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20 mars 2023 1 20 /03 /mars /2023 16:10

 

Au moment où j'écris ce texte, nous ne savons toujours pas si le gouvernement est victime d'une motion de censure vis-à-vis de son énième 49-3 visant à imposer sa « réforme » des retraites qui consiste surtout en pratique à baisser les pensions des futurs retraités. En effet étant donné la réalité économique française d'un chômage de masse que le gouvernement camoufle, surtout pour les plus âgés. La hausse du temps de cotisation revient simplement à diminuer le nombre d'annuités qu'auront les futurs retraités et donc à baisser leurs retraites. Cela les Français l'ont bien compris parce que contrairement à ce que pensent les dominants, la majeure partie de la population n'est pas idiote. On remarquera d'ailleurs la piètre habileté de ce gouvernement qui a mal préparé le terrain par des campagnes de communication sur le plein emploi et le manque de main-d’œuvre. C'est-à-dire qu'ils savaient très bien qu'ils ne pouvaient pas augmenter directement la durée de cotisation sans avoir préalablement construit un mythe autour du plein emploi. Macron s'est donc évertué à d'abord éjecter massivement les chômeurs des catégories officiellement comptés comme chômeur avant de proposer de repousser l'âge de la retraite.

 

Quoiqu'il en soit, il semble que la population ne soit pas dupe. L'on voit aussi dans cette question de l'âge de la retraite une accumulation de colère d'un peuple qui sent instinctivement qu'on le mène à l’abattoir. Mais il faut bien prendre garde à ne pas tomber dans le piège de la personnalisation. Car Macron n'est pas le problème, il n'est que l'un des nombreux maillons de la chaîne néolibérale qui a démoli ce pays depuis les années 70 . Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure même si le gouvernement Macron tombe, rien ne risque de changer. Car le mal est profond. En premier lieu, aucun des grands partis, à l'heure actuelle, susceptibles de profiter de la chute du macronisme n'est réellement structuré pour une rupture avec les politiques de ces quarante dernières années. Ils arrêteront peut-être cette mesure sur les retraites, mais quid du chômage ou du déficit commercial ? Pour agir réellement et réindustrialiser le pays, il faut d'abord une rupture avec la mécanique qui a conduit la France à mettre en place ces politiques. Or ce cadre-là n'est jamais attaqué même par les opposants les plus bruyants à l'image de Mélenchon.

 

Sortir du néolibéralisme et de l'UE

 

Il faut bien comprendre que les néolibéraux et les politiques qui ont mis en place cette doctrine ne l'ont pas fait bêtement en faisant gagner politiquement leur camp. Le néolibéralisme est avant tout une structure de contrainte que les hommes politiques d'alors ont mise en place discrètement, mais avec férocité. Il s'agissait à partir des années 70 de mettre un cadre qui impose les politiques néolibérales. C'est la fameuse phrase de Margaret Thatcher « There is no alternative ». Car les néolibéraux s'ils pensaient que leurs politiques étaient meilleures pour l'humanité, car oui certains le pensaient, ils savaient tout de même pertinemment que cela bloquerait au niveau politique. Car il faut pouvoir se faire élire quand il y a des votes. Dans certains pays comme le Chili ce fut plus simple, on a renversé le gouvernement élu et mis un dictateur appliquant les recettes néolibérales sans opposition. Mais il était impossible de faire ça en Europe ou aux USA. Il a donc fallu mettre en place un système général qui ne donne pas le choix à la population.

 

Cette contrainte principale est évidemment en premier lieu la dette. Si les années 70 sont si importantes, c'est parce que c'est à cette époque qu'on passe d'un régime d'endettement public passant par les banques centrales à un système passant par les marchés financiers. Il est important de comprendre que c'est la première arme qui a permis l'imposition du néolibéralisme. Les effets ont mis du temps à se faire sentir parce qu'au départ la situation économique était très bonne avec des comptes publics au vert. Mais plus le temps a passé et plus cette contrainte s'est avérée fondamentale dans le dispositif de coercition sur les politiques publiques. On le voit encore aujourd'hui, Macron s'appuie sur la peur des réactions des marchés financiers pour imposer sa réforme stupide. On notera toutefois qu'il s'en inquiétait moins lors de la crise du Covid, quand il a fait exploser la dette publique pour compenser l'absurde mesure du confinement généralisé. Et n'oublions pas les intérêts qui s'accumulent au fil du temps . Comme le disait Keynes, la force des taux d'intérêt composés est extrêmement puissante . Et un état qui emprunte sur les marchés à 3% au lieu de 0 à sa banque centrale met les pieds dans un engrenage sans fin de dette irremboursable à la fin. Le mettant totalement à la merci des milliardaires et des multinationales.

 

Ceux qui font miroiter la peur du marché ignorent bien souvent que notre économie n'a pas toujours fonctionné avec des marchés financiers. Après guerre, et jusque dans les années 70, la bourse de Paris était absolument sans intérêt pour le fonctionnement du pays. L'état empruntait à la banque de France pour faire du financement public et ça marchait très bien. Il faut bien comprendre que l'argent se fabrique, on peut en faire autant qu'on veut . Évidemment il faut que l'augmentation de la masse monétaire soit proportionnée aux besoins de l'activité sinon vous faites de l'inflation, mais c'est la seule véritable limite. Laisser à des acteurs privés sur les marchés le soin de dire si une politique publique est valable ou non est en soi étrange et même profondément antidémocratique. C'est d'ailleurs le cœur du malaise en occident à mon humble avis. Nous vivons dans une société schizophrène qui d'un côté promeut officiellement l'égalité des citoyens, le droit de vote et les élections. Alors que de l'autre côté en pratique ce sont les puissances d'argent qui décident des politiques officielles. Comme si elles étaient porteuses naturellement de l'intérêt général et d'une sagesse dont serait dépourvu l'ensemble des citoyens. Et le néolibéralisme c'est avant tout ça, une prise de décision qui échappe aux citoyens. Et le rôle de l'emprunt sur les marchés financier au lieu de la banque centrale est le pilier de cet édifice autoritaire.

 

Évidemment, au-delà de la question des marchés financiers pour financer les investissements publics, il y a le libre-échange et la libre circulation des capitaux. Le libre-échange est la mécanique qui va permettre d'imposer un abaissement des conditions salariales aux Français. Cette réalité commence quand même à être bien comprise par la population. Et la remise en cause du libre-échange par leurs anciens principaux promoteurs à la savoir, les USA, va petit à petit permettre de remettre au goût du jour l'idée de protectionnisme dans les politiques publiques. L'absence de réaction européenne face au protectionnisme américain semble également participer à l'ébranlement dans les certitudes sur l'utilité réelle de cette construction politique absurde. En effet, si l'UE ne protège pas les Européens dans de telles circonstances d'attaques directes des USA à quoi sert-elle ? Même chez les plus délirants européistes, la question va finir par se poser.

 

La question de la liberté de circulation des capitaux est par contre beaucoup moins soulevée. Généralement, les critiques du système se contentent de pleurer sur les méchants paradis fiscaux qui privent les états de nombreuses ressources fiscales. Ce qui est vrai bien évidemment. Mais c'est oublier un peu vite qu'il y a toujours eu des pays avec des fiscalités différentes. Cela n'a rien de nouveau. La Suisse avait déjà une plus basse fiscalité que la France dans les années 60, mais ça ne gênait personne. Et pour cause on ne pouvait pas sortir de grosses quantités de capitaux du pays comme aujourd'hui. La liberté de circulation des capitaux n'a jamais eu qu'un seul but, imposer les baisses fiscales par la contrainte de la concurrence fiscale. Dans un régime économique dans lequel les capitaux peuvent s'installer librement où ils veulent, il était bien évident que les états se lanceraient dans une compétition d'amoindrissement des fiscalités pour attirer les capitaux chez eux. Là encore on le voit, les politiques publiques dans le cadre néolibéral sont ipso facto construites par la contrainte de la dérégulation. Comme disait Thatcher « There is no alternative » .

 

Donc comme vous pouvez le voir dans cette rapide analyse, Macron n'est pas Le problème. Il n'est que le sous-produit d'un régime politique qui a inscrit une politique économique impossible à changer dans le cadre fabriqué dans les années 70-80 . C'est d'abord ce cadre avec lequel il faut rompre sans quoi vous êtes indéfiniment condamné à refaire des politiques néolibérales visant à abaisser le coût du travail, les impôts pour les plus riches, etc.. Évidemment cela veut dire également qu'il faut rompre avec l'UE et l'euro qui sont en pratique des contraintes néolibérales plus fortes encore puisque là l'état n'a même plus la possibilité de dévaluer . Vous comprenez pourquoi le possible effondrement du gouvernement ne m'émeut guère. Ce n'est pas que j'ai de la sympathie pour Macron, bien au contraire. C'est que j'y vois surtout un piège pour la population qui risque de se tromper en pensant que le simple changement d'homme politique ou même de régime peut résoudre nos problèmes. Seule une conscience politique forte qui prend corps à travers un mouvement politique réel pourrait changer la donne. À l'heure actuelle trop peu de gens et de politiques veulent réellement une rupture de fond sur l'Europe et le néolibéralisme. On peut même douter que les Français le veuillent vraiment.

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 20:36

 

Une nouvelle panique semble toucher le système bancaire occidental, avec la faillite de la Silicon Valley Bank cette fois. Et immédiatement, on repense à la faillite de Leman Brothers sauf que cette dernière était une banque nettement plus importante à l'époque. Mais le fond du problème qui était l'insolvabilité du système bancaire américain et occidental en général est toujours là même si les acteurs et les sources de problèmes potentiels ont changé. À l'époque ce sont les subprimes qui ont causé les faillites en cascade, la baisse des prix de l'immobilier entraînant la fin de l'enrichissement fictif d'une bonne partie des Américains qui achetaient des biens immobiliers à crédit en espérant des reventes rapides à des prix intéressant en surfant sur la bulle immobilière. Malheureusement, la baisse des prix et la remontée des taux seront fatales à ce système et entraîneront la crise que l'on connaît de 2008-2010 . L’interconnexion délirante entre les différents pays du monde exportant la crise américaine à l'ensemble de la planète. L'effondrement de la demande intérieure américaine qui vit une baisse de moitié de son déficit commercial extérieur plongera les gros exportateurs comme l'Allemagne et la Chine dans une crise.

 

À l'époque pour sauver le système, la plupart des dirigeants occidentaux ont fait des injections massives de liquidité. Il ne s'agit pas ici de critiquer cette action, il fallait sauver les banques, car en cas contraire nous nous serions retrouvés dans un mécanisme massif de bank run. Les gens n'ayant plus confiance dans leur banque retirent leurs avoirs; or comme les banques prêtent toujours beaucoup plus que ce qu'elles n'ont en réserve, elles n'auraient tout simplement pas pu répondre à la demande des clients. Accélérant ainsi le processus de fuite en dehors du système bancaire. Les entreprises et les particuliers se seraient rapidement retrouvés sans moyen de paiement sous aucune forme. Autant vous dire qu'à moins d'avoir un sac d'or enterré sous votre jardin, et encore faut-il pouvoir changer l'or en monnaie, on se serait très vite tous retrouvé sans moyen pour manger, ou payer nos loyers et nos diverses obligations. Les crises de bank run sont extrêmement dangereuses pour une société. On l'a malheureusement vu récemment en Argentine ou chez ces pauvres libanais. Il est donc tout à fait normal que les états interviennent rapidement dans ces situations. La crise de 1929 aura au moins servi à ça comme leçon.

 

Cependant si l'on se souvient bien de la dernière fois, les dettes des banques ont tout simplement été transférées dans le domaine public par la dette. Pour la France de Nicolas Sarkozy, cette sauvegarde des banques s'est traduite par un doublement de la dette publique. L'on vous ressort régulièrement l'argument de la dette insoutenable pour justifier les « réformes » néolibérales qui consistent généralement à démolir les services publics. Sauf que les politiques oublient généralement de dire d'où vient cette fameuse dette. Et là c'est quelque chose qui pourrait pourtant largement justifier une colère noire de la population, si celle-ci avait réellement conscience de l'arnaque géante dans laquelle elle est enfermée depuis des décennies. Car s'il fallait bien sauver les banques, celles-ci auraient au moins dû être nationalisées et restructurées. Certains pays comme l'Islande durement touchés par la crise de 2008 ont laissé couler leurs banques irresponsables comme Icesave. On remarquera que c'est après un référendum que l'Islande décidera de ne pas couvrir les pertes de la banque privée, ce qui fait rager l'establishment anglais et néerlandais. Mais sauver cette banque par l'endettement public revenait à faire prendre les responsabilités d'une entité privée à l'ensemble de la population islandaise qui n'y était pour rien dans les imbécillités spéculatives de la banque en question.

 

Dans le reste de l'Europe et en France en particulier il n'y a eu aucun débat sur la question. Tout s'est passé comme s'il était naturel qu'un système économique qui prétend sans cesse valoriser la responsabilité individuelle pour les salariés et les citoyens puisse se comporter d'une façon quasiment communiste quand il s'agissait de sauver les intérêts des puissances d'argent. Et évidement la cerise sur le gâteau fut qu'il n'y a eu aucune espèce de réforme de sur le fond, ni aucune réaction de grande ampleur . On a demandé au contribuable de payer sans poser de question et sans aucune conséquence pour les principaux responsables économiques de cette situation. Il s'agit là probablement d'un des plus grands scandales de l'histoire économique. Un scandale assez révélateur du système de prédation qu'est l'économie néolibérale. On a eu un bel exemple de privatisation des profits et de socialisation des pertes.

 

La finance occidentale malade de la dérégulation

 

Évidemment comme rien de fondamental n'a changé depuis en dehors de l'endettement des états qui atteint maintenant des proportions gargantuesques, il était évident que nous risquions à nouveau de nous retrouver dans ce type de crise. C'est peut-être le cas à l'heure actuelle puisque les valeurs bancaires commencent à chuter, y compris à Paris. L'action de BNPparibas vient d'être gelée après une chute de plus de 8%. Le vénérable Credit Suisse est dans une situation catastrophique tout comme la Société Générale. Alors pour l'instant rien ne dit que nous allons dans la même direction qu'en 2008, mais la situation économique est tellement plus mauvaise qu'à l'époque entre l'inflation, la crise ukrainienne et les conséquences économiques des mesures absurdes contre le COVID, qu'on peut sérieusement être inquiet. Et surtout on se demande comment les états et les banques centrales déjà largement dans le rouge vont pouvoir cette fois sauver des banques dont les avoirs dépassent parfois le PIB de leur propre pays d'origine.

 

Mais quelle est l'origine de ces crises financières à répétition ? Le premier facteur est la très mauvaise situation des anciens pays industrialisés. On en a parlé régulièrement sur ce blog sans avoir à y revenir. La désindustrialisation a entraîné de grands déséquilibres extérieurs et la croissance n'est plus fabriquée que par des bulles de dette publique et privée qui stimulent la consommation. À l'exception de l'Allemagne et de quelques autres pays qui compensent leurs déficits extérieurs avec les nouveaux pays industrialisés comme la Chine par des excédents avec d'autres anciens pays industrialisés, le reste de l'occident est enfermé dans une spirale de déficits commerciaux. Les USA, la Grande-Bretagne et la France formant le trio de tête des pays surendettés déficients commercialement. Évidemment ce sont ces dettes qui permettent aussi aux nouveaux pays industrialisés de croître dans une espèce de jeu malsain d'interdépendance déséquilibrée entre consommation occidentale et exportations asiatiques. On sent qu'une telle organisation économique ne peut que s'effondrer un jour avec fracas.

 

Mais si le fond de l'économie est mauvais, l’instabilité financière n'est pas due qu'à ça. Elle est littéralement consubstantielle à la dérégulation que les politiciens occidentaux et particulièrement anglo-saxons ont imposée depuis les années 70. Car les crises ont été nombreuses depuis les années 70 avec des gravités sans cesse croissantes. Le premier facteur est l'apparition de banques universelles qui font tous les métiers . En particulier le mélange de banques commerciales et de banques financières qui avait pourtant été abandonné au lendemain de la crise de 1929. En effet, Roosevelt en 1933 fit signer le célèbre accord du Glass-Steagall Act visant à séparer ces deux activités pour éviter que les errements des banques commerciales ne puissent empoisonner les dépôts des épargnants ne cherchant pas des taux d'intérêt élevés et donc risqués. Malheureusement sous Clinton, il fut abandonné. En Europe dès l'acte unique européen nous vîmes la réapparition de la banque universelle avec tous les risques que cela signifie en cas de crise. Encore une fois, les leçons du passé ont été oubliées.

 

Mais le facteur supplémentaire par rapport aux crises des années 30 est l'interdépendance absurde qui a été créée par la création de banques universelle et aussi multinationale. Cette fois non seulement on a mélangé tous les métiers de la finance, mais en plus on a dérégulé la circulation des capitaux à travers la planète, créant ipso facto les conditions maximums pour voir l'apparition et l'extension rapide des crises à travers toute la planète. L'explosion d'une petite banque d'affaires dans une région des USA peut ainsi entraîner l'ensemble de la finance mondiale vers l'effondrement par un jeu de domino absurde produit par l'accumulation de dettes et d'avoir planqués un peu partout sur la planète en particulier dans les paradis fiscaux. Comme dans le cas du commerce l'extrême interdépendance produit plus de mal que de bien et fait courir des risques démesurés à l'économie nationale . C'était d'autant plus vrai que la France n'a jamais eu besoin de la finance internationale. Ce fut un choix totalement idéologique fait dans les années 70-80. À une époque où l'épargne du pays était abondante et où nous avions une balance commerciale à l'équilibre.

 

Alors est-ce que cette crise est la CRISE ? Celle qui produirait l'effondrement des économies occidentales surendetté provoquant soit une hyperinflation, soit un défaut sur les dettes? Phénomène qui aurait comme effet l'effondrement du dollar et de l'euro. C'est difficile à dire, il y a énormément de facteurs et personne en réalité ne contrôle plus rien. Et s'il y a bien une leçon à apprendre de tout ceci, c'est que le premier effet du libéralisme, c'est bien la promotion du chaos et de l'instabilité. En supprimant les frontières dans tous les secteurs, vous favorisez mécaniquement l'ingouvernabilité. C'est un énième exemple de ce dont je parlais dans mon texte “L'économie chaotique et la crise porcine” . Je prenais comme base la science de l'automatique que je connais bien pour expliquer le rôle de l'interdépendance excessive dans la gouvernabilité ou non d'un système. Et le globalisme, loin de produire du contrôle comme le rêvent les hurluberlus du laissez-faire, conduit bien au chaos total. Il va nous falloir maintenant brûler des cierges et voir comment les choses évoluent, cela vaut bien un discours de Bruno Le Maire sur les questions économiques.

 

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 14:52

 

Si l'UE est un échec patent montrant l'impossibilité de construire une nation artificiellement . L'objectif d'origine de la construction européenne d'une partie de nos élites n'était pas pour autant totalement absurde. En effet, depuis le milieu des années 70 à travers l'abandon du système du Gold Exchange Standard qui garantissait que le dollar en tant que monnaie d'échange international pouvait être convertible librement en or, les USA ont exercé une pression économique croissante sur nos pays. En effet, comme l'avait si bien dit John Connally avec cette formule simple, mais réaliste :« Le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème ». Sous-entendant par là que les USA à partir de l'abandon de l'étalon or pouvaient librement imprimer de la monnaie et en faire payer le coût inflationniste par les autres puissances obligées d'avoir des dollars en réserve pour l'achat de biens et de matières premières à l'international. Et cette réalité nous continuons à la vivre aujourd'hui . Si Biden peut se permettre de mettre 400 milliards de subventions pour attirer les entreprises européennes chez eux en faisant du pillage c'est bien parce qu'ils n'ont en apparence aucune limite budgétaire liée à leurs équilibres extérieurs. Et les USA abusent largement, peut-être trop nous le verront un de ces jours, de leur avantage monétaire. Ils peuvent acheter le monde entier en imprimant des dollars dont la valeur n'a plus aucun rapport avec la réalité économique des USA qui sont totalement désindustrialisés. Cette désindustrialisation est d'ailleurs un effet secondaire du rôle de monnaie de réserve. À quoi bon produire quelque chose quand vous pouvez tout importer gratuitement ? On le voit dans le grand mécano absurde de la globalisation, les USA se sont spécialisés dans la relance de la demande planétaire par l'injection monétaire. Qu'ils viennent à rééquilibrer leur balance des paiements et c'est la déflation planétaire et la récession qui frappe l'humanité ! Enfin, tant que nous acceptons ces règles du jeu absurdes.

 

Le rôle de monnaie de réserve du dollar est le principal problème de l'économie mondiale avec la dérégulation financière et commerciale qui est allée de pair avec l'abandon du système de Bretton Woods à partir de 1973. Dans les années 70, les Européens ont réagi à l'attaque américaine par la création du SME (Système monétaire européen) . Ce système était un panier monétaire dans lequel les monnaies européennes devaient limiter leurs fluctuations. Car avec l'abandon du système régulé de Bretton Woods est arrivée aussi la dérégulation financière. Un système qui a permis aux USA de pomper l'épargne de l'Europe et du Japon a l'époque pour financer les énormes dépenses militaires du pays. Rappelons que la guerre du Vietnam a duré jusqu'en 1975 et le coût pour les USA fut pharaonique près de 700 milliards en dollar constant. Le résultat pour les USA fut dès la fin des années 60 la hausse du déficit extérieur. C'est à cause de cette situation que Richard Nixon mit fin à la convertibilité du dollar en or et qu'il dérégula la finance. En gros il voulait que le Japon et l'Europe financent la guerre américaine. L'origine de l'inflation des années 70 c'est ça, bien plus que les chocs pétroliers.

 

Le SME fut donc la réponse malheureuse au phénomène du dollar comme monnaie impériale. Comme ce dernier baissait à cause des déficits commerciaux, les autres pays qui exportaient aux USA faisaient aussi baisser les leurs. C'est par cette mécanique de lien consommateur-producteur que les USA purent piéger les Européens et les Japonais. Je me souviens d'un vieux documentaire des années 90 où l'on voyait Donald Rumsfeld parler de ce problème. Un journaliste lui demandait s'il n'était pas dangereux pour les USA d'importer de dépendre autant du Japon. C'était l'époque du Japon triomphant. Et Rumsfeld lui répondit simplement « Qui dépend de qui en réalité? . Si les USA n'importent plus de voitures japonaises, leur industrie s'effondre ». On le voit, les élites américaines ont bien compris que leur Empire c'est avant tout un empire de consommation. Et qu'ils tiennent les autres par leur dépendance aux exportations. Que nous en venions à nous passer de leur marché et c'est la fin de l'empire ! Mais à aucun moment les Européens ou les Japonais ne se sont dits et si l'on mettait fin à la libre circulation des capitaux par exemple. Méthode simple pour mettre fin à la spéculation monétaire. Certains pays d'Asie firent pourtant ça avec succès lors de la crise asiatique de 1998. L'économiste Joseph Stiglitz avait d'ailleurs à l'époque bien souligné dans son livre « La grande désillusion » à quel point les pays qui avaient remis le contrôle des changes en place s'en étaient mieux sortis que ceux qui avaient lutter contre la spéculation financière à coup d'injection monétaire des banques centrales. Mais en 1972-73, l'ère était au retour de l'idéologie libérale qui avait pourtant fait tant de dégâts dans les années 1920-30. Les leçons du passé avaient été oubliées, et Roosevelt mangeait les pissenlits par la racine. Les dirigeants européens d'alors ne pouvaient plus imaginer un monde sans le commerce avec les USA et avec un contrôle de la circulation des capitaux. Ils imaginèrent donc une autre solution, ce fut ce fameux SME qui deviendra plus tard l'euro.

 

L'euro est une réponse idiote à la spéculation monétaire

 

Le SME était un système qui mettait les monnaies dans un tunnel de valeur dont les monnaies nationales n'étaient pas censées sortir. Ainsi les valeurs ne devaient pas fluctuer de plus de 2,2 % de la valeur de base. Il y avait un encadrement qui rendait les banques centrales solidaires entre elles. Mais ce système a eu beaucoup de problèmes qui préfiguraient déjà la catastrophe que serait l'euro. Et les marchés ne s'y trompaient pas . Au début des années 90, il y eut des attaques spéculatives contre la lire italienne et la livre sterling pourtant membre du SME. À l'époque la Bundesbank et la banque de France dépensèrent des sommes colossales pour maintenir les valeurs monétaires et sauver ce système absurde. On notera que c'est à cette époque que le tristement célèbre George Soros fit fortune en spéculant contre les monnaies européennes. Un simple retour au contrôle des changes et de la circulation des capitaux aurait mis fin à ces absurdités, mais comme toujours la déraison libérale a continué. Comme quoi l'affaire du stupide marché européen de l'électricité n'est que la continuation d'un même dogmatisme absurde. Enfin pas si absurde puisque la libre circulation des capitaux a permis l'évasion fiscale légale et la destruction progressive des systèmes sociaux nationaux européens comme en rêvaient les néolibéraux.

 

Vous connaissez la suite. Le vote de Maastricht entérina malheureusement la transformation du SME en zone euro aggravant encore du même coup les contraintes sur les pays membres. Dans le cadre du système mis en place par les USA et leurs satellites à partir de 1973, la variation des taux de change était pourtant désormais le seul mécanisme d'adaptation aux variations des balances des paiements. En bloquant ce dernier mécanisme d'ajustement, ce sont bien les autres intrants macroéconomiques qui vont devenir des variables d'ajustement. La croissance du PIB, et le taux d'emplois deviendront de facto les variables d'ajustement du marché commercial européen. La crise grecque fut un bel exemple en la matière . Pour réajuster la balance commerciale du pays, on a tué son économie et fait exploser la pauvreté alors qu'il aurait simplement fallu que la Grèce dévalue en sortant de l'euro. On notera qu'à chaque fois les bourgeois des pays en crise choisissent la pire des solutions parce qu'ils ont une peur massive de l'inflation et du retour de la hausse des salaires. À travers les péripéties du SME et de la monnaie unique, on a un grand exemple pratique de lutte des classes systématique puisque l'intérêt des rentes financières ou autres passent toujours avant celui des travailleurs et même des intérêts nationaux à proprement parler.

 

Et si on transformait l'euro en monnaie commune

 

Alors nous allons pour une fois spéculer un peu. Comme vous le savez, je suis clairement en faveur d'une sortie pure et simple de l'UE et de la zone euro. Cependant est-ce que cela veut dire pour autant qu'on ne pourrait pas théoriquement changer l'euro pour en faire quelque chose d'intelligent et intéressant pour les peuples d'Europe ? Après tout le problème du dollar et de la spéculation financière resteront même si nous sortons de l'euro. À part si la France rompt vraiment avec l'idéologie libérale et remet en question aussi la libre circulation des capitaux, mais c'est un autre débat. Supposons donc que les Européens aient envie de résoudre leurs problèmes et cherchent réellement à sortir de la tutelle mortifère américaine. Comment faire pour rendre l'euro supportable par toutes les économies ? Et comment faire même pour rendre cette monnaie enfin utile à la population du continent en lieu et place d'une machine à démolir nos économies ? Et bien c'est assez simple, on en fait une simple monnaie de réserve et de change internationale.

 

On transformerait la monnaie unique, en monnaie commune. Chaque pays reprendrait donc son indépendance monétaire. Permettant ainsi aux pays peu compétitifs comme la France de dévaluer. Réduisant ainsi en partie leurs déficits commerciaux et rééquilibrant les balances commerciales entre les pays européens. Et dans le même temps, l'usage de l'euro pour les matières premières importe à la place du dollar en accord avec les pays producteurs. La valeur de l'euro serait fondée sur un panier monétaire composé des différents pays membres de la zone. Nous ne serions plus ainsi les jouets des USA sans pour autant astreindre nos économies à une monnaie totalement inadaptée aux besoins de chaque pays membre de la zone euro. C'est un peu ce que cherchent d'ailleurs à faire les Chinois et les membres des BRICS . Fonder une monnaie internationale ne dépendant, ni de matières premières comme l'or, ni d'une nation en particulier, comme le souhaitait Keynes pendant les négociations de Bretton Woods en 44 . Le fameux Bancor de Keynes n'était rien d'autre que ça, un panier monétaire.

 

Si l'euro avait été conçu de cette manière dès le départ, non seulement nous aurions évité l'eurostagnation économique et les crises à répétition, mais d'autres régions du monde auraient même pu l'adopter comme monnaie de réserve sans pour autant appartenir à l'UE. En étant sans intérêt national, cette monnaie aurait créé une vraie confiance et une certaine stabilité. À terme l'euro aurait même pu se transformer petit à petit en monnaie internationale mondiale à la place du dollar en élargissant le panier monétaire avec de nouveaux membres. Malheureusement, les Européens n'ont pas été à la hauteur de l'histoire. Ce sont probablement les BRICS, Chine en tête, qui mettront fin au privilège exorbitant du dollar. Nous nous contenterons probablement à terme de prendre le train en marche.

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 20:51

 

 

Février 2045, encore une fois l'actualité fait place aux multiples conflits en Amérique du Nord. Cette terre jadis habitée par la plus grande puissance n’ayant jamais existé, disait-on alors, n'est plus qu'une myriade d'états confettis instables en conflit perpétuel depuis la chute de ce que les historiens appellent aujourd’hui l'Empire américain. Certains états comme le Texas ou le Nouveau Deseret (une théocratie élective mormone) arrivent à une certaine prospérité, et ils se sont réinsérés dans l'économie mondiale. Mais pour une grande partie du reste de l'Amérique du Nord, c'est le désastre. Le plus marquant fut la dépopulation massive après la chute du dollar. L'hyperinflation frappa les USA avec une violence phénoménale jamais vue dans l'histoire. L'image d'une Amérique finissant comme son ancien adversaire soviétique était encore assez loin du désastre, car les pays de l'ex-bloc soviétique n'avaient globalement pas eu à subir des affrontements internes (à l’exception de la Yougoslavie) et ces régions ont pu compter sur les immenses ressources en matière première pour se remettre d'aplomb. Les USA n'eurent pas cette chance. Plus peuplée, moins bien dotée en matière première, celles-ci ayant été déjà largement exploitées, l'Amérique fit face à une escalade de violence.

 

Tout se passa comme si les rancœurs du passé avaient toutes explosé d'un seul coup. Suprématisme blanc, suprématisme noir, nord contre sud, ville contre campagne, progressistes contre conservateurs, tout était devenu prétexte au conflit violent. Au premier craquement d'ailleurs, les puissances concurrentes de l'Empire, la Chine et la Russie ont tout fait pour soutenir les dissidents et les révoltés. La Russie qui n'avait pas vraiment apprécié le coup de l'Ukraine et qui avait dû intervenir militairement pour stopper l'avancée de l'Ancienne Alliance impériale l'OTAN, voulu se venger même si elle avait largement gagné le conflit à l'époque. Beaucoup d'historiens pensent d'ailleurs que cette défaite de l'OTAN et donc de l'Empire américain fit pour beaucoup dans l'effondrement du dollar dans les années qui suivirent. Un effondrement monétaire qui fut catastrophique pour les USA, mais aussi pour ses satellites européens nous y reviendrons. En effet, suite à la défaite de l'Ukraine et à son partage, la partie russophone devint à la fois indépendante et rattachée à la Russie, pendant que la Galicie fut rattachée militairement à la Pologne. Mais au-delà du sort de la pauvre Ukraine, c'est surtout la défaite des USA qui fut démontrée lors de ce conflit. En effet malgré un soutien matériel énorme, la machinerie impériale fut incapable de vaincre la Russie. Ce fut le point de départ de la désaméricanisation officielle du monde, celle-ci avait déjà commencé bien avant la Chine, étant alors déjà la première puissance industrielle de la planète et le premier partenaire commercial de la majorité des pays du monde. Mais cet événement accéléra très fortement le mouvement.

 

Comme la GB en 1850, et les USA en 1945 la Chine fait plus de 50% de la production mondiale d'acier.

 

Nombre de pays commencèrent à se débarrasser du dollar, mais aussi de l'euro dans leurs transactions. Pire que ça beaucoup des puissances montantes de l'époque commencèrent à se détourner de l'occident y compris d'un point de vue purement commercial. Alors que les USA et leurs satellites ont espéré isoler la Russie, c'est bien eux qui s'isolèrent du monde . Un isolement qui s'accéléra avec les multiples mesures prises à l'encontre de la superpuissance chinoise . Fort heureusement, l'épuisement de l'Empire américain arriva avant que la situation ne dégénère finalement en guerre planétaire et nucléaire. Alors que des opérations sous couvertures avaient été préparées par la CIA pour provoquer un conflit avec la Chine à Taïwan, par le grand hasard des événements historiques, le 4 juillet 2026, une immense crise financière éclata aux USA . Ce fut une panique sans précédent, pire encore que celle de la crise de 1929. Dans la panique d'immenses quantités de capitaux quittèrent le pays pour se réfugier dans des monnaies refuges comme le Renmibi chinois, le franc suisse, le Yen, le Rouble et la nouvelle monnaie d'échange internationale fondée par les BRICS, l'IRC (International reserve currency).

 

Le dollar lui s'effondra perdant 99% de sa valeur en quelques semaines, il fut suivi par l'euro déjà en grande difficulté face à l'effondrement du commerce de l'UE maintenant en déficit commercial chronique. La perte du marché américain a eu des conséquences absolument planétaires étant donné que ce pays était au centre de la globalisation et que ses déficits commerciaux maintenaient la demande internationale. Le PIB mondial connut la plus forte baisse jamais enregistrée dans l'histoire . Dans la panique c'est la seule organisation productive et puissante de la planète qui tenta de donner des solutions à court terme pour relancer la machine et réorganiser le commerce mondial. Les BRICS qui s'étaient élargis jusqu'à inclure l'Arabie Saoudite et la grande majorité des producteurs de matière première de la planète mirent en place rapidement un plan de relance planétaire coordonné pour compenser rapidement la disparition de la demande américaine. La Chine et l'Inde en particulier lancèrent de vastes plans d'investissement et de hausse des salaires. Ce fut la même chose en Amérique du Sud. Grâce à cela la croissance mondiale repartit assez rapidement même si la crise avait laissé des séquelles. Les deux grandes régions perdantes étaient l'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest. Si la dislocation des USA prit une tournure assez dramatique avec des conflits militaires, des mesures internationales permirent tout de même d'éviter le pire notamment avec l'arsenal nucléaire massif que possédait l'ancienne grande puissance.

 

L'agonie de l'Europe de l'Ouest

 

En Europe de l'Ouest, la crise économique fut également dramatique, cependant la dislocation de la zone euro et la fin de la structure bureaucratique européenne n'eurent heureusement pas les mêmes effets qu'en Amérique du Nord. Il n'y eut pas de guerre et la fin de l'UE ne fut pas le drame politique que certains avaient pu craindre. Elle disparut presque sans que les membres ne s'en rendent compte. De toute manière, l'Europe était ruinée. Et cette ruine n'était pas le produit d'une guerre, mais bien des effets à long terme du libre-échange et d'une monnaie absurde. Les Européens avaient de très graves problèmes économiques. Le prix de l'énergie avait flambé et le surendettement des pays européens et leurs déficits commerciaux chroniques avaient entraîné des dévaluations non seulement sur l'ancienne monnaie unique, mais aussi sur les nouvelles monnaies nationales ramenées d'entre les morts. Certains pays s'en sortaient mieux à l'image des pays d'Europe de l'Est, Hongrie, République tchèque et Pologne qui avaient su profiter de la bêtise de l'Ouest pour s'industrialiser massivement. Ils purent rebondir assez vite. L'Allemagne quand à elle fut durement touchée une grande partie des entreprises allemandes avait délocalisé suite à la coupure diplomatique avec la Russie. Globalement l'explosion du coût de l'énergie en Europe avait laissé l'industrie déjà abîmée par la globalisation dans un piteux état.

 

Une seule exception l'Italie qui profita de la fin de l'euro et de l'UE pour signer un arrangement gazier avec Moscou. Pays meurtri par l'euro avec vingt de croissance perdue, l'Italie profita bien de la fin de l'UE et de l'euro. Le pipeline qui passe par la Grèce et la Turquie permit aux Italiens d'attirer une partie des délocalisations chez elle. La fin de l'euro permit aux Italiens de retrouver une politique monétaire plus adaptée à leurs besoins. Au final le plus grand choc pour l'Europe fut démographique. La forte baisse du niveau de vie avec la disparition du marché américain et l'effondrement monétaire mit par terre les systèmes sociaux. Et les premières victimes furent les personnes âgées, l’espérance de vie recula de plus de dix ans tandis que la mortalité infantile tripla. Ajoutons à cela la fuite des populations aisées et d'une grande partie de la jeunesse vers des régions plus prospères l'Asie, la Russie et l'Amérique du sud qui fut la grande gagnante dans cette affaire accueillant Américains et Européens en nombre. L'Argentine doubla pratiquement sa population en vingt ans grâce à ce mouvement migratoire. Les autres gagnants furent étrangement les pays du Maghreb, une grande partie de la population d'origine maghrébine fuyant une Europe désormais misérable. Le bon côté des choses c'est que les multiples problèmes engendrés par les conflits ethnicoreligieux hérités de l'immigration de masse disparurent en même temps. Car en 2030 il valait mieux vivre en Tunisie qu'en France.

 

Le dernier point donc notre pauvre pays. La France fut doublement frappée par la crise. Elle fut frappée économiquement et violemment. Pays fortement désindustrialisé, l'effondrement de l'euro mit fin également aux illusions de ses élites qui furent prises de panique devant la perte de leurs deux grands points de repère les USA et l'Europe allemande. On peut dire que les élites tombèrent dans la folie . Des mesures de contrôle violant les droits les plus fondamentaux des populations furent prises. Interdiction de manifester, couvre-feu, travail forcé, la France commença rapidement à ressembler à une véritable dystopie. La peur que la crise économique et géopolitique avait engendrée chez les classes dominantes françaises était surtout une peur absolue de sa propre population. En avril 2028, alors qu'une immense manifestation contre la suppression de la sécurité sociale se déclencha, l'état fit tirer sur la foule causant près de 650 victimes. L'ONU et la plupart des pays du monde condamnèrent la violence de l'état français. Mais les élites qui restaient le pays se barricadaient de plus en plus derrière un état policier de plus en plus violent à mesure que les conséquences macroéconomiques de l'effondrement impérial américain se faisaient sentir. La même année la Chine poussa à l'isolement économique du pays. L'état français se déclara en cessation de paiement. Dans le même temps des millions de Français à partir malgré les fermetures officielles des frontières. En cette année 2045 si la situation s'est calmée et que le régime politique est redevenu démocratique, le mal est fait. Le pays ne compte plus que 28 millions d'habitants. L'Europe s'est globalement dépeuplée, perdant la moitié de sa population . Cependant, l'on constate en cette année 2045 que la natalité est tout de même revenue à 2 enfants par femme. Un rebond qui montre que malgré toutes les grandes difficultés que ce continent a traversées il peut encore se relever. C'est l'Italie qui a été finalement la grande gagnante dans l'histoire redressant son économie, en devenant une terre politiquement stable sur un continent devenu fou particulièrement le voisin. L'Italie attira aussi une partie des exilés. Avec ses 65 millions d'habitants en cette année 2045 elle est le pays le plus puissant d'Europe de l'Ouest même si l'Italie est un nain à l'échelle d'une planète dont l'histoire s'écrit maintenant surtout en Asie.

 

Les tensions entre les deux hyperpuissances

 

Cependant même si l'Empire américain et sa violence ont disparu l'histoire continue. La nouvelle puissance chinoise va avoir une domination écrasante pendant une dizaine d'années après la disparition anglo-saxonne. Une domination qui ne sera pas forcément sympathique ou au goût de tout le monde. En Afrique, notamment, la Chine va asseoir sa domination, le pays a besoin de matière première. Cependant, le développement de l'exploitation maritime va petit à petit changer la donne. De grands gisements de ressources sont trouvés dans plusieurs sites sur terre, dont plusieurs, en France d'ailleurs. Sites qui seront exploités par des entreprises chinoises, la France n'ayant plus les moyens techniques d'un pays développé. Des tensions vont même ressurgir entre la Chine et la Russie, l'ennemi commun ayant disparu. En 2038 la Russie, l'Inde et le Japon signent un trait d’entraide militaire face à un impérialisme chinois un peu trop entreprenant . Et la Chine craint de plus en plus la montée en puissance de l'Inde. Un pays qui dans sa dynamique lance un projet complètement fou, construire le premier ascenseur spatial et ainsi réduire le coût d’envoi dans l'espace de façon considérable. L'objectif étant d'exploiter les immenses ressources du système solaire. La chine contrôlant une grande partie des ressources naturelles mondiales directement ou indirectement, pour l'Inde il s'agit d'un pari à la Magellan .

 

Voilà, c'était un petit essai de prospective à long terme. Le futur ne ressemblera probablement pas à ça, mais c'est une possibilité. Ce dont je suis certain c'est la marginalisation progressive de l’Amérique du Nord et de l'Europe. Pour des raisons économiques, démographiques, culturelles, historiques et géopolitiques, le 21e siècle sera sombre pour nos régions. Mais cela ne veut pas dire que nous ne rebondirons pas un jour.

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 15:52

 

La nouvelle vient de tomber et l'on voit gémir comme d'habitude les professionnels de la communication instantanée, les jeunes Français sont en mauvaise condition physique. Ils font de moins en moins d'exercice et l'on voit poindre désormais des maladies comme les diabètes de type 2 chez les jeunes alors qu'il s'agissait jadis d'une maladie touchant essentiellement les personnes de plus de quarante avec un mauvais équilibre alimentaire. Je suis personnellement de la génération des quadras, née en 1978 plus exactement. Et quand j'étais jeune, j'étais plutôt potelé comme on disait. Une situation que j'ai arrangée moi-même au lycée en me mettant sérieusement au sport. Mais les enfants en surpoids à l'école à l'époque étaient extrêmement rares. Je parle bien évidemment ici d'une expérience personnelle qui n'a pas valeur scientifique. Mais tout au long de ces dernières décennies, j'ai bien vu les Français prendre de l’embonpoint et c'est peu de le dire. Il est aujourd'hui assez fréquent de voir des jeunes de vingt ans en surpoids avec des difficultés pour marcher, à un âge où ils devraient être pourtant en pleine forme.

 

Pendant longtemps, la question du surpoids pour nous était une affaire d'anglo-saxon et particulièrement d'Américains. Mais force est de constater que nous ne faisons plus exception en la matière. Si l'on se compare, la France reste l'un des pays développés les moins touchés par ce fléau, mais en réalité même si nous arrivons dans les derniers, nos chiffres sont quand même alarmants. Il suffit de regarder ce graphique qui vient d'un texte du sénat à ce sujet. Seuls le Japon, la Suisse et la Corée font mieux que nous. Mais le Japon est en fait le seul pays à avoir d'un niveau de surpoids raisonnable en dessous de 30% de personnes de plus de 15 ans . Et ce problème n'est pas qu'un problème de pays riche comme vous pouvez le voir, les malheureux Mexicains ont 75% d'obèses ! Pour revenir au cas français, on constate un doublement de la proportion d'obèses dans le pays depuis 1997. Chez les enfants la proportion d'obèses atteint 15 à 17% et le nombre de jeunes atteint d'un diabète de type 2 grimpe dangereusement de 2% par an. Nous risquons de rattraper les USA assez vite dans ce domaine.

 

Source : Enquête Obépi-Roche, 2020

 

C'est d'autant plus inquiétant que les naissances sont en fortes baisses, ce qui signifie que nous aurons de jeunes adultes, non seulement moins nombreux, mais également en plus mauvaise santé. Voilà un sujet largement plus urgent que la réforme des retraites, non ? Car à n'en pas douter si cette situation continue l’espérance de vie qui n'augmente déjà plus devrait rapidement commencer à baisser. C'est d'ailleurs déjà le cas aux USA même s'il faut y ajouter les drogues et l’hyperviolence qui caractérise cette nation dystopique par bien des aspects. Donc les hommes politiques qui dessinent des prédictions sur les retraites en faisant des projections linéaires croissantes pour l'espérance de vie seraient bien avisés d'y réfléchir à deux fois. Le futur n'est jamais déterminé exactement par le passé immédiat . Il est souvent fait de ruptures non linéaires, de singularités historiques. Il en est de même pour l'espérance de vie. La revue Herodote a fait il y a peu une vidéo de comparaison de l'espérance de vie des populations les plus avantagées des grandes sociétés historiques. Depuis l'Empire romain jusqu'à l'époque moderne . C'est assez édifiant, l'espérance de vie atteinte par les élites romaines dans l'antiquité ne sera plus retrouvée en Europe avant le 19e siècle. Nous ne sommes pas à l'abri d'un tel effondrement, notre espérance de vie, à cause des mauvais modes de vie et de la précarité, pourrait ne plus jamais revenir au niveau qu'on avait atteint dans les années 1990-2000.

 

 

Des jeunes qui ont un diabète de type 2 vont avoir une durée de vie nécessairement amoindrie par rapport à leurs parents qui étaient en parfaite santé à leur âge. Et ce même si la médecine progresse. Par exemple, une étude suédoise de 2019 avait conclu qu'avec un diagnostic à 80 ans pour le diabète de type 2, l'espérance de vie était la même que celle des contrôles, alors qu'un diagnostic avant 20 ans était associé à 10 années de vie en moins. Or cette question de l'espérance de vie, de la santé des jeunes, tout comme le problème de la natalité, n’est absolument pas abordée pour la question des retraites. C'est pourtant fondamental. Tout se passe comme si les questions essentielles qui concernent notre société étaient réduites en permanence à une vision monodimensionnelle essentiellement économique. Le principal problème des retraites n'est pas l'âge de départ, mais bien plus la fécondité générale, l'état de santé de la population en général, ainsi que celle de chômage. Une personne de 60 ans et plus qui s'est entretenue et qui fait de l'exercice coûtera toujours infiniment moins cher à la société qu'un jeune qui fait des excès dans tous les sens du terme.

 

Or ces difficultés-là ne se régleront pas par des moyens purement économiques. Tout comme les naissances ne se relanceront pas uniquement par des moyens purement économiques à coup de chèques distribués dans les familles. Il faut une vision d'ensemble et une action multifactorielle à la hauteur des problèmes. La question de l'obésité et de la sédentarité excessives est fondamentale pour la santé de notre population. C'est encore plus grave que le tabagisme parce que la proportion de la population touchée est encore plus grande. Je ne donnerais pas ici de solution, je ne suis pas un spécialiste de la question . Mais il faut indéniablement que les pouvoirs publics prennent conscience de l'enjeu. Aux Usa les trois quarts des jeunes sont incapables de faire l'armée. Voulons-nous finir comme cela ? Cela signifie également incapable de faire des métiers exigeant un minimum d'effort à l'image de nos pompiers ou de notre police. Et je ne parle même pas des conséquences psychiatriques de la mésestime de soi et des risques de dépression à long terme . La jeunesse française mérite mieux que finir obèse devant Netflix en mangeant un burger dégueulasse . Mais cela veut dire revenir à une certaine ambition collective, à une école qui instruit, qui forme les esprits et les corps. Cela veut dire aussi ne plus céder à tous les caprices, et être exigent avec nos jeunes pour leur propre bien, même s'ils nous détestent un moment parce qu'on les force à faire des efforts.

 

 

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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 12:53

 

S'il est un sujet qui revient assez régulièrement dans la bouche des analystes concernant les crises à répétition que connaît la France, c'est bien celui de l'incompétence des élites ou de leur trahison . C'est d'ailleurs l'une des critiques de Todd à l'encontre de notre système scolaire actuel qui tend à ne plus du tout être méritocratique, mais une machine à reproduction sociale. Par des cheminements différents, la France a suivi à peu près le même chemin que les USA, mais de façon beaucoup moins assumée, les français étant encore attaché au principe d'égalité. Cependant, force est de constater que l'instruction publique française fonctionne aujourd'hui de façon très différente si vous venez d'une famille aisée parisienne ou d'un milieu modeste d'une petite ville de province. La disparition des classes ouvrières dans les grandes écoles alors qu'elles y étaient présentes autrefois démontre en pratique l'inégalité scolaire fondamentale que produit aujourd'hui notre éducation nationale. Comme il n'a plus pour vocation de réellement donner une culture solide aux élèves, le système tend mécaniquement à favoriser les élèves provenant de milieux déjà éduqués. Tout ceci a déjà été longuement analysé par des enseignements ou des sociologues, je ne vous apprendrai donc rien en la matière.

 

Mais Todd concluait de cette question que mécaniquement la disparition de la méritocratie en France favorisait la concentration des imbéciles bien nés en haut de l'état et des gens de qualité chez les classes populaires. Un phénomène que Todd avait cru déceler dans le conflit avec les gilets jaunes . Les classes dominantes produisant essentiellement des gens dont la seule capacité est surtout de répéter inlassablement ses cours appris par cœur sans vraiment n'avoir jamais réfléchi à leur contenu. Une sorte de premier de la classe un peu bas du front alors qu'on pouvait voir chez les gilets jaunes des gens sans doute moins instruits, mais capables de comprendre rapidement les problèmes tout en s'adaptant . L'on pourrait pour soutenir la thèse de Todd souligner l'incroyable bêtise des politiques macro-économiques macroniennes qui sont une aggravation des décisions économiques irrationnelles prises avec une extrême régularité depuis 40 ans. La classe dirigeante française a bien appris le néolibéralisme, mais elle est bien incapable d'en sortir, car elle est en partie dépourvue des capacités à s'extraire de ses propres idées reçues. L'erreur est humaine, mais un homme ou une femme qui refait inlassablement les mêmes choix en pensant que cela conduirait à une autre conséquence sans jamais remettre son action en question est un imbécile ou un fou. Et ce comportement de fou ou d'imbécile on le voit partout en économie bien sûr avec la continuation de l'euro, de l'UE, du libre-échange malgré l'accélération du déclin auquel cela conduit notre pays. Mais on le voit aujourd'hui aussi en géopolitique avec la crise ukrainienne. Alors que les sanctions contre la Russie sont un échec invraisemblable, tout ce que trouve l'UE et la France à faire c'est de continuer inlassablement dans cette voie sans issue. On voit donc que la thèse de Todd a un certain crédit en ce sens .

 

Todd n'est cependant pas le premier à parler de ce problème de la bêtise des élites . On retrouve aussi cela chez l'économiste Jacques Généreux, qui a d'ailleurs fait un interview intéressant récemment sur la question chez Olivier Berruyer. C'est d'ailleurs le sujet de son dernier livre « Quand la connerie économique prend le pouvoir ». On pourrait rapprocher le propos du livre plus ancien, mais très intéressant aussi de l'économiste australien Steve Keen « l'imposture économique » qui s'attardait sur les nombreuses incohérences des théories économiques et surtout sur leurs inaptitudes à décrire ce qui se passe dans le monde réel. Dans les deux cas, il y a une dénonciation d'application de théories qui n'ont en fait aucune validité scientifique, c'est-à-dire soumise à l'observation factuelle. On le voit avec l'application régulière de politiques inspirées par la courbe de Phillips, une courbe purement théorique qui n'est jamais observée dans le monde réel. Elle prétend ainsi que l'inflation et le chômage sont inversement liés à savoir que la baisse du chômage produirait une hausse de l'inflation et inversement. Or cette affirmation qui provient d'un raisonnement purement théorique n'est jamais observée dans le monde réel. Et bien malgré ça, toutes les politiques économiques publiques se fondent sur ce raisonnement.

 

 

De cette courbe est née le NAIRU, en français le taux de chômage nécessaire pour ne pas dépasser le taux d'inflation désirée. Quand les politiciens vous parlent de plein emploi à l'image de Macron, c'est du plein emploi au sens du NAIRU, c'est à dire avec un chômage suffisamment important pour que les salaires n'augmentent pas et donc ne nourrissent pas l'inflation. Donc Macron redéfinit le plein emploi en radiant des gens et ne faisant rentrer dans les statistiques qu'une poignée des chômeurs réels. On peut ainsi afficher officiellement un taux de chômage bas tout en ayant en réalité 20% de chômeurs. Pour eux c'est le plein emploi, mais c'est au sens du NAIRU. Toute leur politique de l'emploi est basée sur cette idiotie qu'ils ne remettront jamais en cause. Cette histoire démontre le caractère en réalité très peu scientifique du comportement de nos élites. Elles appliquent en réalité des théories qu'elles ont apprises à l'école ou ailleurs sans jamais vraiment se questionner sur leur validité. L'inflation en Europe et en France aujourd'hui n'est pas le produit de la hausse des salaires, mais la conséquence de notre trop grande dépendance vis-à-vis de l'étranger . La crise du COVID ayant désorganisé le commerce mondial. C'est en gros une inflation importée. À cela s'ajoute évidemment le désastreux marché de l'énergie. Un marché de l'énergie qui découle lui aussi de théories fumeuses sur la nécessaire importance de la concurrence. La France produisait pourtant depuis des décennies une énergie pas chère et efficace avec une entreprise 100% publique.

 

 

La crise de la sélection et l'influence des médias

 

Pour en revenir au centre du sujet, Jacques Généreux nous dit que la bêtise des élites tient lieu en grande partie d'une part de la compétition. La compétition rendrait bête et méchant en plus. D'autre part du fait que le cerveau humain n'est en réalité pas fait pour penser. Ou plus exactement pas fait pour penser tout le temps. Et il est vrai que nous passons une grande partie de note de temps à agir par réflexe et par habitude. L'essentiel de nos actes n’est pas réfléchi. Je rajouterai à cela que la nature nous a programmé pour minimiser la consommation d'énergie. Si la paresse et le moindre effort sont considérés comme des péchés par le christianisme, et nombre d'autres traditions culturelles, c'est parce que c'est une tendance naturelle de l'être humain et des animaux en général. Pour obtenir quelque chose, nous allons avoir tendance à choisir toujours la voie de la facilité plutôt que celle de l'exigence et de l'effort. Un peu comme pour l'électricité qui passe par le conducteur qui a la moindre résistivité électrique. C'est pourquoi probablement la culture traditionnelle a tant fait pour valoriser l'effort et le sens du travail, il ne s'agit pas de quelque chose de naturel. Et c'est la même chose pour l'effort intellectuel. Sans une culture de l'exigence et du travail, nul doute que le laisser-aller l'emporte y compris chez les mieux instruit. On aurait donc dans nos sociétés gavées de richesses et de moins en moins contraintes par les cultures traditionnelles une tendance lourde à la fainéantise. Celle que dénoncent nos dirigeants est bien évidemment celle des jeunes et des affreux chômeurs. Mais Généreux lui pense plutôt à celle des dirigeants et des gens d'en haut qui ne lisent plus et ne font plus l'effort de penser. De fait alors que les classes sociales les plus avantagées sont celles qui devraient avoir le temps et les moyens pour penser la société et la stratégie nationale, elles s'y emploient en fait de moins en moins.

 

C'est une théorie intéressante, et il y a probablement du vrai dans cela. Mais il faudrait y rajouter d'autres possibilités . D'abord, la France a comme caractéristique d'avoir une haute fonction publique très fermée sur elle-même. On va ici faire appel à monsieur Paul-Antoine Martin qui vient de sortir un livre « Le clan des seigneurs » où il décrit la haute fonction publique française comme une caste totalement fermée qui vit en vase clos. Il a fait un interview intéressant, là encore chez Berruyer. Il décrit un système entre la mafia et les castes indiennes, fait de privilèges et de renvois d’ascenseurs. Un système qui rend inopérant, non seulement l'état, qui n'agit plus dans l'intérêt de la nation, mais uniquement des membres qui le compose. Un phénomène qui arrive lorsque les républiques s'effondrent comme le disait si bien Montesquieu, l'intérêt public devient l'affaire de quelques particuliers. Mais la disparition du sens de l'état chez ces « élites » provient pour monsieur Martin essentiellement de leur sélection. Ce n'est pas que la France n'est plus pourvue en hommes ou femmes de qualité, mais parce que notre système de sélection est biaisé et favorise l'entrisme et le copinage. Il faut se rappeler que ce n'est pas un hasard si Napoléon a introduit les concours pour accéder à la fonction publique, c'était justement pour éviter cette tendance française à la stratification sociale. Cependant, nos illustres ancêtres n'avaient peut-être pas prévu que même les concours pouvaient ne pas forcément être bien méritocratiques suivant leurs conditions d'application. En l’occurrence, on ne peut plus dire qu'il y a une méritocratie dans la haute fonction publique française aujourd'hui.

 

Pour finir cette question de la bêtise actuelle de nos dirigeants, l'on pourrait parler de l'effet médiatique qui s'ajoute aux hypothèses déjà énoncées, sans s'y opposer nullement. Comme nous l'avions vue il y a peu, les médias ont un rôle majeur à mon avis dans la déliquescence progressive du débat public. L'effet mimétique qui concourt au fonctionnement des foules s'est étendu par l'action des médias de masse moderne au comportement courant des hommes politiques. Comme disait Keynes, mieux vont avoir tort avec la foule que raison contre elle, sinon elle vous écrase. Il parlait à l'époque des marchés financiers qui loin d'être rationnel sont en fait d'énormes machines à produire des bulles et des effets de mode, bien loin de la gestion en bon père de famille. Dans le cas des hommes politiques, s'opposer aux croyances de leur milieu social fortement représenté par les médias est extrêmement difficile. D'un point de vue psychologique, l'opposition à une croyance d'un milieu social dont vous dépendez totalement, non seulement d'un point de vue social, et, mais aussi d'un point de vue économique, peut vous coûter très cher. Dès lors, le choix le plus rationnel s'avère être celui de la couardise, on suit le troupeau même si cela conduit à un précipice.

 

L'on ne peut à mon sens détacher la question du déclin des élites de celui du fonctionnement des médias. Les médias imposent, par effet de bulle, les débats du moment, et les prétendues solutions des problèmes mis en avant par ces mêmes débats. Mais ils font et défont aussi les hommes politiques. Quel homme politique français, bien placé dans l'échelle du pouvoir, pourrait aujourd'hui s'opposer au rouleau compresseur médiatique grotesquement russophobe et colporteur de guerres avec la Russie ? On voit ce qui arrive à ce pauvre Arno Klarsfeld jadis chouchou des médias et aujourd'hui pestiféré parce qu'il cherche à éviter une guerre suicidaire pour l'Europe. Il faut en convenir, une grande partie du problème de la politique en France est le fruit pourri des mécanismes médiatiques. Les médias favorisent les démagogues à l'image de notre président actuel et de ses principaux opposants. Ils nuisent aux débats publics, non seulement en déséquilibrant les débats, favorisant tel ou tel intérêt en fonction de leurs croyances internes. Mais ils déforment aussi la réalité en mettant des sujets extrêmement secondaires au premier plan tout en ignorant parfois totalement des sujets essentiels. Il a fallu qu'un risque de panne électrique général arrive en France pour que l'on se soucie à nouveau du nucléaire. Faudra-t-il attendre une bombe russe sur notre tête pour que nous réalisions, avec nos médias grotesques, tout le danger qu'il y a à faire une guerre qui n'est pas la nôtre, contre un pays qui ne nous a jamais rien fait, et qui fut longtemps un grand allié de la France ?

 

Si la question de la nullité des élites s'explique en partie par certains comportements sociaux inhérents et par les modes de sélection. Il me semble quand même que la question médiatique y pourvoit pour une part encore plus importante. La course à l'audience et l'effet foule expliquent en grande partie la médiocrité de nos élites . Car le problème n'est pas que français. Les USA qui furent la nation démocratique par excellence collectionnent les imbécillités macro-économiques et politiques depuis les années 60 au moins. L'Allemagne, notre encombrant voisin, collectionne aussi les politiques stupides, on l'a souvent vu. En matière de géopolitique elle est encore plus navrante que la France. Mais ces pays n'ont pas notre haute fonction publique ni même notre système éducatif. Par contre, ils partagent avec nous les médias de masse et l'information déformée en fonction des modes du moment.

 

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30 janvier 2023 1 30 /01 /janvier /2023 21:59

 

Emmanuel Todd est décidément très actif en ce moment, ses séjours au Japon le rajeunissent, c'est probablement dû à l'âge moyen des Japonais qui fait passer Todd pour un jeune jouvenceau. Il vient de faire une conférence avec Henri Guaino, l'ancien malheureux conseillé de Sarkozy, sur la question de la guerre en Ukraine. Les deux compères, qui se connaissent bien, ont globalement affiché des opinions assez semblables et complémentaires sur le sujet en dehors de quelques points de détail comme le rôle des géostratèges sur les grandes orientations politiques des USA en matière d'affaires extérieures. Je vous invite à regarder la vidéo mise en ligne récemment de cette conférence à cette adresse. Je dois dire que je suis content d'avoir enfin entendu Emmanuel Todd reconnaître le rôle majeur des médias sur certaines questions. Cela a toujours été l'un des points faibles de ses analyses sur les sociétés modernes. Il a admis par exemple que les médias aux USA avaient joué un rôle majeur quant à la poussée de la russophobie de ces vingt dernières années. C'est d'ailleurs la même chose en France, les médias jouent un rôle déterminant.

 

La récente question du nucléaire qui a longtemps été dénigré dans les médias de masse, surtout depuis l'affaire de la catastrophe de Tchernobyl, a déjà largement démontré la dangerosité des médias. En effet pendant des décennies le nucléaire c'était la catastrophe et l'horreur, le nucléaire une question de confiance à la manière du sketch des inconnus qui avaient pour le coup suivi la mode de la haine du nucléaire. Pour la Russie et Poutine, ce fut la même chose un travail constant de dénigrements, de moqueries et de caricatures. À aucun moment le doute sur la question russe ne fut mis en avant par nos médias. Je dirai qu'en France la russophobie était surtout une poutinophobie, mais elle a été tout autant fabriqué par nos médias que celle des USA. C'est qu'ils aimaient bien la Russie de Elstine, décadente, corrompue et facile à contrôler. Alors que nous aurions dû nous réjouir que la Russie ne coule pas et se redresse, nous évitant au passage une catastrophe avec les armes nucléaires qu'elle possède. Je vous laisse imaginer ce qu'une guerre de Yougoslavie à l'échelle russe aurait pu être comme catastrophe pour l'Europe et pour le monde. Les USA et leurs satellites européens n'ont guère apprécié, semble-t-il, le redressement du pays des tsars.

 

Mais si l'hostilité des Américains qui dominent totalement le continent depuis la fin de la guerre froide est compréhensible, je ne reviendrais pas sur l'importance pour les USA qu'il n'y ait aucune puissance capable de menacer le rôle du dollar dans les échanges internationaux, la position des européens est beaucoup plus étrange. Comme le souligne Todd, l'alliance entre la Russie et l'Allemagne par exemple coule sous le sens. Les deux pays partagent en fait des intérêts communs sur le plan économique et l'Allemagne n'a rien à gagner à perdre les ressources de la Russie. Quant à la Russie, elle n'a aucune envie d'être trop dépendante de son très gros voisin chinois sur le plan technique et industriel. Dès lors la russophobie allemande, du moins de certains Allemands, à l'image d'Annalena Baerbock, ministre en charge des affaires extérieures actuel et qui est pour le moins belliciste avec la Russie. Étonnement c'est une écologiste, on retrouve d'ailleurs en France comme en Allemagne bon nombre d'écologistes chez les haineux de la Russie et les gens qui poussent au conflit. C'est très paradoxal de voir des gens originaires de partis politiques qui avaient souvent des fonds de commerce pacifistes appeler aujourd'hui à la guerre contre la Russie. L'on voit bien ici que les partis politiques et les idéologies affichées ne sont bien souvent que des moyens pour des arrivistes d'atteindre le pouvoir. Les idées, les partis, la nation tout ceci n'a guère d'importance pour quelqu'un qui roule surtout pour sa pomme. Elle crie probablement avec les loups non par conviction, mais parce que c'est vendeur.

 

Pour ce qui est de la Pologne et des autres pays de l'Est, la haine de la Russie peut encore à peu près se comprendre. Il y a des contentieux historiques et des fantasmes. Rappelons qu'il fut un temps où la Pologne était au cœur d'un vaste ensemble appelé la République des deux nations qui possédait une bonne partie de l'Ukraine actuelle et de la Biélorussie en plus des territoires polonais et baltes. On pourrait y voir une espèce de compétition entre la Russie et la Pologne pour savoir quel slave devrait être le chef des Slaves en quelque sorte. Je caricature un peu, mais il y a de ça sans parler du différentiel religieux entre catholique et orthodoxe. Mais cette affaire entre Slaves ne devrait en aucun cas nous regarder, que ce soit l'Allemagne ou encore plus pour la France qui n'a rien à faire dans cette histoire. Malheureusement, notre appartenance à l'OTAN sur cette affaire est hautement dangereuse et risque de nous entraîner dans un phénomène similaire à la Première Guerre mondiale comme l'a souligné très justement Henri Guaino dans la conférence. Par un mélange de haine irrationnelle, de logique d'alliance et de communication absurde, on risque effectivement une guerre qui pourrait être une autoannihilation de l'occident, mais aussi de l'humanité dans son ensemble si par malheur l'arme nucléaire était employée.

 

Il nous faut prôner la sortie de l'OTAN

 

Je l'ai déjà probablement dit dans un de mes textes, mais l'OTAN pour moi est une organisation totalement anachronique. Produis de la volonté des USA de contrer l'URSS et de la peur de certains états européens, cette alliance qui était à mon sens déjà discutable pendant la guerre froide, a carrément passé le cap de l'inutilité avec la fin de l'URSS. Une alliance faite de pays aussi disparates et sans cohésion aucune, pensez donc au fait que les Grecques et les Turcs en sont membres tout deux, elle n'a depuis longtemps comme seul but que la continuation d'elle-même. Comme beaucoup de structure bureaucratique supranationale à l'image de l'UE, sa fonction d'origine a cessé depuis longtemps d'être la motivation principale de ses salariés pour n'être plus qu'un moyen de subsistance grassement payé pour tout un aréopage de bureaucrates et de généraux. L'OTAN est devenue en quelque sorte la caricature de ce que craignait jadis l'ancien président américain Eisenhower lorsqu'il parlait de sa crainte de voir le complexe militaro-industriel prendre le contrôle de son pays. Et bien avec l'OTAN on est largement dans ce cas.

 

Car l'OTAN est associée qu'on le veuille ou non, aux industriels de l'armement particulièrement américains . Industriels qui ont clairement intérêt à nourrir les tensions et les projections catastrophiques pour nourrir leur commerce. À ce stade on pourrait même se demander si la raison pratique du soutien indéfectible des USA pour le suicide ukrainien n'est pas bassement matérielle. Vendre un maximum de machine de guerre pour l'industrie US. Du reste, les échecs répétés de l'industrie de l'armement française au sein de l'OTAN montrent qui est le patron et pour qui roule le commerce des armes dans l'alliance. S'il y a un complexe militaro-industriel français, il n'est clairement pas dominant dans l'OTAN .

 

Pour en revenir à la question du conflit, il est évident que les Ukrainiens aujourd'hui essaient d’entraîner l'OTAN dans la guerre. À cela s'ajoute le bellicisme délirant d'une grande part des dirigeants européens Macron en tête. Il vient encore d'annoncer au sujet du soutien à l'Ukraine « par principe, rien n'est interdit », il s'exprimait ainsi au sujet d'une possible livraison d'avion de chasse. Dans son cas précis au-delà de la question de la russophobie, j'ai l'impression que l'on a une fuite en avant classique d'une direction politique qui veut enterrer ses problèmes et les conséquences de ses idioties politiques et économiques sous une tonne de morts par la guerre. Cela n'est pas nouveau, la recherche d'un exutoire à la violence interne par la guerre externe. Les Romains et les Grecques de l'antiquité pratiquaient déjà ça. Dans le cadre de cette mentalité qui a déjà conduit à de nombreuses catastrophes sur notre vieux continent, les citoyens doivent impérativement se demander si la sortie de l'OTAN dans les plus brefs délais n'est pas à considérer comme prioritaire. Je sais que les questions économiques sont essentielles pour beaucoup de gens, en particularité la destruction progressive du système des retraites par le pouvoir néolibéral. Mais la guerre serait pour nous la pire des choses, elle leur permettrait d'ailleurs d'arriver à leur fin en justifiant tous les sacrifices au nom de leur guerre sans queue ni tête. Ne tombons pas dans le même piège que nos malheureux ancêtres.

 

Le conflit en Ukraine ne regarde absolument pas la France et les Français. Nous n’avons rien à gagner à faire une guerre pour l'Empire américain, pour les délires de quelques Polonais nostalgiques d'une époque perdue ou pour des Ukrainiens perdant la raison. Plus généralement, nous devrions mettre fin à ces tendances de la part de nos dominants de chercher dans la guerre la résolution des problèmes qu'ils causent pendant les temps de paix. Je me demande même si en plus de la sortie de l'OTAN nous ne devrions pas penser à faire de la France un état neutre à l'image de la Suisse. Cela pousserait peut-être nos dirigeants à être moins enclin aux délires militaristes et interventionnistes pour un pays qui a déjà beaucoup pris de coups dans son histoire. Et qui sait peut-être l'impossibilité de s’exhiber dans des conflits extérieurs les rendrait moins sourds aux vrais problèmes de notre nation.

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25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 22:25

 

 

Nous avons vu dans la partie précédente que la question de la baisse de la natalité n'est pas un phénomène occidental. S'il est parti d'occident et de France en particulier, le processus s'est désormais étendu à la planète entière . La dernière région du monde à entamer sa transition démographique étant l'Afrique. Mais alors que les démographes pensaient un peu naïvement que la natalité tomberait naturellement à environ deux enfants par femme un peu partout, les pays tombent généralement en dessous, et même parfois très en dessous comme en Corée. En parlant de basse fécondité, et pour, encore une fois, tordre le cou à l'idée que tout ceci aurait un lien avec la religion ou la culture, il faut parler de l'Europe de l'Est rapidement. Je ne l'ai pas abordé dans le texte précédent, et c'est un tort, surtout quand on voit la situation en Ukraine. L'Europe de l'Est est globalement moribonde. La natalité y est extrêmement basse. Même dans la très catholique Pologne, pays qui a la législation la plus restrictive d'Europe sur cette question, la natalité est dramatiquement basse à seulement 1,38 enfant par femme. La Hongrie qui a bien conscience du problème et qui multiplie les mesures, à mon humble avis pas bien avisées, mais c'est un autre débat, est à seulement 1,56. Et parlons de l'Ukraine que l'OTAN, l'UE et les USA ont forcée à continuer la lutte suicidaire contre la Russie. Elle est à 1,22 enfant par femme, et encore il s'agit là de la fécondité avant-guerre . On notera au passage que la Russie de Poutine est dans la triste moyenne européenne avec 1,5 enfant par femme alors que la natalité était remontée à presque 1,8 en 2015.

 

 

Dans une région en dépression démographique à ce point, il faut le dire, mieux vaut perdre la moitié de son pays géographiquement que les centaines de milliers de jeunes qui ont déjà péri dans cette guerre absurde. La première des richesses d'une nation c'est sa population, pas ses territoires, et c'est encore plus vrai quand votre population fait si peu d'enfant. À cette très faible natalité s'ajoute une bonne part de pillage humain. Depuis l'effondrement de l'URSS, les pays d'Europe de l'Est ont à la fois servi d'usine à l'industrie de l'Ouest, l'Allemagne et même la France ont beaucoup délocalisé dans ces régions. On pourrait y voir quelque chose de positif pour eux, beaucoup moins pour nous, mais on n'a pas vraiment constaté un rattrapage du niveau de vie de l'Ouest . Les salaires restent nettement plus faibles qu'à l'Ouest. Paradoxalement, on pourrait se demander si cette spécialisation économique n'est finalement pas un drame pour ces pays. On voit par exemple que la croissance polonaise du PIB/habitant a fortement ralenti depuis son entrée dans l'UE. Le second phénomène qui a caractérisé ces pays depuis la fin de la guerre froide c'est l'expatriation. Et au déclin démographique naturel s'est ajoutée la fuite d'une partie importante de la jeunesse de ces pays. Les pires exemples en la matière sont probablement les pays baltes. Par exemple en Estonie, pas moins de 230 mille personnes ont quitté le pays entre 1991 et 2010 alors que le pays ne compte aujourd'hui que 1,3 million d'habitants. Il est étonnant de voir ces pays qui devraient chérir la paix à tout prix pour régénérer et leur démographie, se lancent aujourd'hui dans une espèce de croisade contre la Russie. Car oui il y a dans les pays baltes et en Pologne une russophobie très explicite qui se déchaîne avec la guerre en Ukraine.

 

Les conséquences économiques

 

Mais pour en revenir au vrai sujet de cette seconde partie quelles seront donc les conséquences économiques d'un déclin démographique ? La question n'est pas nouvelle, Keynes l'avait déjà abordé à son époque parce que l'on pouvait déjà voir que les pays avancés connaissaient une baisse tendancielle de leur natalité. Dans son texte « Quelques conséquences d'un déclin de la population» qui date d'une conférence de 1937, Keynes montre simplement que la croissance démographique en Angleterre a pour moitié responsable de la croissance du pays depuis le 19e siècle. En clair, si la technique a nettement amélioré nos situations économiques et produit de grand progrès, elle n'a pas été la seule à alimenter la croissance économique. C'est l'accroissement de la population qui a joué un rôle majeur dans la croissance économique globale de ces deux cents dernières années. Mais comme nous l'avons vu, et comme les gens clairvoyants comme Keynes ont pu le prévoir, cette croissance arrive à son terme.

 

Keynes imaginait d'un tel phénomène pourrait produire en premier lieu un net ralentissement de la croissance. Par définition si la croissance de la moitié a fourni pour moitié la croissance alors à minima nous pouvons dire qu'une croissance démographique nulle produirait au moins une division par deux de la croissance économique. Cela ne signifierait pas une baisse du niveau de vie, puisque le progrès technique continuant, nous pourrions tout de même espérer encore une croissance par tête . Cependant, dans le cas de figure d'une décroissance permanente de la population plus ou moins rapide, il est bien évident que les gains liés au progrès technique seraient en quelque sorte absorbés. Il pourrait y avoir une hausse du niveau de vie tout en ayant en même temps une baisse du PIB du pays. Cependant, comme l'avait bien vu Keynes, le tout chose étant égal par ailleurs des physiciens n'a pas lieu d'être en économie. Nous sommes dans un système fortement intriqué dans lesquels les différents paramètres interagissent entre eux.

 

Une baisse des perspectives de croissance entraînera automatiquement un comportement d'investissement radicalement différent des comportements que l'on a pu connaître depuis les débuts de l'ère capitaliste. En percevant une baisse permanente, les investisseurs réduiront mécaniquement leurs investissements. Idem pour les états, les infrastructures par exemple devront être réduites au lieu d'être constamment agrandi . Il faudra moins d'écoles, moins d’hôpitaux, moins de routes, moins de trains, etc. Les états frappés de ce déclin devront soit laisser à l'abandon certaines infrastructures, soit les démolir si ces infrastructures s’avèrent dangereuses, laissées comme telles. Le Japon constitue en ce sens un peu un laboratoire. Le Premier ministre japonais vient de faire un discours légèrement anxiogène en annonçant que son pays pourrait bientôt ne plus pouvoir fonctionner. Il s'agit là à mon avis d'un discours essentiellement tourné vers la population pour l'inciter à accepter une immigration importante, ce que les Japonais ont toujours refusé dans l'ensemble. S'il existe une immigration au Japon, elle est encore minime, très sélective et surtout centré sur Tokyo .

 

Les villages peuplées de poupées est-ce l'avenir du monde ?

 

Au Japon, l'on peut déjà voir des villages morts et dépeuplés. Ce n'est plus si rare. La région de Fukushima qui se remet peu à peu de la catastrophe du tsunami d'il y a dix ans et des conséquences sur la centrale nucléaire de la région souffre plus de la dépopulation japonaise que des radiations qui ont aujourd'hui un niveau normal. Si les gens ne reviennent pas dans la région en nombre, ce n'est pas seulement à cause de la peur des radiations, mais bien parce que le pays perd des habitants chaque année. Étiolant ainsi les candidats potentiels au repeuplement de cette très jolie région du Japon. Le plus frappant ce sont ces villages abandonnés où les habitants qui restent mettent des poupées en guise de peuplement, c'est assez glauque pour tout dire. Si comme en France certaines régions sont victimes de l'exode rural c'est bien la très faible fécondité qui accélère l'apparition de ces villages morts peuplés d'habitants en toiles et en tissu. Cependant si le Japon nous indique un peu l'avenir de l'humanité il ne faut pas oublier que ce pays est une grande puissance industrielle et exportatrice. Tout comme les Allemands les Japonais ont en partie compensé leur déclin intérieur par la demande extérieure. Il ne s'agit donc pas tout à fait encore d'une application du raisonnement de Keynes sur l'investissement et la croissance dans un pays à faible natalité.

 

L'effondrement démographique pourrait tuer le capitalisme

 

De fait, le commerce extérieur a longtemps constitué un exutoire à la problématique de la natalité . Et si les Allemands continuent dans cette voie sans issue, les Japonais semblent tout de même comprendre qu'il n'y aura pas d'échappatoire que ce soit par les exportations ou par l'immigration qui ne peut en aucun cas compenser le déclin très rapide de la population. La seule solution pour éviter de se retrouver en décroissance économique permanente reste la relance de la natalité, cependant il est déjà trop tard pour les trente prochaines années dans le cas du Japon. L'un des principaux effets de cet effondrement économique semble être un changement de rapport de force radical entre le travail et le capital. Emmanuel Todd a cité récemment une réflexion d'un économiste américain pour qui l'effondrement de la population active en Chine allait produire une forte inflation à l'échelle mondiale. Todd a vu dans le retour de l'inflation actuelle une validation de cette hypothèse. À titre personnel, je pense surtout que c'est la crise COVID et l'arrêt de nombreuses chaînes de production qui ont momentanément produit cette inflation. Celle-ci commence d'ailleurs à décroître, en Europe évidemment s'ajoute le gros problème du marché de l'énergie absurde et la crise en Ukraine qui nous a coupés de la Russie. Cependant, l'hypothèse est tout à fait plausible à moyen terme. La raréfaction des salariés en Chine pourrait vite produire une inflation mécanique à l'échelle du globe.

 

Keynes pensait qu'une très faible anticipation de croissance pousserait à un pessimisme tel que les investissements décroîtraient et produiraient ainsi un chômage massif. Mais ce que l'on observe au Japon est plutôt un manque chronique de main-d’œuvre. Encore une fois, le Japon ou l'Allemagne sont peut-être de mauvais exemple à cause de leur rôle d'exportateur dans un monde qui a encore de la croissance démographique pour un temps. Mais tout se passe comme si les acteurs économiques ne réduisaient pas à la mesure du déclin démographique les investissements. L'on pourrait dès lors se dire qu'à terme le capitalisme va avoir un énorme problème. Alors que Marx pensait que la révolution prolétarienne balaierait le capitalisme, il semble plutôt que ce soit par les berceaux que les exploités de la terre risquent de renverser le rapport de force avec le grand capital. On pourrait même supputer que c'est en partie à cause du ralentissement de la croissance démographique dans les années 70 que le capital européen, et américain, a cherché à travers la globalisation, et l'immigration de masse, une échappatoire au changement de rapport de force qui commençait à se faire jour à cette époque par l'inflation des salaires, et des prix.

 

Ainsi le monde de demain manquant en permanence de salariés verrait son capital sans cesse perdre de la valeur à cause de l'inflation permanente. Le fantasme de Silvio Gesell sur les monnaies fondantes dont nous avons parlé dans un autre texte pourrait devenir réalité dans un monde en décroissance démographique permanente. Mais cette hypothèse n'est pas la seule . Celle d'une société qui se déstructure progressivement et dans laquelle un vaste chômage de masse par manque d'investissement constant n'est pas à ignorer. Mais dans les deux cas, il semble que l'organisation de la société autour de la mécanique de l'intérêt et du capital perdra de sa substance. Des sociétés en déclin démographique permanent devront probablement changer de système économique pour survivre et pour revenir à terme à un certain équilibre démographique. Mais si sur le point économique nous allons voir d'immenses changements, il n'est pas certain qu'ils soient plus grands que les changements de rapports de force entre les nations. Nous français qui avons été la superpuissance de l'Europe pendant des siècles à cause de notre démographie, et qui avons perdu cela, nous le savons bien, les changements de rapport de force démographiques entraînent aussi de grands changements de rapport de force géopolitiques.

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15 janvier 2023 7 15 /01 /janvier /2023 18:52

 

Comme souvent quand il s'exprime, je vais commenter brièvement les derniers propos d'Emmanuel Todd. Après tout, c'est un peu grâce à lui que j'ai commencé le blog et c'est aussi grâce à lui que j'avais découvert le vieux blog Horizons aujourd'hui à l'abandon et où j'ai pris quelques contacts avec des souverainistes perdus au milieu d'un pays qu'ils ne reconnaissaient plus avec l'élection présidentielle catastrophique que fut celle de Nicolas Sarkozy en 2007. Bien des années ont passé depuis, et le pays semble se déglinguer de plus en plus vite depuis, mais Todd reste encore à nous donner de temps en temps quelques pistes originales pour comprendre ce qui nous arrive. L'élection de Sarkozy à l'époque semble avoir été en quelque sorte le marqueur de la phase finale de la maladie antinationaliste qui touche le pays et ses élites depuis au moins 40 ans. On peut ne pas toujours adhérer aux hypothèses d'Emmanuel Todd et à ses conclusions, mais il faut reconnaître qu'il est l'un des rares penseurs français à réellement faire encore fonctionner à peu près correctement ses neurones sans répéter inlassablement les idées reçues du monde médiatico-politique français.

 

Pour en revenir à Emmanuel Todd, il s'est exprimé dans plusieurs supports sur le conflit ukrainien. Je pense que son expérience désagréable lors de l'affaire Charlie Hebdo où il s'est fait assez largement critiquée pour son opinion (que je ne partageais pas tout à fait d'ailleurs à l'époque) l'a rendu un peu craintif sur les sujets épineux. Le petit milieu parisien supporte de moins en moins les conséquences de ses propres idéologies. Lorsqu'on lui met sous le nez ses paradoxes et contradictions, il devient extrêmement agressif . Et s'il y a bien un sujet épineux aujourd'hui en France, c'est bien la guerre ukrainienne. Il dit lui-même qu'il hésitait à parler de ça en France. Il s'est d'ailleurs un peu réfugié à l'étranger depuis quelque temps, il sort d'ailleurs un livre au Japon sur la question ukrainienne qui ne sera peut-être pas publié en France, tout un symbole. Il est vrai cependant que le Japon n'est guère impliqué dans cette affaire de guerre ukrainienne même si les USA leur ont forcé un peu la main pour qu'ils prennent des mesures contre la Russie. Cela n'empêche pas ce pays de continuer à importer du gaz russe et de continuer à commercer avec Moscou . Si Todd avait écrit un livre sur la Chine et le Japon, je ne sais pas si les Japonais l'auraient aussi bien accueilli .

 

Quoiqu'il en soit, Emmanuel Todd s'est exprimé sur le sujet dans un magazine de la Suisse alémanique si je me fis à l'adresse du site Die Weltwoche. Il a aussi fait une longue conférence en France cette fois que vous pouvez retrouver à cette adresse. Et enfin, il s'est aussi exprimé sur les pages du Figaro . Dans les trois cas, on retrouve évidemment la même analyse, ce qui est normal. À noter pour ceux que cela pourrait intéresser qu'Emmanuel Todd sera l'invité le 21 janvier prochain des souverainistes de gauche « République Souveraine », le mouvement fondé par Georges Kuzmanovic . Il sera accompagné d'Henri Guaino, le théoriquement souverainiste qui s'est perdu dans le sarkozysme .

 

Pour en revenir aux propos d'Emmanuel Todd, ce dernier considère donc la guerre en Ukraine comme une guerre d'échelle mondiale. D'une part parce qu'il est clair maintenant que l'OTAN et les USA ont tout fait pour contraindre les Russes à en venir aux extrémités militaires. D'autre part parce que la survie de la Russie n'est pas la seule en jeu, celle de l'Empire américain et le rôle du dollar en particulier, sujet qu'on a déjà longuement traité, est aussi en question. La défaite de l'Ukraine serait probablement associée par le reste du monde à une défaite de l'OTAN, car il ne fait guère de doute sur le fait que c'est l'OTAN et donc les USA et ses satellites qui tirent les ficelles derrière plus ou moins ouvertement. Mais ce qui surprend Todd, et moi aussi, c'est le comportement de l'Europe Allemagne et France compris. Tout se passe comme si les Européens n'avaient plus aucune conscience des enjeux stratégiques ou des rapports de force mondiaux. Pour un continent qui a produit les plus grands penseurs de la guerre et de la stratégie et qui a d'ailleurs longtemps souffert de la guerre et de toute son horreur, c'est effectivement assez surprenant. L'on dit souvent que l'Europe cherche à sortir de l'histoire, mais c'est ignorer un peu trop facilement que l'histoire s'impose à vous que vous la vouliez ou non. Et à trop vouloir l'ignorer, elle risque bien de vous écraser,et c'est probablement ce qui nous arrive à l'heure actuel. Ajoutons à cela l'étrange importance qu'on prit les sujets sociétaux sur les questions de conflit militaire. On dirait presque que l'occident décide désormais de déclarer des guerres pour des casus belli aussi ridicules que l'autorisation du mariage gay. Une telle évolution anthropologique est en soi extrêmement inquiétante. Elle indique une dérive religieuse et idéologique de l'occident qui se base sur des critères par définition irrationnels et culturels pour décider ou non de la nécessité d'un conflit. L'occident en ce sens n'est plus si loin du délire mystique de jihad planétaire des islamistes qui veulent transformer le monde en califat géant.

 

Le plus surprenant dans les propos récents de Todd c'est son évolution par rapport à l'Allemagne. S'il n'a probablement pas changé d'un iota son avis sur le fonctionnement de l'UE et de l'euro comme machine à favoriser les intérêts macro-économiques germaniques, la question énergétique l'a à nouveau démontré, il n'en demeure pas moins assez triste sur le sort de ce pays. L'Allemagne vient de se faire maltraiter violemment par les USA avec les sanctions à la Russie et le coup vital porté au gazoduc Nord Stream. Mais les Allemands semblent ne pas savoir comment réagir. On remarquera que Todd écarte assez largement la thèse de l'explosion provoquée par la Russie . Cette hypothèse est tellement absurde qu'il est assez étonnant que des gens théoriquement intelligents continuent à la proférer. On remarque d'ailleurs que les médias mainstream en France ont vite oublié l'affaire, pourtant gravissime, car il s'agissait d'un acte de guerre direct contre l'Allemagne. Autrefois, on aurait utilisé ça comme casus belli pour déclencher un conflit militaire, on en a déclenché pour des affaires bien moins graves. Mais là rien, silence radio. Probablement parce que le coupable est déjà bien connu et qu'on n’a pas envie d'ébranler le soi-disant bloc occidental toujours solidaire …

 

Toujours est-il que pour lui les USA semblent vouloir reconfigurer l'Europe en s'appuyant davantage sur la Pologne en créant une espèce d'axe UK-Pologne-Ukraine et de marginaliser l'Allemagne et la France. L'affaire des réparations de guerre pour la Pologne de la part de l'Allemagne qui ressort tout un coup n'est probablement pas un hasard . Elle fait partie d'une attaque politique et économique contre l'Allemagne qui gênait les USA . La russophobie naturelle des Polonais doit les mettre plus en confiance qu'une Allemagne qui pourrait très bien à nouveau se rapprocher de la Russie. Pour la France les pantins américains qui dirigent le pays ont déjà largement réussi depuis Sakorzy à démolir les quelques avantages qu'il possédait. La France n'étant plus un problème, les atlantistes ayant pignon sur rue, il ne reste plus que les germains à écraser. L'Allemagne probablement consciente de ça semble vouloir se rapprocher de Pékin, le voyage récent du chancelier Scholz semble le confirmer. Cependant, si Berlin cherche apparemment à sortir du giron américain, rappelons qu'elle a aussi fait beaucoup d'effort pour casser la France et son appareil militaire alors qu'elle aurait aussi pu s'appuyer dessus pour reconstruire sa propre industrie militaire. Mais au lieu de commander des rafales françaises par exemple, elle a commandé des F35 américains. On voit là toute l’ambiguïté et les incohérences de la puissance allemande. Elle n'a pas compris que la France n'est plus son ennemi depuis longtemps et elle oublie régulièrement qu'en réalité c'est son tuteur américain qui veut sa mort ou au moins sa soumission totale.

 

Cependant malgré les ambitions des USA pour casser la Russie, puis probablement la Chine ensuite ils sont probablement allés trop loin. Comme le montre rapidement Todd avec quelques statistiques, notamment le fait, qui surprendra certains, que les Russes produisent beaucoup plus d'ingénieurs que les USA par tête d'habitant, les USA n'ont plus les moyens d'arriver à leurs fins. Et comme on le sait historiquement quand les empires vont trop loin, la chute n'est jamais très loin. Désindustrialisée, les USA et leurs vassaux ne sont plus ni le centre démographique et économique du monde, ni même sa tête pensante. La science américaine fonctionne essentiellement grâce à des chercheurs étrangers particulièrement indiens et chinois. La France importe des médecins faute d'en former suffisamment dans une ambiance d'effondrement scolaire massif. Car je n'en doute pas, l'effondrement des USA sera aussi le nôtre malheureusement, nous avons suivi les mêmes politiques économiques et le même chemin doctrinal. Nous sommes simplement légèrement en retard dans notre effondrement par rapport à eux. En tous cas pour Todd si la troisième guerre mondiale à commencé et qu'elle prendre essentiellement un caractère économique, la guerre nucléaire étant quand même assez suicidaire, il n'est clairement pas certain que les Anglo-saxons gagnent cette fois. Pour Todd le monde de demain sera surtout écrit par l'Asie, la Chine d'abord, mais surtout l'Inde par la suite. On ne peut que lui donner raison sur ce point.

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11 janvier 2023 3 11 /01 /janvier /2023 20:02

 

Alors que beaucoup s'extasient sur les I.A comme GPT-3 ou encore sur les engins d'Elon Musk qui promettent monts et merveilles techno-scientifiques, il semble que la réalité de la science mondiale soit en fait beaucoup moins reluisante. En effet, alors que l'actualité parfois peut faire croire à un formidable mouvement d'accélération du progrès scientifique et technique, il semble que cela est en réalité une chimère. Loin d'accélérer la science qui semble de moins en moins créative, c'est en tout cas ce que l'on peut lire sur cet article récent de la revue Nature. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de recherche scientifique, bien au contraire il n'y a jamais eu autant de scientifiques et d'ingénieurs sur terre . D'autant qu'aux anciennes grandes puissances scientifiques occidentales se sont ajoutés les pays d'Asie de l'Est et la Chine en particulier. Cependant, l'on constate que s'il y a toujours de nombreuses publications scientifiques, elles sont plus rarement qu'autrefois révolutionnaires sur le plan conceptuel. Et comme vous pouvez le voir sur le graphique de Nature le déclin ne date pas d'hier.

 

 

Si la revue Nature s'intéresse ici à la capacité de rupture scientifique fondamentale, le ralentissement en termes de progrès technique avait déjà été bien vu par certains auteurs. Jacques Ellul dans son livre « Le Grand bluff technologique » avait déjà souligné la transformation de la technique à la fin des années 60. Pour lui si la technologie avait bien amélioré la vie de nos concitoyens après guerre surfant sur les grandes découvertes du début du vingtième siècle et des investissements massifs liés en partie malheureusement aux conflits militaires (seconde guerre mondiale et guerre froide), le progrès en termes de gain réel devenait progressivement de plus en plus ténu. Tout se passe comme si nous suivions une courbe logarithmique avec un ralentissement de plus en plus prononcé des gains que la technique offre en terme d'amélioration de la vie pour la population. Au progrès avec un grand P s'est substitué petit à petit, un progrès fait d'accumulation de gadget ne changeant pas fondamentalement la situation de la vie courante. On est passé de l'électricité, de la machine à vapeur ou au moteur à explosion à la capacité fabuleuse de changer la couleur d'une voiture instantanément. C'est une allégorie de l’aplatissement progressif de l'intérêt du progrès technique.

 

L'autre facteur qui n'est pas passé inaperçu aux yeux des économistes c'est la baisse tendancielle des gains de productivité dans les pays industrialisés. Nous avons effectivement des prouesses qui sont réalisées aujourd'hui en matière de robotique et de technique d'automatisation, mais en réalité si elles sont impressionnantes la plupart du temps, elles sont loin de pouvoir produire les incroyables gains de productivité qu'ont produits par exemple le fordisme et la mise en place du travail à la chaîne. L'organisation scientifique de la production a fait des prouesses qu'aucune technologie actuelle ne pourrait approcher de loin. Imaginez en 7 mois seulement en 1914 la production de voiture Ford passe de 840 minutes de travail pour monter un châssis par ouvrier à seulement 93 minutes . Même les plus belles mécaniques d'automatisations actuelles auraient du mal à produire un tel gain de temps. Or les gains de productivité ont conditionné la croissance par tête et la hausse du niveau de vie globale . Si une bonne part de la croissance a été longtemps le fruit de la hausse de la population, c'est surtout la hausse de la productivité qui a permis l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. C'est aussi la hausse de la productivité du travail qui a permis pendant longtemps la hausse simultanée des salaires et des gains pour les actionnaires. La fin des trente glorieuses n'est pas sans rapport avec le ralentissement du progrès en termes de gain de productivité. Le capitalisme qui ne suivrait pas à la stagnation de la croissance a cherché d'autres moyens pour survivre. La globalisation a sans doute été un moyen momentané pour repousser l'inéluctable échéance du ralentissement du progrès technique et donc la fin de la croissance infinie pour les bénéfices.

 

Problème de modèle économique ou simples limites atteintes ?

 

Alors à ce stade l'on pourrait se poser plusieurs questions . Quelle serait la conséquence sur nos sociétés d'un arrêt du progrès technique en tout cas du point de vue des gains de productivité, et les effets sur l'économie? Mais aussi quelle est l'origine de ce ralentissement à voir de cet arrêt progressif ? Je ne parlerai ici que de la seconde question, la première demanderait beaucoup de temps et je l'aborderai probablement dans un autre texte. Pour ce qui est de savoir d'où vient le problème, les hypothèses sont multiples. Et il sera bien difficile à ma modeste personne de savoir avec certitude quel processus entraîne ce phénomène. La première hypothèse, celle qui est la moins inquiétante, c'est que ce ralentissement est le produit du mode de fonctionnement de la science moderne. Car la science d'aujourd'hui fonctionne assez différemment de la science du 19e. Autrefois, les questions économiques et la question des brevets, en tout cas en Europe, étaient assez secondaires. L'éducation humaniste et la volonté de comprendre le monde qui nous entoure et de maîtriser la matière étaient le moteur de l'action scientifique. Et la science était beaucoup moins professionnalisée qu'aujourd'hui . Un homme ayant une carrière comme Michael Faraday serait assez peu imaginable de nos jours. L'éducation a elle aussi fortement changé. Il se peut que nous ne formions plus les esprits de manière aussi créative que ne le faisaient nos institutions autrefois. En massifiant l'instruction, nous l'avons peut-être détérioré et donc amoindri d'une certaine manière la créativité des scientifiques. Il se peut aussi que notre façon de sélectionner nos scientifiques soit mauvaise.

 

L'autre facteur à mon avis plus important est que le financement de la science, elle-même a changé. Depuis les années 70 sous l'influence américaine, la science s'est petit à petit mise au service du marché. Pour obtenir des financements de recherches parfois très coûteuses, il faut désormais courtiser les acteurs privés et donc faire miroiter des retours sur investissement. De fait la recherche fondamentale, celle qui produit les ruptures majeures, a petit à petit été délaissée au profit d'une recherche à plus court terme pour permettre à des innovations peu utiles, mais très rentables d'être mises au point. De fait, l'organisation à seul but lucratif de la recherche aurait petit à petit paralysé la véritable recherche, celle qui n'a aucun but lucratif, mais qui cherche des réponses à des questions, quel que soit l’intérêt en matière d'application pratique. Quand le mathématicien George Boole invente l'algèbre de Boole et la logique binaire au milieu du 19e siècle, il n'y a pas vraiment d'application pratique à son invention. Et pourtant c'est grâce à l'algèbre de Boole et à l'invention de l'effet transistor qui permettra son usage pratique que la révolution informatique va se produire. D'abord avec les transistors à lampe puis avec les transistors sur silicium qui vont permettre une miniaturisation si grande que nos processeurs actuels possèdent des milliards de transistors à la surface.

 

On peut donc supposer qu'avec la réduction des investissements publics dans la recherche et la privatisation de celle-ci l’approche scientifique a changé en réduisant à long terme la créativité et donc les changements de paradigme capable de faire de vraies ruptures scientifiques. Rappelons que les grands programmes des recherches publiques étaient aussi motivés pour des questions de compétition militaire internationale. Le programme Apollo, s'il a eu d'incroyables répercussions scientifiques avec la mise au point de la pile à combustible ou du laser par exemple, avait surtout comme objectif de développer des lanceurs capables d'emporter à terme des ogives nucléaires. La compétition entre les différentes puissances a donc participé à l'énorme innovation qu'a connue le vingtième siècle. C'est moins vrai aujourd'hui. Même s'il y a des conflits , la guerre en Ukraine nous le rappelle tristement, on est très loin pour l'instant des efforts que les états ont pu fournir pendant la Seconde Guerre mondiale ou pendant la guerre froide en matière de recherche. De la même manière, une bonne partie des programmes nucléaires civile avaient pour but de produire des matières fissiles et du plutonium pour les armes nucléaires. C'est d'ailleurs probablement parce qu'elle ne produisait pas ce type de déchet que la filière au thorium n'a pas été choisie contrairement à l'uranium.

 

Enfin, dernière hypothèse, la science est moins créative parce qu'il est aujourd'hui simplement beaucoup plus difficile de découvrir des choses réellement nouvelles. Il s'agit là de l'hypothèse la moins optimiste parce qu'elle ne dépend absolument pas d'une politique ou d'une action qui serait à notre portée, mais simplement des contraintes physiques de notre monde. Si à l'époque de Farraday un peu de limaille de fer,du papier, un crayon, un solénoïde et un courant électrique ont suffi pour montrer le lien entre l'électricité et le magnétisme , donnant l'électromagnétisme mis en équation ensuite par Maxwell. Faire le même type de découverte aux échelles infinitésimales demande immensément plus de moyens. Par exemple, nos scientifiques, pour chercher le fameux boson de Higgs, particule qui donne une masse aux autres particules, ont dû faire construire l'immense LHC (Grand collisionneur de hadrons) entre la Suisse et la France. Un anneau construit sous terre de près de 27km de circonférence, tout ça pour accélérer des protons à la vitesse la plus proche possible de celle de la lumière pour les faire entrer en collision. On le voit, au début, les premières lois de la nature furent assez facilement accessibles pour peu qu'une personne rigoureuse s’attelle à la tâche souvent avec ténacité. Mais petit à petit, les lois de la physique deviennent difficiles et très coûteuses à observer. On assiste à une inflation exponentielle des coûts des instruments de recherche pour aller à la limite de nos connaissances, il s'agit pourtant du seul moyen pour réellement faire progresser la science fondamentale.

 

Cela se vérifie dans d'autres domaines comme la biologie. Lors de la découverte de l'ADN puis lors de l'analyse complète de l'ADN humain, on a supputé avec présomption que nous pourrions vite guérir les maladies génétiques, prévoir les cancers et faire des miracles. Il s'est avéré que c'était beaucoup plus compliqué qu'on ne le croyait et que la biologie par nature est fortement holistique . De sorte qu'il est bien difficile en médecine et en biologie de faire une séparation nette entre les problèmes . L'interdépendance des variables est un véritable casse-tête dans ces disciplines. On pourrait d'ailleurs dire la même chose pour d'autres sciences comme le celle du climat, même si certain prétendent tout prévoir avec leurs modèles mathématiques. De fait, la science moderne se heurte simplement à une réalité beaucoup plus complexe qu'on ne pouvait l'imaginer à l'époque d'un Newton ou d'un Descartes et c'est cette complexité qui produit ce ralentissement au fur et à mesure que nous nous rapprochons d'une compréhension plus fine de la réalité. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais plus de révolution scientifique, mais que ces dernières seront probablement plus éparses et plus rares qu'elles n'ont pu l'être lors de ces deux derniers siècles. Et puis à bien y réfléchir qu'il reste plein de mystères que nous n'arrivons pas entièrement à comprendre, est-ce si dramatique ?

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