer de remettre des péages sur les autoroutes au nom de la lutte contre le CO2 :<br /> <br /> https://www.lindependant.fr/2024/12/18/bientot-le-retour-des-peages-leurope-donne-deux-mois-a-lespagne-pour-mettre-fin-aux-autoroutes-gratuites-12399584.php
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Y
J'avais vu ça, c'est n'importe quoi. Notons qu'en France on a toujours pas remis en question la privatisation des autoroutes qui est une aberration totale. Mais l'UE est ici en plein dans son fantasme ordolibérale avec une imposition d'un marché fantasmagorique puisqu'il n'y a pas de concurrence à moins de construire plusieurs autoroutes, ce qui n'aurait aucun sens. Plus idéologique, tu meurs.
N
"Sauf que ces prix finissent par avoir de gros impacts sur d'autres secteurs de leur économie et de leur société [Norvège]" : quels impacts ?
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Y
D'après vous? Payer plus cher son électricité à un impact sur tous les secteurs. Il n'y a qu'à regarder les conséquences actuelles en France et en Allemagne de la boulangerie du coin qui ferme à cause des factures d'électricité à la sidérurgie pour les mêmes raisons. L'énergie c'est au cœur de la production moderne. Dans un niveau de prix raisonnable, produire devient non rentable et l'inflation explose. C'est la même chose en Norvège. Donc entre l'intérêt d'accumuler des excédents, mais mettre ses multiples entreprises en danger. Ou renoncer à ces exportations et laisser le système économique tranquille avec des prix raisonnables, la Norvège a choisi la seconde option et je pense qu'ils ont largement raison.