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20 mars 2023 1 20 /03 /mars /2023 16:10

 

Au moment où j'écris ce texte, nous ne savons toujours pas si le gouvernement est victime d'une motion de censure vis-à-vis de son énième 49-3 visant à imposer sa « réforme » des retraites qui consiste surtout en pratique à baisser les pensions des futurs retraités. En effet étant donné la réalité économique française d'un chômage de masse que le gouvernement camoufle, surtout pour les plus âgés. La hausse du temps de cotisation revient simplement à diminuer le nombre d'annuités qu'auront les futurs retraités et donc à baisser leurs retraites. Cela les Français l'ont bien compris parce que contrairement à ce que pensent les dominants, la majeure partie de la population n'est pas idiote. On remarquera d'ailleurs la piètre habileté de ce gouvernement qui a mal préparé le terrain par des campagnes de communication sur le plein emploi et le manque de main-d’œuvre. C'est-à-dire qu'ils savaient très bien qu'ils ne pouvaient pas augmenter directement la durée de cotisation sans avoir préalablement construit un mythe autour du plein emploi. Macron s'est donc évertué à d'abord éjecter massivement les chômeurs des catégories officiellement comptés comme chômeur avant de proposer de repousser l'âge de la retraite.

 

Quoiqu'il en soit, il semble que la population ne soit pas dupe. L'on voit aussi dans cette question de l'âge de la retraite une accumulation de colère d'un peuple qui sent instinctivement qu'on le mène à l’abattoir. Mais il faut bien prendre garde à ne pas tomber dans le piège de la personnalisation. Car Macron n'est pas le problème, il n'est que l'un des nombreux maillons de la chaîne néolibérale qui a démoli ce pays depuis les années 70 . Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure même si le gouvernement Macron tombe, rien ne risque de changer. Car le mal est profond. En premier lieu, aucun des grands partis, à l'heure actuelle, susceptibles de profiter de la chute du macronisme n'est réellement structuré pour une rupture avec les politiques de ces quarante dernières années. Ils arrêteront peut-être cette mesure sur les retraites, mais quid du chômage ou du déficit commercial ? Pour agir réellement et réindustrialiser le pays, il faut d'abord une rupture avec la mécanique qui a conduit la France à mettre en place ces politiques. Or ce cadre-là n'est jamais attaqué même par les opposants les plus bruyants à l'image de Mélenchon.

 

Sortir du néolibéralisme et de l'UE

 

Il faut bien comprendre que les néolibéraux et les politiques qui ont mis en place cette doctrine ne l'ont pas fait bêtement en faisant gagner politiquement leur camp. Le néolibéralisme est avant tout une structure de contrainte que les hommes politiques d'alors ont mise en place discrètement, mais avec férocité. Il s'agissait à partir des années 70 de mettre un cadre qui impose les politiques néolibérales. C'est la fameuse phrase de Margaret Thatcher « There is no alternative ». Car les néolibéraux s'ils pensaient que leurs politiques étaient meilleures pour l'humanité, car oui certains le pensaient, ils savaient tout de même pertinemment que cela bloquerait au niveau politique. Car il faut pouvoir se faire élire quand il y a des votes. Dans certains pays comme le Chili ce fut plus simple, on a renversé le gouvernement élu et mis un dictateur appliquant les recettes néolibérales sans opposition. Mais il était impossible de faire ça en Europe ou aux USA. Il a donc fallu mettre en place un système général qui ne donne pas le choix à la population.

 

Cette contrainte principale est évidemment en premier lieu la dette. Si les années 70 sont si importantes, c'est parce que c'est à cette époque qu'on passe d'un régime d'endettement public passant par les banques centrales à un système passant par les marchés financiers. Il est important de comprendre que c'est la première arme qui a permis l'imposition du néolibéralisme. Les effets ont mis du temps à se faire sentir parce qu'au départ la situation économique était très bonne avec des comptes publics au vert. Mais plus le temps a passé et plus cette contrainte s'est avérée fondamentale dans le dispositif de coercition sur les politiques publiques. On le voit encore aujourd'hui, Macron s'appuie sur la peur des réactions des marchés financiers pour imposer sa réforme stupide. On notera toutefois qu'il s'en inquiétait moins lors de la crise du Covid, quand il a fait exploser la dette publique pour compenser l'absurde mesure du confinement généralisé. Et n'oublions pas les intérêts qui s'accumulent au fil du temps . Comme le disait Keynes, la force des taux d'intérêt composés est extrêmement puissante . Et un état qui emprunte sur les marchés à 3% au lieu de 0 à sa banque centrale met les pieds dans un engrenage sans fin de dette irremboursable à la fin. Le mettant totalement à la merci des milliardaires et des multinationales.

 

Ceux qui font miroiter la peur du marché ignorent bien souvent que notre économie n'a pas toujours fonctionné avec des marchés financiers. Après guerre, et jusque dans les années 70, la bourse de Paris était absolument sans intérêt pour le fonctionnement du pays. L'état empruntait à la banque de France pour faire du financement public et ça marchait très bien. Il faut bien comprendre que l'argent se fabrique, on peut en faire autant qu'on veut . Évidemment il faut que l'augmentation de la masse monétaire soit proportionnée aux besoins de l'activité sinon vous faites de l'inflation, mais c'est la seule véritable limite. Laisser à des acteurs privés sur les marchés le soin de dire si une politique publique est valable ou non est en soi étrange et même profondément antidémocratique. C'est d'ailleurs le cœur du malaise en occident à mon humble avis. Nous vivons dans une société schizophrène qui d'un côté promeut officiellement l'égalité des citoyens, le droit de vote et les élections. Alors que de l'autre côté en pratique ce sont les puissances d'argent qui décident des politiques officielles. Comme si elles étaient porteuses naturellement de l'intérêt général et d'une sagesse dont serait dépourvu l'ensemble des citoyens. Et le néolibéralisme c'est avant tout ça, une prise de décision qui échappe aux citoyens. Et le rôle de l'emprunt sur les marchés financier au lieu de la banque centrale est le pilier de cet édifice autoritaire.

 

Évidemment, au-delà de la question des marchés financiers pour financer les investissements publics, il y a le libre-échange et la libre circulation des capitaux. Le libre-échange est la mécanique qui va permettre d'imposer un abaissement des conditions salariales aux Français. Cette réalité commence quand même à être bien comprise par la population. Et la remise en cause du libre-échange par leurs anciens principaux promoteurs à la savoir, les USA, va petit à petit permettre de remettre au goût du jour l'idée de protectionnisme dans les politiques publiques. L'absence de réaction européenne face au protectionnisme américain semble également participer à l'ébranlement dans les certitudes sur l'utilité réelle de cette construction politique absurde. En effet, si l'UE ne protège pas les Européens dans de telles circonstances d'attaques directes des USA à quoi sert-elle ? Même chez les plus délirants européistes, la question va finir par se poser.

 

La question de la liberté de circulation des capitaux est par contre beaucoup moins soulevée. Généralement, les critiques du système se contentent de pleurer sur les méchants paradis fiscaux qui privent les états de nombreuses ressources fiscales. Ce qui est vrai bien évidemment. Mais c'est oublier un peu vite qu'il y a toujours eu des pays avec des fiscalités différentes. Cela n'a rien de nouveau. La Suisse avait déjà une plus basse fiscalité que la France dans les années 60, mais ça ne gênait personne. Et pour cause on ne pouvait pas sortir de grosses quantités de capitaux du pays comme aujourd'hui. La liberté de circulation des capitaux n'a jamais eu qu'un seul but, imposer les baisses fiscales par la contrainte de la concurrence fiscale. Dans un régime économique dans lequel les capitaux peuvent s'installer librement où ils veulent, il était bien évident que les états se lanceraient dans une compétition d'amoindrissement des fiscalités pour attirer les capitaux chez eux. Là encore on le voit, les politiques publiques dans le cadre néolibéral sont ipso facto construites par la contrainte de la dérégulation. Comme disait Thatcher « There is no alternative » .

 

Donc comme vous pouvez le voir dans cette rapide analyse, Macron n'est pas Le problème. Il n'est que le sous-produit d'un régime politique qui a inscrit une politique économique impossible à changer dans le cadre fabriqué dans les années 70-80 . C'est d'abord ce cadre avec lequel il faut rompre sans quoi vous êtes indéfiniment condamné à refaire des politiques néolibérales visant à abaisser le coût du travail, les impôts pour les plus riches, etc.. Évidemment cela veut dire également qu'il faut rompre avec l'UE et l'euro qui sont en pratique des contraintes néolibérales plus fortes encore puisque là l'état n'a même plus la possibilité de dévaluer . Vous comprenez pourquoi le possible effondrement du gouvernement ne m'émeut guère. Ce n'est pas que j'ai de la sympathie pour Macron, bien au contraire. C'est que j'y vois surtout un piège pour la population qui risque de se tromper en pensant que le simple changement d'homme politique ou même de régime peut résoudre nos problèmes. Seule une conscience politique forte qui prend corps à travers un mouvement politique réel pourrait changer la donne. À l'heure actuelle trop peu de gens et de politiques veulent réellement une rupture de fond sur l'Europe et le néolibéralisme. On peut même douter que les Français le veuillent vraiment.

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27 février 2023 1 27 /02 /février /2023 15:15

 

La cérémonie des césars vient de passer montrant irrémédiablement un désintérêt absolu de la population française pour un cinéma français mourant. La dernière grosse production française « Astérix et Obélix l'empire du milieu » démontrant malheureusement le désastre comme l'explique ce critique assez violent vis-à-vis de cette production. Une cérémonie qui ne parle plus de cinéma, mais qui passe son temps à faire de l'idéologie politique grotesque, aux soucis souvent importés de l'autre côté de l'atlantique. Outre le fait que les membres de la grande famille du cinéma sont souvent d'une immense prétention et concentre chez eux tous les défauts des grands bourgeois français avec un mépris social féroce et une haine assez élevée de la nation qui pourtant les fait vivre. Il y a aussi le fait que justement les membres de la famille du cinéma sont fortement aidés par le système du CNC qu'on ne présente plus et qui s'avère être probablement l'une des raisons de la situation présente. En effet comme vous le savez ce blog est attaché à la protection nationale de la production . Vous pourriez alors vous dire que l'auteur de ce blog voit d'un bon œil les subventions pour le cinéma, et bien non. Les subventions sont un protectionnisme extrêmement coûteux qui a aussi des effets délétères s'il est utilisé trop longtemps. On lui préférera généralement les droits de douane et surtout les quotas qui sont à mon humble avis le meilleur protectionnisme administratif qui soit.

 

En effet qui dit distribution de subvention, dit décision pour savoir qui en bénéficie. Or si une subvention n'est utilisée qu'une fois, pour un projet particulier, par exemple le développement d'une technologie ou d'une structure spécifique utile à l'intérêt général, il y a peu de problèmes qui peuvent arriver. Par contre lorsque les subventions deviennent permanentes, un lien incestueux se crée entre ceux autorisant les subventions et ceux qui les reçoivent. La grande famille du cinéma c'est en grande partie ça. Un système de clientélisme et de rente qui s'est construit lentement autour d'un protectionnisme de subvention qui n'aurait jamais dû perdurer sous cette forme. Une activité qui est nécessaire à la collectivité, mais qui ne peut vivre sans soutien public devrait dès lors devenir en toute logique partie de la fonction publique où elle serait soumise aux contraintes de celle-ci. Mais on voit bien d'une part qu'on ne peut pas dire que le cinéma soit vital, ensuite que la production culturelle n'est pas le rôle de l'état a proprement parlé. L'état peut valoriser la culture et l'éducation, favoriser la production, il ne produit pas la culture en elle-même.

 

Dès lors, nous devons penser à une autre façon de produire du cinéma. Il faut rafraîchir les têtes et ouvrir la création à un plus large panel que les grandes familles d'acteurs et de producteurs qui font et défont les productions cinématographiques françaises depuis des décennies. Je vais faire mon révolutionnaire, mais il faudrait un peu plus de méritocratie dans la sélection des acteurs et un peu moins de fils et de filles d'acteurs. Si l'on tient en particulier à financer des films français, nous devrions au moins réfléchir à la façon dont l'état et le CNC distribuent ses prébendes. Il existe depuis quelques années déjà des solutions alternatives intéressantes pour financer des projets sans que la décision soit aux mains de quelques personnes, le financement participatif par exemple. L'on pourrait financer des projets en passant simplement par la vox populi du financement participatif, le CNC donnant une subvention proportionnelle aux sommes que le projet participatif arrive à rassembler. L'idée est simple, dans ce cadre-là il sera plus facile de faire sortir de nouvelles têtes et des projets originaux, sans qu'il soit à la base, issue d’une décision arbitraire produite par d'obscures tractations personnelles.

 

L'autre avantage du financement participatif c'est que les gens qui participent sont en général intéressés par le sujet. En mettant la main à la poche, ils participent à la création d'une œuvre qu'ils espèrent de qualité. Dans de nombreux secteurs, ce type de financement est déjà employé avec succès . C'est le jeu vidéo qui a vraiment fait décoller la chose à partir de 2014-2015. Tous les projets ne sont pas forcément réussis, ou des succès. Mais cela participe globalement à une création autonome et originale. Récemment, un film d'animation japonais qui est une adaptation des « Montagnes Hallucinées » d'Howard Phillips Lovecraft a été financé par un financement participatif. Il devrait bientôt sortir en salle. Preuve que même pour un secteur comme le cinéma et sans subvention, ce type de financement est possible . En France, la très bonne série d'animation «The Last Man » a été en partie financée par du kickstarter (site de financement participatif américain très connu). Il me semble donc qu'une refonte du mode de financement du cinéma français devrait au moins être questionnée dans les plus hautes instances. Nous ne devons pas laisser les Américains continuer à remplir la quasi-totalité de ce que notre population regarde. Il en va de la sauvegarde de notre identité nationale à long terme. Mais la façon dont nous intervenons dans le domaine est aussi importante que sa cause. Déverser de l'argent stupidement sans se demander comment il est utilisé, et la façon dont c'est employé, c'est littéralement gaspiller les ressources de l'état et donc du peuple français.

 

Pour un site de diffusion national unique et public

 

L'autre mauvaise nouvelle pour la production culturelle française c'est la disparition de la seule grande tentative de concurrencer les grands distributeurs de série comme Netflix, Amazon ou Disney. Le site SALTO faisait sourire, il était souvent moqué pour son manque de contenu, à titre personnel j'y vois surtout la preuve que le secteur privé français ne pourrait pas faire concurrence à la machinerie américaine. Non par manque de talent, mais bien par concurrence déloyale. Comme à l'époque des débuts du marché des flux vidéo où la première entreprise du genre, Dailymotion française fut balayée par YouTube pourtant arrivé après. La disproportion du marché anglo-saxon par rapport au marché francophone condamnera toute initiative française dans le domaine. Sans une intervention étatique massive, les Américains vont progressivement contrôler la totalité des moyens de distribution des œuvres à vocation culturelle. Et ne croyez pas que ce sera sans conséquence. L'arrivée extrêmement rapide de l’idéologie wokiste qui fait tant parler, est en grande partie le produit d'une influence culturelle de plus en plus palpable sur les jeunes générations. Quand j'étais jeune dans les années 80-90, l'on avait aussi cette influence, mais la France produisait encore des œuvres auxquelles les jeunes pouvaient s'attacher. Aujourd'hui, c'est beaucoup moins vrai. Dans un cadre de concurrence libre, l'acteur qui se développe sur le plus gros marché finit par écraser tous les concurrents. On s'en rend compte dans le domaine logiciel en particulier. Dans les années qui viennent, ce sera probablement la Chine qui nous écrasera. Il est donc primordial de rompre avec cette idiotie de libre concurrence et comprendre que pour pouvoir exister à minima il nous faut nous protéger, car nous sommes petits et faibles. Et ne comptez pas sur l'UE dont le laissez-faire est consubstantiel à son existence, on le voit dans son absence de réaction vis-à-vis des subventions industrielles géantes que les USA ont mise en place récemment.

 

Encore plus grave à terme, les nouveaux acteurs dominants de la distribution vidéo vont façonner à terme les productions françaises du moment pour les faire correspondre à l'image que veulent les anglo-saxons sur leur propre sol. Les séries et les films français dans quelque temps ne seront plus pensés que pour plaire au marché américain en collant à leurs idéologies et façon de voir le monde. C'est un véritable désastre que de laissez les grandes compagnies américaines contrôler à ce point la production culturelle en France. Cependant étant donné le manque de patriotisme dont font montre nos gouvernants depuis 40 ans ce n'est guère surprenant. Le rôle de la distribution d'œuvre cinématographique et de séries pourrait pourtant être considéré quelque part comme un service public. Car il a un caractère monopolistique. On le voit dans le secteur de la distribution d’œuvre vidéo tant à se concentrer . À la fin il ne restera probablement qu'un ou deux acteurs. Les gens préférant n'avoir qu'un seul abonnement.

 

L'état devrait donc créer une entreprise publique de distribution de flux vidéo qui aurait comme mission à terme de mettre fin à la concurrence étrangère sur notre sol dans le domaine. Un EDF de la distribution d’œuvre vidéo si vous préférez. L'idée étant de faire en sorte que les Français soient encore maîtres de leur production en termes de série et de film. Il ne s'agit pas ici d'interdire les œuvres américaines, elles pourront toujours être diffusées par ce canal. Mais il est impératif de faire en sorte que le système de production d’œuvres française soit avant tout pensé pour le marché et la culture française. Nous aurions un seul abonnement et les rémunérations des productions se feraient au prorata de l'audience de chaque œuvre. On notera qu'un tel moyen de distribution permettrait aussi de mettre en place nos propres algorithmes de choix des œuvres . On pourrait ainsi mettre en avant des productions pas toujours de la même manière que les fameux algorithmes de recherche de Netflix qui enferme un peu le spectateur dans son univers et le rend peu curieux en réalité. Il me semble qu'il est vraiment impératif de réfléchir à ses questions et de jeter à la poubelle l'éternelle solution libérale . Si nous ne faisons rien, il ne restera strictement rien comme production culturelle française si ce n'est un ersatz de production américaine façonné en France pour faire plaisir aux Anglo-saxons. Tout comme pour l'industrie en général, le libéralisme nous conduit à l'autodestruction.

 

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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 12:53

 

S'il est un sujet qui revient assez régulièrement dans la bouche des analystes concernant les crises à répétition que connaît la France, c'est bien celui de l'incompétence des élites ou de leur trahison . C'est d'ailleurs l'une des critiques de Todd à l'encontre de notre système scolaire actuel qui tend à ne plus du tout être méritocratique, mais une machine à reproduction sociale. Par des cheminements différents, la France a suivi à peu près le même chemin que les USA, mais de façon beaucoup moins assumée, les français étant encore attaché au principe d'égalité. Cependant, force est de constater que l'instruction publique française fonctionne aujourd'hui de façon très différente si vous venez d'une famille aisée parisienne ou d'un milieu modeste d'une petite ville de province. La disparition des classes ouvrières dans les grandes écoles alors qu'elles y étaient présentes autrefois démontre en pratique l'inégalité scolaire fondamentale que produit aujourd'hui notre éducation nationale. Comme il n'a plus pour vocation de réellement donner une culture solide aux élèves, le système tend mécaniquement à favoriser les élèves provenant de milieux déjà éduqués. Tout ceci a déjà été longuement analysé par des enseignements ou des sociologues, je ne vous apprendrai donc rien en la matière.

 

Mais Todd concluait de cette question que mécaniquement la disparition de la méritocratie en France favorisait la concentration des imbéciles bien nés en haut de l'état et des gens de qualité chez les classes populaires. Un phénomène que Todd avait cru déceler dans le conflit avec les gilets jaunes . Les classes dominantes produisant essentiellement des gens dont la seule capacité est surtout de répéter inlassablement ses cours appris par cœur sans vraiment n'avoir jamais réfléchi à leur contenu. Une sorte de premier de la classe un peu bas du front alors qu'on pouvait voir chez les gilets jaunes des gens sans doute moins instruits, mais capables de comprendre rapidement les problèmes tout en s'adaptant . L'on pourrait pour soutenir la thèse de Todd souligner l'incroyable bêtise des politiques macro-économiques macroniennes qui sont une aggravation des décisions économiques irrationnelles prises avec une extrême régularité depuis 40 ans. La classe dirigeante française a bien appris le néolibéralisme, mais elle est bien incapable d'en sortir, car elle est en partie dépourvue des capacités à s'extraire de ses propres idées reçues. L'erreur est humaine, mais un homme ou une femme qui refait inlassablement les mêmes choix en pensant que cela conduirait à une autre conséquence sans jamais remettre son action en question est un imbécile ou un fou. Et ce comportement de fou ou d'imbécile on le voit partout en économie bien sûr avec la continuation de l'euro, de l'UE, du libre-échange malgré l'accélération du déclin auquel cela conduit notre pays. Mais on le voit aujourd'hui aussi en géopolitique avec la crise ukrainienne. Alors que les sanctions contre la Russie sont un échec invraisemblable, tout ce que trouve l'UE et la France à faire c'est de continuer inlassablement dans cette voie sans issue. On voit donc que la thèse de Todd a un certain crédit en ce sens .

 

Todd n'est cependant pas le premier à parler de ce problème de la bêtise des élites . On retrouve aussi cela chez l'économiste Jacques Généreux, qui a d'ailleurs fait un interview intéressant récemment sur la question chez Olivier Berruyer. C'est d'ailleurs le sujet de son dernier livre « Quand la connerie économique prend le pouvoir ». On pourrait rapprocher le propos du livre plus ancien, mais très intéressant aussi de l'économiste australien Steve Keen « l'imposture économique » qui s'attardait sur les nombreuses incohérences des théories économiques et surtout sur leurs inaptitudes à décrire ce qui se passe dans le monde réel. Dans les deux cas, il y a une dénonciation d'application de théories qui n'ont en fait aucune validité scientifique, c'est-à-dire soumise à l'observation factuelle. On le voit avec l'application régulière de politiques inspirées par la courbe de Phillips, une courbe purement théorique qui n'est jamais observée dans le monde réel. Elle prétend ainsi que l'inflation et le chômage sont inversement liés à savoir que la baisse du chômage produirait une hausse de l'inflation et inversement. Or cette affirmation qui provient d'un raisonnement purement théorique n'est jamais observée dans le monde réel. Et bien malgré ça, toutes les politiques économiques publiques se fondent sur ce raisonnement.

 

 

De cette courbe est née le NAIRU, en français le taux de chômage nécessaire pour ne pas dépasser le taux d'inflation désirée. Quand les politiciens vous parlent de plein emploi à l'image de Macron, c'est du plein emploi au sens du NAIRU, c'est à dire avec un chômage suffisamment important pour que les salaires n'augmentent pas et donc ne nourrissent pas l'inflation. Donc Macron redéfinit le plein emploi en radiant des gens et ne faisant rentrer dans les statistiques qu'une poignée des chômeurs réels. On peut ainsi afficher officiellement un taux de chômage bas tout en ayant en réalité 20% de chômeurs. Pour eux c'est le plein emploi, mais c'est au sens du NAIRU. Toute leur politique de l'emploi est basée sur cette idiotie qu'ils ne remettront jamais en cause. Cette histoire démontre le caractère en réalité très peu scientifique du comportement de nos élites. Elles appliquent en réalité des théories qu'elles ont apprises à l'école ou ailleurs sans jamais vraiment se questionner sur leur validité. L'inflation en Europe et en France aujourd'hui n'est pas le produit de la hausse des salaires, mais la conséquence de notre trop grande dépendance vis-à-vis de l'étranger . La crise du COVID ayant désorganisé le commerce mondial. C'est en gros une inflation importée. À cela s'ajoute évidemment le désastreux marché de l'énergie. Un marché de l'énergie qui découle lui aussi de théories fumeuses sur la nécessaire importance de la concurrence. La France produisait pourtant depuis des décennies une énergie pas chère et efficace avec une entreprise 100% publique.

 

 

La crise de la sélection et l'influence des médias

 

Pour en revenir au centre du sujet, Jacques Généreux nous dit que la bêtise des élites tient lieu en grande partie d'une part de la compétition. La compétition rendrait bête et méchant en plus. D'autre part du fait que le cerveau humain n'est en réalité pas fait pour penser. Ou plus exactement pas fait pour penser tout le temps. Et il est vrai que nous passons une grande partie de note de temps à agir par réflexe et par habitude. L'essentiel de nos actes n’est pas réfléchi. Je rajouterai à cela que la nature nous a programmé pour minimiser la consommation d'énergie. Si la paresse et le moindre effort sont considérés comme des péchés par le christianisme, et nombre d'autres traditions culturelles, c'est parce que c'est une tendance naturelle de l'être humain et des animaux en général. Pour obtenir quelque chose, nous allons avoir tendance à choisir toujours la voie de la facilité plutôt que celle de l'exigence et de l'effort. Un peu comme pour l'électricité qui passe par le conducteur qui a la moindre résistivité électrique. C'est pourquoi probablement la culture traditionnelle a tant fait pour valoriser l'effort et le sens du travail, il ne s'agit pas de quelque chose de naturel. Et c'est la même chose pour l'effort intellectuel. Sans une culture de l'exigence et du travail, nul doute que le laisser-aller l'emporte y compris chez les mieux instruit. On aurait donc dans nos sociétés gavées de richesses et de moins en moins contraintes par les cultures traditionnelles une tendance lourde à la fainéantise. Celle que dénoncent nos dirigeants est bien évidemment celle des jeunes et des affreux chômeurs. Mais Généreux lui pense plutôt à celle des dirigeants et des gens d'en haut qui ne lisent plus et ne font plus l'effort de penser. De fait alors que les classes sociales les plus avantagées sont celles qui devraient avoir le temps et les moyens pour penser la société et la stratégie nationale, elles s'y emploient en fait de moins en moins.

 

C'est une théorie intéressante, et il y a probablement du vrai dans cela. Mais il faudrait y rajouter d'autres possibilités . D'abord, la France a comme caractéristique d'avoir une haute fonction publique très fermée sur elle-même. On va ici faire appel à monsieur Paul-Antoine Martin qui vient de sortir un livre « Le clan des seigneurs » où il décrit la haute fonction publique française comme une caste totalement fermée qui vit en vase clos. Il a fait un interview intéressant, là encore chez Berruyer. Il décrit un système entre la mafia et les castes indiennes, fait de privilèges et de renvois d’ascenseurs. Un système qui rend inopérant, non seulement l'état, qui n'agit plus dans l'intérêt de la nation, mais uniquement des membres qui le compose. Un phénomène qui arrive lorsque les républiques s'effondrent comme le disait si bien Montesquieu, l'intérêt public devient l'affaire de quelques particuliers. Mais la disparition du sens de l'état chez ces « élites » provient pour monsieur Martin essentiellement de leur sélection. Ce n'est pas que la France n'est plus pourvue en hommes ou femmes de qualité, mais parce que notre système de sélection est biaisé et favorise l'entrisme et le copinage. Il faut se rappeler que ce n'est pas un hasard si Napoléon a introduit les concours pour accéder à la fonction publique, c'était justement pour éviter cette tendance française à la stratification sociale. Cependant, nos illustres ancêtres n'avaient peut-être pas prévu que même les concours pouvaient ne pas forcément être bien méritocratiques suivant leurs conditions d'application. En l’occurrence, on ne peut plus dire qu'il y a une méritocratie dans la haute fonction publique française aujourd'hui.

 

Pour finir cette question de la bêtise actuelle de nos dirigeants, l'on pourrait parler de l'effet médiatique qui s'ajoute aux hypothèses déjà énoncées, sans s'y opposer nullement. Comme nous l'avions vue il y a peu, les médias ont un rôle majeur à mon avis dans la déliquescence progressive du débat public. L'effet mimétique qui concourt au fonctionnement des foules s'est étendu par l'action des médias de masse moderne au comportement courant des hommes politiques. Comme disait Keynes, mieux vont avoir tort avec la foule que raison contre elle, sinon elle vous écrase. Il parlait à l'époque des marchés financiers qui loin d'être rationnel sont en fait d'énormes machines à produire des bulles et des effets de mode, bien loin de la gestion en bon père de famille. Dans le cas des hommes politiques, s'opposer aux croyances de leur milieu social fortement représenté par les médias est extrêmement difficile. D'un point de vue psychologique, l'opposition à une croyance d'un milieu social dont vous dépendez totalement, non seulement d'un point de vue social, et, mais aussi d'un point de vue économique, peut vous coûter très cher. Dès lors, le choix le plus rationnel s'avère être celui de la couardise, on suit le troupeau même si cela conduit à un précipice.

 

L'on ne peut à mon sens détacher la question du déclin des élites de celui du fonctionnement des médias. Les médias imposent, par effet de bulle, les débats du moment, et les prétendues solutions des problèmes mis en avant par ces mêmes débats. Mais ils font et défont aussi les hommes politiques. Quel homme politique français, bien placé dans l'échelle du pouvoir, pourrait aujourd'hui s'opposer au rouleau compresseur médiatique grotesquement russophobe et colporteur de guerres avec la Russie ? On voit ce qui arrive à ce pauvre Arno Klarsfeld jadis chouchou des médias et aujourd'hui pestiféré parce qu'il cherche à éviter une guerre suicidaire pour l'Europe. Il faut en convenir, une grande partie du problème de la politique en France est le fruit pourri des mécanismes médiatiques. Les médias favorisent les démagogues à l'image de notre président actuel et de ses principaux opposants. Ils nuisent aux débats publics, non seulement en déséquilibrant les débats, favorisant tel ou tel intérêt en fonction de leurs croyances internes. Mais ils déforment aussi la réalité en mettant des sujets extrêmement secondaires au premier plan tout en ignorant parfois totalement des sujets essentiels. Il a fallu qu'un risque de panne électrique général arrive en France pour que l'on se soucie à nouveau du nucléaire. Faudra-t-il attendre une bombe russe sur notre tête pour que nous réalisions, avec nos médias grotesques, tout le danger qu'il y a à faire une guerre qui n'est pas la nôtre, contre un pays qui ne nous a jamais rien fait, et qui fut longtemps un grand allié de la France ?

 

Si la question de la nullité des élites s'explique en partie par certains comportements sociaux inhérents et par les modes de sélection. Il me semble quand même que la question médiatique y pourvoit pour une part encore plus importante. La course à l'audience et l'effet foule expliquent en grande partie la médiocrité de nos élites . Car le problème n'est pas que français. Les USA qui furent la nation démocratique par excellence collectionnent les imbécillités macro-économiques et politiques depuis les années 60 au moins. L'Allemagne, notre encombrant voisin, collectionne aussi les politiques stupides, on l'a souvent vu. En matière de géopolitique elle est encore plus navrante que la France. Mais ces pays n'ont pas notre haute fonction publique ni même notre système éducatif. Par contre, ils partagent avec nous les médias de masse et l'information déformée en fonction des modes du moment.

 

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30 janvier 2023 1 30 /01 /janvier /2023 21:59

 

Emmanuel Todd est décidément très actif en ce moment, ses séjours au Japon le rajeunissent, c'est probablement dû à l'âge moyen des Japonais qui fait passer Todd pour un jeune jouvenceau. Il vient de faire une conférence avec Henri Guaino, l'ancien malheureux conseillé de Sarkozy, sur la question de la guerre en Ukraine. Les deux compères, qui se connaissent bien, ont globalement affiché des opinions assez semblables et complémentaires sur le sujet en dehors de quelques points de détail comme le rôle des géostratèges sur les grandes orientations politiques des USA en matière d'affaires extérieures. Je vous invite à regarder la vidéo mise en ligne récemment de cette conférence à cette adresse. Je dois dire que je suis content d'avoir enfin entendu Emmanuel Todd reconnaître le rôle majeur des médias sur certaines questions. Cela a toujours été l'un des points faibles de ses analyses sur les sociétés modernes. Il a admis par exemple que les médias aux USA avaient joué un rôle majeur quant à la poussée de la russophobie de ces vingt dernières années. C'est d'ailleurs la même chose en France, les médias jouent un rôle déterminant.

 

La récente question du nucléaire qui a longtemps été dénigré dans les médias de masse, surtout depuis l'affaire de la catastrophe de Tchernobyl, a déjà largement démontré la dangerosité des médias. En effet pendant des décennies le nucléaire c'était la catastrophe et l'horreur, le nucléaire une question de confiance à la manière du sketch des inconnus qui avaient pour le coup suivi la mode de la haine du nucléaire. Pour la Russie et Poutine, ce fut la même chose un travail constant de dénigrements, de moqueries et de caricatures. À aucun moment le doute sur la question russe ne fut mis en avant par nos médias. Je dirai qu'en France la russophobie était surtout une poutinophobie, mais elle a été tout autant fabriqué par nos médias que celle des USA. C'est qu'ils aimaient bien la Russie de Elstine, décadente, corrompue et facile à contrôler. Alors que nous aurions dû nous réjouir que la Russie ne coule pas et se redresse, nous évitant au passage une catastrophe avec les armes nucléaires qu'elle possède. Je vous laisse imaginer ce qu'une guerre de Yougoslavie à l'échelle russe aurait pu être comme catastrophe pour l'Europe et pour le monde. Les USA et leurs satellites européens n'ont guère apprécié, semble-t-il, le redressement du pays des tsars.

 

Mais si l'hostilité des Américains qui dominent totalement le continent depuis la fin de la guerre froide est compréhensible, je ne reviendrais pas sur l'importance pour les USA qu'il n'y ait aucune puissance capable de menacer le rôle du dollar dans les échanges internationaux, la position des européens est beaucoup plus étrange. Comme le souligne Todd, l'alliance entre la Russie et l'Allemagne par exemple coule sous le sens. Les deux pays partagent en fait des intérêts communs sur le plan économique et l'Allemagne n'a rien à gagner à perdre les ressources de la Russie. Quant à la Russie, elle n'a aucune envie d'être trop dépendante de son très gros voisin chinois sur le plan technique et industriel. Dès lors la russophobie allemande, du moins de certains Allemands, à l'image d'Annalena Baerbock, ministre en charge des affaires extérieures actuel et qui est pour le moins belliciste avec la Russie. Étonnement c'est une écologiste, on retrouve d'ailleurs en France comme en Allemagne bon nombre d'écologistes chez les haineux de la Russie et les gens qui poussent au conflit. C'est très paradoxal de voir des gens originaires de partis politiques qui avaient souvent des fonds de commerce pacifistes appeler aujourd'hui à la guerre contre la Russie. L'on voit bien ici que les partis politiques et les idéologies affichées ne sont bien souvent que des moyens pour des arrivistes d'atteindre le pouvoir. Les idées, les partis, la nation tout ceci n'a guère d'importance pour quelqu'un qui roule surtout pour sa pomme. Elle crie probablement avec les loups non par conviction, mais parce que c'est vendeur.

 

Pour ce qui est de la Pologne et des autres pays de l'Est, la haine de la Russie peut encore à peu près se comprendre. Il y a des contentieux historiques et des fantasmes. Rappelons qu'il fut un temps où la Pologne était au cœur d'un vaste ensemble appelé la République des deux nations qui possédait une bonne partie de l'Ukraine actuelle et de la Biélorussie en plus des territoires polonais et baltes. On pourrait y voir une espèce de compétition entre la Russie et la Pologne pour savoir quel slave devrait être le chef des Slaves en quelque sorte. Je caricature un peu, mais il y a de ça sans parler du différentiel religieux entre catholique et orthodoxe. Mais cette affaire entre Slaves ne devrait en aucun cas nous regarder, que ce soit l'Allemagne ou encore plus pour la France qui n'a rien à faire dans cette histoire. Malheureusement, notre appartenance à l'OTAN sur cette affaire est hautement dangereuse et risque de nous entraîner dans un phénomène similaire à la Première Guerre mondiale comme l'a souligné très justement Henri Guaino dans la conférence. Par un mélange de haine irrationnelle, de logique d'alliance et de communication absurde, on risque effectivement une guerre qui pourrait être une autoannihilation de l'occident, mais aussi de l'humanité dans son ensemble si par malheur l'arme nucléaire était employée.

 

Il nous faut prôner la sortie de l'OTAN

 

Je l'ai déjà probablement dit dans un de mes textes, mais l'OTAN pour moi est une organisation totalement anachronique. Produis de la volonté des USA de contrer l'URSS et de la peur de certains états européens, cette alliance qui était à mon sens déjà discutable pendant la guerre froide, a carrément passé le cap de l'inutilité avec la fin de l'URSS. Une alliance faite de pays aussi disparates et sans cohésion aucune, pensez donc au fait que les Grecques et les Turcs en sont membres tout deux, elle n'a depuis longtemps comme seul but que la continuation d'elle-même. Comme beaucoup de structure bureaucratique supranationale à l'image de l'UE, sa fonction d'origine a cessé depuis longtemps d'être la motivation principale de ses salariés pour n'être plus qu'un moyen de subsistance grassement payé pour tout un aréopage de bureaucrates et de généraux. L'OTAN est devenue en quelque sorte la caricature de ce que craignait jadis l'ancien président américain Eisenhower lorsqu'il parlait de sa crainte de voir le complexe militaro-industriel prendre le contrôle de son pays. Et bien avec l'OTAN on est largement dans ce cas.

 

Car l'OTAN est associée qu'on le veuille ou non, aux industriels de l'armement particulièrement américains . Industriels qui ont clairement intérêt à nourrir les tensions et les projections catastrophiques pour nourrir leur commerce. À ce stade on pourrait même se demander si la raison pratique du soutien indéfectible des USA pour le suicide ukrainien n'est pas bassement matérielle. Vendre un maximum de machine de guerre pour l'industrie US. Du reste, les échecs répétés de l'industrie de l'armement française au sein de l'OTAN montrent qui est le patron et pour qui roule le commerce des armes dans l'alliance. S'il y a un complexe militaro-industriel français, il n'est clairement pas dominant dans l'OTAN .

 

Pour en revenir à la question du conflit, il est évident que les Ukrainiens aujourd'hui essaient d’entraîner l'OTAN dans la guerre. À cela s'ajoute le bellicisme délirant d'une grande part des dirigeants européens Macron en tête. Il vient encore d'annoncer au sujet du soutien à l'Ukraine « par principe, rien n'est interdit », il s'exprimait ainsi au sujet d'une possible livraison d'avion de chasse. Dans son cas précis au-delà de la question de la russophobie, j'ai l'impression que l'on a une fuite en avant classique d'une direction politique qui veut enterrer ses problèmes et les conséquences de ses idioties politiques et économiques sous une tonne de morts par la guerre. Cela n'est pas nouveau, la recherche d'un exutoire à la violence interne par la guerre externe. Les Romains et les Grecques de l'antiquité pratiquaient déjà ça. Dans le cadre de cette mentalité qui a déjà conduit à de nombreuses catastrophes sur notre vieux continent, les citoyens doivent impérativement se demander si la sortie de l'OTAN dans les plus brefs délais n'est pas à considérer comme prioritaire. Je sais que les questions économiques sont essentielles pour beaucoup de gens, en particularité la destruction progressive du système des retraites par le pouvoir néolibéral. Mais la guerre serait pour nous la pire des choses, elle leur permettrait d'ailleurs d'arriver à leur fin en justifiant tous les sacrifices au nom de leur guerre sans queue ni tête. Ne tombons pas dans le même piège que nos malheureux ancêtres.

 

Le conflit en Ukraine ne regarde absolument pas la France et les Français. Nous n’avons rien à gagner à faire une guerre pour l'Empire américain, pour les délires de quelques Polonais nostalgiques d'une époque perdue ou pour des Ukrainiens perdant la raison. Plus généralement, nous devrions mettre fin à ces tendances de la part de nos dominants de chercher dans la guerre la résolution des problèmes qu'ils causent pendant les temps de paix. Je me demande même si en plus de la sortie de l'OTAN nous ne devrions pas penser à faire de la France un état neutre à l'image de la Suisse. Cela pousserait peut-être nos dirigeants à être moins enclin aux délires militaristes et interventionnistes pour un pays qui a déjà beaucoup pris de coups dans son histoire. Et qui sait peut-être l'impossibilité de s’exhiber dans des conflits extérieurs les rendrait moins sourds aux vrais problèmes de notre nation.

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 21:22

 

 

 

Alors que la France se prépare à des manifestations demain. Manifestations de masse comme on en a peut-être plus vu depuis les grèves de 1995. L'on voit poindre à nouveau la grande fracture qui parcourt le pays depuis longtemps déjà et que la crise des gilets jaunes avait eu la qualité de faire ressurgir avec une grande acuité. D'un seul coup, toute la violence sous-jacente à société néolibérale qui exclut une part de plus en plus grande de la population de la vie économique du pays s'est fait jour. Le moment des gilets jaunes fut une prise de conscience du fait que le camp d'en haut de plus en plus riche, mais aussi de moins en moins nombreux et le reste de la population n'avaient plus grand-chose en commun. Parler de nation, de solidarité alors que les populations ne vivent plus ensemble ne partage même plus les mêmes lieux, les mêmes écoles et de moins en moins la même culture devient de plus en plus problématique. Le seul lien qui reste entre la caste d'en haut et le reste de la population est celui de la domination, mais une domination qui sera de moins en moins acceptée au fur et à mesure que les dégâts des idéologies européistes et néolibérales accroîtront les problèmes. Seul reste donc la violence pour contrôler la population. Il y a fort à parier que la phase des gilets jaunes ne fut qu'une première jacquerie moderne. La question de la réforme des retraites qui s'accumule à la longue série des décisions politiques et économiques absurdes prises par le gouvernement Macron ces trois dernières années pourrait être le déclencheur d'un conflit plus grave.

 

Ils finiront par tuer pour maintenir la « Démocratie »

 

Alors faut-il vraiment souhaiter comme un Frédéric Lordon « de tout niquer » comme il l'a affirmé récemment (on l'a trouvé plus inspiré et plus profond) ? Si je partage pleinement la colère de la population en général vis-à-vis de cette réforme des retraites, je constate tout de même une incapacité globale des Français à agir de manière rationnelle et politique. Nous avons eu une élection présidentielle il y a seulement quelques mois et pourtant les Français ont remis le même dingo au pouvoir. Je sais, le terme dingo est clairement péjoratif, mais avec la collection de bêtises macroéconomique que son gouvernement a produite, c'est un euphémisme. Alors certes les Français ont ensuite essayé de bloquer Macron en évitant qu'il ait une majorité absolue, mais ce réveil fut un peu tardif. Aucun sujet important n'est jamais abordé. La plupart des Français continuent à ne pas vouloir remettre en cause l'UE et l'euro qui sont pourtant directement responsables des casses des services publics et de cette réforme des retraites. Pourtant les mouvements qui prônent la sortie de l'UE ou de l'euro ne pèsent rien politiquement . Tout se passe comme si les Français s'avéraient incapables de comprendre et de faire les liens entre leurs maux et leurs causes. En cela la gauche française participe ardemment à la massive ignorance de nos concitoyens. Combien de syndicats ou de partis de gauche demain scanderont-ils leur volonté de sortir de l'UE et de l'euro ? Je peux déjà vous le dire, AUCUN.

 

Comme la gauche ne remet jamais en question la libre circulation des capitaux et préfère parler des méchants paradis fiscaux, elle ne parlera pas ici du lien entre la réforme des retraites et l'UE. Notamment le lien évident avec le plan de relance ridicule lancé par Macron pendant la crise COVID, et qui a emprunté 80 milliards d'euros pour d'en recevoir que 40. Un emprunt dont l'une des clauses était justement la réforme des retraites. Non, les syndicats ne parleront pas de ça, ni les partis de gauche et encore moins le RN qui se fait bien discret dès qu'il y a des manifs. L'on pourrait également ajouter que bien peu de gens soulignent les énormes contradictions du discours politique macronien. Nos gouvernants soudains se lancent dans des réformes pour sauver la France d'une catastrophe macroéconomique liée au vieillissement de la population. Mais si le gouvernement s'inquiétait tant des comptes publics pourquoi avoir augmenté d'un tiers la dette du pays en seulement six ans ? Et cela en produisant une croissance anémique avec un chômage qui ne recule que grâce à la création d'emplois médiocres et surtout à la radiation massive de nombre de chômeurs des listes . D'où a-t-on déjà vu un bon gestionnaire s'affoler pour une dépense théorique qui aura lieu dans des décennies quand son compte est déjà largement dans le rouge ? Faut-il également rappeler l'effondrement de notre commerce extérieur qui voit la France accumuler des déficits jamais vus depuis la guerre ?

Macron le grand gestionnaire qui prend soin des grands équilibres

Et si notre gouvernement s’inquiète tant de nos futurs retraites, pourquoi ne fait-il rien pour casser la baisse dramatique des naissances en France ? Les dernières nouvelles en la matière sont toujours aussi dramatiques. En effet, quel meilleur remède au vieillissement que celui de refaire des enfants à nombre suffisant ? On pourrait revenir sur la casse qu'a effectuée François Hollande en 2014 quand il a mis les politiques familiales sous condition de ressource par exemple. Cependant, force est de constater que la question de la démographie n'intéresse guère nos dirigeants sauf pour nous dire qu'il faut plus d'immigrés même s'ils ne s'intègrent pas ou qu'il faut encore réformer le système des retraites. Le problème de fond on s'en fout, et comme d'habitude ça ne rentre pas dans le cadre de leur réélection. Mais le gouvernement a-t-il seulement comme but de sauver le système par répartition ? On le voit déjà chez nombre de commentateurs, ils vendent stupidement la retraite par capitalisation, oubliant au passage la grande complexité qu'il y aurait à passer d'un système à l'autre. Mais aussi le fait que ces systèmes existent ailleurs et n'ont rien d'une panacée. Car ce sont toujours les actifs qui paient in fine pour les inactifs. Et une société qui connaît une baisse permanente de la population connaîtra irrémédiablement une croissance économique très faible et même probablement une décroissance. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison pour que les capitaux croissent, bien au contraire, connaissant les mécanismes d'anticipation des marchés, on aura des risques de décroissance violente des valeurs actionnariales.

 

Donc au final le système par capitalisation équivaudra à terme à plus de retraite du tout très vraisemblablement. C'est une fausse solution même si certains espèrent bien évidemment utiliser les capitaux à l'étranger pour faire payer comme les USA leurs retraites par le dynamisme de pays plus jeunes. Je vous arrête tout de suite, il y a peu de chance pour que le monde de demain fonctionne encore avec des capitaux pouvant s'investir partout. Non, les Indiens ou les Vietnamiens ne paieront pas nos retraites. Et puis ces pays finiront aussi par vieillir, c'est une question de dynamique démographique liée à la baisse de la natalité qui est maintenant partout dans le monde. À part faire des enfants en nombre suffisant, il n'y a pas de porte de sortie pour la gestion des vieux. Et après tout, c'est assez logique, non ?

 

Pour en revenir à nos manifestations, je crains vraisemblablement la réaction de nos dirigeants, ils ont largement anticipé la colère populaire. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement a commandé massivement du matériel pour la gendarmerie. Et les discours de plus en plus violents sautent aux yeux. Au moment de la crise des gilets jaunes, on avait eu déjà des commentateurs qui appelaient à tirer à balle réelle sur les manifestants, que diront-ils cette fois ? Les grands bourgeois commencent à en avoir marre du fonctionnement démocratique, et cela se sent. Cela se sentait déjà en 2005, mais maintenant on sent que les tabous hérités de la démocratie d'après-guerre s'étiolent. La génération post-démocratique de Chirac ou Hollande avait encore quelques restes de la retenue du passé, la génération Macron ou Aurore Bergé ne l'a plus du tout. Au nom de ce qu'ils appellent la démocratie c'est-à-dire la cooptation du pouvoir par une toute petite partie de la population vivant quasiment en vase clos, ils seraient bien capables de tirer à vue sur la population. Peut-être même que Macron et son gouvernement ne cherchent que ça pour supprimer littéralement les élections ? Au nom de la démocratie supprimons les élections, les syndicats, les manifestations, etc. Dans un monde où les mots n'ont plus de sens, où les dirigeants n'ont plus ni patriotisme ni sens moral minimal, il est très dangereux de se comporter comme dans l'ancien. Comme je l'ai dit dans un texte précédent, nous ne sommes plus en 1789. Les moyens de violence de l’état sont aujourd'hui très élevés et l'état a tout fait pour transformer la police en garde prétorienne nouvelle version.

 

Nous ne devons plus considérer les dirigeants français comme des êtres raisonnables et rationnels. Ils peuvent employer le verbiage de la raison, mais en même temps pratiquer une violence sans retenue. Nous sommes devenus une société barbare. Pas seulement à cause de l'ensauvagement des banlieues et d'une partie de la population d'origine immigrés. La barbarie se cache dans nos ministères, à l’Élisée, dans les hauts rangs des grandes entreprises et des banques. La violence néolibérale qui s'est déchaînée sous des apparences de liberté dans les années 80-90 a produit des générations de personnels dirigeants sans empathie et sans considération pour ceux du bas.

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15 janvier 2023 7 15 /01 /janvier /2023 18:52

 

Comme souvent quand il s'exprime, je vais commenter brièvement les derniers propos d'Emmanuel Todd. Après tout, c'est un peu grâce à lui que j'ai commencé le blog et c'est aussi grâce à lui que j'avais découvert le vieux blog Horizons aujourd'hui à l'abandon et où j'ai pris quelques contacts avec des souverainistes perdus au milieu d'un pays qu'ils ne reconnaissaient plus avec l'élection présidentielle catastrophique que fut celle de Nicolas Sarkozy en 2007. Bien des années ont passé depuis, et le pays semble se déglinguer de plus en plus vite depuis, mais Todd reste encore à nous donner de temps en temps quelques pistes originales pour comprendre ce qui nous arrive. L'élection de Sarkozy à l'époque semble avoir été en quelque sorte le marqueur de la phase finale de la maladie antinationaliste qui touche le pays et ses élites depuis au moins 40 ans. On peut ne pas toujours adhérer aux hypothèses d'Emmanuel Todd et à ses conclusions, mais il faut reconnaître qu'il est l'un des rares penseurs français à réellement faire encore fonctionner à peu près correctement ses neurones sans répéter inlassablement les idées reçues du monde médiatico-politique français.

 

Pour en revenir à Emmanuel Todd, il s'est exprimé dans plusieurs supports sur le conflit ukrainien. Je pense que son expérience désagréable lors de l'affaire Charlie Hebdo où il s'est fait assez largement critiquée pour son opinion (que je ne partageais pas tout à fait d'ailleurs à l'époque) l'a rendu un peu craintif sur les sujets épineux. Le petit milieu parisien supporte de moins en moins les conséquences de ses propres idéologies. Lorsqu'on lui met sous le nez ses paradoxes et contradictions, il devient extrêmement agressif . Et s'il y a bien un sujet épineux aujourd'hui en France, c'est bien la guerre ukrainienne. Il dit lui-même qu'il hésitait à parler de ça en France. Il s'est d'ailleurs un peu réfugié à l'étranger depuis quelque temps, il sort d'ailleurs un livre au Japon sur la question ukrainienne qui ne sera peut-être pas publié en France, tout un symbole. Il est vrai cependant que le Japon n'est guère impliqué dans cette affaire de guerre ukrainienne même si les USA leur ont forcé un peu la main pour qu'ils prennent des mesures contre la Russie. Cela n'empêche pas ce pays de continuer à importer du gaz russe et de continuer à commercer avec Moscou . Si Todd avait écrit un livre sur la Chine et le Japon, je ne sais pas si les Japonais l'auraient aussi bien accueilli .

 

Quoiqu'il en soit, Emmanuel Todd s'est exprimé sur le sujet dans un magazine de la Suisse alémanique si je me fis à l'adresse du site Die Weltwoche. Il a aussi fait une longue conférence en France cette fois que vous pouvez retrouver à cette adresse. Et enfin, il s'est aussi exprimé sur les pages du Figaro . Dans les trois cas, on retrouve évidemment la même analyse, ce qui est normal. À noter pour ceux que cela pourrait intéresser qu'Emmanuel Todd sera l'invité le 21 janvier prochain des souverainistes de gauche « République Souveraine », le mouvement fondé par Georges Kuzmanovic . Il sera accompagné d'Henri Guaino, le théoriquement souverainiste qui s'est perdu dans le sarkozysme .

 

Pour en revenir aux propos d'Emmanuel Todd, ce dernier considère donc la guerre en Ukraine comme une guerre d'échelle mondiale. D'une part parce qu'il est clair maintenant que l'OTAN et les USA ont tout fait pour contraindre les Russes à en venir aux extrémités militaires. D'autre part parce que la survie de la Russie n'est pas la seule en jeu, celle de l'Empire américain et le rôle du dollar en particulier, sujet qu'on a déjà longuement traité, est aussi en question. La défaite de l'Ukraine serait probablement associée par le reste du monde à une défaite de l'OTAN, car il ne fait guère de doute sur le fait que c'est l'OTAN et donc les USA et ses satellites qui tirent les ficelles derrière plus ou moins ouvertement. Mais ce qui surprend Todd, et moi aussi, c'est le comportement de l'Europe Allemagne et France compris. Tout se passe comme si les Européens n'avaient plus aucune conscience des enjeux stratégiques ou des rapports de force mondiaux. Pour un continent qui a produit les plus grands penseurs de la guerre et de la stratégie et qui a d'ailleurs longtemps souffert de la guerre et de toute son horreur, c'est effectivement assez surprenant. L'on dit souvent que l'Europe cherche à sortir de l'histoire, mais c'est ignorer un peu trop facilement que l'histoire s'impose à vous que vous la vouliez ou non. Et à trop vouloir l'ignorer, elle risque bien de vous écraser,et c'est probablement ce qui nous arrive à l'heure actuel. Ajoutons à cela l'étrange importance qu'on prit les sujets sociétaux sur les questions de conflit militaire. On dirait presque que l'occident décide désormais de déclarer des guerres pour des casus belli aussi ridicules que l'autorisation du mariage gay. Une telle évolution anthropologique est en soi extrêmement inquiétante. Elle indique une dérive religieuse et idéologique de l'occident qui se base sur des critères par définition irrationnels et culturels pour décider ou non de la nécessité d'un conflit. L'occident en ce sens n'est plus si loin du délire mystique de jihad planétaire des islamistes qui veulent transformer le monde en califat géant.

 

Le plus surprenant dans les propos récents de Todd c'est son évolution par rapport à l'Allemagne. S'il n'a probablement pas changé d'un iota son avis sur le fonctionnement de l'UE et de l'euro comme machine à favoriser les intérêts macro-économiques germaniques, la question énergétique l'a à nouveau démontré, il n'en demeure pas moins assez triste sur le sort de ce pays. L'Allemagne vient de se faire maltraiter violemment par les USA avec les sanctions à la Russie et le coup vital porté au gazoduc Nord Stream. Mais les Allemands semblent ne pas savoir comment réagir. On remarquera que Todd écarte assez largement la thèse de l'explosion provoquée par la Russie . Cette hypothèse est tellement absurde qu'il est assez étonnant que des gens théoriquement intelligents continuent à la proférer. On remarque d'ailleurs que les médias mainstream en France ont vite oublié l'affaire, pourtant gravissime, car il s'agissait d'un acte de guerre direct contre l'Allemagne. Autrefois, on aurait utilisé ça comme casus belli pour déclencher un conflit militaire, on en a déclenché pour des affaires bien moins graves. Mais là rien, silence radio. Probablement parce que le coupable est déjà bien connu et qu'on n’a pas envie d'ébranler le soi-disant bloc occidental toujours solidaire …

 

Toujours est-il que pour lui les USA semblent vouloir reconfigurer l'Europe en s'appuyant davantage sur la Pologne en créant une espèce d'axe UK-Pologne-Ukraine et de marginaliser l'Allemagne et la France. L'affaire des réparations de guerre pour la Pologne de la part de l'Allemagne qui ressort tout un coup n'est probablement pas un hasard . Elle fait partie d'une attaque politique et économique contre l'Allemagne qui gênait les USA . La russophobie naturelle des Polonais doit les mettre plus en confiance qu'une Allemagne qui pourrait très bien à nouveau se rapprocher de la Russie. Pour la France les pantins américains qui dirigent le pays ont déjà largement réussi depuis Sakorzy à démolir les quelques avantages qu'il possédait. La France n'étant plus un problème, les atlantistes ayant pignon sur rue, il ne reste plus que les germains à écraser. L'Allemagne probablement consciente de ça semble vouloir se rapprocher de Pékin, le voyage récent du chancelier Scholz semble le confirmer. Cependant, si Berlin cherche apparemment à sortir du giron américain, rappelons qu'elle a aussi fait beaucoup d'effort pour casser la France et son appareil militaire alors qu'elle aurait aussi pu s'appuyer dessus pour reconstruire sa propre industrie militaire. Mais au lieu de commander des rafales françaises par exemple, elle a commandé des F35 américains. On voit là toute l’ambiguïté et les incohérences de la puissance allemande. Elle n'a pas compris que la France n'est plus son ennemi depuis longtemps et elle oublie régulièrement qu'en réalité c'est son tuteur américain qui veut sa mort ou au moins sa soumission totale.

 

Cependant malgré les ambitions des USA pour casser la Russie, puis probablement la Chine ensuite ils sont probablement allés trop loin. Comme le montre rapidement Todd avec quelques statistiques, notamment le fait, qui surprendra certains, que les Russes produisent beaucoup plus d'ingénieurs que les USA par tête d'habitant, les USA n'ont plus les moyens d'arriver à leurs fins. Et comme on le sait historiquement quand les empires vont trop loin, la chute n'est jamais très loin. Désindustrialisée, les USA et leurs vassaux ne sont plus ni le centre démographique et économique du monde, ni même sa tête pensante. La science américaine fonctionne essentiellement grâce à des chercheurs étrangers particulièrement indiens et chinois. La France importe des médecins faute d'en former suffisamment dans une ambiance d'effondrement scolaire massif. Car je n'en doute pas, l'effondrement des USA sera aussi le nôtre malheureusement, nous avons suivi les mêmes politiques économiques et le même chemin doctrinal. Nous sommes simplement légèrement en retard dans notre effondrement par rapport à eux. En tous cas pour Todd si la troisième guerre mondiale à commencé et qu'elle prendre essentiellement un caractère économique, la guerre nucléaire étant quand même assez suicidaire, il n'est clairement pas certain que les Anglo-saxons gagnent cette fois. Pour Todd le monde de demain sera surtout écrit par l'Asie, la Chine d'abord, mais surtout l'Inde par la suite. On ne peut que lui donner raison sur ce point.

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4 janvier 2023 3 04 /01 /janvier /2023 22:09

 

Alors que le brouhaha des fêtes commençait à s'estomper le premier janvier dernier j'ai dû rechercher en urgence une équipe médicale pour ma mère se retrouvant en insuffisance respiratoire à cause d'une infection bactérienne. Elle avait trop attendu pensant bêtement qu'à son âge assez avancé cela guérirait tout seul. Il n'en a malheureusement rien été. C'est donc le premier janvier dernier que je fus confronté à ce que bon nombre de nos compatriotes malchanceux connaissent régulièrement, l'affaissement de notre système de santé jadis pourtant exceptionnel. Je m'attendais bien évidemment à des difficultés non seulement parce qu'il était 21h, mais surtout parce que ma mère avait eu la bonne idée d'attendre le premier janvier pour tomber sous les coups de son infection . Cependant, nous habitons une grande ville plutôt bien lotie en matière médicale dans le sud de la France. Et bien malgré cela j’eus le plus grand mal à contacter les secours. Au bas mot, il fallut près de trois heures pour que les pompiers puissent enfin venir chercher ma mère. Ballotté entre les services d'urgence, tous surchargés, il fallut longtemps pour ne serait-ce qu'avoir une réponse au téléphone.

 

SAMU, pompier, SOS médecin et finalement à nouveau les pompiers, tels furent les appels incessants que j'ai faits pour obtenir enfin une aide. Il ne s'agit pas ici de critiquer le personnel médical, en aucun cas. Je sais très bien dans quelle situation ils sont, mais surtout de souligner la gravité de l'état de nos hôpitaux. Car comme je l'ai dit précisément j'ai la chance d'habiter dans une ville avantagée dans ce domaine. Je n'ose imaginer la situation dans des communes de la Creuse ou de l’Ardèche. Les pompiers arrivèrent donc vers minuit, je suis monté avec eux pour accompagner ma mère sans connaissance . Les pompiers très sympathiques et rassurants au demeurant me le déconseillèrent, car faute d'avoir beaucoup de place en urgence, il faudrait attendre très longtemps avant que ma mère soit pleinement prise en charge et que les diagnostics peuvent être assez longs. Et passer la nuit en salle d'attente n'est guère agréable, mais pour une fois ma raison fit place à mes émotions et je ne pouvais me convaincre de rester à la maison pendant que ma mère souffrait de sa condition, seule à l’hôpital.

 

Je décidais donc d'accompagner quand même les pompiers . Je constatais déjà les problèmes. Le brancard instable, la bouteille d'oxygène que le pompier devait tenir parce que le loquet qui le maintenait été cassé. Le jeune pompier rigola en soulignant qu'ils avaient quand même le chauffage dans le camion contrairement à nos lycées. Arrivé à l’hôpital, je remplis la traditionnelle paperasse. Ce fut assez rapide, ma mère ayant déjà un dossier chez eux. C'est malheureusement une ancienne patiente subissant les effets à long terme de sa mauvaise habitude de fumeuse. Même si elle a arrêté il y a plus de treize ans les séquelles de la cigarette sont toujours là malheureusement. On ne rappellera jamais assez à quel point la cigarette, c'est de la merde. Après avoir appelé le reste de ma famille pour les prévenir, je m'assis donc en salle d'attente pour une longue, très longue durée. Ne pouvant guère dormir j'écoutais les personnes autour de moi . La plus ou moins grande gravité des conditions de leurs proches se lisait sur leur visage souvent fatigué, parfois horrifié et rougi par les larmes. Nulle part ailleurs qu'en ces lieux la condition humaine n'est autant à nue . La peur, l'angoisse, mais aussi parfois la joie, apparaît aussi fugacement qu'un éclair dans le ciel . On passe des joies aux larmes avec une telle rapidité que l'on pourrait croire l'être humain totalement lunatique par nature si l'on avait que ce petit observatoire pour le comprendre.

 

Ne pouvant rien faire pour ma mère à part attendre, je ne pouvais qu'écouter, observer et sentir les personnes autour de moi. Et c'est les problématiques de la France qui vous sautent alors aux yeux et toute l'incurie de nos dirigeants qui depuis 40 ans s’attellent à démolir le pays avec la régularité d'un métronome. Les inégalités, l'immigration, la délinquance, la démolition économiques de l’hôpital public tout vous saute aux yeux en passant simplement un peu de temps dans un espace hospitalier. Ici une jeune femme seule avec son fils de 8 ans qui demande de l'aide parce que ce dernier s'est coupé le pied avec un tesson de verre. Visiblement une femme qui fait partie des précaires mères isolées, elle est à peine habillée tenant son fils dans les bras sans personne avec elle.

 

À l'inverse je croise un couple de personnes d'un certain âge avec leur fils. Visiblement des personnes issues d'un milieu assez aisé si je me fie à leur vêtement et à leur manière de parler. En ce Nouvel An ils viennent d'amener leur fille qui s'est évanouie. Le médecin leur parle à voix haute et leur dit qu'elle a été visiblement droguée à son insu en soirée . Les parents s'inquiètent de son état et du fait qu'elle a peut-être été agressée sexuellement. L'on voit souvent ce genre d'affaires à la télévision, mais honnêtement j'ai été surpris d'y être confronté, soulignant ainsi qu'il ne s'agit malheureusement pas de cas si rares que cela dans la France actuelle. Mais la réaction du couple assez agressive vis-à-vis du médecin me fit en même temps bondir. Ces derniers voulaient absolument que leur fille soit mise dans une clinique privée . Le médecin avait beau leur dire que certains soins et analyses ne pouvaient se faire que dans le CHU, ils n'en démordaient pas avec toute la certitude de leur origine sociale. Montrant par là le mépris qu'ils avaient envers l’hôpital public même s'ils essayaient d'y mettre les formes. Cette petite dispute autour d'un drame affreux est finalement assez symptomatique de notre pays et de la fragmentation sociale qui le frappe. Une telle scène n'aurait jamais existé il y a seulement 20 ans.

 

De l'autre côté assis à côté de moi une bande de jeunes étudiants jouant aux cartes à 2h du matin. On ne leur en voudra pas, le lieu rend le sommeil improbable. Ils attendaient leur ami atteint d'une infection mineure d'un testicule, l'affaire leur semblait drôle, à 20 ans on ne s'inquiète généralement pas trop pour sa santé. Plus loin une famille gitane assez bruyante et nombreuse attendait l'un de ses proches visiblement atteints d'une intoxication alimentaire. Cas banal lors d'une soirée du Nouvel An . Dans les passages des médecins, entre deux ouvertures de portes, l'on pouvait voir rapidement les patients allongés sur les brancards, attendant péniblement qu'on les prenne en charge suivant leur état. Quand la porte automatique se fermait toute la vétusté du lieu, vous sautez aux yeux. Tout à bord, la porte elle-même se bloquait régulièrement, elle faisait un bruit horrible à la limite d'un poulet qu'on égorge. L'on pouvait apercevoir par-ci par-là quelques prises électriques dénudées , des fissures dans les murs . Dans la salle d'attente, l'on pouvait admirer des vitres brisées rafistolées avec quelques bricoles. Et du personnelle passant d'un couloir à l'autre sans arrêt, certain marchant probablement au radar le teint blafard entre deux tasses de café pour tenir le coup en cette longue nuit. Heureusement la nuit était relativement clémente en termes de température, car le chauffage en salle d'attente semblait aux abonnés absent, prend ça Poutine.

 

Plus tard vers 6h du matin je pus enfin avoir des nouvelles de ma mère. Elle était maintenant sous respirateur . La médecin fut surprise de me voir, elle m'avait contacté par téléphone. Elle était visiblement exténuée comme une grande partie de son personnel. Elle a essayé de me rassurer sans trop y arriver, je dois bien vous le dire. Ma mère fut envoyée en salle de réanimation faute d'une respiration suffisante à cause de son infection bactérienne. Depuis trois jours donc je me rends régulièrement à l’hôpital. Parlant rapidement avec le personnel l'on se rend compte des multiples problèmes. Si nous sommes dans un CHU, on voit bien que bon nombre d'étudiants en médecine sont utilisés pour pallier au manque de médecins attitrés. Bien évidemment ces étudiants sont souvent très sérieux, mais ils n'ont pas encore fini leurs études. C'est avant tout le manque de personnel expérimenté qui frappe. En parlant à l'une des infirmières s'occupant de ma mère, j’apprends rapidement que la dernière grippe, que votre hôte a eu le malheur d'avoir d'ailleurs, a fait bien des dégâts. À son échelle, l'infirmière me dit que la grippe de cette année a été plus virulente qu'en 2017, année pourtant noire d'après les statistiques. Elle me dit aussi que l'un des gros effets pervers du COVID est que bien des gens retardent leurs soins et hésitent à aller à l’hôpital avant qu'il ne soit trop tard. On peut faire des hypothèses sur un tel comportement . La peur du virus qui a été essaimé par les médias, l'état de l’hôpital lui-même qui inquiète les Français. Ces derniers ayant peur de surcharger les urgences retarderaient au maximum les appels, mais ce faisant ils ne font qu'aggraver leur état et accroître encore plus à terme l'engorgement des urgences. Qu'il ne faille pas aller aux urgences pour un simple rhum est une chose, qu’on laisse une pathologie anormale s'installer en est une autre.

 

Le manque de médecin est aujourd'hui criant en France, mais l'affaire n'est pas nouvelle. Le problème vient de loin et l'absurdité d'un numerus clausus trop bas est dénoncée depuis des décennies par de nombreux médecins. Il était complètement absurde de réduire le nombre de médecins par habitant alors même que l'on savait pertinemment que la population allait en plus vieillir. Comme dans le cas de l'énergie, le manque de prévoyance dans le domaine est absolument fascinant. Cela fait 30 ans au moins que l'on sait que le manque de médecin se produirait aujourd’hui et pourtant rien n'a été fait pour endiguer le phénomène. Et voilà que la seule solution trouvée par nos shadok du libéralisme est de faire venir des médecins immigrés. Comme si le reste de la planète avait des médecins à revendre à l'infini pour compenser les insuffisances du système de formation français et les imbécillités de quelques hauts fonctionnaires qui ont pris au sérieux les âneries néolibérales.

 

 

Ajoutons au problème du numerus clausus trop bas pendant trop longtemps, la problématique de la féminisation du personnel médical. C'est un professeur de médecine bientôt à la retraite qui m'a souligné le problème. S'il est tout à fait normal que les femmes deviennent médecins, elles y excellent d'ailleurs, on assiste à une féminisation massive de la profession. À terme, elles devaient représenter 60% des médecins suivant les projections démographiques. Les femmes semblent plus attirées par les études de médecine que par d'autres secteurs. S'il n'y a aucun problème sur le plan technique et scientifique à ce phénomène, il engendre cependant une pression supplémentaire sur le manque de médecin. Parce qu'il faut gérer les absences familiales. Les femmes médecins ont bien sûr le droit d'avoir une famille et des enfants, mais lorsqu'elles sont enceintes et ont des enfants en bas âges elles doivent choisir momentanément entre leur vie familiale et leur travail souvent difficile et prenant chronologiquement parlant. Dans un système médical qui manque cruellement de médecins, cela aggrave fortement les pénuries . Il s'agit là encore d'un point de détail que nos dirigeants shadok n'avaient pas prévu lorsqu'ils ont artificiellement diminué le numerus clausus.

 

 

Il est clair maintenant pour l’hôpital comme pour l'éducation et l'ensemble des services public, il y a eu une volonté de destruction totale. Le but est la privatisation avec tous les effets délétères que cela aurait pour la santé générale du pays. Le dogme libéral a fait un travail de sape discret, mais régulier depuis trente ans et la France n'est pas la seule à en payer le prix. Aux USA l’espérance de vie diminue rapidement et pas seulement à cause des effets de l'augmentation des drogues . Bon nombre de personnes n'ont pas accès aux soins qui sont extrêmement chers. L'on ne compte plus le nombre de cas de personnes faisant faillite à cause d'accidents de la vie comme les cancers. Et s'il est incroyablement nul, le système de santé américain est aussi incroyablement cher, encore un paradoxe néolibéral. Le mythe de la concurrence qui améliore un système et qui serait plus efficace doit être abandonné. Il faut penser les problèmes non à partir d'une idée reçue sur un prétendu mécanisme économique magique qui résoudrait tous les problèmes comme par magie, mais par l'observation des faits et du fonctionnement pratique de nos institutions. Le principal problème de la France aujourd'hui c'est appliquer bêtement des recettes inventées par des idéologues qu'ils soient libéraux, ou autres, sans jamais regarder réellement ce qui se passe. C'est vrai autant pour la santé que pour le reste de nos institutions en souffrance. Loin d'améliorer les choses, les idées libérales les aggravent parce qu'elles ne sont fondées sur rien d'autre que des a priori. Heureusement que les médecins et les scientifiques ne font pas de même lorsqu'ils essaient de traiter un problème.

 

PS: Vous m'excuserez, ce texte a été fait dans un contexte personnel particulier. Mais je pense que donner un point de vue observationnel de la situation des hôpitaux français pourrait intéresser les lecteurs. À l'heure actuelle ma mère est toujours en réanimation, je suis très inquiet même si son état est stable. J'essaierai de continuer à écrire quand même . Pour tous vous dire, cela me déstresse un peu de le faire.

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15 décembre 2022 4 15 /12 /décembre /2022 16:36

 

Nous avons vu rapidement dans la première partie l'importance du protectionnisme dans une action visant la réindustrialisation. Le protectionnisme doit accompagner les objectifs d'autonomie industrielle et de souveraineté. Notre ancien prix Nobel d'économie Maurice Allais pensait qu'il fallait subvenir à nos besoins à environ 80% dans chaque domaine. Il pensait à juste titre qu'un protectionnisme prenant la forme de quota (insensible aux variations du taux de change, puisque fixé en volume) à hauteur de 80% permettrait à long terme à la fois une protection suffisante pour permettre à la production nationale de vivre tout en ayant une ouverture suffisante pour permettre aux innovations venues d'ailleurs de pénétrer quand même le pays . Dans une forme de sagesse pragmatique, Allais, bien que libéral, convenait ici qu'il fallait impérativement mettre des écluses qui s'ouvrent et qui se ferment pour permettre à l'industrie nationale de perdurer. Les seules positions radicales sur ce sujet sont donc en fait l'ouverture délirante sans limite à l'image de ce que nous pratiquons aujourd'hui avec les réglementations de l'UE, et le contraire, la fermeture totale qui auraient des conséquences de retard scientifiques à long terme.

 

Il est bien important de faire comprendre qu'être protectionnisme ce n'est pas être radicalement pour la fermeture. Il s'agit de permettre une autonomie industrielle nationale garantissant ainsi la souveraineté du peuple français sur des sujets essentiels. Car la souveraineté industrielle et technique est aussi importante que la souveraineté politique et militaire. Ne pas maîtriser les systèmes techniques essentiels à la vie de tous les jours de notre population c'est donner du pouvoir à d'autres nations sur la conduite de nos vies et sur la façon dont nous nous organisons et dont nous voyons le monde. On l'a vu récemment avec la question de twitter et du rachat par le milliardaire américain Elon Musk. Est-il normal que des individus américains, aussi sympathiques soient-ils, puissent avoir autant d'impact sur la façon dont les Français peuvent s'exprimer ou non sur un média ? Est-il normal qu'une entreprise américaine soit le principal lieu d'expression de nos concitoyens ? Est-il normal que nos ordinateurs soient à ce point dépendant de logiciels et de matériels étrangers que nous sommes à l'heure actuelle totalement incapables de produire nous-mêmes ? Cet état de fait nous met directement sous l'influence de choix, du droit et de croyances étrangères. Il ne s'agit pas ici d'une critique envers les USA, cela serait tout aussi valable si la dépendance était chinoise ou allemande. Il s'agit de convenir du fait que la souveraineté technique et autant importante que la souveraineté politique et militaire dans le monde moderne.

 

Il est évident cependant que cette contrainte dépend du secteur technique en question. Nous ne sommes plus au 19em siècle, une époque où très peu de pays maîtrisaient par exemple les techniques avancées de l'industrie. Mettant ainsi les pays en développement sous l'influence exubérante des quelques puissances industrielles d'alors. Il y a aujourd'hui beaucoup plus de joueurs, ce qui permet à un pays qui a un manque dans certains domaines de jouer sur la concurrence. Mais cela n'empêche pas tout de même cette question d'être extrêmement importante. On le voit dans la volonté des USA de revenir dans la course dans les semi-conducteurs puisque Washington force la main de Taïwan pour récupérer la production industrielle des semi-conducteurs à la finesse de gravure la plus fine actuellement sur terre. Un avantage technique que Taïwan a mis quelques décennies à construire. Washington veut mettre la main sur cet avantage pour ne plus dépendre de l'île et donc indirectement de la Chine. Il s'agit directement d'une politique protectionniste où les USA utilisent la menace militaire pour obtenir ce qu'ils veulent. La peur de la Chine conduit Taïwan à accepter un accord qui va leur coûter très cher à long terme. On pense ici aux défenseurs du libre-échange qui nous parle de libre concurrence non faussée dans les traités européens et l'on rigole un peu. Tout ceci n’est que de la politique pas de la libre économie mue par l'homo œconomicus des idéologues libéraux. Et l'UE reste de marbre en regardant tout ceci sans rien faire pour en profiter pour reprendre un peu d'autonomie dans un secteur où elle est pourtant cruellement absente. Elle se regarde dépérir sans rien faire en se faisant largement dépecer par l'Oncle Sam au passage. Il faut espérer que cette attitude et la crise énergétique que nous traversons finiront par ouvrir les yeux même aux plus gros européistes. L'UE est la maladie de l'Europe.

 

Les secteurs clefs prioritaires pour notre autonomie stratégique :

 

-Les semi-conducteurs . Un secteur dont nous sommes largement dépourvus et qu'il va nous falloir créer de toute pièce. Nous aurons nécessairement besoin d'un soutien étranger, essentiellement asiatique pour y parvenir.

-L’énergie . On en a parlé lors de mon texte récent sur l'énergie, je n'y reviens pas. C'est un secteur essentiel .

-L'armement qui doit être 100% conçu et réalisé en France

-Les industries chimiques et médicales

-Le domaine des logiciels

-Le domaine de la diffusion culturelle

 

Les domaines que je cite ici sont des domaines qui me semblent prioritaires pour l'autonomie nationale à long terme. Il ne s'agit pas ici juste de retrouver une balance commerciale à l'équilibre ce qui bien entendu est aussi un objectif de la politique protectionniste et industrielle. Mais aussi et surtout de retrouver une capacité à produire nous même ce qui est essentiel à la vie quotidienne moderne de nos concitoyens. Et ce n'est pas un hasard si en dernier j'ai rajouté quelque chose qui pourrait paraître à première vue secondaire . Le domaine de la diffusion culturelle. Ce que j'entends par diffusion culturelle ce sont les moyens par lesquels nos concitoyens regardent des œuvres à caractère culturelles . On pensera tout de suite aux grands sites de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Notre protectionnisme culturel actuel est resté coincé dans les années 70 avec la politique du CNC qui promeut un cinéma français qui ne vaux plus grand-chose à l'heure actuelle, je dois bien le dire. Il s'agit d'une forme de protectionnisme désuet qui a eu aussi comme conséquence un copinage excessif et une baisse qualitative tendancielle. On le voit, le protectionnisme doit être pensé dans le temps et dans l'espace. S'il a eu un effet dans les années 70-80 sa trop longue durée sous forme de subvention financée par les places de cinéma essentiellement produite par des œuvres américaines a favorisé le clientélisme . La maison du cinéma français, loin d'avoir soutenu de nouveaux talents a perpétué des héritiers.

 

Et non content d'avoir eu des effets délétères sur le cinéma français, ce protectionnisme archaïque n'est plus du tout adapter à la situation présente. Le cinéma et la télévision classique sont probablement condamnés à disparaître à terme, or nous ne contrôlons rien des nouveaux canaux de diffusion. Est-il normal que des entreprises privées essentiellement américaines contrôlent à 100% les œuvres qui seront diffusées aux yeux de nos concitoyens ? Sachant l'importance de la production cinématographique et télévisuelle en termes d'information dans une société qui lit de moins en moins et dont la culture générale tend à s'affaiblir ? Quid des œuvres qui sortent des sentiers battus et qui ne sont pas bankable comme disent les Anglo-saxons ? Ne doit-on pas s'inquiéter de voir deux ou trois entreprises américaines se partager la totalité de la distribution d’œuvre télévisuelle et cinématographique à l'échelle mondiale? Quelle affreuse uniformisation du monde que ceux-ci ! Ces entreprises ne sont pas là pour faire de l'art ou de la création, mais bien du business. Quel appauvrissement absolu que de voir la seule logique marchande régir toute la création humaine dans le domaine ! Et c'est bien ce vers quoi nous allons si nous laissons le « marché » réguler tout seul cette question.

 

À mon sens la diffusion des œuvres culturelles est un bien public . Et c'est même un monopole qui devrait être public. En effet, la tendance de la population est de ne pas vouloir avoir plusieurs diffuseurs . Les gens souhaiteraient n'avoir qu'un seul abonnement à souscrire pour voir toutes les œuvres existantes. Dans un secteur de concurrence, il est évident que cela n'est pas possible à l'heure actuelle, du moins tant qu'il y a encore de la concurrence, les fusions et les rachats pouvant vite entraîner un monopole privé dans le domaine. La France pourrait mettre fin aux diffuseurs privés et créer un diffuseur public . Il ne s'agit pas ici d'interdire les productions étrangères, mais d'interdire la diffusion par des canaux sous contrôle étrangers. Les œuvres américaines pourraient ici être diffusées à travers ce canal public national. Il y aurait de nombreux avantages. D'une part, les Français n'auraient plus qu'à souscrire à un seul abonnement pour tout voir. Le revenu des œuvres diffusées serait évidemment rémunéré au prorata de l'audience de l’œuvre. Mais grâce au contrôle de la diffusion, nous pourrions aussi promouvoir des œuvres moins connues et moins mises en avant par le système commercial développé par les ténors du secteur et leurs algorithmes secrets.

 

L'autre avantage c'est que nous pourrions aussi financer des œuvres nationales par ce système avec un système similaire à celui du CNC, mais à ceci près que c'est le spectateur qui punirait ou récompenserait par des subventions les œuvres françaises à travers l'audience. En maîtrisant les tuyaux de la diffusion des œuvres culturelles, nous nous mettrions à l'abri d'un contrôle étranger dans un secteur clef de notre indépendance nationale. Parce que la nourriture de l'esprit est aussi essentielle que l’école à la formation des citoyens, nous ne pouvons laisser une telle chose aux mains des Américains.

 

Dernier secteur dont je parlerais rapidement celui du logiciel . À vrai dire je pense qu'il s'agit du secteur où l'autonomie stratégique pourrait être obtenue le plus rapidement avec un peu de volonté politique. En premier parce que l'informatique est un des rares secteurs où nous avons encore pas mal de compétences en France . Ensuite parce que les logiciels sont facilement reproductibles, copiables et qu'il existe depuis longtemps un monde du logiciel libre à l'échelle mondiale. De nombreux informaticiens se sont rapidement rendu compte du danger de laisser à quelques entreprises le soin d'imposer leur OS (operating system) et leur norme. Toute la branche des logiciels libres comme les OS Linux est née de ces évidences dans les années 90. Le temps venu nous pourront donc nous appuyer en partie sur cette immense collection de logiciel et d’algorithmes libres de droits pour reconstruire une autonomie stratégique dans le secteur.

 

Dans la prochaine partie du texte, nous réfléchirons à l'importance d'une restructuration du système financier français pour reconstruire une vraie politique industrielle.

 

 

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12 octobre 2022 3 12 /10 /octobre /2022 18:23

 

L'Europe de l'Ouest arrive désormais au stade terminal du libéralisme. Prônant depuis plus d'un demi-siècle une libéralisation au forceps et une dérégulation de tous les instants, la machinerie européenne a totalement cassé la capacité des nations qui en sont membre à l'autodéfense et à produire elles-mêmes ce dont elles ont besoin . En se spécialisant à outrance pour faire bonne mesure dans le grand mécano globaliste, les nations européennes ont finalement perdu toute forme d'indépendance et de capacité de souveraineté. Bien évidemment il s'agissait là de l'objectif premier de la construction européenne. Dans l'esprit, il fallait déconstruire les nations d'Europe pour faire de l'Europe une nation. Mais voilà, le monde est ainsi fait que l'on ne construit pas une nation en collant trois peuples disparates ensemble. Et même la construction des vieilles nations européennes fut une marche longue et sanglante que les idéologues bruxellois ont peine à imaginer. Et un marché financier et économique ne produit pas non plus une nation, il faut pour cela partager une langue, une histoire, une culture, une religion, un projet collectif . On a coutume de dire que l'argent ne fait pas tout, il faut croire que les européistes ont voulu faire une démonstration pratique du proverbe avec les nations .

 

La déconstruction des nations d'Europe n'a pas fait une nation

 

En ces temps de grand vent soufflant sur le vieux continent où les crises se multiplient, l'on voit bien que l'incapacité de la bureaucratie européenne à défendre ses propres intérêts provient tout simplement de l'incapacité à définir en réalité ses propres intérêts. La somme des intérêts de chaque nation européenne n'a pas fait un intérêt commun. Et à partir du moment où vous ne pouvez pas savoir quel est votre intérêt, il devient impossible d'avoir une stratégie claire. C'est la raison principale de l'échec de l'UE, elle ne sait pas où elle va ni qui elle est. Elle n'est en définitive qu'un assemblage artificiel d'intérêts souvent contradictoires qui ne se meut que grâce à des impulsions de quelques grands états dominants, surtout l'Allemagne. Une espèce de monstre de Frankenstein à l'échelle d'un continent. L'on voit bien ici avec l'UE que la taille n'a aucune importance en matière de grande politique et de souveraineté, tout aussi théoriquement puissant que puisse être l’ensemble européen, son unification autour d'un pouvoir central l'a considérablement amoindri au plan international. Nous avons ici l' exemple d'un ensemble qui fait finalement moins bien que la somme des partis qui le compose. L'Europe plus divisée de 1960 pesait nettement plus lourd que l'Europe unie de 2020. Car l'UE n'a pas défendu les intérêts de ses membres et n'a pas plus défendu celui qu'elle n'a pas pu définir. Elle a accompagné la désindustrialisation du continent, sa perte en termes de capacité technique et de créativité. Et point d'orgue de son inaction, elle n'a strictement rien fait pour combattre le déclin démographique du continent en dehors de l'organisation d'une immigration qui s'apparente de plus en plus à une nouvelle forme de colonisation qui sera extrêmement dangereuse à long terme.

 

Pire que ça, l'UE est devenue le jouet exclusif de sa puissance tutélaire américaine. La voici plongée dans un conflit avec la Russie pour défendre les intérêts à peine cachée de la puissance anglo-saxonne. Et dire que l'on nous présentait jadis l'UE comme un barrage à la puissance américaine et l'euro comme un remède au dollar. Ce fut finalement l'inverse qui se produisit et avec l'effondrement rapide de l'euro l'on pourrait même craindre à terme une dollarisation progressive de la zone . Pourquoi en effet utiliser une monnaie qui singe l'empire quand on peut directement utiliser la monnaie impériale ?

 

La souveraineté et la puissance

 

La France fut un très gros pays démographiquement parlant.

 

J'ai souvent expliqué sur ce blog la nécessité qu'il y a, à bien distinguer la notion d'indépendance de celle de puissance . C'est un point essentiel pour bien situer la notion de souveraineté . Il y a malheureusement dans la classe sociale supérieure française un problème de confusion en la matière qui provient essentiellement de notre histoire nationale propre. La France a longtemps été la Chine de l'Europe avec une démographie largement supérieure à celle de ses voisins . Ce poids démographique a naturellement donné du poids à la France d'un point de vue historique . On a du mal à l'imaginer aujourd'hui, mais la France a longtemps été le troisième ou quatrième pays le plus peuplé du monde. Donc évidemment ce poids de longue durée a eu un effet sur la culture des élites habituées à être un centre de gravité intellectuel et culturel. Cela se combinait assez bien d'ailleurs avec la culture égalitariste des familles du bassin parisien pour faire appel à une base d'analyse Toddienne. Le problème c'est que depuis plus de deux cents ans la France décline d'un point de vue démographique relatif. Notre poids a baissé dans des proportions phénoménales. Des régions du monde jadis sous-peuplées sont désormais largement plus peuplées que nous et notre poids relatif a donc décru dans les mêmes proportions. Pendant un temps l'industrialisation précoce de l'Europe et de la France a maintenu l'illusion de grandeur française, mais maintenant le monde entier s'industrialise et là encore nous perdons du poids. Cette réalité doit être admise, la France et l'Europe ne pèseront plus grand-chose dans les décennies qui viennent. Mais ce n'est pas un drame pour autant . Nombreuses sont les nations de petites tailles qui n'ont jamais pesé vraiment sur l'histoire, mais qui ont pu continuer tout de même à écrire leur propre histoire et c'est cela en définitive qui importe le plus, le fait de pouvoir continuer sa propre histoire en tant que peuple.

 

C'est cette réalité que fuient nos élites en cherchant un empire de substitution. À travers l'UE ou à travers les USA quand ils se font plus atlantistes que les Américains eux même ils cherchent à retrouver ce poids qui était celui de leurs glorieux ancêtres . L'immigration délirante elle-même peut être vue comme la poursuite de cette course à l'abîme impérialiste, un délire qui consiste à vouloir être plus grand qu'on ne l'est, au risque même d'y perdre son identité et son âme en tant que peuple et nation. Et peu importe s'il ne s'agit que d'une illusion qui nous conduit au désastre, l'important c'est d'avoir encore l'impression d'être important. Ils ont ainsi laissé tomber le récit national pour celui de l'Europe et de l'Atlantisme pour s’identifier encore une fois à ceux qui comptent. Cette réalité est particulièrement importante en France parce que nous avons été longtemps une grande puissance, mais aussi parce que la mentalité égalitariste du cœur de la France a facilité cette identification à l'autre. La même mécanique qui permet au français d'aimer le monde entier et d'accepter si facilement l'immigration produit aussi cet étrange phénomène d'acceptation de sa propre disparition dans un ensemble plus grand. Notre égalitarisme hérité des structures familiales du bassin parisien qui a été une force lorsque nous étions grands est aujourd'hui une faiblesse qui facilite notre dissolution nationale.

 

Car le problème comme nous l'avons vu précédemment c'est que l'UE n'est pas une nation. La destruction de la nation française ne nous a pas fait intégrer une nation plus grande dans laquelle nous faisons corps, mais a simplement laissé les Français orphelins d'une identité collective, d'une force collective qui agit en leur nom. Nous ne sommes plus qu'un amas d'individus égocentriques, apeurés et perdus au milieu d'un monde de nations collectives qui ,elles, défendent leurs intérêts nationaux. S'en suit bien évidemment un déclin de plus en plus rapide, car seul un collectif peut combattre un autre collectif. Oubliez les imbécillités survivalistes, nul individu ne peut survivre vraiment seul dans le monde tel qu'il est.

 

Il nous faut donc en France réhabiliter la souveraineté nationale comme seule porte de sortie aux problèmes français. La recherche de la puissance n'est qu'une illusion dangereuse qui conduit le pays et le continent au désastre. On en a la preuve en ce moment même, le soutien franco-allemand à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine n'étant pas étranger au conflit avec la Russie. Et cet élargissement est le produit d'un sentiment de puissance produit d'une part par l'illusion européenne d'autre part par l'identification des élites du continent à l'empire américain. Mais l'hubris n'a jamais été un bon conseillé dans l'histoire. Il nous faut donc une souveraineté à petite dimension, mais une souveraineté tout de même . L'important n'étant pas la taille ou votre dimension économique, mais bien votre capacité à pourvoir aux besoins de votre population. En ces temps de disette énergétique l'on voit bien que la grosse Europe devenue dépendante excessivement de l'extérieur pour cause de divagation idéologique est moins souveraine que la France du début des années 80 qui avait réalisé une certaine autonomie énergétique stratégique grâce au développement du nucléaire. Pour résumer la chose, mieux vaut être petit et autonome que gros et dépendant. Et c'est d'autant plus vrai si l'on est attaché à la notion de démocratie qui est totalement dépendante de la notion de souveraineté. Nul n'est démocrate s'il n'est maître en son pays. Vouloir perdurer doit devenir le projet français du 21eme siècle, et c'est un projet noble, qui vaut bien tous les empires du monde.

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26 septembre 2022 1 26 /09 /septembre /2022 16:09

 

Ces derniers temps l'histoire politique en Europe a une fâcheuse tendance à radoter . D'élection en élection, les peuples se trompent, ou sont trompés, avec la régularité d'un métronome. La nouvelle élection en Italie ne fait pas vraiment exception. Je vois d'or et déjà toute la fausse opposition de droite française exulter à la mesure des réactions négatives des militants macronistes basiques qui détiennent la totalité des médias français. Un peu à l'image de Janus, notre farce politique que nous appelons la démocratie est toujours coupée en deux avec le duopole du méchant et du gentil, de l'intolérant et du tolérant, du nationaliste et du globaliste. La politique en France et en Europe en est ainsi réduite à cet état de fait par la disparition progressive de la vie politique publique, les gens ne font plus vraiment de politique et ne font plus vivre la vie civile de la cité. L'information n'est plus que le divertissement et le jouet du copinage entre intérêts privés de quelques milliardaires. Comment un peuple qui ne s'intéresse plus à la politique, qui s'informe très mal et qui connaît un individualisme galopant pourrait-il dès lors choisir avec intelligence ceux qui le dirigent ?

 

On pourrait croire sans trop se tromper que la décadence occidentale date en réalité de l'arrivée des médias de masse, en collusion avec l'individualisme hédoniste produit par la société de consommation. Momentanément, le confort et la prospérité ont éloigné le citoyen de la pensée collective, prémisse pourtant indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie . Et cette disparition du patriotisme qui est la marque véritable de la volonté collective du citoyen, comme l'avait bien vu Montesquieu, a entraîné la fin du fonctionnement des républiques et de la démocratie. Quand le patriotisme disparaît, la république s’affaiblit et le bien commun devient l'affaire de quelques particuliers. Nous y sommes que ce soit en France, en Italie, aux USA ou en Allemagne. Paradoxalement, les nations non organisées par le régime démocratique semblent mieux s'en sortir à commencer par la Chine. Si le régime chinois n'est guère enviable sous bien des aspects, son fonctionnement le rend mécaniquement imperméable aux aléas des modes du système médiatique. Cela permet quelque chose dont les nations d'occident sont aujourd'hui bien incapables, la projection à long terme et la vision collective. Il se pourrait bien que les masses médias et l'individualisme poussé à son paroxysme aient en fait condamné la démocratie et les nations qui la pratiquent à mort .

 

Les problèmes euro-italiens

 

Pour en revenir à notre élection, celle-ci est marquée encore une fois par des positions assez incohérentes de la part des acteurs. Si l'union de la droite italienne se présente comme une alternative au système avec des positions anti-immigration, le reste de son programme est en fait extrêmement européiste. Sur le plan économique, on a une vision ultralibérale classique avec une volonté de ne pas taxer les pauvres petits riches . Une politique extérieure totalement alignée sur l'OTAN et Washington. Une politique énergétique qui consiste à ressasser les mêmes salades sur les énergies alternatives, etc. On peut lire une traduction sur ce site qui est bien d'obédience ultralibérale . Point d'orgue, on apprend que cette alliance de droite est totalement européiste et ne compte absolument pas sortir de l'UE ou de l'euro. Cependant, on se demande bien comment ils comptent défendre les agriculteurs italiens comme ils l'affirment sachant que l'UE signe un nouveau traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande en ce moment même. On a ici une contradiction directement produite par le système de communication, aucun journaliste ne soulevant ce genre d'absurdité. L'on pourrait dire exactement la même chose du RN qui depuis le tournant eurolibéral de 2017 ne fait plus que des postures grotesques sans cohérence, idem pour le groupe politique de Mélenchon.

 

Le plus impressionnant c'est que cette nouvelle élection n'a guère abordé les gros problèmes de l'Italie. L'énorme dette par exemple n'est plus vraiment remboursable . Or cette dette est le produit direct de l'adhésion à l'euro . Euro dont les Italiens ont été la plus grosse victime . Évidement la question ne sera jamais abordée par l'alliance de droite, il ne faudrait pas frustrer les vieux électeurs européistes. Alors il y a quelques mesurettes notamment sur la politique de la natalité, mais rien qui ne puisse vraiment inverser la situation. Une politique nataliste ne peut en aucun cas redresser une situation démographique produite par une panne économique de plus de vingt ans. Car pour avoir des enfants, il ne suffit pas d'avoir des allocations qui seront toujours insuffisantes pour faire vivre décemment une famille. Il faut avoir un emploi et une perceptive économique pour fonder une famille. Chose qui est de plus en plus difficile à trouver en Italie tout comme en France (malgré les tripatouillages du chiffre du chômage dont on reparlera dans un autre texte). La dette publique italienne atteint la bagatelle de 174% du PIB et contrairement au Japon les impôts sont déjà assez élevés, la pression fiscale pourra donc difficilement augmenter dans les proportions nécessaires au remboursement de la dette et des intérêts.

 

Désastreuse pyramide des âges italienne
La dette Italienne (source OCDE)

C'est d'ailleurs cette question qui actuellement travaille beaucoup l'UE et les européistes. En effet, si les dettes publiques de la France, de l'Italie, de la Grèce ou de l'Espagne permettent de maintenir la zone euro par la menace sur la montée des taux et le risque d'explosion de la zone, c'est paradoxalement aussi ces dettes qui fond monter la pression économique. La stratégie allemande qui domine l'UE consistait à asphyxier progressivement ses principaux concurrents sur le continent à savoir la France et l'Italie. La stratégie a très bien marché, à partir de l'euro et de la mise en application de la loi Hartz mise en place en 2003, la baisse du coût du travail en Allemagne a permis l’accroissement progressif des excédents commerciaux allemands et le déclin progressif de l'industrie française et italienne. Ces pays n'ayant plus la possibilité de dévaluer comme ils réagissaient avant. Il faut rappeler au passage que la période de grand dynamisme italien après guerre fut accompagnée d'inflation comme en France et de dévaluations régulières. La France et l'Italie d'après guerre ont eu une croissance bien plus forte que l'Allemagne à la même époque. Ce n'est qu'à partir de la mise en place de l'idéologie de la monnaie forte accompagnant les délires libéraux des années 70 que les choses commencent à se gâter.

La croissance italienne cassé par le libre-échange en 1974 puis totalement par l'euro en 2002 (source OCDE)

Cependant, depuis l'affaire du Covid et la déstructuration du commerce international dans lequel l'Allemagne avait construit sa stratégie, le pays connaît des difficultés. Comme nous en avons déjà brièvement parlé, l'Allemagne a certes gardé des industries, mais elle s'est surtout spécialisée dans l'assemblage et la ponction des dividendes liés au commerce lointain. Coupé de la Chine ou de l'Europe de l'Est, l'industrie allemande tombe en panne faute de pièces à assembler. Pire, maintenant elle se retrouve à court de gaz et d'énergie à cause du dogmatisme pseudoécologique qui la travaille depuis 20 ans et du dogmatisme atlantiste qui l'oblige à se suicider en se passant du gaz russe. Résultat, l'excédent commercial allemand s'est effondré et celui de la zone euro avec. Donc maintenant la stratégie qui consistait à maintenir sous perfusion une France et une Italie surendettées par la stratégie commerciale agressive de l'Allemagne se retourne contre elle et la structure bureaucratique européenne . La crise des taux et la baisse rapide de l'euro sont liées à cette situation rocambolesque produite par 20 années d’absurdité macroéconomiques et monétaires. Et l'Italie bien malgré elle et malgré le nouveau gouvernement se retrouve dans une situation explosive.

 

L'histoire italienne ne sera pas écrite par son gouvernement

 

Balance commerciale Italienne et française

Pas plus que dans le cas français, l'Italie n'a pas les élites pour changer de direction le pays. Il y a trop de monde qui a un intérêt au statu quo à la tête de l'état, et des grandes entreprises. De plus, l'Italie tout comme l'Europe en général est un pays de vieux, or, ce vieillissement a comme principal effet un décalage de plus en plus grand entre la réalité instantanée du pays et la vision qu'en a la majorité vieillissante de la population. Plus que la peur c'est l'intérêt à court terme qui motive l'inaction, les vieux vont bien et tant pis pour les jeunes, en gros. Mais l'euro qui a réussi à survivre à la crise des subprimes par l'amoncellement de dettes publiques et privées ne pourra pas être sauvé cette fois-ci, en tout cas pas de la même manière. L'Allemagne est aujourd’hui touchée, l'inflation et la crise énergétique vont avoir des effets extrêmement délétères sur elle comme sur nous. Si la question italienne est intéressante, ce n'est certainement pas pour ses élections ou son gouvernement, mais bien parce que les tensions et la crise sont particulièrement élevées dans ce pays. Une explosion des taux en Italie et une crise monétaire massive pourrait être la vraie fin pour l'euro . Et contrairement à la France, l'Italie a fait le choix de la contrition économique depuis 2010, une contrition qui a coûté cher aux Italiens, mais qui a mis le pays dans une meilleure situation commerciale. L'Italie a des dettes publiques, mais elle a un léger excédent commercial. C'est aussi un des effets de la dépression démographique, la demande intérieure baisse mécaniquement. Sous la pression des événements, il n'est donc pas à exclure une sortie de l'euro en catastrophe . Le gouvernement italien pourrait même en profiter pour faire défaut sur une partie de la dette, voir sur sa totalité. Quand on connaît l'histoire économique, on sait bien que les dettes ne sont pas souvent remboursées, la plupart du temps elles sont monétisées. Mais dans le cas d'une catastrophe monétaire, une répudiation de dette pure et simple n'est pas à exclure surtout si les détenteurs de titre italiens sont des étrangers . Les étrangers détiennent 36% de la dette italienne et la BCE 19% (chiffres de 2018), un défaut de paiement en pareil cas pourrait moins douloureux qu'on ne le croit pour les Italiens.

 

Pour tout vous dire l'évolution de la situation italienne pourrait fortement changer en fonction des actions des élites européistes. Si le nouveau gouvernement adhère largement à la doxa européenne comme le montre son programme, il n'est pas sûr qu'il puisse le rester s'il se fait menacer et insulté ouvertement en permanence. Nous sommes dans un monde essentiellement dirigé par la communication et les médias. On le voit dans la guerre ukrainienne. Le changement de politique en Italie et la rupture avec l'UE pourrait ainsi ne pas venir du gouvernement italien lui même, mais de sa réaction face à une avalanche de mesure anti-italienne de la part de l'UE et de sa direction folle-dingue. Le racisme ontologique des allemands vis-à-vis des peuples latins faisant le reste. Pour sauver la face, les dirigeants italiens pourraient se retrouver contraint à la rupture avec l'UE et l'euro.  C'est la seule hypothèse positive que je puisse trouver dans l'élection qui a eu lieu en Italie pour l'instant.

 

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