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19 avril 2024 5 19 /04 /avril /2024 15:38

 

Gabriel Attal vient de faire un discours voulant en apparence s'attaquer à la violence qui grossit dans notre pays et fait de plus en plus la une des journaux. Un discours nous disant en gros que cette fois c'est fini, il n'y aura plus de culture de l'excuse, et que l'on remettrait l'autorité nécessaire au bon fonctionnement de la société en particulier dans les établissements scolaires. Bien évidemment, personne ne croit une seule seconde à la possibilité pour l'état d'agir efficacement en la matière, même si les journalistes et le petit milieu parisien soutiennent en apparence le pouvoir en place. La population n'attend en réalité plus grand-chose de l'état dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Mais cette situation de dégradation permanente n'est pas le fruit du hasard ou simplement le produit du nihilisme toddien dont on a parlé fréquemment. Cette impuissance est le produit du néolibéralisme lui-même qui a institué une forme d'impuissance collective totale avec ses principes de laissez-faire en tout domaine et de survalorisation de la valeur marchande. Nous y reviendrons par la suite.

 

Concernant la question éducative dont a parlé Attal, le problème est multifactoriel. Accuser simplement l'idéologie de l'excuse est un peu court, pour ne pas dire ridicule. Une bonne part de cette culture de l'excuse s'explique en effet par les restrictions budgétaires. Comment mettre les gens en prison si l'on a ni le personnel pour les juger, ni le personnel pour les garder en prison , ni d'ailleurs les places de prison? La question des moyens est intimement liée à la question de la mise en pratique de la loi. Et l'on sait depuis longtemps qu'en France on fait des lois qu'on ne se donne pas les moyens d'appliquer. C'est vrai pour la petite délinquance comme pour la grosse d'ailleurs. On pourrait continuer en parlant des réformes scolaires qui ne sont jamais faites pour des questions d'efficacité éducative en réalité, mais simplement pour des questions budgétaires. Il en est ainsi pour presque toutes les questions régaliennes concernant l'état. La logique purement comptable a remplacé toute autre forme de priorité, mais nous allons y revenir. Pour cette question purement éducative, que fait-on de la question migratoire t? Une question qui est pour ainsi dire totalement ignorée des pouvoirs publics ? L'affaire montpelliéraine au collège Arthur-Rimbaud qui s'est déroulée récemment fut pourtant clairement le produit de la non-intégration des populations musulmanes de plus en plus revendicatives.

 

Je connais bien ce coin, et les quartiers de la Paillade et du Petit-Bard très proches fournissant l'essentiel de la population de ce collège. Ce sont des territoires que l'on peut qualifier d’étrangers, n'ayons pas peur des mots. La France dit être laïque, mais dans ces quartiers l'islam est omniprésent y compris dans les écoles. Et je n'en veux pas aux profs, ils sont comme des colons en terre étrangère, impossible d'y pratiquer les « valeurs » de la république quand il n'y a aucun français réel dans vos classes. Mais il est vrai que sur le papier ils sont français. On n’entend pourtant toujours pas le gouvernement vouloir réellement mettre une limite à l'immigration. Je rappelle qu'en France l'immigration n'est pas une immigration de travail contrairement au discours officiel, c'est essentiellement une immigration de regroupement familial qui coûte très cher au contribuable français quoi qu'on en pense. Cependant, il y a toujours cette idéologie qui gouverne notre pays et nos élites avec l'idée que toutes les populations sont interchangeables et que les trous dans la pyramide des âges peuvent être comblés en permanence par l'importation de populations bigarrées sans aucun problème. Si l'immigrationnisme est très fort à gauche, il ne faut pas oublier que la suppression des frontières est surtout un des dogmes libéraux, y compris sur les questions des mouvements des populations.

 

Pour terminer avec ce préambule sur la délinquance en France et dans le milieu scolaire je rappellerai ce chiffre qui montre qu'on a un grave problème dans l'éducation des garçons. Un problème qui est carrément gargantuesque avec les jeunes garçons d'origine maghrébine . Les chiffres suivants viennent de monsieur Jean-Louis Auduc qu'on ne peut pas vraiment qualifier d'extrême droite puisque ces chiffres viennent du site plutôt de gauche Café Pédagogique. Ainsi seulement 43% des garçons d'origine maghrébine arrivent à avoir le BAC contre 47% des filles de même origine. Chez les Français « de souche », on obtient respectivement 64% pour les garçons et 74% pour les filles. Si ces chiffres n'expliquent pas directement la violence des jeunes garçons d'origine maghrébine, ils l'expliquent en partie. L'échec scolaire aggrave mécaniquement les difficultés d'insertion. Nous en avions parlé dans un texte suite aux dramatiques émeutes de l'été dernier que les médias ont fait beaucoup d'efforts pour oublier. Or cette question est trop rarement abordée. Il ne s'agit pas d'un problème de nature des populations maghrébines, le Maroc élève très bien ses enfants qui ont d'ailleurs sûrement un bien meilleur niveau que les élèves français aujourd'hui par exemple. Il s'agit d'un problème d'immigration de population aux structures anthropologiques et à la culture diamétralement opposée aux nôtres. Tant que nous ignorerons cette question pour faire de faux diagnostics nous ne nous en sortirons pas. Mais revenons sur les questions économiques et sur l'impuissance de l'état, car la question des moyens est aussi au cœur du sujet.

 

Le modèle néolibéral sape structurellement les capacités de l'état

 

Dans les solutions régulièrement claironnées aux problèmes de société dont nous sommes victimes revient toujours la question des moyens. Et pour cause, l'action de l'état et des collectivités locales est toujours liée à cette question. Comme je l'ai dit, il est bien difficile de mettre les gens en prison si vous n'avez pas de place pour les mettre. Il est aussi difficile de remédier aux enfants turbulents s'il n'y a pas de classes et de professeurs spécialisées pour les remettre dans le droit chemin. Le laxisme judiciaire s'il a une composante idéologique a aussi une forte composante pratique. Les juges connaissent l'état des prisons en France, tout comme ils connaissent le manque de moyen pour faire simplement les jugements. Bref, dans une grande partie des problèmes de la France revient systématiquement la question des moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Et cette réalité n'est pas le produit du hasard, mais celui de notre modèle économique mis en place pendant les années Giscard, et qui n'a fait que s'approfondir depuis.

 

Certains font la distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme. Je pense que la distinction est surfaite. Je pense qu'il vaut mieux distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique, deux pensées qui sont même souvent antagonistes. En effet, le libéralisme politique pense qu'un homme égale une voix quand le libéralisme économique pense qu'un euro égale une voix. On voit tout de suite avec cette représentation l'opposition qu'il peut advenir entre les deux pensées du libéralisme. Et si je critique fortement le libéralisme économique, je reste personnellement très attaché aux principes du libéralisme politique même s'il a lui aussi ses limites. La distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme est beaucoup plus ténue. Je dirai que le fond est le même en réalité. Il s'agit fondamentalement de l'idée que l'action individuelle ne doit pas être entravée et que l'intérêt général découle naturellement des actions économiques égoïstes de chacun. C'est le fameux principe que la fable des abeilles de Mandeville qui est complètement fausse quand on connaît réellement le fonctionnement des insectes collectifs qui n'ont pas de libre arbitre.

 

La différence entre le libéralisme et le néolibéralisme est avant tout le cadre religieux et moral. Si Adam Smith a inventé cette idéologie, il ne faut pas oublier que ce libéralisme était pensé dans le cadre d'une logique morale chrétienne. Il y avait des choses que l'on ne faisait pas, et l'on était attaché à son pays, en l’occurrence à la Grande-Bretagne concernant Smith. Ce libéralisme était donc implicitement un libéralisme modéré par des principes moraux, religieux et patriotiques. Le néolibéralisme c'est en gros la même chose, mais sans ce cadre. D'où les dérives qu'il produit puisqu’effectivement il ne prend plus en compte ni la morale, ni la décence sociale, ni l'intérêt national. Le néolibéralisme était en fait en gestation dans le libéralisme économique depuis le début . Tant que les digues des tabous collectifs étaient là, cela pouvait fonctionner, mais sans ça c'est la catastrophe. C'est ce que nous vivons depuis 50 ans maintenant puisque le tournant néolibéral en France date de 1974 environ.

 

Ce néolibéralisme a fait sauter toutes les frontières en particulier économiques permettant aux plus riches d'échapper à la solidarité nationale par l’impôt et aux entreprises de maximiser leurs profits en délocalisant. Mais pour l'affaire qui nous concerne, c'est-à-dire l'impuissance publique, c'est la fin du circuit d'échange macroéconomique qui fut la vraie catastrophe. En effet en ouvrant les échanges extérieurs vous cassez le lien entre la consommation et la production. Vous créez des fuites dans le circuit économique. Autrefois quand l'état dépensait de l'argent, il émettait de la monnaie qui circulait dans le circuit économique. La question des dépenses comme si l'était un foyer n'avait pas de sens, car les dépenses étaient récupérées par la dynamique économique produite par la dépense étatique. L'état récupérait par les impôts ce qu'il dépensait dans la société, et si ce n'était pas par l'impôt c'était aussi par l'inflation. Rappelons au passage que l'inflation pendant les trente glorieuses était située entre 4 et 5 % par an plus que l'épisode d'inflation que nous venons de connaître. Mais grâce au circuit économique relativement fermé, les salaires suivaient l'inflation quand ils ne la dépassaient pas régulièrement. En fait, il est assez facile de montrer le fonctionnement du multiplicateur keynésien de cette manière comme je l'ai souvent fait, vous pouvez revoir ça dans ce texte par exemple.

 

De fait dans un contexte de chômage de masse l'augmentation de la masse monétaire n'est absolument pas un problème bien au contraire. Mais cela suppose que l'économie forme un circuit assez fermé et que vous produisiez ce que vous consommez. L'état pouvait donc payer des services même plus cher tant que cela restait dans le circuit économique national. L'argent revenait mécaniquement par l’impôt et l’augmentation du PIB produit par le multiplicateur keynésien . C'est ce système qui a produit la croissance après guerre en France et en occident. Bien sûr si vous augmentez la masse monétaire de façon excessive par rapport à la masse salariale et aux besoins, vous pouvez produire aussi une inflation excessive. Mais bien équilibré, ce système fonctionne et fonctionne encore très bien aujourd'hui. La Russie qui a une économie qui a été fermée de l'extérieur connaît maintenant une dynamique économique très forte grâce à ce mécanisme. Les dépenses militaires nourrissant la croissance économique nationale. Le protectionnisme a obligé les entreprises à faire des gains de productivité aussi à cause du manque de main-d’œuvre. L'économie monétaire de production de type keynésienne fonctionne toujours très bien contraire au système libéral.

 

Mais depuis les années 70, l'idéologie néolibérale a pris le dessus et nous avons cassé ce lien faisant de l'état un acteur économique comme un autre qui doit équilibrer ses comptes même si le pays s'effondre. L'impuissance publique actuelle est en grande partie le fruit pourri de cette idéologie de petit comptable. Une idéologie que les USA ne pratiquent pas d'ailleurs ce qui explique que ce pays globalement sort des crises beaucoup plus rapidement que l'UE et la zone euro. On voit même l'état chercher même pour les commandes publiques les acteurs les moins chers possibles, souvent étrangers, comme s'il était un consommateur lambda cherchant le prix le plus bas au supermarché du coin. Oubliant que moins l'argent circule dans le pays, plus le pays va mal, et plus les rentrées fiscales sont faibles. Cette logique de petits comptables que Keynes critiquait déjà pendant l'entre-deux-guerres est en grande partie responsable de notre impuissance. Que ce soit en matière de sécurité ou d'éducation. Or vous n'entendrez jamais Gabriel Attal ou nos énarques souligner cette question cruciale faisant semblant de résoudre les problèmes par la parole puisque les actes sont impossibles dans le petit monde étriqué du néolibéralisme. Mais ce n'est pas si grave pour eux, puisque les couches aisées peuvent échapper à ces problèmes grâce à leur argent, enfin pour l'instant.

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15 avril 2024 1 15 /04 /avril /2024 15:41

 

L'histoire semble encore une fois s'accélérer. Après la guerre en Ukraine et l'ignoble attaque du Hamas contre Israël qui a ensuite conduit à une attaque très meurtrière contre les populations palestiniennes, voici que le conflit s'étend maintenant à l'Iran, sans oublier le pauvre Liban qui n'avait vraiment pas besoin de ça. Nous avons l'impression d'un embrasement général un peu partout où des tensions anciennes existaient. Car ne nous y trompons pas, si ces conflits n'ont aucun lien direct, surtout le conflit ukrainien et le conflit au Moyen-Orient, ils ont tout de même un lien indirect, la structure impériale américaine. Nous y reviendrons par la suite. Il y a également un lien sur la situation interne des deux principaux protagonistes de ces conflits en l’occurrence l'Ukraine et Israël. Emmanuel Todd a très bien décrit l'Ukraine comme un état faillit, en voie de dislocation, mais qui a retrouvé une certaine unité grâce au conflit avec la Russie. La bonne vieille méthode du conflit pour créer un mouvement fédérateur est ancienne comme la civilisation, si je puis dire. Et l'on pourrait penser qu'en fait la guerre contre la Russie n'avait pas tant pour but de repousser les Russes, que de recréer un lien dans la population ukrainienne.

 

Si l'on part du principe que l'état ukrainien était très fragile, et que l'unité n'était qu'une façade, cette guerre prend un autre sens qu'une simple question de territoire. Ce pays a été largement manipulé depuis vingt ans par des puissances étrangères à commencer par les USA, mais aussi leurs satellites européens. L'on pourrait même dire que quelque part l'Ukraine est dès le départ une création assez artificielle collant des populations dans un ensemble qui n'avait pas vraiment de substance historique. Ce n'est pas une critique, juste un constat. Cette région d'Europe a malheureusement longtemps été le champ de bataille de nombreuses autres puissances. On ne va pas faire l'historique depuis la création de la Rus' de Kiev au 9e siècle, mais c'est un territoire qui n'a pas réussi à créer une entité politique forte et autonome suffisamment longtemps pour créer véritablement une nation solide. Elle avait aussi subi les violentes invasions des hordes, les Mongoles ayant particulièrement ravagé ces territoires lors des invasions au 13e siècle. Après cette période le territoire ukrainien passera tour à tour sous domination polonaise, autrichienne, ottomane et russe. Tout ceci laisse des marques et fragmente les identités territoriales. L'Ukraine actuelle fut donc surtout une construction arbitraire de l'état soviétique qui donnera des terres russophones à l'actuelle Ukraine (Crimée, Donbass).

 

C'est probablement cette fragilité qui a poussé en partie les élites d'Ukraine à construire un conflit avec Moscou. Ils espéraient ainsi unifier le pays à travers un processus d'externalisation de la violence. Et cela a fonctionné pour l'ouest du pays. Tout ceci a produit un désastre humain, mais on peut dire que l'identité ukrainienne en est ressortie renforcée du moins à l'ouest du pays. On pourrait penser d'ailleurs que les eurocrates à la Macron souhaitent faire la même chose à l'échelle de l'UE avec un conflit contre la Russie, mais c'est une autre histoire. Reste que si le conflit entre la Russie et l'Ukraine s'explique en partie par des traquenards anglo-saxons, des couardises européennes, il y avait quand même un intérêt local puissant. S'il n'avait pas existé, les puissances externes n'auraient pas pu atteindre leur objectif de conflit ukrainien avec la Russie. Par contre, ils n'avaient probablement pas prévu la tournure des événements comme c'est souvent le cas en la matière.

 

Au risque de me retrouver comme un paria, c'est un peu la même histoire avec Israël toute proportion gardée. Après tout, c'est quoi Israël ? Un état colonial artificiel quoiqu'on en dise. On pourrait même dire que c'est un état beaucoup plus artificiel que l'Ukraine dans bien des aspects. Après tout, la population d'Ukraine n'est pas le résultat d'une colonisation récente, ce sont les populations qui peuplent ces terres depuis des générations, elles n'ont juste pas eu la possibilité de créer un état stable sur une longue durée. Israël c'est non seulement un état récent, mais avec une population qui est en grande partie le produit d'une immigration extrêmement récente aussi. Les véritables habitants du coin, on a tendance à l'oublier, étant les Palestiniens qui sont très vraisemblablement les vrais descendants du fameux état israélien de l'antiquité. Il est toujours difficile de parler d'Israël sans être taxé d'extrémiste ou d'antisémite à tout bout de champ. Les colonialistes israéliens ayant quand même beaucoup de défenseurs sous nos latitudes. Une façon probable de se donner bonne conscience à peu de frais en jouant les défenseurs des « juifs » contre les méchants antisémites. Mais cette méthode éculée commence quand même à s'user à force de défendre l'indéfendable.

 

D'une part, Israël n'est pas les « juifs , il faut le rappeler. C'est un pays avec des frontières et une histoire qui lui est propre, il doit être jugé comme tel. Et l'on ne peut pas à la fois condamner les musulmans extrémistes qui attaquent en France tous les juifs, sous le prétexte de défendre les Palestiniens, tout en disant que la critique d'Israël est antisémite par nature. L'amalgame doit être rejeté à la fois des deux côtés, sinon on tombe dans l’arbitraire et la dichotomie logique. Il est certain que nombre de critiques d’Israël sont antisémites, nul doute sur la question, mais tous ne le sont pas. Il y a bien matière à critiquer ce pays en particulier dans ses actions récentes, et ce de façon tout à fait rationnelle y compris pour sa propre survie à long terme. Et c'est là que je fais le lien avec l'Ukraine. En effet, Israël étant un pays assez artificiel peuplé de population venant des quatre coins de l'Europe, les fragmentations internes sont nombreuses. La plus forte ,et qui se faisait fortement sentir avant l'attentat du Hamas, étant celle qui concerne les laïcs et les orthodoxes.

 

En effet, les tensions se multiplient entre eux depuis longtemps. On voyait même avant le conflit des rabbins insultants littéralement les laïcs du pays. Cette fragmentation est aussi inscrite dans la légalité, les ultra-orthodoxes sont par exemple exemptés de service militaire, alors que ce dernier est long et difficile en Israël pour des raisons évidentes. D'ailleurs, le conflit actuel semble augmenter les tensions sur cette question avec des laïcs qui critiquent de plus en plus ces exemptions. Ajoutons à cela la fragmentation démographique du pays. Israël est un des rares pays développés à avoir un fort taux de natalité avec 2,9 enfants par femme (chiffres de 2022) . Le conflit avec le monde musulman conduit ce pays à une natalité de guerre si je puis dire qui rend probablement anormale son évolution démographique. Mais il y a une forte différence interne entre les laïques et les orthodoxes. En 2008 la natalité chez les laïcs était de 2,7 enfants par femme alors qu'elle a culminé entre 7 et 8 chez les orthodoxes. Une telle disparité a forcément des effets politiques importants à long terme, augmentant mécaniquement le poids démographique et donc politique des plus extrémistes. Il s'agit là peut-être d'une explication du passage d'un Israël relativement raisonnable sous Yitzhak Rabin à la situation actuelle où les extrémistes semblent sans entraves politiques. Mais à cette question démographique croissante, du poids des extrémistes s'ajoute aussi le besoin d'ennemies pour Israël. Comme dans le cas de l'Ukraine, le caractère artificiel de l'état, fruit d'un fantasme millénariste, et de la Seconde Guerre mondiale, l'ennemie commune est un moyen de rassembler des populations fortement disparates. On peut se poser la question de savoir si la plus grande peur d'Israël n'est finalement pas la paix avec ses voisins .

 

Le déclin impérial américain

 

Nous avons donc vu que les conflits actuels ont pour acteur des pays qui sont en fait relativement instables sur le plan intérieur et dont les conflits sont une forme de sauvegarde contre la décomposition interne. Mais il y a bien évidemment un autre facteur à tout ceci, c'est la situation impériale américaine. Il n'a échappé à personne que les USA ne sont guère enthousiastes pour ces conflits. L'Ukraine est de plus en plus vue comme un boulet coûteux, d'autant que le principal objectif américain a été atteint, celui de la coupure économique entre l'Allemagne et la Russie. Je reste persuadé que la destruction de la Russie ou son affaiblissement n'était qu'un objectif assez secondaire. C'était plus un fantasme qu'autre chose. Mais le conflit au Moyen-Orient n'arrange pas non plus Washington. Les tensions sur le système militaro-industriel américain sont de plus en plus grandes et ce pays n'arrive pas à suivre la cadence des conflits produits par ses subalternes. D'autant que les USA n'ont au fond qu'un seul adversaire qui lui n'est dans aucun conflit, la Chine.

 

Au contraire des USA, la Chine n'arrête pas de gagner en poids sans rien faire, par le simple jeu de son poids économique et de son image de pays raisonnable dans un monde qui paraît de plus en plus diriger par une bande de cinglés d'occident. L'affaire n'est pas nouvelle en réalité. Lorsque les puissances dominantes s'affaiblissent, les adversaires en profitent toujours et c'est assez naturel en fait. Ce que vient de faire l'Iran en répliquant à l'attaque à Israël sur son consulat est une première. Mais c'est une première qui a été rendue possible par le déclin accéléré de la puissance américaine. Un déclin qui n'est plus une vue de l'esprit, mais qui s'observe partout sauf dans les données économiques « officielles » de l'Oncle Sam. On peut d'ailleurs se demander si quelque part l'action d'Israël n'est pas aussi le résultat d'une espèce de prise de conscience de l'affaiblissement rapide de leur allié historique. Certes, l'armée israélienne est forte, et ce pays a l'arme nucléaire. Mais quel avenir peut-il avoir pour Israël si les USA ne les soutiennent plus alors qu'ils n'auront pas réussi à avoir des relations raisonnables avec leurs principaux voisins ? On peut voir aussi l'action d'Israël comme celui d'un désespérer de sa situation géopolitique. Une action qui malheureusement ne risque pas d'améliorer leur situation sur ce plan dans les décennies qui viennent.

 

En Europe, la situation est aussi liée au déclin américain. Leurs satellites européens sont en roue libre, et plus guerriers que leur suzerain, alors qu'ils n'en ont absolument pas les moyens. En un sens, c'est tout le problème d'avoir des vassaux et non des alliés. Les vassaux ont des dirigeants infantiles par nature, car ils n'ont pas vraiment de prise sur la réalité, ils font semblant, et attendent des récompenses de leur maître. On pense ici aux discours ridicules de notre pauvre président jouant des mécaniques avec la Russie alors que l'armée française est plus un échantillon d'armée moderne qu'autre chose. Il a cru se faire aimer des Américains alors qu'en réalité il commence à agacer à Washington. Mais là encore, cette incapacité des USA à tenir ses vassaux est encore une preuve du déclin de l'empire américain qui n'arrive même plus à tenir les lieutenants qui a lui même fabriquée. Un peu comme l'Empire romain qui n'arrivait plus à tenir ses fédérés, Rome tomba sous les coups d'Odoacre qui avait pourtant été formé par Rome, il était général de l'armée romaine. Les fins d'Empire sont toujours traversées de renversement d'alliance et de conflits violents. Il y avait peu de chance pour que celle de l'Empire américain se passe tranquillement.

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 15:18

 

Le temps semble s'accélérer en France et notre société ressemble de moins en moins au dépliant touristique habituellement formulé. La France, terre de liberté de pensée, et société des lumières, est de plus en plus une simple vue de l'esprit. Notre pays accumule des lois de plus en plus liberticides depuis des années maintenant avec des prétextes souvent différents, hier le terrorisme, aujourd'hui la sécurité des personnes en ligne. Le dernier coup de massue est donc une loi contre l'outrage en ligne pour soi-disant lutter contre le cyberharcèlement. L'outrage est bien évidemment une notion extrêmement floue qui permet des interprétations multiples. En un sens, il s'agit de l’introduction du délit de blasphème puisque tout religieux pourra par exemple se sentir très honnêtement outragé par des caricatures pour donner un exemple. Neuf ans seulement après les événements de Charlie Hebdo, il y a quelque chose d'absolument dramatique à voir cette dérive de plus en plus liberticide, alors que tout le monde ou presque se disait à l'époque « Charlie » . On peut se demande, si finalement, ce mouvement n'a pas été un peu le chant du cygne de la liberté d'expression. Et il faut bien reconnaître que ce qui a motivé les mouvements à l'époque n'était pas la liberté d'expression, mais la peur de l'islamisme. Car peu de gens aujourd'hui semblent s'inquiéter des dérives de plus en plus fortes de nos gouvernants contre la liberté d'expression et la liberté de penser. Au contraire même ces dérives semblant normales pour beaucoup de droite à gauche du spectre politique.

 

Il est très probable qu'en pratique ce type de lois ne servent en fait qu'à protéger le pouvoir et les journalistes de toute critique. L'objectif n'est pas tant de multiplier les procès, ce qui serait difficile avec un système judiciaire qui est déjà au bord de l'apoplexie, que de pousser les gens à l'autocensure. Car la majorité des citoyens n'ont guère envie de se retrouver avec des procès simplement pour avoir exprimé une opinion . Quand à la justice on sait depuis longtemps que son efficacité diverge fortement suivant les populations qui y font appel. La célèbre maxime de Lafontaine n'a pas pris une ride en réalité :« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. ». Donc toute loi qui se propose de limiter la liberté d'expression en voulant chasser les « fake news» ou d'autres expressions ne vise en réalité qu'à confier la seule liberté d'expression qu'aux mains des gouvernants, des riches et des puissants. Cependant si ce comportement d'autocrate de plus en plus assumé par le pouvoir peut s'expliquer par la logique des intérêts, Macron et son gouvernement étant clairement incapables d'assumer la réalité des conséquences de leurs politiques désastreuses, ce n'est pas la seule explication à cette dérive.

 

Une société sans citoyen

 

Tout d'abord, la dérive visant à limiter la liberté d'expression est assez ancienne. Pour tout dire, je pense que le début de cette dérive peut avoir une date, il s'agit de la mise en œuvre de la fameuse loi Gayssot, ou loi dite mémorielle. Elles partent elles aussi d'un but en apparence honorable puisqu'il s'agissait de mettre fin à la remise en cause de l'holocauste par certaines personnes par exemple. Cette loi date de 1990. On peut donc dire que la liberté d'expression a commencé à être mise sous cloche dès cette époque. Mais que le lecteur de ce petit blog me comprenne bien. Il ne s'agit pas ici de dire que la critique par exemple de l'existence de l'Holocauste est fondée, il s'agit de comprendre qu'à partir du moment où l'on commence à limiter les sujets d'expression le principe même de la liberté d'expression est en danger. Parce que la liberté d'expression part du principe que chaque citoyen est apte à juger du vrai et du faux par lui-même. Qu'il peut décider en son âme et conscience de la véracité des propos tenus par chacun. La liberté d'expression considère que le citoyen est un être adulte qui est capable de donner son opinion en fonction des débats et des données qu'il détient. À partir du moment où vous introduisez des limites à cette expression, vous remettez en question cette citoyenneté et le fait que votre démocratie est basée sur l'expression des opinions individuelles. En un sens, vous infantilisez le citoyen qui n'est donc plus vraiment un citoyen, mais à nouveau un sujet. Un sujet qui se doit d'obéir sans trop réfléchir aux actes et aux desiderata des puissants qui le gouvernent et qui savent mieux que lui ce qui est dans son intérêt.

 

Accepter la liberté d'expression c'est donc aussi accepter qu'il y ait des idiots pour penser que la terre est plate par exemple. Parce que l'on pense que dans leur très grande majorité les citoyens auront l'intelligence de ne pas entrer dans ce type de délire. La liberté d'expression est donc aussi la liberté d'expression des imbéciles, des révisionnistes et même des racistes. Mais je pense que le coût est largement inférieur aux gains qu'elle procure en permettant à la vérité de faire son chemin par la contradiction des arguments. Rappelons que le principe même de notre justice est basé sur la contradiction, même les pires assassins ont droit à une défense et à des avocats parce que c'est de la contradiction que la vérité se fait jour. Une chose que nos journalistes et nos politiques ont aujourd'hui complètement oubliée pour protéger leurs vanités et leurs croyances. Pour revenir aux lois mémorielles où l'état se met à faire de l'histoire officielle alors que normalement il s'agit du travail des historiens, il est assez démonstratif que ces lois arrivent seulement deux ans avant la catastrophe du vote sur le traité de Maastricht. Ceux qui ont connu les débats à l'époque se rappellent forcément de l’asymétrie qu'il y avait entre les défenseurs du non et ceux du oui, les médias donnant largement l'avantage aux seconds. Cela m'avait marqué à l'époque alors que j'étais très jeune n'ayant pas l'âge de voter et pas du tout politisé. En un sens, ces lois liberticides ont été le point de départ du déclin de la démocratie française dont le traité de Maastricht fut l'un des principaux artisans.

 

Mais soyons honnêtes, si la liberté d'expression recule, ce n'est pas juste à cause des conspirations et des traquenards des politiques. S'il ne s'agissait que de cela, nous pourrions vite nous en remettre. Malheureusement, le mal est plus profond et s'imbrique probablement dans le cadre plus général du nihilisme occidental toddien. Je profite de ce passage sur les thèses de Todd pour signaler sa dernière intervention chez nos amis de la NAR (Nouvelle Action Royaliste). Profitez-en, il semble qu'Emmanuel Todd prenne vraiment sa retraite, et qu'on ne l'entendra plus si souvent, ce qui me chagrine comme certainement nombre de ses lecteurs. Il souligne dans ce long entretien le déclin de l'individu privé de toute croyance collective. C'est l'une de ses marottes, mais on ne peut qu’acquiescer à son assertion. Ainsi l'on peut voir le déclin de la liberté d'expression comme une des nombreuses conséquences néfastes de la disparition des croyances collectives et du nihilisme qui en découle. L'individu apeuré par la solitude produit du déclin de la civilité et par l'anomie de Durkheim n'accepte plus le débat avec l'autre. Au contraire, même, les idées et les croyances de chacun deviennent presque identitaires au point que la critique d'une idée devient vite une remise en cause de l'individu. En effet pour accepter la remise en cause de ses idées il faut quand même être assez détaché de ces dernières. Pour un citoyen équilibré, la remise en cause de ces idées sur l'économie ou l'orientation des politiques publiques ne devrait pas être un problème. Mais pour quelqu'un dont les idées représentent un lien social avec d'autres et qui n'a que ça pour identité, on comprend vite la colère et le danger que cela produit.

 

Ainsi, remettre en cause par exemple le mariage gay, ou le changement de sexe devient une remise en cause des homosexuels et des transsexuels. Les gens privés de toute attache culturelle et religieuse font de chaque idée un refuge de leur propre identité, ce qui rend les débats extrêmement difficiles, pour ne pas dire impossible. On peut parler ici d'un nouveau tribalisme dont le fondement est la disparition des croyances communes. Dans un monde où plus personne ne partage de langage et de valeur commune, nous entrons dans la guerre de tous contre tous. C'est dans ce contexte que la liberté d'expression s'estompe et se voit remplacer par une judiciarisation des rapports entre les individus. On peut donc conclure que la liberté d'expression ne disparaît pas seulement par l'action de quelques individus mal intentionnés, mais surtout parce que l'esprit citoyen nécessaire à son existence a disparu. Le mal est donc beaucoup plus profond qu'on ne le croit en général et il suffit de regarder l'état du débat public aux USA, pays en avance sur nous, pour s'en convaincre. Il est difficile de débattre avec des gens dont les idées et les croyances relèvent de l'identité pure et simple. Nous avons ici l'un des plus graves effets pervers de l'effondrement des croyances collectives, dont il est bien difficile de penser que l'occident et la France s'en relèveront un jour.

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5 avril 2024 5 05 /04 /avril /2024 16:15

 

La nouvelle volonté gouvernementale de réformer encore l'assurance chômage alors même que la réforme précédente commence à peine à être mise en œuvre montre encore une fois la lucidité des formules de notre prophète préféré Emmanuel Todd. En effet il y a quelques années, Emmanuel Todd avait décrit le modèle économique français comme étant un modèle aztèque. Un modèle qui ne repose pas sur la rationalité et la raison, mais sur le mode sacrificiel. On sacrifie les chômeurs au dieu marché et au libre-échange. On sacrifie l'industrie et l’agriculture française pour le dieu euro et la construction européenne. La réforme de l'assurance chômage récente s'inscrit dans cette longue tendance à la mutilation d'une partie de la population au nom de l'intérêt général pour sauver la France de la méchante dette. Mais aussi avec comme idée dernière que les populations concernées sont responsables de leur situation. Car dans le monde pur et parfait du libéralisme et du marché qui s'autorégule, seule la fainéantise des chômeurs peut expliquer leur situation.

 

On notera au passage que si le gouvernement est prompt à réduire les droits des chômeurs de façon arbitraire, il ne réduit pas pour autant le coût de l'assurance chômage pour les entreprises et les salariés. Pourtant en toute logique si vous réduisez les services que vous proposez, vous devriez en réduire aussi les prix. Mais là non, l'état s'arroge le droit de ne pas observer la règle la plus élémentaire du marché dont il est pourtant en théorie un grand défenseur. Donc au-delà même de la question de l'injustice qui est faite aux chômeurs et du caractère délirant de ces politiques. Il y a même un vice profond de raisonnement et une spoliation pure et simple de nos entreprises et des salariés français. On pourrait rajouter à cette vision d'horreur d'une société française sacrifiant sa population la plus fragile pour ses croyances, la crise en Ukraine. En effet en plus de vouloir détruire les services publics, l'état français veut maintenant carrément envoyer les jeunes Français mourir pour l'Ukraine ou plutôt pour l'UE et l'OTAN, autres divinités intouchables des croyances de nos dirigeants.

 

La violence symbolique et la fonction du bouc émissaire

 

Cependant, cette question de modèle sacrificiel pose question dans une société qui se veut rationnelle et fondée sur la science. La récente crise du COVID et les mécanismes de peur collective qui ont entraîné des prises de décision totalement délirante comme les confinements ont montré que sous la mince couche de « science » qui organise notre société il y a en réalité une irrationalité sous-jacente toujours aussi forte. Et cette irrationalité est sans doute beaucoup plus forte aujourd’hui qu'elle ne l'était il y a seulement trente ou quarante ans. En effet au risque de radoter le nihilisme qui touche aujourd'hui l'occident et la France en particulier pousse les populations à chercher de nouvelles croyances de substitution aux anciennes croyances traditionnelles. Car l'être humain a d'une part un besoin de certitude que la science en réalité ne peut lui offrir de par sa nature. En effet, la science est fondamentalement fondée sur l'observation et elle peut remettre en cause des vérités établies précédemment par de nouvelles découvertes. C'est toute la qualité de la science, mais c'est aussi ce qui fait qu'elle ne peut pas réellement se substituer aux fonctions organisatrices des croyances religieuses ou culturelles.

 

De fait la science c'est en partie l'incertitude et la remise en cause permanente. Mais l'être humain a besoin de croire dans certaines choses stables et la religion, la culture ont cette fonction. On voit donc ici que la disparition des croyances traditionnelles a laissé un vide. C'est le fameux nihilisme dont on a parlé dans la critique sur le dernier livre d'Emmanuel Todd. Cependant, ce vide ne dure pas, il se transforme en besoin irrépressible de croyances de remplacement. C'est là que les idéologies modernes font leur apparition. À ce besoin de certitude s'ajoute aussi la mécanique de socialisation . Les religions ne sont pas seulement des croyances, mais aussi et surtout des vaisseaux par lesquels s'effectue en grande partie la socialisation des individus. Elles permettent des références communes , un langage culturel commun. C'est un processus extrêmement important, car l'être humain est un individu, mais aussi un être collectif. S'ajoute donc au besoin de certitude le besoin de partager sa vie dans un groupe avec d'autres personnes. Ces personnes ont des activités et des croyances qui vont servir de liant entre elles, et ce liant est en partie religieux et culturel.

 

Quand la république est devenue laïque, elle a quand même créé un langage commun de substitution à celui du catholicisme. Parce que les dirigeants d'alors avaient bien conscience de ce besoin et que l'on ne pouvait tout simplement pas créer une société d'athée où il n'y aurait aucune référence commune. La République française laïque a d'ailleurs été probablement plus violente que la monarchie absolue sur les coutumes et les langues régionales parce qu'elle n'avait plus l'assise religieuse derrière elle qui créait naturellement ce langage commun. Il s'agit bien sûr ici d'une hypothèse personnelle sur la question. Je pense que la grande brutalité républicaine pour imposer une culture unique en France et lutter contre les langues régionales bien plus fortement que la monarchie fut en grande partie liée à la faiblesse de ce régime. Sinon comment expliquer la violence soudaine pour des cultures et des langues locales qui étaient pourtant demeurées longtemps sous la couronne française ? Pourquoi vouloir à ce point uniformiser un pays qui avait pourtant si bien continué tel quel pendant des siècles ? La république ne pouvant plus utiliser le christianisme comme liant a dû chercher des substituts. Malheureusement, on le voit bien aujourd'hui, le clergé laïque républicain est lui-même entré en déclin. La religion républicaine a beaucoup perdu de son éclat et en tout cas elle n'arrive plus à produire de la cohésion comme elle pouvait le faire encore dans l'immédiat après guerre. Restent alors les croyances de substitution. Cependant, nous en revenons à des croyances près chrétiennes dans leur comportement.

 

Nous allons ici nous référer aux célèbres thèses de René Girard sur le bouc émissaire et le rôle qu'a tenu le christianisme dans l'histoire des religions. D'après Girard le christianisme est la dernière des religions, celle qui met fin à la religion, et celle qui a mis fin au mécanisme du bouc émissaire et du sacrifice. En effet pour Girard, la violence est à la base de la civilisation. C'est la violence contre l'autre, contre un groupe, contre un bouc émissaire qui crée la cohésion d'un groupe contre un ennemi commun. La religion finira par symboliser cette violence à travers les sacrifices. D'abord dans les sacrifices humains qui ont été pratiqués un peu partout dans le monde et dont le plus célèbre exemple fut chez les Aztèques qui pratiquaient des sacrifices immondes à grande échelle. Chose qui a grandement facilité l'invasion des Espagnols qui ont pu jouer sur les inimitiés locales produites par ces sacrifices, les Aztèques préférant sacrifier les populations des voisins à la leur. Ensuite, les religions ont abandonné ces sacrifices humains par des sacrifices d'animaux, mais la fonction est restée. La religion donnant par ces sacrifices un langage commun et un but commun à la population qui la pratiquait. Le christianisme a mis fin à cela avec le sacrifice de Jésus qui a payé pour tous les pêcher en quelque sorte. C'est la grande différence entre le christianisme, et les autres religions qui ont pu exister dans l'histoire humaine.

 

Mais aujourd’hui le christianisme et ses valeurs sont largement en déclin. Et nous faisons face à des résurgences de mécanismes de bouc émissaire sous des formes nouvelles même si le fond reste le même. L'on peut voir ici que la question du chômage telle qu'elle est utilisée n'est pas vraiment rationnelle, elle n'est même pas rationnelle du point de vue économique. Les économies réalisées sont simplement ridicules en regard des besoins de l'état et de notre endettement. Cependant, il ne s'agit pas de résoudre un problème économique, mais de trouver les responsables des échecs des politiques publiques. Les dogmes religieux comme la construction européenne, l'euro ou le libre-échange étant impossible à remettre en question, on trouve des boucs émissaires à ces échecs. On peut donc analyser le comportement de nos gouvernants comme un comportement que l'on croyait disparu de nos contrées depuis longtemps, mais qui ressurgit à l'occasion de l'effondrement des croyances collectives traditionnelles. Celui du sacrifice des pêcheurs, ceux qui ont osé ne pas se comporter correctement par rapport aux dogmes en vigueur. Ils sont responsables de nos malheurs et doivent donc être punis. Ce mécanisme est d'autant plus facile à mettre en œuvre que le libéralisme et ses préceptes ont des concepts qui produisent naturellement ce type de conclusion. L'idéal du marché pur et parfait qui s'autorégule et qui naturalise le comportement économique peut produire très rapidement ce type de raisonnement hasardeux. S'il y a du chômage, c'est forcément la faute des chômeurs qui demandent trop de salaires ou qui sont fainéants. Le marché lui ne peut pas se tromper. Il est extrêmement inquiétant de voir nos sociétés modernes revenir à des comportements à ce point primitif, cherchant en permanence des responsables à tous leurs malheurs, les chômeurs, les pauvres, les jeunes, les fonctionnaires, les Russes, les Chinois.

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 16:07

 

 

Une bien triste vidéo a fait du buzz dernièrement sur les réseaux sociaux. Il s'agit du témoignage d'une femme qui est née grâce à la PMA. Elle est farouchement opposée à cette technique qui pourtant lui a donné naissance. Il ne s'agit pas ici de débattre sur la procréation médicalement assistée. Est-ce une bonne chose ou pas ? La question à mes yeux qui m'intéresse c'est plutôt les effets de la marchandisation de la reproduction. Car avant d'être une technique, la PMA est devenue un marché. Chose que les défenseurs des « libertés » individuels ou ceux qui s'affichent comme tel évitent bien soigneusement de parler. Très souvent ces débats entrent sur les terrains moraux et religieux alors que le fond du problème est l'acceptation de la marchandisation de quelque chose qui n'a jamais fait partie du marché. Et le marché signifie inégalité d'accès, exploitation et pulvérisation des relations humaines à travers le seul prisme de l'intérêt pécuniaire. S'il y a bien un argument contraire à cette technique, c'est bien celui du danger que représente la marchandisation du corps des femmes qui devint ainsi un produit qu'on vend au plus offrant.

 

Rappelons d'ailleurs au passage que l'Ukraine dont on parle fréquemment à cause de l'horrible guerre qui s'y produit était également tristement célèbre pour sa production de mère porteuse pour les riches occidentales qui voulait un bébé par PMA. Regardez ce sublime site officiel pour faire votre marché et acheter un bébé en ligne. Cela résume à mes yeux toute l'horreur de l'extension permanente du « marché » dans tous les aspects de nos vies et sans que personne ne la remette en cause à part quelques penseurs scientifiques et philosophes. Car au-delà de cette question de la procréation médicalement assistée c'est surtout sur cette question de la marchandisation que je voulais parler aujourd'hui. Certains penseur on a déjà abordé le sujet, on pourrait citer rapidement Karl Polanyi, Ivan Illich, Jacques Ellul ou encore mon compatriote montpelliérain Jean Claude Michéa. On pourrait également dire que cette question était déjà sous-jacente chez les premiers penseurs de l'économie. Les physiocrates à l'image de Jean Jacques Rousseau pensaient par exemple que la seule véritable richesse venait de l'agriculture. Ils faisaient surtout une grande distinction qui sera malheureusement abandonnée par la suite entre la valeur marchande et la valeur d'usage.

 

On retiendra sa célèbre phrase que je cite souvent, mais qui est d'une grande clairvoyance à mon humble avis : « Du même principe on peut tirer cette règle,qu'en général les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité et que les plus nécessaires doivent enfin devenir les plus négligés. » Chez Rousseau et une partie des penseurs de son époque, la valeur marchande n'était pas la référence absolue. Rappelons qu'à l'époque la société est encore baignée dans le christianisme. Et l'influence de la croyance religieuse est encore très forte. Elle est même carrément explicite chez le papa des libéraux Adam Smith et sa main invisible qui résout tous les problèmes de déséquilibre des marchés. Delà à n'y voir qu'une expression cachée de la providence chrétienne, il n'y a qu'un pas. On avait alors bien conscience que le marché n'était qu'une petite partie de la société et l'on aurait alors considéré comme folie le fait de vouloir tout régenter par les mécanismes du marché d'offre et de demande. C'est pourtant bien ce à quoi a abouti le libéralisme au fil des siècles en perdant petit à petit le cadre moral et chrétien qui était le sien à l'origine. C'est comme cela qu'on passe d'un Adam Smith qui va à l'église et qui croit à la charité chrétienne à un Milei (le président libertarien argentin) qui fait cloner ses chiens. On voit ici un peu les effets du nihilisme d'Emmanuel Todd dont nous avons déjà amplement parlé. Ce nihilisme n'a pas touché que les politiques, il a d'abord touché les milieux intellectuels et les économistes.

 

Laissée à elle-même, la logique ne produit que des délires . Sans un cadre solide fait d'axiomes produit par la culture, l'éducation et la religion, la raison devient vite une folie. Les physiocrates pensaient donc le marché dans un cadre qui lui n'était pas marchand. Il y avait la morale, et tout un tas d'activité qui n'entraient pas dans le cadre du marché. La marchandisation de la totalité des activités humaines est un processus qui a mis du temps à se réaliser, mais qui advient aujourd’hui de plus en plus clairement. Faut-il rappeler qu'il y a à peine un siècle on aurait rigolé si vous aviez proposé de vendre de l'eau par exemple ? L'eau était gratuite, mais comme vous le savez, la pollution produite par le système industriel a permis de valoriser l'eau en la dépolluant, créant ainsi un marché de l'eau. On le voit, le processus de marchandisation est aussi un effet naturel du « progrès », ou ce que l'on nomme le progrès. Nous pourrions souligner comme le faisait Michéa que la délinquance elle-même est source de PIB. Que ces pays où l'art de vivre et la tranquillité sont pauvres. Imaginez ce pauvre Japon n'ayant ni vole de masse, ni trafic, ni cités « sensibles ». De combien le PIB japonais pourrait-il grimper s'il avait la chance d'être comme nous inondé de violence, et de trafiques en tout genre ? Je caricature à peine, mais il est indéniable que le progrès du PIB n'en est pas forcément un. Même si indirectement il est probable que le coût de ces désagréments finit par être mesuré à l'aune de l'inefficacité économique et commerciale de pays comme la France ou les USA.

 

Remettre le marché à sa place

 

L'on voit bien que la seule organisation autour de la valorisation marchande est une impasse en réalité. Trop de choses importantes finissent négligées pendant que l'essentiel est détruit. C'est exactement les propos de Rousseau. Nous pourrions multiplier les exemples. L'on se focalise souvent sur le désintérêt général des jeunes Français pour les études . La baisse du niveau scolaire est aujourd'hui un truisme comme on en a parlé dans mon texte précédent. Mais quelle motivation les jeunes peuvent-ils avoir pour les études dans une société qui valorise les manipulateurs de symboles, les amuseurs publics ou les footballeurs. Quand une société valorise des millions d'euros des sportifs ou des youtubeurs, mais maltraite ceux qui la nourrissent, ceux qui enseignent, ceux qui la défendent ou ceux qui font des sciences, il ne faut pas s'étonner que les jeunes se détournent des arts essentiels. L'effondrement de l'attrait pour tous les métiers vitaux vient en grande partie des effets du marché libre et dérégulé qui valorise le superflu et dévalorise l'essentiel. Encore une fois la seule mécanique du marché ne peut réguler réellement la société. C'est encore plus vrai dans une société qui a ouvert toutes ses frontières et qui importe l'essentiel de ce qu'elle consomme pour occuper sa population dans des métiers d'occupation pour l'essentiel, les fameux bullshit jobs.

 

Comment ne pas voir également dans la dégradation de la fécondité ou le célibat de masse, comme les derniers avatars des effets du libéralisme ? La rencontre qui était autrefois le rapport naturel entre les hommes et les femmes, fruit des rencontres et du hasard de la vie, est elle aussi devenue un marché. D'un côté le marché technologique sépare les gens. On diminue les lieux de rencontre publics , on produit une société où les gens se rencontrent moins de façon naturelle en rendant marchands tous les aspects de la vie. Il est fini le temps des églises, des bals populaires et du parti communiste. Donc les gens n'ont plus vraiment l'occasion de se rencontrer naturellement. De l'autre, on met en place des applications de rencontre marchandisant totalement les relations en transformant un acte qui était autrefois gratuit, mais qui devient subitement un marché. Dans les sociétés les plus avancées sur cette marchandisation, le Japon est probablement le champion. Là-bas vous pouvez carrément louer des petites amies et même des amis tout court. N'en doutez pas cela arrivera chez nous très vite même si le marché des « escortes » en est une prémisse.

 

On le voit ici rapidement, le problème n'est pas tant notre modèle économique ou technologique qu'un effet de mentalité. La disparition de la morale publique et des cadres chrétiens et culturels a fait disparaître les interdits et les limites. Et cette disparition des limites, de ce qui est acceptable ou non a permis cette extension du marché qui s'étend à tous les paramètres de la vie. Comme nous l'avons vu rapidement sur la question de la PMA, cette « libéralisation » n'en est pas une, c'est avant tout une marchandisation, une capitulation devant l'avarice et l’appât du gain. Bien sûr, cela n'est jamais présenté de cette manière, mais c'est la véritable motivation derrière les arguments de bienveillance sur les personnes ne pouvant pas avoir d'enfants. L'on oublie généralement les pauvres victimes de ces marchés qui n'ont pas de choix parce qu'elles sont très pauvres, quand elles ne sont pas carrément victimes de réseaux criminels ou d'autres pressions.

 

 Alors vous me direz que tout ceci est vrai, mais que peut-on faire ? La solution est très simple, il s'agit de remettre des limites. Il faut réencadrer le marché et mettre fin à son élargissement sans fin. Cela peut commencer sur certains sujets comme la PMA, mais pas seulement. On peut également mettre fin à l'existence de certains marchés très fructueux pour certains. C'est avant tout un sursaut moral qu'il nous faut avoir et un certain courage pour affronter les lobbys divers et variés qui crieront aux réactionnaires et à la limitation des libertés publiques. Quand on voit la pauvre Allemagne qui se met à légaliser le cannabis, on voit bien vers quels délires nous nous dirigeons à terme. Il faut mettre l'impensable en action et montrer qu'il ne tient qu'à nous de nous redresser collectivement. L’extension du marché n'est pas le fruit d'une mécanique lié à un phénomène naturel. Il est avant tout le fruit pourri de l'effondrement progressif de la morale publique et des croyances collectives. Tout phénomène social est réversible, y compris le tout marché. Il faut réaffirmer que tout ce qui a de la valeur marchande n'a pas forcément de valeur pour la société, que l'on ne mesure pas l'importance d'une chose uniquement par sa valeur marchande. Non Aya Nakamura ne vaut pas Edith Piaf, pas plus qu'Harry Potter ne dépasse les Misérables. Il faut remettre de la logique non marchande dans notre civilisation, il faut reciviliser la France et l'occident. C'est une peu en substance ce que disait Pierre Thuillier dans son livre de 1995 « La Grande Implosion: Rapport sur l'effondrement de l'Occident ». Chiche, pour commencer, je propose de démarchandiser le sport. La fin du professionnalisme sportif ferait beaucoup de bien non seulement au milieu sportif, mais aussi à la morale de notre jeunesse.

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 15:24

 

Les élections approchent et d'après les sondages la situation du parti d'Emmanuel Macron n'est guère enviable. Le RN arriverait largement en tête et l'on voit poindre une fragmentation du centre de l'électorat que Macron avait justement réussi à réunir. En effet, certains sont subjugués par l'étrange hausse du PS qui semble faire son retour avec la campagne européenne. C'est d'autant plus étrange que le candidat choisi n'est pas vraiment un parangon de vertu ou de talent oratoire. On pourrait même dire qu'il s'agit d'un personnage assez problématique de par sa parenté et son passif en Géorgie. Fils d'un des nouveaux philosophes qui ont fait tant de mal à la France d'un point de vue moral et économique. Il passe aussi pour être un fervent défenseur de l'UE et des intérêts américains même s'il ne dit pas comme cela. La montée de Raphael Glucksmann pourrait être inquiétante pour l'avenir du pays, mais il faut quand même bien prendre conscience que la nature de cette montée n'est pas le produit d'une dynamique. En effet ce à quoi nous assistons c'est plutôt à une fragmentation de l'électorat du centre qui jusqu'ici votait unanimement pour la majorité présidentielle.

 

Sondage pour les européennes Mars 2024 (source Ifop)

 

Le centre a perdu confiance dans son champion. On pourrait dire qu'il était temps avec l'accumulation de choix et des politiques invraisemblables. Mais cette rupture n'est probablement pas avec les politiques menées par la majorité, mais dans le fait que Macron semble de moins en moins apte à faire avaler au français le régime néolibéral suicidaire. Car si les Français du centre en avaient réellement assez de ce régime, ce n'est ni vers le PS ni vers EELV que leur choix se porterait. Ces deux partis étant aujourd’hui des partis que l'on pourrait qualifier d'antifrançais tant leur logiciel politique met d'abord en avant l'intérêt de l'UE et même de l'OTAN. Ce qui est étrange avec la période que nous vivons ce que l'on appelait autrefois les politiques raisonnables était généralement porté par les partis du centre de l'échiquier politiques. Les partis extrémistes ne l'étaient pas seulement par leur position par rapport au centre, ils l'étaient surtout par l’extrémisme fréquent des solutions qu'ils apportaient. L'utilité des partis extrémistes était que les sujets qu'ils abordaient l'étaient rarement par ceux du centre. Et dans un système politique fonctionnel, c'était aux partis raisonnables d'apporter les solutions aux problèmes souvent réels que soulignaient les extrêmes.

 

Mais notre époque est très différente. En effet, c'est finalement les partis de l'extrême qui semblent les plus raisonnables surtout lorsque l'on regarde le conflit ukrainien. Les partis du centre s'enferment dans des postures de plus en plus guerrières vis-à-vis de la Russie. Et le choix d'un atlantiste comme monsieur Glucksmann comme candidat pour le PS n'était pas le fruit d'un hasard, mais bien d'une orientation va-t’en guerre de la direction du PS. C'est aussi un fédéraliste européen encore plus obtus qu'Emmanuel Macron sur le sujet. Nous assistons depuis plusieurs années à une position de plus en plus extrême de la part des partis du centre probablement parce que leur poids politique diminue au fur et à mesure que la population subit les dégâts produits par ces politiques. Emmanuel Macron a été en quelque sorte le terminus de la violence bourgeoise qui s'est instaurée petit à petit depuis Giscard. Le pouvoir de l'extrémisme européen a atteint son maximum probablement dans les années 90 avec la triste catastrophe que fut le « oui » au référendum de Maastricht. Mais ce pouvoir porté en grande partie par la génération des boomers s'est étiolé en même temps que vieillissait son électorat.

 

On peut dire aujourd'hui que ce courant postnational européiste et atlantiste se fragmente en trois groupes. Le parti de Macron, le parti socialiste et Europe Ecologie Les Verts. Les voix de ces partis sont susceptibles de faire des vases communicants même si EELV peut probablement attirer quelques naïfs de gauche au passage. Ce groupe que certaines nommeraient centriste ne l'est pas vraiment au sens politique. Ils ne sont en effet au centre d'un point de vue politique ni vraiment à droite ni vraiment à gauche, mais ils sont aussi surtout extrémistes par leur position antifrançaise, voulant dissoudre le pays dans des institutions supérieures. La volonté de Macron de rendre autonomes les régions en est une nouvelle preuve. D'un côté on détruit le pouvoir de l'état en transférant tout à l'UE. De l'autre on veut rendre les régions presque indépendantes de l'état français. Si ce n'est pas une volonté de détruire le pays, je ne sais pas ce que c'est. C'est pour cela qu'à titre personnel le qualificatif d'extrême centre leur convient. L'on pourrait même les nommer les postnationalistes extrémistes. Alors est-ce que la fragmentation de cet électorat est une bonne chose ? Pas forcément. D'une part parce que cette élection est particulière. Les Européennes ne sont pas vraiment prises au sérieux par les Français à juste titre d'ailleurs. Le parlement européen est fantoche, le pouvoir étant à la commission non élue, ce qui en soi en dit long sur le caractère démocratique de l'UE. Donc la montée actuelle du PS ne signifie absolument pas que les postnationalistes ne s'uniront pas pour l'élection présidentielle. On sait d'expérience que les partis comme EELV obtiennent un score beaucoup plus élevé à ces élections qu'aux élections plus classiques et nationales. Même si le tournant sur la question de l'énergie et du nucléaire pourrait quand même leur nuire cette fois. Il faut du moins l'espérer parce que les verts et leurs idées stupides sont quand même au cœur du désastre énergétique franco-européen. Il faudrait quand même un jour que les idioties finissent par avoir un effet sur leur poids politique.

 

L'atlantisme et l'européisme sont les vrais extrémismes de notre temps

 

Quand nos journalistes et nos politiques parlent d’extrémisme, ils parlent toujours d'un référencement par rapport au passé. L'extrémisme est forcément religieux, idéologique ou national dans leur tête. Avec comme fond l'extrémisme de gauche à travers les mouvements plus ou moins marxiste, ou alors de droite avec l'extrémisme nationaliste. Cependant, la question de l'extrémisme n'est pas une question de droite ou de gauche en vérité, c'est avant tout un rapport au réel. L'extrémiste n'est pas une personne qui a une pensée de rupture avec le statu quo sans quoi aucune évolution ne serait jamais possible dans une société. C'est avant tout une personne qui a un récit qui peut être en décalage complet avec le monde réel. Et cerise sur le gâteau, l'extrémisme pourra employer tous les moyens possibles pour faire advenir son rêve dans le monde réel. Quand je parle de tous les moyens possibles, je ne parle pas seulement de violence physique.

 

Il est aujourd’hui difficile d'accepter que la violence physique ne soit pas la marque automatique de l'extrémisme. Les gilets jaunes qui ont effectivement été par moment violents étaient-ils réellement extrémistes ? Pas vraiment. Il s'agissait de gens au bout du rouleau et victime de la violence économique des politiques menées par l'état. C'est la même chose d'ailleurs pour les agriculteurs, et une bonne partie des révoltes populaires de ces dernières années. En réalité depuis les années 70 ont assisté à une violence qui ne vient pas d'en bas, mais plutôt d'en haut. La violence économique qu'ont été la globalisation et la construction européenne, se relève beaucoup plus proche de ma définition de l'extrémisme que ne le sont aujourd'hui les mouvements nés en réaction à cette violence. Comme ne pas voir les idéologues de l'UE comme autre chose que des extrémistes quand ils présentent l'UE comme un progrès pour tous alors même qu'elle accumule les échecs économiques, faisant de notre continent la lanterne rouge de l'économie mondiale depuis deux décennies ? Comment ne pas voir comme des extrémistes des gens qui continent à lécher les pieds des USA. Une nation dont on sait pertinemment qu'elle a tout fait pour déclencher le conflit entre l'Ukraine et la Russie. Et cela dans le seul but de couper les liens économiques entre l'Est et l'ouest du continent ?

 

Le caractère extrémiste de l'européisme est une évidence pour quiconque à un semblant de bon sens . Et la direction européenne est elle-même engluée dans son extrémisme économique, et elle est incapable de s'adapter à un monde qui est en complète contradiction avec ses croyances libérales. Seule au monde désormais à pratiquer du laissez-faire économique, l'UE se fait manger par toutes les nations du monde à commencer par la Chine et les USA. On l'a vu sur les questions des voitures électriques, les dogmes en place l'empêchent de réagir pour protéger l'industrie du continent, ce qui va avoir des effets catastrophiques en termes d'emploi et de base industrielle. Et que dire de l'extrémisme pseudoécologique qui pousse le continent dans le suicide énergétique ? La question de l'abandon de l'énergie nucléaire a mis en avant le caractère extrémiste de toute une partie de nos hommes politiques censé être raisonnable. Et encore aujourd’hui personne chez nos dirigeants du centre ne veut rompre avec le marché européen de l'énergie qui a cassé notre économie et accéléré notre désindustrialisation. Comment ne pas voir la déconnexion totale de ces gens avec la réalité ? Il est donc temps à mon avis de renverser la table et de dire que l'extrémisme n'est pas là où on le pense en général, mais bien dans les partis du centre. La question dès lors qui se pose pour les prochaines élections est celle de savoir s'il ne faudrait pas faire barrage aux extrêmes. L'extrémisme étant le parti au pouvoir et ses succédanés PS et EELV.

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15 mars 2024 5 15 /03 /mars /2024 16:03

 

Nous sommes en guerre, la guerre est sur notre sol, vite les chars russes vont bientôt débarquer à Paris. Je ne caricature même pas, nos dirigeants en sont réduits à ce genre d'ânerie depuis quelques mois. Et la panique simulée s'accélère étrangement à l'approche des élections européennes. Le discours pathétique de notre Premier ministre se finissant sur une gloire à l'Ukraine en ukrainien sera probablement marqué d'une pierre blanche montrant la décadence du pouvoir politique français. D'ailleurs, certains auront souligné que cette expression ukrainienne était utilisée par l'extrême droite du pays qui avait soutenu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors factuellement est-ce que la France est en guerre avec la Russie ? La réponse est non. Par contre, l'appui permanent octroyé à ce pays est clairement une action qui peut être interprétée comme une co-belligérance par les Russes. Il semblerait d'ailleurs que des troupes françaises et des troupes de divers pays de l'OTAN soient déjà sur les terres ukrainiennes.

 

Cependant si l'on se place du point de vue géopolitique est-ce que la Russie est un ennemi naturel de la France comme semble le supposer monsieur Macron ? Il est bien évident que la réponse est négative. Si la France et la Russie se sont affrontées lors de l'épisode calamiteux des guerres napoléoniennes. D'un point de vue géopolitique, nos deux nations n'ont aucun contentieux réel. Encore une fois, c'est surtout la géographie et l'histoire qui peuvent parfois pousser des peuples à s'affronter. L'on peut tout à fait comprendre les inquiétudes des pays de l'Est vis-à-vis de la Russie. L'histoire de l'URSS est encore fraîche et des pays comme la Pologne ont toujours été un peu en compétition avec la Russie. Ce sont les deux pays slaves qui ont fait l'histoire de cette région du monde, les Polonais ayant perdu leur indépendance après le partage de la république des deux nations entre la Prusse, l'Autriche, et la Russie. Le dernier partage aura lieu en 1795. Ce genre de chose peut donner des envies de revanche historique. Les Français en savent quelque chose, nous avons eu de nombreux contentieux avec les Allemands, mais aussi les Anglais dans notre longue histoire. Et pour les Polonais l'URSS est encore quelque chose de récent.

 

En revanche, la France n'a aucune raison d'en vouloir à la Russie. Notre pays fut d'ailleurs l'un des rares à avoir des relations relativement correctes avec l'URSS, tout comme nous fûmes les premiers à reconnaître la République populaire de Chine. Parce que nos élites d'alors, et bien évidemment le général de Gaulle, avaient bien su faire la distinction entre les régimes politiques et les nations. On ne juge pas le régime d'une nation, c'est au peuple de ces pays de choisir leur régime politique même s'il ne nous plaît pas. C'est un des principes récurant de la souveraineté auquel nos nations ont malheureusement dérogé petit à petit sous la pression politique et idéologique des USA. Le point de départ de la rupture avec ces principes en Europe étant probablement la guerre en ex-Yougoslavie. L'usage grotesque du casus belli d'imposition de la « démocratie » a ainsi marqué toute la politique de l'occident, c'est à dire des USA et ses satellites tout au long des vingt premières années du 21e siècle. De l'Europe ou Moyen-Orient, la démocratie fut l'argument massue utilisé à tort et à travers pour renverser des régimes qui ne plaisaient pas à Washington. La ficelle fut grosse, mais elle a bien fonctionné en grande partie grâce aux médias qui ont très peu contredit le discours officiel. Le monologue proguerre des grands médias français aujourd'hui, a, je pense, mis fin aux illusions quant à la qualité de contre-pouvoir des « journalistes », en tout cas en France.

 

L'appareillage militaire même des nations de l'OTAN fut transformé par ces croisades incessantes. C'est par exemple à partir de Jacques Chirac que l'armée française fut transformée d'une armée de défense territoriale en une armée de projection. Un choix discutable quand on voit le résultat aujourd'hui. En effet, ce type d'armée n'était pas faite pour défendre le territoire national, mais pour faire office de mercenaire à l'étranger en jouant les armées américaines en version miniature. Il est d'ailleurs étonnant en un sens que l'homme qui a marqué le début de sa présidence par la relance des essaies nucléaires, Jacques Chirac, soit aussi celui qui a en réalité démoli la structure militaire française en la mettant dans un rôle de supplétif pour l'armée américaine. On comprend mieux ici les propos de Marie-France Garaud : « Je croyais que Chirac était du marbre dont on fait les statues. En réalité il est de la faïence dont on fait les bidets. ».Si l'on ajoute à cette orientation de vassalité militaire le fait que Chirac est l'homme qui nous a fait rentrer en pratique dans l'euro alors qu'il aurait pu arrêter ce suicide, on voit qu'il n'était en pratique pas plus souverainiste que Giscard ou Mitterrand. On pense souvent que c'est l'atlantiste Sarkozy qui a fait réintégrer la France au commandement intégré de l'OTAN, mais c'est bien Chirac qui a préparé en réalité cette réintégration.

 

Le conflit avec la Russie s'inscrit dans cette longue descente aux enfers des relations internationales qui s'est fortement accélérée après le 11 septembre 2001. Rajoutons à cela l'OTAN qui est une organisation que je qualifierai d'anachronique, qui aurait dû être dissoute à mes yeux juste après le pacte de Varsovie. En effet, l'OTAN était une alliance défensive, mais à partir du moment où le danger de l'URSS a disparu, cette alliance n'avait plus de sens. Cependant, la structure a perduré et comme toutes les structures bureaucratiques elle tend à vouloir maintenir sa propre existence, car elle fait vivre beaucoup de monde. Ajoutons à cela que l'OTAN est une machine à valoriser le matériel militaire américain qui a ainsi un marché captif pour ses matériels, quelle que soit leur qualité. Les aventures grotesques du F35 ont montré assez fortement que les pays membres n'achètent pas vraiment du matériel américain pour ses qualités, mais surtout pour obtenir les faveurs de l'empire. En un sens, on pourrait même dire que l'OTAN de par sa structure corruptrice a donc considérablement affaibli les pays membres. À tel point d'ailleurs que nous nous retrouvons incapables tous ensembles de fournir du matériel à l'échelle de la production russe. Un pays qui n'a pourtant que 145 millions d'habitants contre plus de 800 millions coté otanien.

 

L'effondrement de la politique marketing

 

Il ne s'agit pas ici de justifier la guerre de la Russie. Mais il est évident que l'occident a tout fait pour provoquer Poutine. Le simple respect des accords de Minsk aurait certainement mis fin aux tensions par exemple. C'est absolument tragique parce que l'Ukraine avait tous les atouts pour devenir un pays prospère. En nourrissant, l’extrémisme en Ukraine, l'occident, et surtout les USA, ont provoqué une catastrophe absolue dans une région qui n'en avait vraiment pas besoin. Dans ce cadre on peut donc se demander à quoi joue Macron. Est-il à ce point stupide et ignorant qu'il croit vraiment au narratif occidental ? J'en doute. La vérité c'est que le réel et l'intérêt national ne l'intéressent pas. En un sens, il est le révélateur de la maladie qui ronge notre nation depuis plusieurs décennies et qui prend aujourd'hui une tournure tragique. Comme on l'a vu, les politiques contraires à l'intérêt national ne datent pas d'hier. J'ai cité Chirac, mais ses prédécesseurs ont fait bien pires encore. Mais ce personnel politique avait un niveau culturel qui pouvait lui permettre de faire semblant avec une grande aisance. En fait, la visibilité de la trahison permanente du macronisme est liée à l'effondrement du niveau du personnel politique. La baisse du niveau n'a donc pas que de mauvais côtés finalement.

 

Elle rend visible aux yeux de tous ce qui auparavant nécessitait quelques connaissances et pratiques du pouvoir politique français. Nos élites ne sont mues que par la volonté de faire des coups médiatiques. Seul l'instant présent compte. Et tout le problème c'est que notre système de sélection des élites est tourné dans ce sens. Nous n'avons pas un problème avec Macron, il n'est que le résultat d'un système et c'est beaucoup plus grave. En effet s'il est imaginable qu'un système politique puisse avoir des accidents et mettre au pouvoir des gens qui n'y ont pas leur place. Notre système met lui systématiquement des gens qui n'agissent que par tromperie et mensonge. Nous ne sélectionnons plus que des gens indignes de ces fonctions. Et cela dure en réalité depuis le départ du général de Gaulle. L'on pourrait accuser ici la constitution de la cinquième république. Mais je pense en toute honnêteté que l'évolution aurait été similaire avec un système moins présidentiel. J'y vois la collusion entre les médias de masse et le système électoral. Le passage d'une société de l'écrit à une société de l'écran, a rendu nos démocraties incapables de mettre des personnels qualifiés au pouvoir. Car les qualités nécessaires pour monter au pouvoir à travers le système médiatique, n'ont rien avoir avec les qualités nécessaires pour gérer nos nations.

 

Nous assistons donc en France, mais aussi un peu partout en occident à l’effondrement des démocraties marketing fondées sur la communication à court terme. Un système qui est né et a prospéré depuis que la télévision a remplacé les journaux écrit entre les années 60 et 70. Il est probable que les régimes moins démocratiques sont plus résistants au système médiatique et à la course à l’échalote électorale. Ils peuvent donc mieux préserver la notion de politique à long terme. C'est une évidence en Chine, mais c'est aussi un peu le cas de la Russie même si cela changera probablement le jour où Poutine quittera le pouvoir. Cette dichotomie actuelle entre une Chine et une Russie qui apparaissent aux yeux du monde comme des nations plus rationnelles et respectables que celles d'occident n'est pas le fruit du hasard. C'est le produit d'une dégradation massive des personnels politiques dans tout l'occident. Les politiciens-marketing produits des systèmes de communication des médias de masse sont incapables de se comporter rationnellement à long terme. Ils n'ont ni parole ni vertus, car ils ne montent au pouvoir qu'en mentant et en trichant. Les vertueux sont systématiquement éliminés par la mécanique médiatique. Ils sont enfermés dans un système qui sélectionne en fait les pires individus possibles pour diriger nos nations. Ils provoquent ainsi des catastrophes économiques, mais aussi géopolitiques. Le coup de com actuel de monsieur Macron qui utilise maintenant le langage de la guerre en permanence est en quelque sorte l'apothéose de ce que peut produire ce système de sélection. Vous comprendrez donc pourquoi le simple départ d'Emmanuel Macron ne changera pas le problème de fond.

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11 mars 2024 1 11 /03 /mars /2024 15:50

 

Nous avons précédemment surtout parlé du RN. Il me semble tout de même approprié de parler rapidement de son ersatz Eric Zemmour. À dire vrai depuis le début, j'ai bien du mal à comprendre l'intérêt de ce mouvement au sein du système politique français. Eric Zemmour n'apporte absolument rien au débat et en réalité ne donne pas vraiment de véritable alternative à la France. Certains ont imaginé qu'il était en quelque sorte un machin fabriqué par les médias pour nuire au RN. Il est certain que son espace médiatique a été très large dès le début, ce qui peut effectivement donner cette impression. Mais l'on peut tout aussi bien expliquer ça par les réseaux de relations que possède le personnage. Son apparition est probablement due à une collusion d'intérêt. Et peut-être est-il sincère dans sa démarche. J'ai quelques doutes sur la question, vu le milieu dont il vient, mais passons. Personnellement, je ne me lancerai pas dans une recherche de stratégie médiatique et de coup tordu pour le contrer. Je n'utiliserai que des arguments rationnels et fondés, comme j'essaie de le faire le plus possible sur ce blog dans la limite de mes maigres capacités.

 

Alors, commençons tout de même rapidement par répondre au discours qu'il a tenu sur ses opposants souverainistes qui lui reproche à juste titre d'être incohérent en voulant rester dans l'UE. Des opposants qu'il décrit comme Frexiteur. Son propos est rapide, mais son argument ne visait probablement pas à convaincre ses opposants à mon avis, mais plutôt ceux de ses partisans qui commencent un peu à douter. Voici le court passage en question. Il fait quelque chose que j’exècre au plus haut point, il fait de la volonté de sortie de l'UE le résultat d'une colère ou d'un mouvement produit par l'émotion. Il joue les hommes compréhensifs, à l'égard de pauvres pommés qui cherchent à sortir de l'UE. Je grossis le trait volontairement, il n'a pas été aussi outrageux ouvertement, mais c'est très clairement ce qui ressort de son court propos. Nous lui répondrons simplement que c'est bien la raison qui nous pousse à vouloir sortir de l'UE et non la colère ou je ne sais quelle émotion qui nous dominerait. On voit ici à mon humble avis toute la limite du zemmourisme coincé dans son propre piège électoral à vouloir ménager la chèvre et le chou.

 

L’incohérence zemmourienne 

 

Zemmour a voulu construire une alternative au RN, mais pas l'alternative que l'on pouvait attendre ou espérer, celle d'une rupture avec la construction européenne mère d'une grande partie de nos malheurs, en particulier l'euro. Au contraire, Zemmour a fait une stratégie de droitisation par rapport au RN. Depuis quelques années, ce parti a produit une impression de donner du lest d'un point de vue économique, et de se s'orienter moins à droite sur le plan économique. Entendez, par là, moins libéral et plus interventionniste. En un sens, le RN était un peu obligé de le faire étant donné son électorat populaire. Zemmour en a sans doute conclu qu'une image plus à droite lui permettrait de piquer des voix dans les couches sociales de l'ancien Front National, celles des bourgeois de droite en quelque sorte. Le retour à l'obsession sur l'immigration et l'islam, le tout enrobé d'un discours libéral digne des années 80 a été en quelque sorte le programme de Zemmour depuis qu'il est apparu comme homme politique et plus comme le pamphlétaire médiatique qu'il était jusqu'alors.

 

On pourrait d'ailleurs ici souligner que le Zemmour de 2024 aurait quelques problèmes à s'entendre par exemple avec le Zemmour de 2005 ou 2010 qui était alors beaucoup plus critique sur la construction européenne autant que je sache, et pour le peu dont je me souviens. Cette évolution en soi est très étrange. Alors on pourrait ici y voir une stratégie pour prendre du poids électoral, mais c'est une stratégie très discutable. En effet si le RN en devenant « raisonnable » sur le plan européen on peut à la limite le comprendre puisqu'il a un électorat en grande partie captif. Changer de cap peut donc élargir sans doute son marché électoral même si cela conduira nécessairement ce parti à l'échec s'il arrive un jour au pouvoir. Mais Zemmour est un nouveau en politique. Il lui fallait donc créer une véritable identité qui lui soit propre et différente du RN. Je me base ici sur une réflexion purement électorale. Mais au lieu de s'appuyer sur une certaine cohérence en appelant à la sortie de l'UE, il a préféré faire du Le Pen version 1988 à coup de « dehors les Arabes ». Heureusement, il y a peu de chance qu'il dénie l'existence des chambres à gaz contrairement à son modèle programmatique.

 

Même si l'on se place du point de vue strictement électoral, on ne voit pas vraiment où son parti veut en venir. L'offre proeuropéenne et anti-immigration existe déjà, c'est celle du RN ou à la limite la droite plus classique. Ce parti fait donc doublon avec une offre politique qui n'a d'autre intérêt que la personne de Zemmour et la pancarte commerciale blonde qui l'accompagne. Le RN et Zemmour c'est deux fois la même chose, et la même impasse d'ailleurs. À dire vrai, je ne vois plus ceci que comme une espèce de lutte d'ego entre des personnalités qui visent le pouvoir simplement pour avoir le pouvoir. Ils ne cherchent pas réellement à résoudre les problèmes du pays. Le manque de sérieux des programmes est d'ailleurs là pour en attester. La France est vraiment le pays d'Iznogoud où tout le monde veut être président à la place du président sans vraiment savoir pourquoi.

 

En un sens, Zemmour est devenu peut-être sans le vouloir, et par la force des choses de son positionnement et de ses alliés, le candidat des « identitaires ». C'est d'ailleurs assez drôle quand on y pense de voir des identitaires soutenir un type qui n'est pas français sur le plan biologique, la France n'est pas à un paradoxe près. D'ailleurs, le courant identitaire m’a toujours paru suspect, comme une importation idéologique étrangère à la France et à son histoire. Leur obsession pour la race est vraiment quelque chose d'étranger à l'histoire de notre pays. J'y vois ici les effets de l'américanisation du pays plus qu'un produit de la réaction française à une immigration effectivement excessive et produisant de nombreux problèmes.

 

Pour en revenir aux contradictions, parlons un peu des propositions de Zemmour. Vous pouvez retrouver des résumés de leurs propositions politiques sur leur site. Sur l'Europe par exemple, monsieur Zemmour affirme « Reprendre le contrôle de nos frontières », et il continue en précisant qu'il faudrait modifier les traités européens si nécessaire. Cela confirme en premier lieu qu'il a bien conscience que ces politiques sont contraires au droit européen. Ouf, il n'est pas totalement inculte. Mais par ailleurs, il se fiche un peu de son électorat. D'une part, modifier les traités nécessite la majorité de l’approbation des membres dans certains cas, et même l'unanimité dans beaucoup d'autres. Qui peut affirmer ici qu'il est possible de mettre tous les membres de l'UE d'accord sur le fait par exemple de réduire l'immigration ? Est-ce que vous croyez sincèrement que l'Allemagne par exemple dont le patronat veut toujours plus d'immigrés va arrêter ces politiques d'un seul coup parce que monsieur Zemmour l'exige ? Ensuite, le laissez-faire n'est pas là par hasard. Le libéralisme est structurel à l'UE parce que lorsqu'il y a trop de monde avec des intérêts divergents, le laissez-faire et l'ouverture sont la solution la plus simple à mettre en œuvre. Les concepteurs de l'UE, qui étaient des gens anti-démocrates, mais intelligents, savaient très bien ce qu'ils faisaient en créant leur grand machin. Une structure qui allait mécaniquement affaiblir les états et créer un grand marché dérégulé par la force des choses et des contradictions entre les intérêts nationaux. Ce qu'ils n'avaient pas prévu c'est que loin d'apporter la prospérité, la disparition des états nations apporte la misère, l'impuissance générale, et le déclin très rapide du continent européen.

 

 

Autre exemple. Zemmour propose de protéger nos entreprises de la concurrence déloyale. Mais c'est totalement incompatible avec tout l'ADN de l'UE qui ne veut ni taxe interne ni déformation du commerce par intervention des états. Pour l'UE avoir des salaires très bas n'est pas une concurrence déloyale, les Français n'ont qu'à être moins payés, c'est tout. Là encore, il faudrait fortement modifier les traités et c'est impossible. Et que dire de l'euro dont monsieur Zemmour ne parle pas. La zone euro une zone monétaire non optimale. Cela signifie que c'est une zone où le capital est libre, les marchandises aussi, mais pas vraiment les personnes. C'est aussi une zone où en réalité il n'y a pas de solidarité. Les flux monétaires d'aide sont en réalité très faibles par rapport aux PIB européens. Les zones riches n'aident pas vraiment les zones pauvres qui coulent indéfiniment contrairement aux régions à l'intérieur des nations qui bénéficient de transfert très important entre elles. Or la France fait l'essentiel de son déficit commercial avec le reste de la zone euro. Après le fort déficit avec les Pays-Bas doit cacher des importations d'autres pays et zones. Il s'agit probablement d'importations chinoises et asiatiques camouflées par le fait que la France importe à travers les ports néerlandais et belges. Mais on voit bien que l'euro est un véritable boulet pour notre économie. Et un problème monétaire de cette envergure nécessiterait pour être compensé des quotas et des droits de douane totalement incompatibles encore une fois avec les traités européens.

 

On le voit rapidement sur ces sujets. Tout changement réel en France ne peut être réalisé qu'accompagné d'un retour à la souveraineté nationale. La sortie de l'UE et de l'euro n'est pas une condition suffisante pour résoudre nos problèmes, mais c'est une condition nécessaire. Il faudra aussi rompre avec l'idéologie néolibérale. Et sur ce plan Zemmour, et son parti, sont très mal placés pour le faire, tout englués qu'ils sont dans l'idéologie thatchérienne des années 70-80. J'ajouterai ici une petite réaction à un argument grossier souvent utilisé par les partisans de Zemmour, celui de la dette publique. Nous serions incapables de sortir de l'UE et de l'euro à cause de la dette publique. C'est un argument qui n'a pas de sens. Tout d'abord, la dette publique française était beaucoup plus forte en 1945 et ça n'a pas empêché la France de se redresser toute seule alors que le pays était dans un état catastrophique. Ensuite, cette dette est le produit justement de la construction européenne qui nous est défavorable. En désindustrialisant le pays, on a détruit la source de la richesse et des gains de productivité. Tout ce qui concourt à ramener l'industrie en France permettra justement de réduire la dette à terme. C'est surtout le déficit extérieur et la dette extérieure qui posent problème et cela ne peut pas être comblé sans dévaluation et politique protectionniste.

 

Du reste, rappelons que dans le pire des cas on peut monétiser ou répudier une dette. Si monsieur Zemmour est aussi passionné d'histoire qu'il le prétend comment peut-il ignorer le nombre de fois où la royauté française s'est assise sur les dettes contractées au nom de l'intérêt national ? Ce ne serait pas la première fois très franchement. Et une petite inflation à 4% pendant quelques années accompagnées d'une dévaluation et d'une indexation des salaires sur l'inflation réglerait mécaniquement bon nombre de nos problèmes. Et cela ne nécessite pas de politique très complexe à mettre en œuvre. Évidemment cela ne plairait probablement pas à l'électorat, rentier et bourgeois qui vote Zemmour. Un électorat dont le patriotisme ne dépasse sûrement pas les intérêts du portefeuille.

 

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8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 16:06

 

C'est fait, notre gouvernement qui gère très mal un pays au bord de la faillite, et dont le président veut l'entraîner dans un conflit armé avec la Russie, avait visiblement un besoin pressant d'introduire l'IVG dans la constitution française. Un empressement qui était d'autant plus étrange qu'aucune formation politique aujourd'hui ne remet en question l'avortement. À dire vrai l'opposition à l'avortement en France est extrêmement minoritaire. En général, la critique à l'encontre de l'avortement est surtout affaire de condition sur celui-ci. Après combien de temps on peut avorter, ou ce genre de chose. L'obsession pour le droit à l'avortement revendiqué, près de 50 ans après les lois Veil, a quelque chose d'extrêmement étrange. Disons-le tout net, cette introduction dans la constitution est totalement inutile en plus d'être absurde. Une constitution n'est pas un texte de loi, c'est un texte qui est là pour organiser le pouvoir et les différentes procédures qui donne tel ou tel pouvoir à telle ou telle institution. En aucun cas, on ne fait de la politique, de l'économie ou autre chose de ce type dans une constitution.

 

Alors les olibrius qui ont voulu introduire l'IVG dans la constitution sont d'ailleurs de sacrés plaisantins. En effet, le président Macron et son gouvernement n'ont eu de cesse de violer la constitution depuis qu'ils sont au pouvoir. Le président a abusé de l'article 49-3, et abuse assez largement de ses prérogatives. Tous les jours l'esprit de notre droit est violé par ce personnage et ses serviteurs. Le voir dès lors faire des simagrées pour soi-disant sanctuariser l'IVG en l'introduisant dans la constitution a quelque chose de très malsain. Du reste, soyons logiques, s'ils ont modifié la constitution pour y mettre l'IVG, un autre gouvernement pourra faire l'inverse. Par leurs actions, ils montrent assez largement que justement la constitution ne sanctuarise rien du tout. Et avec le gouvernement Macron, elle a largement perdu de sa sacralité. Et ce n'est pas la première fois puisque nos gouvernants violent nos institutions depuis longtemps eux qui ont vendu la souveraineté française à l'UE et à l'OTAN. Faut-il rappeler la forfaiture de Nicolas Sarkozy qui fit voter une constitution européenne identique à celle que le peuple avait rejetée largement par référendum ?

 

L’hystérie féministe

 

Cependant, oublions un peu le caractère absurde de cette décision et réfléchissons aux motivations étranges qui l'ont produite. En premier lieu bien évidemment il y a une stratégie de communication. Cela permet à la gauche sociétale de faire parler d'elle sans prendre de risque avec un sujet qui ne produit au fond aucune réelle dissension. La preuve, on n'a eu droit à aucune manifestation contre le projet montrant au passage la validité de la thèse d'Emmanuel Todd sur la mort finale du catholicisme en France. Tout comme le mariage pour tous, l'introduction de l'IVG dans la constitution est une preuve supplémentaire de la mort définitive des anciennes croyances dans la population. Certains y voient un progrès, je le perçois à titre personnel de plus en plus comme un signe de décadence. N'y voyait point de sermon chrétien de ma part, je suis athée. Par contre, l’absence d’intérêt pour tout y compris les questions de vie et de mort à de quoi inquiéter. Le nihilisme est bien ce qui caractérise notre époque avec aussi comme conséquence des illogismes massifs. En effet n'est-il pas étonnant d'un côté de valoriser de façon excessive ce qui est en partie un meurtre quoiqu'en disent les partisans de l'IVG décomplexée, et de l'autre interdire la peine de mort pour les meurtriers ? En toute logique il y a là une dichotomie de raisonnement absolue ici.

 

 

Entendons-nous bien, je ne suis pas contre l'IVG . Par contre, je considère qu'il s'agit d'un acte extrême qui est en partie le résultat d'un échec. Et c'est d'ailleurs un acte qui peut avoir des répercussions délétères sur la mère. J'en sais quelque chose, ma propre mère a avorté lorsque j'étais enfant, et elle m'en parle encore avec anxiété des décennies plus tard. L'IVG n'est pas un moyen de contraception. Il est d'ailleurs très étrange que le nombre d'IVG ne se soit pas effondré depuis 40 ans, car en matière de contraception les moyens modernes sont nombreux. Or, on constate une certaine stabilité du nombre d'IVG avec 14 avortements pour 1000 femmes en age de procréer par an environ. On constate d'ailleurs une hausse des IVG depuis quelques années. La crise du COVID et la dégradation de la situation économique ont probablement joué sur cette hausse. Je ne m'étendrais pas sur le sujet. Ce n'est pas ce qui m'intéresse ici. Mais avouons que cet unanimisme sans questionnement pour une pratique qui consiste à empêcher de nouveaux individus de venir au monde est assez suspect, surtout dans un pays en plein effondrement démographique. On pourrait y voir une culture de la mort, qui irait de pair avec le suicide économique et maintenant militaire dans lesquels nos élites veulent nous conduire.

 

Pour Macron cette affaire a aussi permis de créer un consensus autour de cette décision et de sa personne. Pour une fois, il a l'impression d'être populaire. C'est un acte de communication qui ne coûte rien et qui lui permet de se donner une bonne image auprès de l'électorat féminin. Rappelons que ce qui caractérise ce personnage c'est sa propre mise en scène permanente. Il n'a ni projet national ni intérêt pour le collectif. C'est un être théâtral qui fait semblant de jouer un rôle, mais qui met surtout sa propre personne en avant. C'est une constante chez lui et cela transparaît encore plus avec la guerre en Ukraine et ses délires guerriers aussi ridicules que dangereux pour notre nation. Cependant si ces considérations communicantes ont joué leur rôle, il y a sans doute d'autres facteurs à prendre en compte. Des facteurs sociaux et anthropologiques.

 

Comment ne pas voir par exemple l'américanisation de nos élites comme un facteur déterminant dans cette sanctuarisation de l'IVG ? En effet, comme je l'ai dit, il n'y a aucun mouvement de masse en France remettant en question l'IVG. Pourtant à écouter nos féministes de télévision, il s'agissait d'une urgence. L'explication la plus probable est l'influence culturelle américaine. Gorgées de séries Netflix et d'information d’outre-Atlantique, nos féministes ont confondu la France avec la situation américaine. Car aux USA il existe effectivement des mouvements encore très importants de lutte contre l'IVG. Certains états d'ailleurs l'interdisent ou en tout cas régulent fortement cette pratique. Cependant, il faut être, excusez-moi, mais vraiment soumis à l'empire américain pour confondre à ce point la situation des USA avec la nôtre. Si en France comme aux USA le ras-le-bol des politiques menées par le camp dit progressiste génère une colère très légitime et une poussée des partis plutôt extrémistes. Il est tout à fait grotesque de penser que ce phénomène aura les mêmes conséquences sociopolitiques dans les deux pays. La France n'est pas les USA. Nos traditions sont différentes en tout point et encore une fois personne en France ne remet l'IVG en cause fondamentalement. Cela traduit ici l'affaissement culturel français et la déconnexion des élites avec leur propre pays qu'elles assimilent à un état américain en quelque sorte. Une preuve supplémentaire de notre vassalisation mentale.

 

L'autre facteur est plutôt à chercher dans les thèses d'Emmanuel Todd, encore lui. Il faut dire qu'avant son ouvrage sulfureux sur la défaite de l'occident il avait écrit un livre tout aussi hétérodoxe sur la question des femmes et du féminisme. « Où en sont-elles ? » est un livre qui a trouvé finalement peu d’écho quand il est sorti. Il faut dire que le timing fut plutôt mauvais puisqu'il est sorti un peu avant début de la guerre en Ukraine en janvier 2022. Il était très original et a soulevé l'importance du changement anthropologique que nous avons connu depuis un siècle sur le statut de la femme et ses conséquences sur les sociétés occidentales. Contrairement au discours dominant, nous ne sommes pas dans une société patriarcale. D'ailleurs, les sociétés occidentales n'ont jamais été patriarcales. À la limite, elles étaient dominées en partie par les hommes. Mais le statut de la femme en occident n'a jamais été aussi bas qu'en Chine, en Inde, ou au Moyen-Orient.

 

Et la France catholique a eu en plus une tradition bien plus féministe encore que ce qui pouvait se faire dans bon nombre d'autres nations européennes à l’exception de la Suède. Emmanuel Todd a d'ailleurs très bien montré que la révolution féministe en France n'a pas été une révolution et qu'en réalité elle a été très facilement acceptée par la population masculine du pays. Rien avoir avec les luttes dans les pays protestants anglo-saxons par exemple. Là encore, le féminisme français ne connaît pas son histoire et importe les luttes de pays très différents sur le plan anthropologique et historique. Mais Emmanuel Todd souligne tout de même ce paradoxe qu'il y a entre cette hystérie affichée par les féministes en France et la réalité de leur lutte qui n'en a jamais été une en fait. La survalorisation de la lutte féministe française a deux origines à mon avis. D'une part, il s'agit de valoriser des organisations qui perdent petit à petit leur intérêt depuis que les femmes ont obtenu les mêmes droits que les hommes. Tout comme "SOS racismes" qui a eu besoin d'inventer du racisme pour justifier son existence. Les organisations féministes ont besoin d'inventer un patriarcat imaginaire pour justifier leur propre existence.

 

Ces chiffres ont surtout été utilisé pour créer une opposition H/F au lieu de parler de l'échec global de la réforme du lycée
La réalité de l'échec scolaire des garçons en un graphique

 

Le second facteur est l'angoisse que ressentent les femmes depuis qu'elles sont soumises comme les hommes à la contrainte salariale et économique. C'est tout le propos de Todd et qui explique les divagations féministes délirantes qu'on entend en permanence dans les médias et qui consistent à survaloriser les femmes et à en faire des victimes permanentes. Je prends un exemple très récent. On vient d'apprendre que la réforme scolaire du lycée a fait s'effondrer le nombre d'étudiants en BAC scientifique. Et que disent les médias d'après vous ? Que la réforme a fait chuter le nombre de jeunes femmes en Bac scientifique. Alors que la chute touche les deux sexes même si cela touche un peu plus les femmes. Je pourrais faire un inventaire à la Prévert de ce type de dichotomie analytique consistant à surmédiatiser des problèmes féminins tout en passant sous silence de vrais problèmes touchant plutôt l'autre sexe. On vous parlera de la surreprésentation des hommes dans tel ou tel secteur tout en oubliant de parler de la surféminisation des secteurs comme l'enseignement, la médecine ou pire la magistrature. Le traitement délirant de l'IVG et sa canonisation républicaine semble donc être un effet secondaire de cette évolution sociologique. L'on pourrait dire qu'elle caractérise une situation de matriarcat en réalité. Les femmes faisant nettement plus d'études que les hommes maintenant, elles prennent un pouvoir de plus en plus important tout en cachant cette évolution déséquilibrée par leur victimisation permanente. Je rappellerais simplement cette réalité, l'échec scolaire en France touche essentiellement les garçons. C'est étrange pour une société patriarcale, ne trouvez-vous pas ?

 

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4 mars 2024 1 04 /03 /mars /2024 15:32

 

Une fois n'est pas coutume, nous allons parler un peu de la politique intérieure française. Ou plutôt du champ politique français qui est assez désespérant, il faut bien le dire. L'actualité s'apprête très bien à cette discussion puisque le principal parti « d'opposition » au pouvoir en place, le RN, vient de lancer en quelque sorte sa campagne pour les Européennes de juin prochain. Je dois dire que je ne suis guère étonné du poids du RN actuel. Je l'avais même pressenti dans mon texte de 2017 qui avait fait quelques discussions à l'époque puisque j'avais appelé à voter Macron en grande partie par calcul à long terme. Car même s'il est catastrophique pour le pays, Macron a quand même quelques vertus à son corps défendant. En effet on l'a un peu oublié depuis que notre petit despote a pris le pouvoir en 2017, mais nous sortons quand même de quarante ans d'essuie-glace électoral droite-gauche. Un essuie-glace qui faisait qu'en réalité aucun changement de politique ne pouvait advenir, car les deux côtés prônaient en réalité les mêmes politiques européistes et néolibérales.

 

On peut dire que Macron a eu cette qualité de faire fusionner les camps bourgeois des deux côtés de l'échiquier politique. Et en faisant cela, il a en réalité affaibli très fortement le camp du globalisme. C'était tout le sens de mon appel à voter Macron en 2017. Il s'agissait de faire surgir ouvertement le camp du globalisme à travers Macron en espérant que cela permettrait à terme une véritable alternative, car il ne pourrait pas se maintenir éternellement au pouvoir. C'était d'autant plus une certitude qu'il était aussi très clair que ces politiques échoueraient et produiraient une forte crise économique en France. Cela fut le cas et la situation du pays est aujourd'hui absolument dramatique sur tous les plans. Je dois dire qu'il a réussi à être encore plus médiocre que ce à quoi je m'attendais. Mais si Macron n'a pas été une surprise, c'est plutôt l'évolution de son principal opposant qui l'a été, et ce dès le second tour des élections de 2017.

 

La trahison du RN

 

En effet, je dois bien admettre que je me suis bien planté sur le RN dans mon texte de 2017. Ce n'est pas demain que je pourrais remplacer Emmanuel Todd comme prophète officiel. Si j'avais bien imaginé que l'élection de Macron à terme favoriserait la montée du RN, et peut-être à terme sa prise de pouvoir. Je n'avais pas du tout imaginé que ce parti deviendrait finalement plus centriste encore que la vieille UDF de Bayrou sur le plan économique et sur l'UE. Comment se fait-il en effet que le RN qui avait le vent en poupe lorsqu'il a appelé à sortir de l'UE et de l'euro en 2017 ait à ce point changé de point de vue depuis ? Et d'ailleurs comment se fait-il qu'un parti qui est soi-disant d'opposition, mais dont les principales volontés politiques sont de plus en plus proches du pouvoir en place fasse de plus en plus de scores si l'on se fie aux sondages ? Car le RN de 2024 a littéralement évolué contre le RN de 2017. La différence de programme et l'européisme affiché désormais à la tête de ce parti sont tout simplement sidérants. Si encore les personnes à la direction du parti avaient complètement changé, on pourrait l'imaginer, mais même pas. C'est toujours la même Marine Le Pen qui est passée d'anti-européenne compulsive et souverainiste, à agent parlementaire de la commission européenne en l'espace de quelques années.

 

Ce simple état de fait devrait au moins alimenter la suspicion parmi les électeurs, mais les électeurs votent-ils seulement pour des programmes ? On peut sérieusement en douter à regarder l'évolution des partis politiques français. Tout se passe comme si les électeurs votaient mécaniquement pour les partis d'opposition officielle sans réellement se poser la question de la validité du caractère d'opposition de ces partis. C'était déjà le cas à l'époque de l'affrontement bidon entre le PS et du RPR devenu ensuite l'UMP puis les Républicains. Aujourd'hui, c'est la même chose, mais avec l'affrontement entre le centre extrémiste de renaissance et le RN plus centriste que patriote. Je pense d'ailleurs que Macron a très bien compris le peu de danger réel du RN pour le système. Sa sortie récente sur le RN voulant rompre avec l'UE et l'euro pendant le salon de l'agriculture a été un moyen de nourrir encore la fausse opposition que représente aujourd’hui ce parti politique. Volontairement, ou non, Macron a donné du grain à moudre à ce parti en en faisant le seul véritable opposant au système. Et même si madame Le Pen a vite démenti sa volonté de rompre avec l'UE et l'euro, le message est quand même probablement resté dans la tête de la population la moins alerte de la réalité politique française. Voter RN, c'est voter pour la souveraineté française, se disent probablement les électeurs, et c'est voter contre l'UE et sa politique. Malheureusement, c'est tout aussi faux que s'ils votaient LFI pour les mêmes raisons. Ces groupes ne remettent aucunement en cause la dissolution du pays au sein de l'UE et ne changeront strictement rien en pratique aux politiques mis en place dans notre pays depuis les années 70.

 

Alors allons-nous vers un nouveau système d'essuie-glace à l'avenir avec à la place du couple PS-UMP un couple Renaissance-RN ? On pourrait le croire à première vue. Mais la situation du pays est probablement trop dégradée pour ça. Je crains surtout une colère massive de la population si le RN arrive au pouvoir. La supercherie ne durera probablement pas plus longtemps que celle de Meloni en Italie. Rapidement la population se rendra compte de l'impossibilité d'un changement de politique au sein de l'UE. Il y a alors deux possibilités. Un désespoir total et la désaffection terminale pour le système politique avec un abandon des élections. On peut imaginer des taux d'abstention atteignant à terme 60 ou 70% même pour l'élection présidentielle. La bourgeoisie aurait alors atteint son but. Mettre fin à la démocratie pour maintenir son système économique globalisé, européiste et libéral, même si cela conduira à terme à la mort du pays et d'elle-même en réalité. L'autre option est la révolte plus ou moins violente. Avec des mouvements sporadiques de plus en plus violents. Le sursaut politique me semble peu probable. Ces révoltes ne produiront pas grand-chose cependant tant qu'elles ne seront pas guidées par une idée claire des problèmes et la nécessité de rompre avec la construction européenne et le néolibéralisme. La prise de conscience récente des agriculteurs sur la question invite tout de même à ne pas être totalement pessimiste. Quand les Français auront faim, ils seront de toute manière obligés de réviser leur jugement, y compris sur leurs certitudes les plus fortes. Il est quand même assez triste de devoir attendre que des conséquences néfastes pour la majorité de la population pour espérer une véritable prise de conscience de la masse de la population sur ces questions de souveraineté.

 

L'impasse souverainiste

 

Vous remarquerez que je n'ai pas beaucoup parlé de la gauche. C'est parce que je pense qu'elle ne pèsera pas grand-chose à l'avenir quoiqu'en pensent les fans de Jean-Luc Mélenchon ou de François Ruffin. D'ailleurs, cette gauche à l'heure actuelle n'est pas plus alternative que le RN. Elle n'appelle ni à la sortie de l'UE ni à celle de l'euro. Elle est constamment dans la contradiction appelant à des régulations économiques et frontalières totalement en contradiction avec la construction européenne qu'elle défend par ailleurs. Et sur les questions sociétales et migratoires elle n'en finit pas de s'américaniser, se faisant ainsi largement rejeter par les couches populaires qui devraient pourtant voter pour elle. Pour l'instant, la gauche française est trop enfermée dans la stratégie Terra Nova pour redevenir un réel problème pour le pouvoir en place. Alors il reste mes amis idéologiques, les souverainistes. Un mouvement qui est plutôt de droite même s'il reste quelques personnes de gauche attachées à la souveraineté, j'ai envie de dire heureusement qu'il en reste, c'est quand même le fondement de la démocratie la souveraineté nationale.

 

Alors bien entendu je voterai certainement pour l'un de ces groupuscules aux prochaines élections, et nous en reparlerons certainement. Mais ne soyons pas dupes comme monsieur Asselineau qui pense pouvoir peser aux élections grâce à ses arguments en béton armé anti-européen. Ses arguments ont beau être souvent parfaits, ce n'est pas ça qui fait une élection malheureusement. Et si je suis d'accord avec les propos de l'économiste Philippe Murer sur sa déception de ne pas voir de liste unique pour les souverainistes à l'élection européenne. Montrant ainsi que les ego passent passe avant l'intérêt général, ce qui n'est guère glorieux pour des gens prétendant défendre l'intérêt supérieur de la nation. Je ne pense pas qu'une union aurait de toute façon permis un vrai décollage d'un mouvement souverainiste en France. Tout au plus quelques pourcentages supplémentaires. Dans le meilleur des cas, les souverainistes ne pourraient espérer arriver au pouvoir qu'en faisant des alliances de circonstance qui très clairement les pousseraient à se saborder eux-mêmes et à finir comme le RN ou le pauvre Chevènement.

 

Le combat pour la souveraineté n'est pas dans l'arène politique. Et les politiques ne sont eux-mêmes pas grand-chose en réalité. Ils ne font généralement que reprendre les arguments et les politiques en vogue dans les médias et la croyance générale des couches sociales supérieures. Le véritable combat n'est pas là, il est idéologique et intellectuel. Les néolibéraux qui n'ont jamais eu réellement le pouvoir directement ont quand même gagné dans les années 70 en particulier face aux marxistes, aux keynésiens, et autres écoles de régulation économique héritées des politiques d'après guerre. Cette victoire malheureuse pour notre nation ne fut pas directement le produit d'un parti politique en particulier, mais celui d'un mouvement intellectuel qui finit par envahir tout le champ politique de droite comme de gauche. Si nous voulons réellement un changement en France, il faut faire la même chose et rendre la souveraineté comme une évidence dans tout le champ politique. Et c'est à travers le combat dans les médias et chez les faiseurs d'opinions que l'essentiel du combat se fait. Nous devons être l'évidence face à l'échec manifeste de l'européisme et du néolibéralisme. Un échec qui va devenir de plus en plus évident pour tout le monde dans les années qui viennent. C'est à mon sens ici que se mène le combat de fond, bien plus que sur une arène politique de plus en plus ridicule et vide de sens. Une fois, l’évidence souverainiste advenue chez les intellectuels, les journalistes et les philosophes, les politiciens suivront comme ils l'ont toujours fait. Pour l'instant un long chemin reste à faire. Mais plus la sortie de l'UE et de l'euro deviendra une évidence pour tout le monde, moins il sera nécessaire d'avoir des partis pour représenter cette option. Nous aurons gagné lorsque même le centre et la bourgeoisie voudront mettre fin à l'agonie européiste.

 

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