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20 mars 2023 1 20 /03 /mars /2023 16:10

 

Au moment où j'écris ce texte, nous ne savons toujours pas si le gouvernement est victime d'une motion de censure vis-à-vis de son énième 49-3 visant à imposer sa « réforme » des retraites qui consiste surtout en pratique à baisser les pensions des futurs retraités. En effet étant donné la réalité économique française d'un chômage de masse que le gouvernement camoufle, surtout pour les plus âgés. La hausse du temps de cotisation revient simplement à diminuer le nombre d'annuités qu'auront les futurs retraités et donc à baisser leurs retraites. Cela les Français l'ont bien compris parce que contrairement à ce que pensent les dominants, la majeure partie de la population n'est pas idiote. On remarquera d'ailleurs la piètre habileté de ce gouvernement qui a mal préparé le terrain par des campagnes de communication sur le plein emploi et le manque de main-d’œuvre. C'est-à-dire qu'ils savaient très bien qu'ils ne pouvaient pas augmenter directement la durée de cotisation sans avoir préalablement construit un mythe autour du plein emploi. Macron s'est donc évertué à d'abord éjecter massivement les chômeurs des catégories officiellement comptés comme chômeur avant de proposer de repousser l'âge de la retraite.

 

Quoiqu'il en soit, il semble que la population ne soit pas dupe. L'on voit aussi dans cette question de l'âge de la retraite une accumulation de colère d'un peuple qui sent instinctivement qu'on le mène à l’abattoir. Mais il faut bien prendre garde à ne pas tomber dans le piège de la personnalisation. Car Macron n'est pas le problème, il n'est que l'un des nombreux maillons de la chaîne néolibérale qui a démoli ce pays depuis les années 70 . Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure même si le gouvernement Macron tombe, rien ne risque de changer. Car le mal est profond. En premier lieu, aucun des grands partis, à l'heure actuelle, susceptibles de profiter de la chute du macronisme n'est réellement structuré pour une rupture avec les politiques de ces quarante dernières années. Ils arrêteront peut-être cette mesure sur les retraites, mais quid du chômage ou du déficit commercial ? Pour agir réellement et réindustrialiser le pays, il faut d'abord une rupture avec la mécanique qui a conduit la France à mettre en place ces politiques. Or ce cadre-là n'est jamais attaqué même par les opposants les plus bruyants à l'image de Mélenchon.

 

Sortir du néolibéralisme et de l'UE

 

Il faut bien comprendre que les néolibéraux et les politiques qui ont mis en place cette doctrine ne l'ont pas fait bêtement en faisant gagner politiquement leur camp. Le néolibéralisme est avant tout une structure de contrainte que les hommes politiques d'alors ont mise en place discrètement, mais avec férocité. Il s'agissait à partir des années 70 de mettre un cadre qui impose les politiques néolibérales. C'est la fameuse phrase de Margaret Thatcher « There is no alternative ». Car les néolibéraux s'ils pensaient que leurs politiques étaient meilleures pour l'humanité, car oui certains le pensaient, ils savaient tout de même pertinemment que cela bloquerait au niveau politique. Car il faut pouvoir se faire élire quand il y a des votes. Dans certains pays comme le Chili ce fut plus simple, on a renversé le gouvernement élu et mis un dictateur appliquant les recettes néolibérales sans opposition. Mais il était impossible de faire ça en Europe ou aux USA. Il a donc fallu mettre en place un système général qui ne donne pas le choix à la population.

 

Cette contrainte principale est évidemment en premier lieu la dette. Si les années 70 sont si importantes, c'est parce que c'est à cette époque qu'on passe d'un régime d'endettement public passant par les banques centrales à un système passant par les marchés financiers. Il est important de comprendre que c'est la première arme qui a permis l'imposition du néolibéralisme. Les effets ont mis du temps à se faire sentir parce qu'au départ la situation économique était très bonne avec des comptes publics au vert. Mais plus le temps a passé et plus cette contrainte s'est avérée fondamentale dans le dispositif de coercition sur les politiques publiques. On le voit encore aujourd'hui, Macron s'appuie sur la peur des réactions des marchés financiers pour imposer sa réforme stupide. On notera toutefois qu'il s'en inquiétait moins lors de la crise du Covid, quand il a fait exploser la dette publique pour compenser l'absurde mesure du confinement généralisé. Et n'oublions pas les intérêts qui s'accumulent au fil du temps . Comme le disait Keynes, la force des taux d'intérêt composés est extrêmement puissante . Et un état qui emprunte sur les marchés à 3% au lieu de 0 à sa banque centrale met les pieds dans un engrenage sans fin de dette irremboursable à la fin. Le mettant totalement à la merci des milliardaires et des multinationales.

 

Ceux qui font miroiter la peur du marché ignorent bien souvent que notre économie n'a pas toujours fonctionné avec des marchés financiers. Après guerre, et jusque dans les années 70, la bourse de Paris était absolument sans intérêt pour le fonctionnement du pays. L'état empruntait à la banque de France pour faire du financement public et ça marchait très bien. Il faut bien comprendre que l'argent se fabrique, on peut en faire autant qu'on veut . Évidemment il faut que l'augmentation de la masse monétaire soit proportionnée aux besoins de l'activité sinon vous faites de l'inflation, mais c'est la seule véritable limite. Laisser à des acteurs privés sur les marchés le soin de dire si une politique publique est valable ou non est en soi étrange et même profondément antidémocratique. C'est d'ailleurs le cœur du malaise en occident à mon humble avis. Nous vivons dans une société schizophrène qui d'un côté promeut officiellement l'égalité des citoyens, le droit de vote et les élections. Alors que de l'autre côté en pratique ce sont les puissances d'argent qui décident des politiques officielles. Comme si elles étaient porteuses naturellement de l'intérêt général et d'une sagesse dont serait dépourvu l'ensemble des citoyens. Et le néolibéralisme c'est avant tout ça, une prise de décision qui échappe aux citoyens. Et le rôle de l'emprunt sur les marchés financier au lieu de la banque centrale est le pilier de cet édifice autoritaire.

 

Évidemment, au-delà de la question des marchés financiers pour financer les investissements publics, il y a le libre-échange et la libre circulation des capitaux. Le libre-échange est la mécanique qui va permettre d'imposer un abaissement des conditions salariales aux Français. Cette réalité commence quand même à être bien comprise par la population. Et la remise en cause du libre-échange par leurs anciens principaux promoteurs à la savoir, les USA, va petit à petit permettre de remettre au goût du jour l'idée de protectionnisme dans les politiques publiques. L'absence de réaction européenne face au protectionnisme américain semble également participer à l'ébranlement dans les certitudes sur l'utilité réelle de cette construction politique absurde. En effet, si l'UE ne protège pas les Européens dans de telles circonstances d'attaques directes des USA à quoi sert-elle ? Même chez les plus délirants européistes, la question va finir par se poser.

 

La question de la liberté de circulation des capitaux est par contre beaucoup moins soulevée. Généralement, les critiques du système se contentent de pleurer sur les méchants paradis fiscaux qui privent les états de nombreuses ressources fiscales. Ce qui est vrai bien évidemment. Mais c'est oublier un peu vite qu'il y a toujours eu des pays avec des fiscalités différentes. Cela n'a rien de nouveau. La Suisse avait déjà une plus basse fiscalité que la France dans les années 60, mais ça ne gênait personne. Et pour cause on ne pouvait pas sortir de grosses quantités de capitaux du pays comme aujourd'hui. La liberté de circulation des capitaux n'a jamais eu qu'un seul but, imposer les baisses fiscales par la contrainte de la concurrence fiscale. Dans un régime économique dans lequel les capitaux peuvent s'installer librement où ils veulent, il était bien évident que les états se lanceraient dans une compétition d'amoindrissement des fiscalités pour attirer les capitaux chez eux. Là encore on le voit, les politiques publiques dans le cadre néolibéral sont ipso facto construites par la contrainte de la dérégulation. Comme disait Thatcher « There is no alternative » .

 

Donc comme vous pouvez le voir dans cette rapide analyse, Macron n'est pas Le problème. Il n'est que le sous-produit d'un régime politique qui a inscrit une politique économique impossible à changer dans le cadre fabriqué dans les années 70-80 . C'est d'abord ce cadre avec lequel il faut rompre sans quoi vous êtes indéfiniment condamné à refaire des politiques néolibérales visant à abaisser le coût du travail, les impôts pour les plus riches, etc.. Évidemment cela veut dire également qu'il faut rompre avec l'UE et l'euro qui sont en pratique des contraintes néolibérales plus fortes encore puisque là l'état n'a même plus la possibilité de dévaluer . Vous comprenez pourquoi le possible effondrement du gouvernement ne m'émeut guère. Ce n'est pas que j'ai de la sympathie pour Macron, bien au contraire. C'est que j'y vois surtout un piège pour la population qui risque de se tromper en pensant que le simple changement d'homme politique ou même de régime peut résoudre nos problèmes. Seule une conscience politique forte qui prend corps à travers un mouvement politique réel pourrait changer la donne. À l'heure actuelle trop peu de gens et de politiques veulent réellement une rupture de fond sur l'Europe et le néolibéralisme. On peut même douter que les Français le veuillent vraiment.

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 20:36

 

Une nouvelle panique semble toucher le système bancaire occidental, avec la faillite de la Silicon Valley Bank cette fois. Et immédiatement, on repense à la faillite de Leman Brothers sauf que cette dernière était une banque nettement plus importante à l'époque. Mais le fond du problème qui était l'insolvabilité du système bancaire américain et occidental en général est toujours là même si les acteurs et les sources de problèmes potentiels ont changé. À l'époque ce sont les subprimes qui ont causé les faillites en cascade, la baisse des prix de l'immobilier entraînant la fin de l'enrichissement fictif d'une bonne partie des Américains qui achetaient des biens immobiliers à crédit en espérant des reventes rapides à des prix intéressant en surfant sur la bulle immobilière. Malheureusement, la baisse des prix et la remontée des taux seront fatales à ce système et entraîneront la crise que l'on connaît de 2008-2010 . L’interconnexion délirante entre les différents pays du monde exportant la crise américaine à l'ensemble de la planète. L'effondrement de la demande intérieure américaine qui vit une baisse de moitié de son déficit commercial extérieur plongera les gros exportateurs comme l'Allemagne et la Chine dans une crise.

 

À l'époque pour sauver le système, la plupart des dirigeants occidentaux ont fait des injections massives de liquidité. Il ne s'agit pas ici de critiquer cette action, il fallait sauver les banques, car en cas contraire nous nous serions retrouvés dans un mécanisme massif de bank run. Les gens n'ayant plus confiance dans leur banque retirent leurs avoirs; or comme les banques prêtent toujours beaucoup plus que ce qu'elles n'ont en réserve, elles n'auraient tout simplement pas pu répondre à la demande des clients. Accélérant ainsi le processus de fuite en dehors du système bancaire. Les entreprises et les particuliers se seraient rapidement retrouvés sans moyen de paiement sous aucune forme. Autant vous dire qu'à moins d'avoir un sac d'or enterré sous votre jardin, et encore faut-il pouvoir changer l'or en monnaie, on se serait très vite tous retrouvé sans moyen pour manger, ou payer nos loyers et nos diverses obligations. Les crises de bank run sont extrêmement dangereuses pour une société. On l'a malheureusement vu récemment en Argentine ou chez ces pauvres libanais. Il est donc tout à fait normal que les états interviennent rapidement dans ces situations. La crise de 1929 aura au moins servi à ça comme leçon.

 

Cependant si l'on se souvient bien de la dernière fois, les dettes des banques ont tout simplement été transférées dans le domaine public par la dette. Pour la France de Nicolas Sarkozy, cette sauvegarde des banques s'est traduite par un doublement de la dette publique. L'on vous ressort régulièrement l'argument de la dette insoutenable pour justifier les « réformes » néolibérales qui consistent généralement à démolir les services publics. Sauf que les politiques oublient généralement de dire d'où vient cette fameuse dette. Et là c'est quelque chose qui pourrait pourtant largement justifier une colère noire de la population, si celle-ci avait réellement conscience de l'arnaque géante dans laquelle elle est enfermée depuis des décennies. Car s'il fallait bien sauver les banques, celles-ci auraient au moins dû être nationalisées et restructurées. Certains pays comme l'Islande durement touchés par la crise de 2008 ont laissé couler leurs banques irresponsables comme Icesave. On remarquera que c'est après un référendum que l'Islande décidera de ne pas couvrir les pertes de la banque privée, ce qui fait rager l'establishment anglais et néerlandais. Mais sauver cette banque par l'endettement public revenait à faire prendre les responsabilités d'une entité privée à l'ensemble de la population islandaise qui n'y était pour rien dans les imbécillités spéculatives de la banque en question.

 

Dans le reste de l'Europe et en France en particulier il n'y a eu aucun débat sur la question. Tout s'est passé comme s'il était naturel qu'un système économique qui prétend sans cesse valoriser la responsabilité individuelle pour les salariés et les citoyens puisse se comporter d'une façon quasiment communiste quand il s'agissait de sauver les intérêts des puissances d'argent. Et évidement la cerise sur le gâteau fut qu'il n'y a eu aucune espèce de réforme de sur le fond, ni aucune réaction de grande ampleur . On a demandé au contribuable de payer sans poser de question et sans aucune conséquence pour les principaux responsables économiques de cette situation. Il s'agit là probablement d'un des plus grands scandales de l'histoire économique. Un scandale assez révélateur du système de prédation qu'est l'économie néolibérale. On a eu un bel exemple de privatisation des profits et de socialisation des pertes.

 

La finance occidentale malade de la dérégulation

 

Évidemment comme rien de fondamental n'a changé depuis en dehors de l'endettement des états qui atteint maintenant des proportions gargantuesques, il était évident que nous risquions à nouveau de nous retrouver dans ce type de crise. C'est peut-être le cas à l'heure actuelle puisque les valeurs bancaires commencent à chuter, y compris à Paris. L'action de BNPparibas vient d'être gelée après une chute de plus de 8%. Le vénérable Credit Suisse est dans une situation catastrophique tout comme la Société Générale. Alors pour l'instant rien ne dit que nous allons dans la même direction qu'en 2008, mais la situation économique est tellement plus mauvaise qu'à l'époque entre l'inflation, la crise ukrainienne et les conséquences économiques des mesures absurdes contre le COVID, qu'on peut sérieusement être inquiet. Et surtout on se demande comment les états et les banques centrales déjà largement dans le rouge vont pouvoir cette fois sauver des banques dont les avoirs dépassent parfois le PIB de leur propre pays d'origine.

 

Mais quelle est l'origine de ces crises financières à répétition ? Le premier facteur est la très mauvaise situation des anciens pays industrialisés. On en a parlé régulièrement sur ce blog sans avoir à y revenir. La désindustrialisation a entraîné de grands déséquilibres extérieurs et la croissance n'est plus fabriquée que par des bulles de dette publique et privée qui stimulent la consommation. À l'exception de l'Allemagne et de quelques autres pays qui compensent leurs déficits extérieurs avec les nouveaux pays industrialisés comme la Chine par des excédents avec d'autres anciens pays industrialisés, le reste de l'occident est enfermé dans une spirale de déficits commerciaux. Les USA, la Grande-Bretagne et la France formant le trio de tête des pays surendettés déficients commercialement. Évidemment ce sont ces dettes qui permettent aussi aux nouveaux pays industrialisés de croître dans une espèce de jeu malsain d'interdépendance déséquilibrée entre consommation occidentale et exportations asiatiques. On sent qu'une telle organisation économique ne peut que s'effondrer un jour avec fracas.

 

Mais si le fond de l'économie est mauvais, l’instabilité financière n'est pas due qu'à ça. Elle est littéralement consubstantielle à la dérégulation que les politiciens occidentaux et particulièrement anglo-saxons ont imposée depuis les années 70. Car les crises ont été nombreuses depuis les années 70 avec des gravités sans cesse croissantes. Le premier facteur est l'apparition de banques universelles qui font tous les métiers . En particulier le mélange de banques commerciales et de banques financières qui avait pourtant été abandonné au lendemain de la crise de 1929. En effet, Roosevelt en 1933 fit signer le célèbre accord du Glass-Steagall Act visant à séparer ces deux activités pour éviter que les errements des banques commerciales ne puissent empoisonner les dépôts des épargnants ne cherchant pas des taux d'intérêt élevés et donc risqués. Malheureusement sous Clinton, il fut abandonné. En Europe dès l'acte unique européen nous vîmes la réapparition de la banque universelle avec tous les risques que cela signifie en cas de crise. Encore une fois, les leçons du passé ont été oubliées.

 

Mais le facteur supplémentaire par rapport aux crises des années 30 est l'interdépendance absurde qui a été créée par la création de banques universelle et aussi multinationale. Cette fois non seulement on a mélangé tous les métiers de la finance, mais en plus on a dérégulé la circulation des capitaux à travers la planète, créant ipso facto les conditions maximums pour voir l'apparition et l'extension rapide des crises à travers toute la planète. L'explosion d'une petite banque d'affaires dans une région des USA peut ainsi entraîner l'ensemble de la finance mondiale vers l'effondrement par un jeu de domino absurde produit par l'accumulation de dettes et d'avoir planqués un peu partout sur la planète en particulier dans les paradis fiscaux. Comme dans le cas du commerce l'extrême interdépendance produit plus de mal que de bien et fait courir des risques démesurés à l'économie nationale . C'était d'autant plus vrai que la France n'a jamais eu besoin de la finance internationale. Ce fut un choix totalement idéologique fait dans les années 70-80. À une époque où l'épargne du pays était abondante et où nous avions une balance commerciale à l'équilibre.

 

Alors est-ce que cette crise est la CRISE ? Celle qui produirait l'effondrement des économies occidentales surendetté provoquant soit une hyperinflation, soit un défaut sur les dettes? Phénomène qui aurait comme effet l'effondrement du dollar et de l'euro. C'est difficile à dire, il y a énormément de facteurs et personne en réalité ne contrôle plus rien. Et s'il y a bien une leçon à apprendre de tout ceci, c'est que le premier effet du libéralisme, c'est bien la promotion du chaos et de l'instabilité. En supprimant les frontières dans tous les secteurs, vous favorisez mécaniquement l'ingouvernabilité. C'est un énième exemple de ce dont je parlais dans mon texte “L'économie chaotique et la crise porcine” . Je prenais comme base la science de l'automatique que je connais bien pour expliquer le rôle de l'interdépendance excessive dans la gouvernabilité ou non d'un système. Et le globalisme, loin de produire du contrôle comme le rêvent les hurluberlus du laissez-faire, conduit bien au chaos total. Il va nous falloir maintenant brûler des cierges et voir comment les choses évoluent, cela vaut bien un discours de Bruno Le Maire sur les questions économiques.

 

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13 mars 2023 1 13 /03 /mars /2023 16:50

 

Emmanuel Todd a décidément toujours autant le sens de la formule. Ce dernier a réussi à donner un court interview sur le figaro. Comme vous le savez, Todd s'était fait assez discret depuis le début de la guerre en Ukraine. Préférant s'exiler au Japon où le débat public est beaucoup moins hystérique en général surtout par rapport à la France d'Emmanuel Macron qui cumule les crises à répétitions et dont la bourgeoisie d'affaires a complètement largué les amarres avec l'intérêt national. Et il a eu cette formule extrêmement intéressante pour éclairer notre présent : « Cette guerre est un test de vérité sur le néolibéralisme » . Il parle notamment de la question du PIB et de son sens quand des pays ne sont même plus capables de fabriquer de vulgaire masque en tissu comme on a pu le voir pendant la crise du COVID. Or dans une guerre, c'est bien les capacités de production réelle qui comptent et non la valeur marchande des produits que vous avez. J'ai montré il y a peu de temps les problèmes que recèle la mesure de la productivité du travail chez les économistes. Mais il s'agit d'un problème général de mesure de la réalité économique par des instruments macroéconomiques souvent inadaptés et pensés à des époques où le fonctionnement des économies était passablement différent.

 

La question de la valeur du PIB est un exemple qui est souvent pris pour montrer les limites de la mesure économique. Cet instrument inclut les services et l’industrie dans un maelstrom pour sortir un chiffre simple censé résumer la santé d'une économie. Tant que le PIB s’accroît, tout est formidable, qu'il baisse et c'est la catastrophe. Mais est-ce que la nature de ce qui fait mouvoir le PIB n'est pas plus import finalement que la variation du PIB en lui-même ? Est-ce qu'une économie comme la France qui a fait croître son PIB par l'endettement extérieur avec des bulles immobilières et des activités de services est une bonne économie ? Avec pour corollaire l'accroissement phénoménal du déficit extérieur qui finira par pousser, le PIB soit à la cure d'austérité à la grecque, soit à l'inflation soit à la répudiation de dette, ou un peu de tout ça à la fois. On le voit, la nature de la composition de votre PIB est au moins aussi importante si ce n'est plus que sa croissance. La France et la plupart des pays d'occidents qui ont négligé la production de bien depuis 40 ans se retrouvent désormais très dépourvus alors que la Chine commence à ne plus avoir besoin de nous pour sa croissance et sa technologie. Car ne nous y trompons pas, même en prenant en compte le différentiel monétaire par l'usage des PPA (parité de pouvoir d'achat), notre PIB c'est surtout une grosse part de produits revendus chez nous, mais fabriqués ailleurs. L'essentiel de la valeur qu'un smartphone va produire se verra comptablement dans le PIB du pays de la vente. Mais cela crée un déficit qu'il faudra combler un jour. Et si par malheur (comme dans le cas d'une guerre) vous ne pouvez plus importer, vous avez un énorme problème. Un problème bien moindre chez celui qui produit, car lui il lui suffit d'augmenter la demande intérieure pour compenser les baisses des exportations. C'est exactement ce qui se produit aujourd'hui avec une Chine et une Asie qui vont petit à petit se recentrer sur leurs énormes marchés intérieurs et laisser flamber l'inflation chez les Occidentaux devenus inutiles.

 

C'est que l'on a un peu oublié les leçons du passé. La forte croissance d'après-guerre n'était pas juste le résultat d'une reprise après une terrible guerre. Elle fut surtout le produit d'un changement de paradigme et de l'abandon total du laissez-faire libéral que ce soit en Europe ou aux USA. Nos dirigeants d'alors qui avaient vu les nécessités pratiques de la production pour répondre aux besoins de la guerre avaient alors articulé ce que l'on nommera plus tard l'économie monétaire de production. Il y avait un lien étroit entre la monnaie, la production et la souveraineté nationale. Les trente glorieuses c'est avant tout ce type d'organisation qui l'avait permis. On produit nationalement les biens dont la population a besoin, et les salaires distribués permettent de consommer ce qui est produit. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de marché ou de concurrence, la France de De Gaulle n'était pas communiste. Mais par contre, elle était largement autosuffisante sur une grande partie des biens consommés. Dans ce cadre-là, la notion de PIB avait du sens, parce que les services entraient dans le cadre d'une économie régulée qui équilibrait ses comptes extérieurs et marchait surtout grâce à la demande interne.

 

Mais à partir du moment où l'on a décidé arbitrairement sous Giscard d'ouvrir les frontières et de délocaliser une partie croissante de l'appareil de production, nous avons abandonné ce système monétaire de production d'une économie régulée. La sagesse aurait alors voulu que nous abandonnions aussi les outils statistiques qui allaient avec, mais il n'en fut rien. La grande illusion qui a frappé l'occident vient de ce changement de paradigme couplé à un conservatisme dans la manière de mesurer l'économie réelle. Loin de s'être formidablement enrichi, les occidentaux vont s'apercevoir bientôt que fermer des usines et importer tout ce que vous fabriquiez autrefois n'était pas une si bonne idée que ça. Et que délocaliser fortement pour permettre à une toute petite partie de la population de s'enrichir grâce au commerce lointain, aura probablement durablement abîmé nos sociétés qui ne s'en remettront peut-être jamais ? Car ce genre d'erreur historique n'a rien de nouveau . D'autres régions du monde par le passé ont négligé leur production au point de mettre à terre leur propre société. Ce fut par exemple le cas du célèbre Empire ottoman. Avant le 19e siècle, il était redouté et puissant et avait un artisanat très développé. L'Empire ottoman aurait très bien pu suivre la voie de l'industrialisation que les autres puissances d'alors avaient prise en particulier l'Empire britannique. Cependant, les sultans considéraient le commerce comme quantité négligeable. Les Ottomans étaient ainsi devenus l'empire préféré des libéraux jugeant que leur absence d'intervention dans l'économie était formidable. On connaît la suite. Cet empire au début du 20e siècle devint l'homme malade de l'Europe. Et la cause profonde fut l'absence d'intervention économique et le laissez-faire qui les caractérisaient.

 

L'occident et l'UE connaissent aujourd'hui le même sort. Et je tiens à faire remarquer que l'Empire ottoman n'y a à pas survécu et que cette région du monde reste encore aujourd'hui assez pauvre. Surtout si on la compare à ce qu'elle fut pendant des siècles. De là à penser qu'il s'agit là très probablement de notre futur, il n'y a qu'un pas. La financiarisation et l'explosion des services ont en quelque sorte camouflé pendant ces dernières décennies la grave dégénérescence que connaissaient nos tissus économiques. Sans ces artifices la population aurait immédiatement mis fin à l'expérience néolibérale à cause de la baisse du niveau de vie et du chômage massif. Mais l'endettement, le rôle du dollar et les besoins de certaines puissances en voie de développement comme la Chine ont permis à ce modèle de perdurer suffisamment longtemps pour mettre à bas l'occident. Nous arrivons aujourd’hui à la fin de ce processus et l'on va voir en pratique comme le dit Todd ce que valait vraiment le néolibéralisme, c'est à dire pas grand-chose en réalité.

 

La Chine écrase tout le monde dans l'industrie.

 

La valeur d'usage et la valeur marchande

 

 

Pour finir avec ce sujet je reviens rapidement sur une notion qui a trop longtemps été oubliée et qui avait pourtant son importance à l'époque des précurseurs du libéralisme économique, les physiocrates. Si les physiocrates partageaient avec leurs successeurs leurs illusions de la marche naturelle du monde qu'on laisserait voguer pour le plus grand intérêt de tous. Rappelons tous de même qu'ils vivaient à une époque où la démocratie n'existait pratiquement pas et qu'ils développèrent leurs idées dans des sociétés monarchiques fortement cloisonnées en caste. Il était tout à fait normal qu'à l'époque les intellectuels soient en lutte contre l'arbitraire du monarque. Critiquer le libéralisme économique n'est pas pour autant considérer que toute lutte pour une certaine liberté est veine, ou dénué de sens. À cette époque-là en occident ces luttes étaient tout à fait légitimes. Les physiocrates donc s'ils étaient apôtres du laissez-faire face aux excès du mercantilisme d'alors, en particulier celui d'un certain Jean-Baptiste Colbert, ils avaient aussi fait une distinction subtile et importante entre la valeur marchande et la valeur d'usage.

 

Oublié aujourd'hui l'on conviendra peut-être qu'il faudrait dans nos outils macroéconomiques en réévaluer l'importance. Car si le marché valorise de façon souvent excessive par ses bulles spéculatives la valeur marchande. Il tend aussi à négliger ce qui a pourtant une grande valeur d'usage. Rappelons ici rapidement la distinction. Un diamant a une forte valeur marchande, mais une faible valeur d'usage, alors que l'air que nous respirons a une valeur marchande nulle, mais une valeur d'usage infinie puisque sans lui nous mourrons. Comme le disait Rousseau qui était justement physiocrate, les arts sont en valeur inverse de leur utilité, de sorte que les plus essentiels viennent à être les plus négligés. Cela ne vous rappelle rien dans la France ou les USA actuels ? L'on paie des gens des millions pour taper dans des ballons, mais l'on se refuse à payer correctement des infirmières ou des enseignants. Des gamins gagnent des millions du YouTube ou twitch, mais nos fermiers croulent sous les dettes et ne s'en sortent plus économiquement. C'est bien le résultat du marché qui valorise l'inutile et néglige l'essentiel jusqu'à pousser la société vers l'effondrement général. Le libre-échange y est pour beaucoup dans cette situation, mais ne nous leurrons pas, il s'agit aussi du résultat d'une société entièrement organisée autour de la valorisation unique de la marchandise produite par la concurrence et le marché. Une société saine ne peut laisser à la seule valorisation marchande le soin de tout organiser dans la vie publique. Sous peine de se retrouver sans médicaments parce que ce n'est pas assez rentable contrairement aux smartphones ou aux paris sportifs. Si le marché a sa place dans la société, il ne peut l'organiser dans son entièreté.

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 14:52

 

Si l'UE est un échec patent montrant l'impossibilité de construire une nation artificiellement . L'objectif d'origine de la construction européenne d'une partie de nos élites n'était pas pour autant totalement absurde. En effet, depuis le milieu des années 70 à travers l'abandon du système du Gold Exchange Standard qui garantissait que le dollar en tant que monnaie d'échange international pouvait être convertible librement en or, les USA ont exercé une pression économique croissante sur nos pays. En effet, comme l'avait si bien dit John Connally avec cette formule simple, mais réaliste :« Le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème ». Sous-entendant par là que les USA à partir de l'abandon de l'étalon or pouvaient librement imprimer de la monnaie et en faire payer le coût inflationniste par les autres puissances obligées d'avoir des dollars en réserve pour l'achat de biens et de matières premières à l'international. Et cette réalité nous continuons à la vivre aujourd'hui . Si Biden peut se permettre de mettre 400 milliards de subventions pour attirer les entreprises européennes chez eux en faisant du pillage c'est bien parce qu'ils n'ont en apparence aucune limite budgétaire liée à leurs équilibres extérieurs. Et les USA abusent largement, peut-être trop nous le verront un de ces jours, de leur avantage monétaire. Ils peuvent acheter le monde entier en imprimant des dollars dont la valeur n'a plus aucun rapport avec la réalité économique des USA qui sont totalement désindustrialisés. Cette désindustrialisation est d'ailleurs un effet secondaire du rôle de monnaie de réserve. À quoi bon produire quelque chose quand vous pouvez tout importer gratuitement ? On le voit dans le grand mécano absurde de la globalisation, les USA se sont spécialisés dans la relance de la demande planétaire par l'injection monétaire. Qu'ils viennent à rééquilibrer leur balance des paiements et c'est la déflation planétaire et la récession qui frappe l'humanité ! Enfin, tant que nous acceptons ces règles du jeu absurdes.

 

Le rôle de monnaie de réserve du dollar est le principal problème de l'économie mondiale avec la dérégulation financière et commerciale qui est allée de pair avec l'abandon du système de Bretton Woods à partir de 1973. Dans les années 70, les Européens ont réagi à l'attaque américaine par la création du SME (Système monétaire européen) . Ce système était un panier monétaire dans lequel les monnaies européennes devaient limiter leurs fluctuations. Car avec l'abandon du système régulé de Bretton Woods est arrivée aussi la dérégulation financière. Un système qui a permis aux USA de pomper l'épargne de l'Europe et du Japon a l'époque pour financer les énormes dépenses militaires du pays. Rappelons que la guerre du Vietnam a duré jusqu'en 1975 et le coût pour les USA fut pharaonique près de 700 milliards en dollar constant. Le résultat pour les USA fut dès la fin des années 60 la hausse du déficit extérieur. C'est à cause de cette situation que Richard Nixon mit fin à la convertibilité du dollar en or et qu'il dérégula la finance. En gros il voulait que le Japon et l'Europe financent la guerre américaine. L'origine de l'inflation des années 70 c'est ça, bien plus que les chocs pétroliers.

 

Le SME fut donc la réponse malheureuse au phénomène du dollar comme monnaie impériale. Comme ce dernier baissait à cause des déficits commerciaux, les autres pays qui exportaient aux USA faisaient aussi baisser les leurs. C'est par cette mécanique de lien consommateur-producteur que les USA purent piéger les Européens et les Japonais. Je me souviens d'un vieux documentaire des années 90 où l'on voyait Donald Rumsfeld parler de ce problème. Un journaliste lui demandait s'il n'était pas dangereux pour les USA d'importer de dépendre autant du Japon. C'était l'époque du Japon triomphant. Et Rumsfeld lui répondit simplement « Qui dépend de qui en réalité? . Si les USA n'importent plus de voitures japonaises, leur industrie s'effondre ». On le voit, les élites américaines ont bien compris que leur Empire c'est avant tout un empire de consommation. Et qu'ils tiennent les autres par leur dépendance aux exportations. Que nous en venions à nous passer de leur marché et c'est la fin de l'empire ! Mais à aucun moment les Européens ou les Japonais ne se sont dits et si l'on mettait fin à la libre circulation des capitaux par exemple. Méthode simple pour mettre fin à la spéculation monétaire. Certains pays d'Asie firent pourtant ça avec succès lors de la crise asiatique de 1998. L'économiste Joseph Stiglitz avait d'ailleurs à l'époque bien souligné dans son livre « La grande désillusion » à quel point les pays qui avaient remis le contrôle des changes en place s'en étaient mieux sortis que ceux qui avaient lutter contre la spéculation financière à coup d'injection monétaire des banques centrales. Mais en 1972-73, l'ère était au retour de l'idéologie libérale qui avait pourtant fait tant de dégâts dans les années 1920-30. Les leçons du passé avaient été oubliées, et Roosevelt mangeait les pissenlits par la racine. Les dirigeants européens d'alors ne pouvaient plus imaginer un monde sans le commerce avec les USA et avec un contrôle de la circulation des capitaux. Ils imaginèrent donc une autre solution, ce fut ce fameux SME qui deviendra plus tard l'euro.

 

L'euro est une réponse idiote à la spéculation monétaire

 

Le SME était un système qui mettait les monnaies dans un tunnel de valeur dont les monnaies nationales n'étaient pas censées sortir. Ainsi les valeurs ne devaient pas fluctuer de plus de 2,2 % de la valeur de base. Il y avait un encadrement qui rendait les banques centrales solidaires entre elles. Mais ce système a eu beaucoup de problèmes qui préfiguraient déjà la catastrophe que serait l'euro. Et les marchés ne s'y trompaient pas . Au début des années 90, il y eut des attaques spéculatives contre la lire italienne et la livre sterling pourtant membre du SME. À l'époque la Bundesbank et la banque de France dépensèrent des sommes colossales pour maintenir les valeurs monétaires et sauver ce système absurde. On notera que c'est à cette époque que le tristement célèbre George Soros fit fortune en spéculant contre les monnaies européennes. Un simple retour au contrôle des changes et de la circulation des capitaux aurait mis fin à ces absurdités, mais comme toujours la déraison libérale a continué. Comme quoi l'affaire du stupide marché européen de l'électricité n'est que la continuation d'un même dogmatisme absurde. Enfin pas si absurde puisque la libre circulation des capitaux a permis l'évasion fiscale légale et la destruction progressive des systèmes sociaux nationaux européens comme en rêvaient les néolibéraux.

 

Vous connaissez la suite. Le vote de Maastricht entérina malheureusement la transformation du SME en zone euro aggravant encore du même coup les contraintes sur les pays membres. Dans le cadre du système mis en place par les USA et leurs satellites à partir de 1973, la variation des taux de change était pourtant désormais le seul mécanisme d'adaptation aux variations des balances des paiements. En bloquant ce dernier mécanisme d'ajustement, ce sont bien les autres intrants macroéconomiques qui vont devenir des variables d'ajustement. La croissance du PIB, et le taux d'emplois deviendront de facto les variables d'ajustement du marché commercial européen. La crise grecque fut un bel exemple en la matière . Pour réajuster la balance commerciale du pays, on a tué son économie et fait exploser la pauvreté alors qu'il aurait simplement fallu que la Grèce dévalue en sortant de l'euro. On notera qu'à chaque fois les bourgeois des pays en crise choisissent la pire des solutions parce qu'ils ont une peur massive de l'inflation et du retour de la hausse des salaires. À travers les péripéties du SME et de la monnaie unique, on a un grand exemple pratique de lutte des classes systématique puisque l'intérêt des rentes financières ou autres passent toujours avant celui des travailleurs et même des intérêts nationaux à proprement parler.

 

Et si on transformait l'euro en monnaie commune

 

Alors nous allons pour une fois spéculer un peu. Comme vous le savez, je suis clairement en faveur d'une sortie pure et simple de l'UE et de la zone euro. Cependant est-ce que cela veut dire pour autant qu'on ne pourrait pas théoriquement changer l'euro pour en faire quelque chose d'intelligent et intéressant pour les peuples d'Europe ? Après tout le problème du dollar et de la spéculation financière resteront même si nous sortons de l'euro. À part si la France rompt vraiment avec l'idéologie libérale et remet en question aussi la libre circulation des capitaux, mais c'est un autre débat. Supposons donc que les Européens aient envie de résoudre leurs problèmes et cherchent réellement à sortir de la tutelle mortifère américaine. Comment faire pour rendre l'euro supportable par toutes les économies ? Et comment faire même pour rendre cette monnaie enfin utile à la population du continent en lieu et place d'une machine à démolir nos économies ? Et bien c'est assez simple, on en fait une simple monnaie de réserve et de change internationale.

 

On transformerait la monnaie unique, en monnaie commune. Chaque pays reprendrait donc son indépendance monétaire. Permettant ainsi aux pays peu compétitifs comme la France de dévaluer. Réduisant ainsi en partie leurs déficits commerciaux et rééquilibrant les balances commerciales entre les pays européens. Et dans le même temps, l'usage de l'euro pour les matières premières importe à la place du dollar en accord avec les pays producteurs. La valeur de l'euro serait fondée sur un panier monétaire composé des différents pays membres de la zone. Nous ne serions plus ainsi les jouets des USA sans pour autant astreindre nos économies à une monnaie totalement inadaptée aux besoins de chaque pays membre de la zone euro. C'est un peu ce que cherchent d'ailleurs à faire les Chinois et les membres des BRICS . Fonder une monnaie internationale ne dépendant, ni de matières premières comme l'or, ni d'une nation en particulier, comme le souhaitait Keynes pendant les négociations de Bretton Woods en 44 . Le fameux Bancor de Keynes n'était rien d'autre que ça, un panier monétaire.

 

Si l'euro avait été conçu de cette manière dès le départ, non seulement nous aurions évité l'eurostagnation économique et les crises à répétition, mais d'autres régions du monde auraient même pu l'adopter comme monnaie de réserve sans pour autant appartenir à l'UE. En étant sans intérêt national, cette monnaie aurait créé une vraie confiance et une certaine stabilité. À terme l'euro aurait même pu se transformer petit à petit en monnaie internationale mondiale à la place du dollar en élargissant le panier monétaire avec de nouveaux membres. Malheureusement, les Européens n'ont pas été à la hauteur de l'histoire. Ce sont probablement les BRICS, Chine en tête, qui mettront fin au privilège exorbitant du dollar. Nous nous contenterons probablement à terme de prendre le train en marche.

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 17:15

 

 

La France vient donc de lancer un groupe de défense de l'énergie nucléaire pour sa prise en compte en matière d'énergie décarbonée. Beaucoup se réjouissent de cette prise de position française après une longue période où le nucléaire avait été largement malmené dans notre pays. Nous allons d'ailleurs à ce propos rapidement résumer la question, la gestion de notre production énergétique ces vingt dernières années a été catastrophique. Les dernières auditions de différents responsables politiques ayant été aux affaires ces derniers temps ont été sidérantes. On a appris de la part de notre Premier ministre actuel par exemple que la fermeture de Fessenheim était une décision politique et non une décision prise pour des raisons techniques. Au passage, la centrale avait été rénovée juste avant sa fermeture pour un montant de plusieurs centaines de millions d'euros. Autant vous dire qu'il s'agit là d'un gaspillage pur d'argent public et privé.

 

Arnaud Montebourg qui a également été interrogé parle carrément de trahison pour un certain nombre de décideurs politiques et économiques. Les termes exacts de Montebourg devant la commission d'enquête souveraineté de l'Assemblée nationale : «On a perdu en 15 ans : Arcelor, Pechiney, Alstom, Technip, Lafarge, Alcatel, Essilor. Le prix de la trahison de la France ? Entre 10 et 15 millions d'euros pour chacun des dirigeants» . On pourrait peut-être rappeler à Montebourg qu'il n'appelle pas à la sortie de l'UE et de l'euro et que donc son combat il le fait avec les deux pieds dans le ciment. Mais on ne peut qu’acquiescer ici devant ses propos qui sont même à mes yeux encore assez modérés. La France commence à sérieusement ressembler à une république bananière, les USA, et d'autres puissances achetant tel ou tel représentant ou dirigeant de grandes entreprises pour faire avancer ses propres intérêts. On se rassurera tout de même sur la filière nucléaire du pays avec les propos d'Yves Bréchet, l'ancien haut-commissaire à l'Énergie atomique qui pense que les savoir-faire sont encore là et que l'on peut par exemple relancer immédiatement le projet Astrid stupidement abandonné par Macron en 2018. Astrid c'est le projet français de réacteur à neutron rapide qui permettrait d'utiliser tout l'uranium comme combustible et pas seulement l'uranium 235 multipliant les réserves mondiales par 100.

 

Si cette affaire fut emblématique de la situation désastreuse du niveau de compétence au plus haut niveau de l'état en France, mais également du niveau d'individualisme et d'absence d'intérêt pour la nation qu'il y a dans notre pays. Ce fut également représentatif du poids des idéologies écologistes modernes ainsi que des médias. Il ne s'agit pas de critiquer ici l'écologie et la science qui s'intéresse au lien entre les activités humaines et l'environnement. Il est évident que l'être humain et son activité pèsent sur la biosphère dans tout un tas de domaines. L'on pense par exemple qu'une partie de l'explication de l'effondrement des civilisations de la période de l'âge du bronze fut causée par les méthodes agricoles et la baisse des rendements agricoles due à la dégradation des sols. Comme je l'ai souvent dit sur ce blog, ne confondons pas la science qui s'intéresse à l'écologie et les idéologues qui se servent de l'écologie comme tremplin pour leur propre succès médiatique. Même si pour ma part le principal problème pour l'humanité n'est pas la destruction de l'environnement, mais bien plus l'épuisement des ressources produit par un système économique non circulaire. L'écologisme dogmatique a eu pignon sur rue depuis trente ans au moins, et tous les médias se sont engouffrés dans le mouvement. Et par l'effet mimétique qui les caractérise, ils ont concouru à produire un monde de communication dans lequel il suffisait de dire que c'est pour sauver la planète pour être écouté avec sérieux. C'est comme cela que l'on s'est retrouvé avec une gamine atteinte d'Asperger qui donne des leçons d'écologie aux dirigeants de la planète entière. Ou des dirigeants qui remplissaient le pays d'éoliennes et de panneaux solaires en pensant sérieusement remplacer le gaz, le pétrole et le nucléaire. Ces simples faits montrent qu'on était en dehors de toute rationalité lorsque l'on parlait d'écologie.

 

Et je ne parlerai même pas de l'idée saugrenue d'interdire la voiture thermique alors qu'on a une industrie de voiture électrique rachitique et que l'essentiel de la production de batteries électrique se fait en Chine. Alors même qu'on ne sait même pas si la planète pourrait fournir suffisamment de lithium, de Nickel ou d'autres matériaux pour répondre à la demande à une telle échelle. Et que dire de l'interdiction des « passoires » énergétique ? Comment leur expliquer qu'un bâtiment même très bien isolé reste froid si on ne peut pas se payer le chauffage parce que l’on continue à participer à un marché européen de l'énergie qui est une aberration économique et énergétique ? Bien avant l'isolement thermique c'est fournir une énergie à un prix raisonnable qui pourrait aider nos concitoyens les moins fortunés. Et cette vision d'interdiction est à la fois poussée par un écologisme stupide promu par une bourgeoisie en partie déconnecté des réalités du plus grand nombre. Mais c'est aussi le produit intéressé de cette même bourgeoisie qui est probablement inquiète pour sa rente immobilière avec la hausse des taux d'intérêt et la forte baisse du marché immobilier. N'oublions jamais que les idéologies cachent très souvent des intérêts bassement matériels pour certaines couches sociales. L’éjection de près de 5 millions de logements du marché pourrait faire gonfler les prix artificiellement . C'est d'ailleurs probablement là qu'est la vraie motivation du projet, l'état n'étant plus qu'un outil aux mains des grandes fortunes du pays. Et enfin que dire de l'interdiction récente de l'exploitation des océans alors même qu'il s'agit d'une ressource potentielle faramineuse dont la France pour une fois est bien pourvue. Comme par hasard, on retrouve des ONG américaines comme Greenpeace à l'origine de ces interdictions. Les USA et la Chine ne les appliqueront pas, mais la France probablement oui, comme d'habitude. Les océans représentant 75% de la surface du globe c'est complètement stupide.

 

L'Allemagne et l'irrationalité

 

Mais si le mouvement écolo-délirant qui a empli nos médias depuis trente ans est lourdement responsable de la perte de sens des réalités d'une partie de notre personnel politique . Rappelons au passage que les hommes politiques aujourd'hui ne sont que des commerciaux se vendant eux-mêmes à travers les médias. Ils ne peuvent donc pas aller contre l'avis général des médias sous peine de disparaître des radars et donc de devenir inéligible un peu comme les différents mouvements souverainistes. Les effets de cette idéologie ont quand même grandement varié en fonction des pays. La France a été touchée comme tous les pays d'Europe bien évidemment, mais c'est un phénomène d'une ampleur encore plus stupéfiante en Allemagne. Comment s'expliquer qu'un pays qui prétend réduire ses émissions de gaz à effet de serre se remet à produire de l'électricité avec du gaz et surtout du charbon ? Qu'on pense que le CO2 ait l'effet escompté ou pas sur le réchauffement climatique, il y a là quelque chose de paradoxal. Sans parler des effets monstrueux sur l'environnement des mines de charbon à ciel ouvert en Allemagne. Les photos sont impressionnantes, et des villages sont rasés pour relancer la production charbonnière.

 

Le prix de la "transition" énergétique par les énergies dites renouvelables sans nucléaire.

 

Alors vous me direz, l'Allemagne est réaliste, elle n'a pas le choix à court terme. Et je serais d'accord avec une telle objection. Cependant, son réalisme de court terme est la conséquence de son irréalisme à long terme. Du reste à court terme l'Allemagne aurait dû y réfléchir à deux fois avant de prendre des mesures contre le gaz russe alors qu'elle en était si dépendante. On voit les conséquences actuellement, le géant allemand de la chimie BASF commence à délocaliser par exemple. Et l'Allemagne n'a toujours pas réagi face à l’agression américaine dont elle a été victime, préférant s'enfermer dans le narratif de la guerre contre les méchants Russes avec les gentils Ukrainiens. C'est tout du moins ce que l'on voit en surface. Et toujours à court terme si l'Allemagne a maintenu ses dernières centrales nucléaires pour cet hiver, il semble qu'elle n'ait toujours pas voulu mettre fin à ces fermetures. Sur le long terme, la stratégie allemande était tout sauf rationnelle dans le domaine crucial de l'énergie. Il est impossible de faire tourner une industrie avec des énergies intermittentes et les dirigeants allemands ne pouvaient pas ne pas le savoir. Pourtant ils l'ont fait et malgré les énormes investissements dans les énergies « renouvelables » c'est un fiasco. Un fiasco collectif qui a dû être complété par des centrales au gaz, mais comme il n'y a plus de gaz russe, on retourne au charbon.

 

Alors on pourrait m'objecter que si la lutte contre le nucléaire a bien un fond idéologique chez les germains, c'est aussi parce que la France est bien pourvue en la matière. Donc on pourrait imaginer que la stratégie allemande contre le nucléaire est tournée surtout contre la France. Pourquoi pas ? Mais si c'est le cas, l'Allemagne en douce aurait dû tout faire pour développer elle-même des stratégies nucléaires pour s'accaparer elle-même un savoir-faire qui la mettrait un peu à l'abri de sa dépendance extérieure en matière d'énergie, sans pour autant augmenter sa production de CO2. Mais ce n'est pas le cas puisque l'Allemagne continue à fermer ses centrales et ne montre aucune volonté de changer de braquet. L'on ne peut en conclure qu'une seule chose, c'est qu'il s'agit bien d'un choix idéologique. Et cela ne devrait pas tant nous surprendre. L'Allemagne est un pays qui a moult fois pris des voies idéologiques sans issues, la dernière fois c'était pour mettre le feu à l'Europe. Mais souvenons-nous que l'Allemagne est un peu la descendante du Saint Empire germanique et que c'est dans cette région d'Europe que le continent fut autrefois largement détruit par la guerre religieuse de trente ans qui reste le conflit le plus meurtrier de l'histoire humaine toute proportion gardée.

 

L’Allemagne recommence simplement ses délires. Cette fois c'est sur la question de l'environnement et de l'énergie, on pourrait presque dire, c'est moins grave que les autres fois. Et partager avec Emmanuel Todd le sentiment de solidarité avec une Allemagne qui ne sait plus où elle va. Surtout avec son grand ami américain qui la poignarde par-derrière. Si je ne suis pas contre la communion avec ces pauvres allemands, je pense que nous devrions surtout bien nous séparer de cet encombrant voisin. Un suicide démographique volontaire, un suicide énergique et maintenant un suicide géopolitique, cela fait un peu trop pour ce début de 21e siècle . Et nous avons déjà la France à sauver. Alors il reste quand même encore un espoir pour ce pays, il semble que les libéraux allemands aient réussi à bloquer le projet d'interdiction de la voiture thermique.

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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 15:10

 

C'est un sujet qui revient souvent la question de la productivité du travail. Souvent glorifiée, car elle est la seule raison de la hausse du niveau de vie, ce qui est vrai, la productivité souffre par contre chez les économistes d'un grave problème de définition. Car comme je l'ai souvent dit sur ce blog, la productivité n'est pas un terme d'économiste à la base, c'est un terme d'industriel. À l'époque glorieuse du fordisme, la recherche de l'amélioration de l'organisation du travail fit faire d'énormes gains de productivité . On a tendance à surestimer l'apport de la technique dans l'amélioration de productivité d'alors et à sous-estimer celle de l'organisation en elle-même. C'est pourtant bien le fait que l'on est passé d'une fabrication artisanale où un individu ou un groupe d'individus fabriquait entièrement un véhicule à une spécialisation où chacun produit une pièce en particulier qui a fait exploser les gains de productivité. Vous pouviez ranger vos robots et vos IA, aucune de ces technologies ne pourra jamais refaire ce que Henri Ford fit à l'époque en termes de gain de productivité. Et pour mesurer ces gains, on a simplement calculé le temps que mettait chaque ouvrier pour faire chaque pièce. L'effet de la spécialisation du travail, s'il avait l'inconvénient de produire des emplois fastidieux et répétitif comme l'a si admirablement montré Chaplin dans « Les temps modernes », les gains de productivité en découlant permirent une très forte hausse des salaires et des niveaux de vie de la population en général.

 

L'on peut dire ainsi que les gains de productivité sont en quelque sorte le pacte faustien de la modernité. D'un côté ils rendent le travail parfois pénible, détruisent nombre d'activités, chamboulent nos sociétés, mais de l'autre ils ont permis aux générations qui se sont succédé de voir leur niveau s'élever grandement. C'est tout le paradoxe de la civilisation industrielle. Mais que l'on ne se méprenne pas, la technologie n'est pas le seul facteur qui a augmenté la productivité du travail par rapport à la société agropastoral dont nous sortions. La façon de travailler, de s'organiser a tout autant influé, si ce n'est plus que le progrès technique en lui-même. Et n'oublions pas bien évidemment l'énergie qui a permis aussi ces hausses de productivité. L'historien Jean-François Mouhot a estimé que grâce à l'énergie et à la technologie moderne qui l'emploie le français moyen avait l'équivalent de 427 esclaves pour fournir tout ce qu'il consomme en permanence. Cela rejoint les travaux anciens du célèbre économiste Jean Fourastié à qui nous devons la célèbre expression des trente glorieuses. Les gains de productivité sont à la source de notre prospérité, et il n'y a aucun doute sur cette question, ce qui est rare en économie.

Source Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclave_%C3%A9nerg%C3%A9tique

La productivité des économistes

 

Cependant, la façon dont on mesure cette productivité peut par contre faire question et poser problème. En effet comme nous l'avons vu la productivité telle qu'elle a été imaginée par l'industrie est quelque chose de très concret. On produit tant de choses avec telle quantité de personnel sur un certain laps de temps, avec tel coût du travail, etc. Si l'on peut ainsi calculer la productivité de telle ou telle usine et faire des comparaisons dans le temps ou avec d'autres usines similaires, il est difficile d'en faire un outil macroéconomique. Et les outils macroéconomiques, les économistes aiment ça. Même lorsque ces outils finissent par déformer la réalité au point de passer complètement à côté d'elle, à l'image du PIB exprimé en dollars qui a fait croire aux Occidentaux que la Russie était un petit pays pesant comme l'Espagne et qu'elle s'écroulerait avec des sanctions. On connaît la suite. Jacques Sapir a démontré récemment assez simplement que la Russie en terme économique réel était beaucoup plus proche de l'Allemagne. On rajoutera, comme l'a fait Emmanuel Todd, que la Russie produit beaucoup d'ingénieurs et de techniciens, en proportion largement plus que les USA. À tel point qu'en nombre absolu il y a pratiquement autant d'ingénieurs en Russie qu'aux Usa alors que les USA font 330 millions d'habitants et la Russie seulement 147 millions d'habitants.

 

On le voit, les erreurs de mesure en économie peuvent avoir de graves effets, puisque les occidentaux se sont menti à eux même en utilisant un outil économique qui n'a aucun sens quand on compare des nations entre elles. Et ils en ont conclu des mesures absolument stupides qui n'ont pas eu les effets escomptés sur l'économie russe. À l'inverse ce sont nos sociétés avec un gros PIB, mais largement dépendantes d'importations multiples qui se retrouvent en grave difficulté. Cette affaire montre qu'il y a d'énormes failles dans la « science » économique et que les outils employés sont bien souvent inadéquats, quand ils ne sont pas tout simplement pas faux, comme la fameuse courbe de Philips dont on a déjà parlé dans un autre texte. Il en va de même avec la notion de productivité. Pour les économistes, la productivité du travail se résume à la division du PIB par le nombre d'heures travaillé. Ce qui veut dire que tous les emplois sont mélangés et que tout concourt à la hausse ou à la baisse de la productivité. Vous êtes un paradis fiscal qui ne produit rien, la Luxembourg par exemple, et bien on voit que vous êtes très productif, c'est le second pays du monde le plus productif derrière Monaco... Évidemment, cela n'a aucun sens, ces pays vivant en parasitant économiquement leurs voisins.

 

On voit ici déjà la limite de l'outil dans les comparaisons internationales. Pourtant cela n'empêche pas certains groupes d'économistes de faire des « recherches sérieuses» sur les liens entre la productivité du travail et d'autres facteurs. Ainsi Natixis nous sort un comparatif entre différents pays pour mesurer soi-disant l'effet de l'effort de recherche sur la croissance de la productivité. Évidemment les Américains sont les champions devant une Europe en décrépitude. Et il est vrai qu'en matière de recherche, l'Europe fait, hélas, peu d'effort, c'est le moins que l'on puisse dire . Quand on pense que la France du Général de Gaulle dépensait presque 6% du PIB en recherche et développement, alors qu'on est à seulement 2% maintenant. Cependant, l'étude en question ne montre en réalité pas de lien systématique contrairement à ce que les auteurs affirment. Le Japon par exemple a une productivité du travail qui stagne alors que c'est un leader de la recherche mondiale. Pourquoi donc ? C'est simple, la mesure de la productivité que les auteurs utilisent, c'est la productivité au sens des économistes dont j'ai parlé précédemment. Comme le PIB japonais n'augmente pas pour diverses raisons, en premier lieu à cause de la crise datant des années 90 . La productivité du travail n'augmente pas d'un point de vue comptable. Cela ne veut pourtant pas dire que le travailleur japonais d'aujourd'hui n'est pas plus efficace que celui de l'an 2000. Ensuite, autre problème, si la productivité du travail résultant des investissements en recherche avait tant d'effets que ça sur l'économie américaine, comment expliquer les énormes déficits commerciaux ?

 

Source Etude Natixis https://research.natixis.com/Site/en/publication/lhu_df51pecvkvvA1As1iO_phttPNr1FSinYjHijWLo%3D?from=EMAIL

 

Si un pays a une productivité du travail en forte hausse, il devient plus compétitif donc in fine il finit par accumuler des excédants commerciaux. Or c'est tout l'inverse, les USA accumulant des déficits de plus en plus énormes, 1000 milliards en 2022. Là encore, c'est parce que la productivité dont parlent nos économistes n'est pas la productivité réelle, mais une chimère comptable qui avait du sens seulement quand le pays produisait lui-même ce qu'il consommait. À partir du moment où vous importez tout les chiffres n'ont plus de sens. Et l'on se retrouve avec un Japon qui investit beaucoup dans la recherche, mais dont la productivité stagne alors que lui équilibre ses comptes extérieurs et des USA qui investissent aussi dans la recherche, mais qui ont une productivité apparente en hausse, mais des déficits extérieurs gigantesques. On pourrait rajouter que les injections monétaires permanentes qui font de l'activité et donc de la croissance du PIB par tête gonfle aussi cette productivité comptable. Et comment ne pas voir également que les produits importés gonflent aussi la productivité du pays ?

 

Enfin, je ferai une remarque acide sur la question de la recherche et du développement . Les USA ont tout à fait raison de massivement faire des efforts en ce sens et nous serions bien inspiré de faire la même chose en France et ailleurs en Europe. Cependant, il faut bien comprendre que dans un système totalement globalisé comme le nôtre l'innovation technique n'est plus une garantie de développement national. Et les USA en sont un parfait exemple. Ils ont des entreprises leaders dans des domaines de technologies avancées, mais ces dernières ne font pas systématiquement produire leurs innovations aux USA. La compagnie Tesla qui fait fréquemment parler d'elle à tort ou à raison vient d'annoncer par exemple un investissement massif au Mexique. On a de plus en plus de production sophistiquée ailleurs qu'aux USA par des entreprises américaines, et ce depuis longtemps. Même les centres de recherche délocalisent. La hausse du niveau scolaire planétaire condamne en fait la recherche dans les pays anciennement développés. Car les scientifiques qu'ils soient en Inde ou ailleurs coûtent beaucoup moins cher en étant tout aussi compétent, si ce n'est plus avec la baisse du niveau scolaire qui touchent certains pays développés. De facto, les innovations peuvent paradoxalement aggraver nos déficits commerciaux puisque tout est importé, même les innovations les plus modernes qui seront probablement fabriquées en Chine. Les USA sont ainsi un énorme importateur de technologie avancé alors même que celles-ci sont souvent conçues par leurs propres entreprises. C'est paradoxal, mais cela n'entre pas dans le calcul de nos amis de chez Natixis. Et de toute manière en matière d'innovation, le nouveau maître du monde est bien la Chine. Une étude récente montre que la Chine est désormais leader dans l'innovation dans la majorité des activités économiques. Cela tord l'idée que se font les Occidentaux de l'économie mondiale actuelle. La plupart des Occidentaux ont une vision qui a au moins 20 ans de retard. La domination chinoise c'est pour maintenant, pas pour dans 50 ans.

 

 

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 16:40

 

Je viens d'apprendre la mort de Leiji Matsumoto ce matin. Pour les gens qui ne le connaîtraient pas, il s'agissait d'un des plus célèbres mangakas avec Osamu Tesuka (le père d'Astro Boy). Matsumoto a fait de nombreuses œuvres dont la plus célèbre en France est Capitain Herlock, plus connu sous le nom d'Albator. Pour les générations des années 70-80, ses œuvres ont fait partie de l'image d'un japon triomphant de cette époque. Un Japon qui nous abreuvait alors de créations originales complètement différentes de ce que la BD franco-belge ou les créations américaines pouvaient créer. Souvent dur et originales abordant des thèmes de science-fiction rarement abordées ailleurs et encore moins en animation. C'est à cette époque que ce que l'on pourrait appeler le softpower japonais est né . Il pèse encore beaucoup aujourd'hui et même de plus en plus si l'on suit la progression incroyable du manga et de l'animation japonaise en France, mais aussi un peu partout dans le monde. Il faut savoir qu'aux USA le manga arrive largement en tête des ventes devant les comics locaux. Les USA sont aujourd’hui le second marché du manga en dehors du Japon, juste derrière la France. Ce n'est pas un hasard si Netflix et d'autres plates-formes américaines s’emploient à fournir un vaste catalogue d'animation japonaise et même à en produire elles-mêmes. Même Disney + la chaîne de la célèbre entreprise d'animation américaine se met à produire de l'animation japonaise.

 

Cependant, le Japon d'aujourd'hui n'est plus la puissance montante de cette époque. Entraîné, un peu à son insu dans la globalisation, le Japon a perdu de sa superbe depuis cette époque. Il faut le savoir, le Japon n'est pas entré tout de suite dans un régime de libre-échange. En fait dans les années 60-70, le Japon n'était pas plus dynamique que l'Italie par exemple. Mais au milieu des années 70, l'occident sous la direction américaine va se lancer dans l'expérimentation néolibérale avec comme première étape dans la dérégulation du commerce et la suppression des droits de douane. Le Japon ne le fera pas immédiatement, c'est seulement vers le milieu des années 80 que le Japon fera lui aussi un abaissement de ses politiques douanières, enfin par partout, le riz par exemple reste fortement taxé à l'importation pour protéger les producteurs locaux. Les Japonais savent le danger qu'il y a à trop dépendre de la production étrangère en la matière, surtout lorsque vous êtes une île. Bref le Japon est entré à reculons dans le globalisme anglo-saxon et à court terme, cela leur a réussi puisque comme le disait l'économiste sud-coréen Ha-joon Chang dans l'un de ses articles sur Le Monde Diplomatique, il y a quelques années : « En régime de libre-échange celui qui gagne c'est celui qui ne joue pas le jeu » . La croissance du Japon protectionniste fut beaucoup plus forte pendant la période 1974-1984 que celle des autres pays développés, et pour cause ils étaient restés largement protectionnistes pendant que les autres étaient passés aux délires néolibéraux.

 

Malheureusement, le Japon va finir par suivre le mouvement et ouvrir à son tour son marché dans les années 80. L'industrie nipponne, si elle reste incomparablement plus forte au Japon que l'industrie française en France, a quand même beaucoup délocalisé. Même dans l'animation, beaucoup de studios font de la sous-traitance en Corée du Sud et en Chine. Certains créateurs célèbres avaient d'ailleurs critiqué ce fait, car beaucoup d'entre eux avaient commencé comme animateur dans le dessin animé japonais. Sans ces métiers des créateurs comme Matsumoto, Hayao Miyazaki ou encore Isao Takahata n'aurait jamais pu débuter le métier. Au Japon probablement bien plus qu'en France on comprend le lien très important qu'il y a entre le fait de produire soit même des biens, des œuvres et la capacité à maintenir une certaine créativité et inventivité. Le concept stupide d'entreprises sans usine n'aurait jamais pu naître dans un cerveau japonais si je puis dire. Il faut vraiment avoir un esprit cloisonné trop cartésien pour en arriver à de telles inepties conceptuelles, bref être un penseur français. Quoiqu'il en soit la bulle japonaise qui a crevé à la fin des années 80 fut le produit de ce décalage et de ce rattrapage ultérieur. Le libre-échange a d'ailleurs cassé la dynamique économique japonaise, mais aussi sa natalité. Elle se maintenait à 1,8 1,9 enfant par femme jusqu'au milieu des années 80 pour chuter rapidement à moins de 1,5 au début des années 90. Tout est lié en quelque sorte, comme c'est le cas chez nous. À partir du moment où l'on maîtrise la fécondité, la situation économique et le climat général d'une société donnent ou non une motivation à la procréation. Le Japon globalisé depuis la fin des années 80 ne semble plus donner envie à sa population d'avoir des enfants.

 

 

Pendant les années 90, le Japon entre dans un phénomène dit de trappe à liquidité et de déflation, pour ne pas dire de dépression. Aujourd'hui, nous craignons une forte inflation, mais en réalité historiquement parlant c'est la déflation qui est le grand danger pour une économie moderne. Une crainte que les pays évitent généralement depuis la grande crise de 1929. Je m'étonne toujours de lire certains économistes qui prétendent que la déflation est une bonne chose et l'inflation une catastrophe. Car la déflation entraîne un pessimisme dans l'investissement et la demande. Les gens plutôt que de consommer préfèrent attendre que les prix baissent puisque la situation est déflationniste. Les gens épargnent beaucoup, car même si les taux sont très faibles l'anticipation d'une baisse des prix produit une hausse du niveau de vie relative. À l'inverse voyant que la demande stagne voir diminue, les entreprises diminuent leurs investissements, ce qui nourrit encore plus la dépression . Donc, une fois entré en déflation, il est très difficile d'en sortir à moins d'employer des moyens massifs comme le fit Roosevelt dans les années 30. Et malgré le New Deal c’est bien la Seconde Guerre mondiale qui va faire sortir réellement les USA de la dépression dans laquelle la crise de 29 les avait entraînés. À l'inverse, une situation d'inflation oblige les gens théoriques à consommer parce que l'épargne n'est pas une bonne chose, elle perd vite de la valeur parce que les intérêts sont plus faibles que l'inflation. Mais la situation actuelle en France où l'on voit une résurgence de l'épargne alors même que nous subissons une forte inflation montre que cette logique n'est pas toujours vraie. Le comportement des individus est souvent beaucoup plus complexe que le résultat d'un calcul logique vis-à-vis d'une situation économique donnée.

 

 

Le libre-échange au Japon a entraîné rapidement une stagnation des salaires et une panne de la demande. Si l'état japonais n'a jamais réussi à relancer la machine et l'inflation, c'est probablement en grande partie parce que le Japon a beaucoup souffert de la concurrence féroce des nouveaux pays industrialisés Corée du Sud, Taïwan puis Chine. Une concurrence qui les a frappés encore plus durement, car ce sont ses voisins directs. L'industrie japonaise a beaucoup délocalisé en Chine et ce phénomène a bien évidemment entraîné une dépendance importante, mais aussi maintenu une pression sur les salaires. Comme partout sur la planète, le libre-échange a été fondamentalement déflationniste et c'est probablement au Japon que la pression en la matière a été la plus forte. Alors que le Japon était à la fin des années 80, un pays assez égalitaire, les inégalités ont flambé dans les années 90. De fait, le Japon est aujourd'hui l'un des pays de l'OCDE les plus inégalitaires derrière les USA qui restent champions dans le domaine bien sûr. La dette au Japon comme ailleurs est ce qui a maintenu la demande dans un monde où les salaires sont trop faibles pour consommer tout ce qui est produit. Ceux qui pensent que la dette est le produit de l’interventionnisme étatique et de la folle dépense publique semblent ne pas comprendre que sans cela nous aurions eu une dépression planétaire monstrueuse depuis les années 80. C'est la dette qui permet au néolibéralisme et à la globalisation de faire semblant de fonctionner. Toute tentative de réduction réelle de la dépense publique dans ce cadre économique produirait une crise massive et des faillites en chaîne.

 

À cause de cette déflation subie depuis très longtemps, la réaction du gouvernement japonais par rapport à l'inflation qui revient à l'échelle mondiale n'est pas vraiment celle des autres pays de l'OCDE, c'est le moins que l'on puisse dire. Le Premier ministre Fumio Kishida a annoncé récemment un plan de relance keynésien de plus de 266 milliards d'euros pour lutter contre les effets de l'inflation et le montant total des dépenses publiques atteindra 492 milliards d'euros. À côté de ça la banque centrale japonaise a décidé de ne pas remonter ses taux d’intérêt extrêmement bas. Le premier effet a été une nouvelle dévaluation du yen, officiellement la banque centrale est intervenue pour lutter contre cela, mais toute la politique du gouvernement semble vouloir produire une dévaluation. Rappelons que si la dévaluation entraîne une hausse du prix de produits importés, elle baisse également le prix relatif des produits fabriqués au Japon. Étant donné que le gouvernement semble vouloir également relocaliser les activités industrielles, la dévaluation n'est probablement pas un effet involontaire des autorités nipponnes, mais bien un effet recherché. Le Japon ayant encore des capacités industrielles, contrairement à la France, nul doute sur le fait que les entreprises japonaises sauront en profiter.

 

S'adapter au déclin démographique.

 

Le Japon cherche une voie de sortie originale à sa crise. Loin de considérer l'inflation actuelle comme un désastre, les autorités semblent y voir au contraire une opportunité pour casser la déflationniste qui frappe le pays depuis plus de vingt ans. L'inflation pour la première fois depuis des années l'inflation atteint 3%. C'est nettement moins que chez nous, mais c'est une situation naturelle, c'est-à-dire sans intervention de la puissance publique, que le Japon n'avait pas connue depuis les années 80. Il est étrange de voir que ce qui fait peur aux Européens et aux Américains, le retour de l'inflation, n'est pas vu au Japon de la même manière par les élites. Et le gouvernement nippon, contrairement à nos farfelus libéraux dirigeant la France, appelle ouvertement à la hausse des salaires. Car la croissance d'autrefois c'était bien évidemment la collusion entre inflations importante couplée à une hausse des salaires encore plus importante. Le tout rendant la rente foncière ou financière peu importante. La croissance existe lorsque vous favorisez l'investissement et la hausse des salaires par rapport à l'accumulation du capital financier. Chose qu'on ne comprend plus du tout en Europe et aux USA.

 

 

Cependant si la hausse de l'inflation actuelle semble à court terme pouvoir casser la déflation japonaise, il ne faut pas oublier la grande maladie qui frappe le pays, celle du déclin démographique. Si le Japon n'est pas entré en déflation à cause de sa natalité, la croissance démographique était encore là dans les années 80-90. La baisse de la population active actuelle, elle , est une puissante machine à produire du pessimisme et de la déflation. Et le gouvernement japonais en a bien conscience. Ce dernier semble vouloir casser le déclin, non avec une fuite en avant migratoire comme dans la pauvre Allemagne, mais plutôt par une politique de relance massive de la natalité. À dire vrai même si le Japon se lançait dans une course folle à l'immigration il n'est pas certain que cela fonctionnerait . C'est un pays éloigné avec des contraintes linguistiques et culturelles qui rendrait très difficile son attrait à un niveau suffisant. Et la quantité d'immigrés à faire vernir pour compenser le déclin serait absolument énorme. En supposant que l'immigration se passe bien et ne produise pas les effets délétères qu'on connaît bien en France et en Europe même si les idéologues continuent à faire les aveugles en la matière. Le gouvernement japonais a donc annoncé une politique sans précédent en matière de natalité.

 

On verra si cela marchera, mais force est de constater que le gouvernement japonais s'avère nettement plus rationnel que nos propres dirigeants que ce soit en matière économique ou en matière démographique même le réveil pour cette question est quand même un peu tardif. En effet même si le gouvernement réussit à faire revenir la natalité à un niveau raisonnable, les gens qui ne sont pas nés en nombre suffisant dans les années 90-23 ne seront toujours pas là pour travailler, consommer, innover. Et le pays va devoir faire face à un dépeuplement rapide. Pour pallier à ce problème, seules une hausse importante des salaires et une réduction des inégalités pourraient compenser en partie la baisse de la population et maintenir une demande suffisante pour les entreprises. Mais le Japon n'a jamais été très attaché à l'idée d'égalité c'est le moins que l'on puisse dire. Donc une telle direction semble peu probable.

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16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 19:29

 

Une fois n'est pas coutume, j'ai eu le malheur pour une fois de regarder la télévision. Pour tout dire, cela fait plus de vingt ans que je ne regarde plus la petite lucarne. Je vois juste quelques extraits d'émissions lorsque certaines personnes les mettent en avant sur le web et les réseaux sociaux. Mais depuis quelque temps j'aide ma mère, qui est enfin sortie de l'hôpital, dans ses tâches quotidiennes. Elle est pour l'instant handicapée suite à sa réanimation et à son mois et demi allongé sur un lit. Mais contrairement à moi ma pauvre mère, assez âgée, regarde encore la télévision. Alors que je triais longuement sa liste interminable de médicaments, voilà que j’eus le malheur d'entendre un imbécile de journaliste parler d'économie dans l'émission Télématin. Et comme à chaque fois que l'on connaît un peu un sujet, je me suis extasié des idioties ânonnées par ce triste individu transformé subrepticement en prompteur européiste compulsionnel. Pour les plus jeunes, il fut un temps où cette émission avait quand même quelques personnes moins ouvertement idéologues qu'à l'heure actuelle. Je me souviens qu'autrefois nous avions par exemple Philippe Sassier qui parlait souvent d'économie. C'était globalement d'un autre niveau, mais les temps ont changé comme on dit.

 

Notre économiste journaliste nous parlait donc du Brexit. L’événement que nos pseudoélites surpayées n'ont jamais vraiment digéré . Le Brexit serait donc totalement responsable de la situation « catastrophique » de la Grande-Bretagne. C'est affreux, il y a des grèves en Grande-Bretagne maintenant, signe probable de la fin des temps. Et il y a aussi de l'inflation, parce qu'ailleurs il n'y en a pas bien évidemment. Les marchés financiers s'attaquent à la Grande-Bretagne également, nous raconte encore notre européiste boursouflé d'orgueil et de certitudes avec une phrase magique « Si la GB avait été dans l'UE elle aurait été protégée comme la France ». Notre comique de service semblant ignorer que les Anglais n'ont jamais été dans l'euro donc on se demande bien en quoi l'UE aurait pu les protéger d'une attaque spéculative sur la monnaie. Des pays pourtant bien plus petits que la Grande-Bretagne. Rappelons ensuite que d'autres pays sont dans l'UE sans être dans l'euro comme la Suède et qu'il y a même encore des pays libres qui ne sont ni dans l'UE ni dans l'euro et qui n'ont pourtant jamais eu d'attaques spéculatives contre eux à l'image de la Suisse ou de la Norvège. Enfin, rappelons à ce pitre que la pauvre Grèce montre que l'euro ne protège de rien du tout et surtout pas des faillites nationales, le PIB/habitant est aujourd'hui inférieur d'un tiers dans ce pays à ce qu'il était il y a dix ans. En attendant la pluie de sauterelles, nous allons voir la situation réelle de l'économie britannique. Une situation qui n'est certes pas reluisante, mais qui est en réalité globalement moins dramatique que la situation française pourtant membre de la zone euro. Si la Grande-Bretagne a des problèmes, elle le doit avant tout à elle-même et à ses propres politiques. L'appartenance à l'UE n'aurait rien changé à l'affaire, et non le Brexit n'est pour rien dans cette affaire. C'est avant tout l'idéologie libre-échangiste et les dogmes du laissez-faire qui ont conduit ce pays comme l’ensemble de l'UE dans le mur.

 

Situation économique anglaise

 

Comme nous allons le voir, le principal problème de la Grande-Bretagne est son déficit commercial structurel. C'était déjà un problème lorsque les Anglais étaient dans l'UE et ça l'est toujours aujourd'hui . On constate que depuis la crise du COVID la balance commerciale britannique s'est fortement dégradée exactement comme dans le cas de la France. Là encore, des mesures massives de soutien couplé à une absence de protectionnisme et de dévaluation ont entraîné une dégradation de la situation commerciale. On peut rajouter à cela l'énorme poids du problème énergétique. Les Anglais ont une organisation énergétique qui était adaptée au gaz et aux hydrocarbures, car grâce aux gisements de la mer du Nord qui s'étaient développés dans les années 70-80 la Grande-Bretagne avait pu bénéficier d'une manne qui a permis au passage des délires thatchériens du néolibéralisme. Malheureusement pour les Britanniques et les Norvégiens, cette manne s'épuise depuis un moment. Mais les installations sont restées . Résultat, la dépendance anglaise aux importations de gaz a rendu les mesures contre la Russie particulièrement coûteuses pour eux. Et cela se voit dans la forte dégradation de la balance commerciale sur les hydrocarbures. Le coût pour les particuliers est dramatique, mais comme pour la France c'est surtout pour les entreprises que ces augmentations sont fatales.

 

 

Encore une fois, cette situation n'a aucun rapport avec l'appartenance ou non de la Grande-Bretagne à l'UE ou à l'euro. La France a exactement les mêmes problèmes en beaucoup moins graves parce que nous jouissons encore un peu de notre rente nucléaire. Imaginez la situation de la France sans cela alors que nous avons déjà d'énormes difficultés. Dans notre cas, la sortie du marché européen de l'énergie arrangerait immédiatement la situation, pour les Anglais c'est plus compliqué, car ils ont un problème structurel lié à des choix qui se font à long terme. Nul doute que la Grande-Bretagne va changer son fusil d'épaule et qu'elle va s'orienter vers le nucléaire, mais cela ne se fera pas instantanément. Ils ont d'ailleurs signé avec EDF récemment un contrat pour développer le nucléaire dans leur pays et remplacer des centrales en fin de vie. Preuve au passage qu'on peut ne plus faire partie de l'UE et continuer à travailler avec les autres pays européens tout comme le font la Suisse ou la Norvège.

 

Pour ce qui est de la croissance, la Grande-Bretagne affiche cette année encore une très forte croissance à 4% sur l'année 2022 après une croissance à 7,1% l'année d'avant. Évidemment, ces chiffres sont le résultat d'un rattrapage suite à l'effondrement pendant la crise COVID. Il y a peu de chance pour que ce rythme se conserve surtout avec la dégradation de la balance commerciale. Cependant contrairement à la France dont la part de l'industrie s'est effondrée totalement avec un taux maintenant similaire à celui de la Grèce avec 9% du PIB, la Grande-Bretagne conserve un peu plus d'industrie avec 14% du PIB . Le fait de n'avoir jamais appartenu à la zone euro a probablement mieux protégé les activités industrielles de la Grande-Bretagne. Le fait que l'industrie pétrolière et gazière y a été aussi présente en mer du nord a probablement participé à une moindre désindustrialisation que la France. Il s'agit là d'un point très important parce que la fin de la mondialisation qui arrive petit à petit verra les pays qui ont encore quelques capacités industrielles se redresser plus rapidement que les autres. En cela c'est la France qui est extrêmement inquiétante comme nous avons pu le voir précédemment avec les effets des dévaluations sur notre tissu économique sans capacité industrielle.

 

 

Concernant l'emploi même s'il faut modérer l'utilisation des statistiques officielles, on sait d'expérience qu'elles sont trompeuses particulièrement en France ou aux USA, le taux de chômage britannique est assez faible à 3,6% de la population active. Officiellement, 75% de la population en âge de travailler a un travail contre 73% en France, vous voyez pourquoi il faut prendre les chiffres officiels du chômage avec des pincettes. Le pays a cependant bénéficié d'une croissance légèrement supérieure à celle de la zone euro depuis 10 ans, comme les autres pays de l'UE qui n'étaient pas membre de la zone euro. Encore une preuve du caractère assez néfaste de la monnaie unique dont nos chantres de l'européisme ne parlent jamais. Sur les dix dernières années, la croissance annuelle moyenne de la zone euro fut d'un médiocre 1,3% du PIB contre 1,6% pour la Grande-Bretagne. Ce n'est pas très reluisant, mais significatif tout de même. D'autant que le marasme de la zone euro agit sur tous les pays non membres avec une demande moindre, moins d'investissement et donc moins de croissance en général. L'obsession allemande pour les excédents commerciaux au prix d'une demande interne comprimée aura fait du mal à l'ensemble du continent et pas seulement aux membres de l'UE et de la zone euro.

 

Comme nous l'avons vu rapidement dans les statistiques officielles, rien n'indique un effet Brexit particulier. La vérité c'est qu'être membre ou non de l'UE ne change rien si vous continuez de toute manière à pratiquer le libre-échange. Et la grosse faiblesse de la Grande-Bretagne c'est son libéralisme quasi identitaire et consubstantiel à son organisation économique. Le pays qui fut le berceau de l'industrie, mais aussi du protectionnisme précoce a complètement absorbé l'idée que sa prospérité de jadis fut le fruit du laissez-faire d'Adam Smith. Alors que l'histoire économique du pays nous dit en fait le contraire. Jusqu'à la célèbre abrogation des Corn Laws en 1846, le Royaume-Uni fut un pays terriblement protectionniste et il fit le décollage industriel en grande partie grâce à ça. Les USA firent d'ailleurs la même chose après la guerre de Sécession. Les difficultés économiques actuelles de la Grande-Bretagne sont plus le lègue du néolibéralisme des années 70-80, que celle d'un Brexit mal fagoté, n'en déplaise aux eurolatres. Mais c'est bien là qu'est le problème, comment admettre que ce qui est l'idéologie de fond de l'Union européenne est également ce qui a met par terre l'économie britannique ? Il est plus simple d'accuser le Brexit.

 

La situation anglaise montre aussi que comme nous l'avons vu dans mon texte précédent la sortie de l'UE ne suffira pas à redresser la barre. Il faut une vraie politique industrielle et protectionniste avec une véritable planification par secteur. Sortir de l'UE pour faire la même chose, c'est-à-dire signer des traités de libre-échange et ne pas faire de réindustrialisation volontaire, c'est se mettre à la merci des marchés financiers. Ensuite, il faut bien admettre qu'une telle politique nécessitera un consensus national et c'est là quelque chose qui va être très difficile à obtenir surtout chez les couches sociales aisées qui se sont enrichies grâce à la globalisation et au pillage de leur propre pays. Il faudra également repenser la question de la libre circulation des capitaux et l'emprunt public auprès de la banque centrale. Car si les commentateurs utilisent souvent l'argument fallacieux de la question de la menace des marchés financiers c'est bien souvent pour oublier qu'il y a une solution très simple qui consiste à faire des emprunts nationaux publics comme nous le faisions régulièrement avant les années 70 ! Notre parc nucléaire fut par exemple financé ainsi, et nous bénéficions encore aujourd'hui de cet investissement public des années 70.

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13 février 2023 1 13 /02 /février /2023 20:38

 

La France enregistre donc un nouveau déficit commercial record. Une fois n'est pas coutume, on entend encore des cris d'orfraie sur le manque de compétitivité française. On a même les vieilles badernes du libéralisme comme Minc ou Attali nous dire que la France est en faillite à cause de l'état comme d'habitude, et des dépenses publiques forcément. Leurs pseudosolutions libérales sont appliquées méthodiquement par nos imbéciles de dirigeants depuis le milieu des années 70, mais c'est toujours la faute des keynésiens ou des marxistes si la situation n'a cessé de s'aggraver. Leur discours pouvait encore faire illusion au début des années 2000, mais maintenant on ne peut plus avoir que de la pitié pour ces penseurs fantoches qui ont tout échoué intellectuellement, mais qui ont quand même bien réussi leur carrière de parasite à la tête des conseillers de la nation. Car la situation française actuelle est bien leur bébé. Depuis Raymond Barre la France pratique une politique de libéralisme non assumé à la tête de l'état. Officiellement, l'état français a continué à faire de la communication interventionniste, mais c'est bien le dogme du laissez-faire qui a prévalu dans la praxis jusqu'à aujourd’hui. L'interventionnisme étatique se réduisant en réalité depuis Mitterand à éponger les dégâts du laissez-faire macroéconomique. Voir les aides sociales, le chômage et la sécurité sociale comme étant à l'origine de notre misère c'est inverser les causes et les conséquences.

 

Car de la protection sociale nous en avions bien avant les aventures libérales sans que cela ne cause à l'époque de telles difficultés macroéconomiques. Discutions-nous en France à l'époque du général de Gaulle du coût invraisemblable de la sécurité sociale ? Ou des dépenses publiques pour l'éducation ? Non bien évidemment parce qu'à l'époque on réglait les questions commerciales avec des mesures commerciales. On pratiquait le protectionnisme et la dévaluation. Je rappelle pour ceux qui pensent que de Gaulle était attaché à la monnaie forte qu'il a dévalué deux fois en 58 quand il est arrivé au pouvoir. En créant le nouveau franc, il a au passage camouflé une double dévaluation de plus de 30% à l'époque et heureusement qu'il l'a fait. Le pays ne s'est alors jamais si bien porté d'un point de vue économique. Quoiqu'il en soit la situation actuelle n'est pas le fruit d'une fainéantise française, des 35 heures, de la retraite à 62 ans ou d'autres pseudos arguments de ce genre. Il est le fruit d'une monnaie qui est structurellement mauvaise pour la France, car elle nous colle à notre principal ennemi économique l'Allemagne. Et à une politique commerciale de libre-échange qui est incompatible avec l'existence de nos politiques sociales. Mais les tristes clowns du néolibéralisme se gardent bien de vous mettre les arguments dans ce sens .

 

Le libéralisme sous contrainte telle est la meilleure description de leur méthode politique. Ils ont créé des contraintes qui conduisent mécaniquement les pays à pratiquer le libéralisme. Dans les années 70, les économistes néolibéraux ont créé des contraintes qui auront pour seule conséquence la destruction de nos systèmes sociaux. C'était là d'ailleurs leur seul but. Il n'a jamais été question d'accélérer la croissance ou de créer de l'emploi, bien au contraire même, le chômage est nécessaire à la casse de l'inflation selon leur théorie ridiculement malsaine du NAIRU. Le libre-échange a cassé le salarié français, mais il a aussi cassé les politiques sociales. Comme nous en avons parlé dans le texte précédent sur l'agriculture quand vous mettez des pays inégaux dans des conditions d'égalité, vous créez de facto les conditions pour la destruction du pays désavantagé. Dès lors dans le cadre du libre-échange, les shadoks que sont nos dirigeants ne voient plus comme solution que la destruction des avantages sociaux pour réduire le coût du travail. La liberté de circulation des capitaux, elle, visait à détruire la fiscalité pour les plus riches en conduisant mécaniquement à une guerre fiscale entre les pays visant à attirer les riches et les multinationales maintenant libérés des contraintes nationales. Et cela a marché, les riches payent de moins en moins d'impôt, et les multinationales plus du tout. Il est donc primordial de bien comprendre que la meilleure attaque contre cette idéologie mortifère n'est pas de critiquer telle ou telle mesure libérale violente, mais de s'attaquer au cadre néolibéral qui conduit à ces politiques présentés comme sans alternative. Car effectivement dans un cadre libéral il n'y a pas d'alternative, en effet c'est surtout le cadre qu'il faut changer.

 

 

Une désindustrialisation qui vient de loin

 

La désindustrialisation française qui a produit cet énorme déficit commercial vient de loin. C'est comme je l'ai dit le résultat d'une lente agonie sous les contraintes de l'idéologie libérale. Tout commence en fait au milieu des années 70 sous Giscard. L'abandon du tarif extérieur commun européen et les effets de modes ont conduit petit à petit l'état français à abandonner les politiques de régulation macroéconomiques d'après guerre. Il y a eu également un désintérêt progressif pour l'industrie . Alors certains y verront le manque de culture scientifique chez nos élites dirigeantes et ce n'est pas totalement faux. Le fait qu'on ait pu avoir des dirigeants de grandes entreprises pensant créer des entreprises de pointes sans usine comme Serge Tchuruk avec Acatel montre qu’effectivement il y a en haut de la pyramide sociale une incompréhension du fonctionnement concret de l'industrie et de la science. Mais si la bêtise des dirigeants français fut grandement nourrie par leur incompétence techno-scientifique, elle le fut surtout par l'abandon progressif de la question industrielle elle-même. Dans les années 70, ils ont réellement cru que les services allaient remplacer l'industrie. Comme ils ont cru que l'industrie avait remplacé l'agriculture. Ils ont confondu le poids dans le PIB avec l'importance stratégique des activités en elles-mêmes. Même si une activité ne représente que 0,001% de votre activité si elle est vitale pour l'autonomie nationale, il faut la conserver à tout prix. C'est une chose que les petits comptables que sont les néolibéraux n'ont jamais vraiment comprise.

 

 

Quoiqu'il en soit, la France a maintenant un déficit de 164 milliards d'euros en 2022. Un véritable record, et si l'énergie a fortement influé dans la balance, près de 50% de la hausse du déficit est imputable à ce secteur. Le reste de l'augmentation concerne les biens manufacturés. Plus inquiétant, pour nos douanes, la hausse est imputable à la dévaluation de l'euro en grande partie. Autrement dit, la dévaluation ayant renchéri le prix des importations, le poids global des importations a augmenté sur la balance commerciale. Ainsi même si les autres pays de la zone euro pèsent lourdement sur la balance commerciale française , la majorité de notre déficit extérieur se faisant avec les autres membres de la zone euro, cette année, la dévaluation de l'euro a provoqué une forte hausse de notre déficit vis-à-vis de l'extérieur de la zone euro. C'est particulièrement vrai avec l'Asie et la Chine. Autrement dit la France est tellement désindustrialisée qu'une aubaine comme une dévaluation ne permet plus à des entreprises locales de se substituer aux importations en devenant moins chères. En effet, pour se substituer à des importations, encore, faut-il que ces entreprises existent. L'aggravation du déficit commercial sur les biens en période de dévaluation est extrêmement inquiétante.

 

La France est donc désormais dans le même cas que les USA ou la Grande-Bretagne. Un pays qui n'a plus de substance industrielle et pour lequel les dévaluations n'ont plus les effets qu'elles auraient encore pu avoir il y a quelques années. On peut le dire, l'heure est grave . Cela ne signifie pas que les dévaluations n'auraient plus du tout d'effet, mais qu'à court terme l'effet principal serait d'abord la baisse de la demande locale bien avant la relance de la production nationale. On le voit ici, la réindustrialisation nécessitera bien plus que des dévaluations et même des mesures protectionnistes. Il va nous falloir une véritable politique de planification industrielle. Nous sommes allés trop loin dans l'hypertrophie du secteur tertiaire et dans la désindustrialisation pour jouer simplement avec les manettes macroéconomiques pour pouvoir redresser la barre. Enfin comment ne pas apprécier ce dernier graphique de la part de la France dans le commerce mondial des exportations de biens ? C'est une illustration des effets calamiteux de notre entrée dans la zone euro, nous sommes passés de 5% à seulement 2,5% en à peine 20 ans .

 

 

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8 février 2023 3 08 /02 /février /2023 19:36

 

Nos agriculteurs manifestent aujourd'hui leur opposition à l'interdiction des Néonicotinoïdes pour la production de betteraves. Rappelons que les betteraves sont essentielles dans la production du sucre blanc que nous consommons en majorité. Il s'agit d'un héritage de la période napoléonienne, car à l'époque le blocus maritime britannique nous a empêchés d'avoir accès au sucre de canne classique qui était produit dans les colonies d'Amérique. À cause de cela Napoléon poussa les producteurs à créer une alternative, ce fut le sucre blanc, issu de la betterave. Une révolution qui fit baisser le prix du sucre et permit une certaine démocratisation de son utilisation . Ce fut en revanche un coup dur pour les producteurs d'Amérique, un peu à l'image de ce que fut plus tard pour le Brésil l'invention du caoutchouc synthétique et l'exportation de l’hévéa dans les pays d'Asie du Sud-est. C'est aussi une leçon de l'histoire sur l'inefficacité des mesures économiques comme arme de guerre à long terme.

 

Les Néonicotinoïdes seraient ainsi mauvais pour les insectes, en particulier les abeilles et les insectes pollinisateurs. Par définition, il s'agit de pesticide donc évidemment qu'ils sont dangereux pour ces espèces. Ces pesticides étant à large spectre, ils peuvent tout à fait nuire à des espèces essentielles au fonctionnement de notre écosystème. Le problème est qu'ils ne se dégradent pas dans la nature, restent donc longtemps sur le sol, les plantes et peuvent ainsi se répandre chez d'autres espèces ailleurs que dans l'environnement traité. La récente peur de la disparition des abeilles n'est pas sans lien avec la décision de limiter puis interdire l'utilisation des néonicotinoïdes. Si les études ne montrent pas de risque pour l'homme dans une utilisation raisonnable, le doute semble persister pour les insectes pollinisateurs. Connaissant leur immense importance pour la nature, mais également pour notre agriculture, les scientifiques ont fait des listes de conseils pour utiliser intelligemment ces pesticides, et pour trouver des alternatives. On le voit rapidement l'interdiction et la limitation de l'usage de ces produits n'est pas sans fondement scientifique . Plus généralement, cela pose la question de la trop grande dépendance de notre agriculture vis-à-vis de l'industrie pétrochimique. Et cette question est d'autant plus d'actualité que nous importons également des engrais en grande quantité pour produire notre nourriture . Or comme vous le savez sans doute la Russie, tout comme l'Ukraine sont de gros producteurs d'engrais. Notre dépendance à ces substances importées provenant de pays en guerre met toute notre filière agricole en très grand danger pour les années qui viennent. L'on pourrait ici poser la question essentielle. Pourquoi un pays comme la France est-il dépendant à ce point des engrais importés ?

 

Et si la question semble ne pas avoir de rapport avec la crise des néonicotinoïdes pour les betteraves, le lien est pourtant réel. Car dans les deux cas, le problème n'est pas la réglementation qui peut se justifier, mais le fait que notre pays a laissé son agriculture mourir progressivement en la mettant en concurrence avec la planète entière. Et l'on peut considérer pour les agriculteurs français, que la question des néonicotinoïdes est un peu la goûte d'eau qui a fait déborder le vase. La question de fond qui devrait être posée n'est pas de savoir si ces pesticides sont si dangereux que ça pour l'environnement, et donc s'il faut réellement les interdire, mais plutôt de savoir si nous allons continuer à faire du libre-échange agricole avec d'autres pays qui ne mettent aucune contrainte environnementale à leurs producteurs.

 

 

Agriculture, écologie et protectionnisme

 

Car la question est là et pas ailleurs. Les agriculteurs, j'en suis persuadé, ne tiennent pas plus que les autres français à participer à la destruction de notre environnement. Ils ne tiennent pas non plus à s'empoisonner eux-mêmes. Mais il faut bien comprendre que ce sont les contraintes économiques liées au libre-échange et à la dérégulation macroéconomique qui les poussent à ce genre de pratique. On ne peut pas inlassablement les mettre sous des contraintes économiques de plus en plus violentes et en même temps espérer qu'ils soient de fabuleux écologistes respectueux de l'environnement. C'est d'autant plus vrai qu'avec la crise et l'inflation les gens se détournent maintenant de la filière bio qui paraissait pour certains agriculteurs être une porte de sortie honorable. D'ailleurs au sujet du libre-échange,l'UE a encore signé un nouveau traité de libre-échange, cette fois avec la Nouvelle-Zélande, pays très avantagé pour l'agriculture et qui a des pratiques peu écologiques. Ils continuent par exemple à faire de l'abus d'antibiotiques pour les bovins et les ovidés. De fait, mettre des contraintes de plus en plus violentes d'un point de vue économique en oubliant simplement l'intérêt de nos propres agriculteurs revient simplement à les tuer. Une politique rationnelle en la matière serait d'accompagner ces contraintes de mesure protectionniste comme des droits de douane et des quotas pour permettre à nos filières de survivre même avec ces nouvelles réglementations. Or il n'y a absolument rien de prévu à cet effet, et il n'y a pas grand-chose à attendre des idéologues de Bruxelles sur cette question.

 

Ce libre-échange agricole n'est pas bon pour notre économie et notre indépendance nationale. Mais en plus c'est très mauvais pour l'environnement puisque nous importons de plus en plus de nourriture de pays aux mauvaises pratiques agricoles, tout en y ajoutant le transport, qui lui aussi n'est pas très écologique. De fait, le débat sur les néonicotinoïdes et leur interdiction est très mal conduit. Et c'est probablement parce que cela se heurte à la question de la globalisation et de l'UE qui restent des tabous inviolables dans les grands médias. Que les néonicotinoïdes soient interdits ou non de toute manière les principes mêmes du libre-échange conduisent notre agriculture à la mort en dehors de quelques activités d'exportation. Et l'on ne verra guère la FNSEA défendre la sortie de l'euro, de l'UE et du libre-échange, car comme ses cousins de la GCT et autre CFDT aucun syndicat officiel ne défend ce qui devrait pourtant paraître évident aux yeux de tous, la nécessité de rompre avec le libéralisme de ces 40 dernières années. Ils sont très fort pour condamner les conséquences de ces choix, sans jamais s'attaquer à leurs causes.

 

Cependant si par hasard un gouvernement plus patriote arrive un jour au pouvoir, il faudra de toute manière repenser totalement notre agriculture. Est-ce que l’agriculture doit être un moyen de faire de l'argent, d'avoir des excédents commerciaux en nous spécialisant dans certains domaines et en favorisant la monoculture ? Nous mettant ainsi à la merci d'une mauvaise fluctuation du commerce mondial ? On le voit sur les médicaments, l'extrême dépendance aux importations est extrêmement dangereuse, et sur la nourriture cela pourrait être fatal. Ou est-ce qu'elle a surtout pour but de pourvoir aux besoins essentiels de notre population ? La question va se faire de plus en plus pressante. En effet, les besoins mondiaux en la matière sont énormes, croissants et certains pays comme la Chine exercent déjà des pressions à la hausse sur les prix de tout un tas de produit. Comme je l'avais déjà écrit dans un précédent texte, allons-nous laisser notre population en état de malnutrition pour suivre les prix mondiaux sur certaines denrées ? Les Français devront-ils cesser de manger du pain parce que les Chinois ou d'autres importeront massivement du blé qu'ils pourront se payer, car ce sont les nouvelles puissances industrielles alors que nous devenons petit à petit un pays du tiers monde ?

 

Comme on l'a vu avec la crise du COVID qui a déséquilibré l'économie mondiale et produit en partie la vague d'inflation, la globalisation va devenir de plus en plus problématique pour nous. Et il est bien dommage que la question de notre souveraineté alimentaire ne soit pas abordée à l'occasion de ces manifestations agricoles. La spécialisation à l'échelle planétaire est une idiotie économique ne créant en fait du revenu que pour les intermédiaires, les producteurs et les consommateurs n'y gagnant guère, quand ils n'y perdent pas. Mais c'est aussi une aberration écologique massive. Il est plus que temps de mettre les politiques et les écologistes mainstream devant leurs contradictions. Discourir longtemps sur la sauvegarde de la planète tout en mettant des règles de plus en plus contraignantes pour nos producteurs, et cela en les mettant en situation de concurrence complètement faussée, n'a rien d'écolo, ni de rationnel. On nage en pleine démagogie pseudoscientifique et de péroraison moraliste. L’agriculture qui fut l'activité qui créa la civilisation mérite mieux qu'une collection de poncifs irrationnels. Il faut prendre enfin le sujet avec sérieux même si cela veut dire rompre avec l'UE pour ça. Il en va de la sécurité alimentaire de nos concitoyens.

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