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Au moment où j'écris ce texte, nous ne savons toujours pas si le gouvernement est victime d'une motion de censure vis-à-vis de son énième 49-3 visant à imposer sa « réforme » des retraites qui consiste surtout en pratique à baisser les pensions des futurs retraités. En effet étant donné la réalité économique française d'un chômage de masse que le gouvernement camoufle, surtout pour les plus âgés. La hausse du temps de cotisation revient simplement à diminuer le nombre d'annuités qu'auront les futurs retraités et donc à baisser leurs retraites. Cela les Français l'ont bien compris parce que contrairement à ce que pensent les dominants, la majeure partie de la population n'est pas idiote. On remarquera d'ailleurs la piètre habileté de ce gouvernement qui a mal préparé le terrain par des campagnes de communication sur le plein emploi et le manque de main-d’œuvre. C'est-à-dire qu'ils savaient très bien qu'ils ne pouvaient pas augmenter directement la durée de cotisation sans avoir préalablement construit un mythe autour du plein emploi. Macron s'est donc évertué à d'abord éjecter massivement les chômeurs des catégories officiellement comptés comme chômeur avant de proposer de repousser l'âge de la retraite.
Quoiqu'il en soit, il semble que la population ne soit pas dupe. L'on voit aussi dans cette question de l'âge de la retraite une accumulation de colère d'un peuple qui sent instinctivement qu'on le mène à l’abattoir. Mais il faut bien prendre garde à ne pas tomber dans le piège de la personnalisation. Car Macron n'est pas le problème, il n'est que l'un des nombreux maillons de la chaîne néolibérale qui a démoli ce pays depuis les années 70 . Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure même si le gouvernement Macron tombe, rien ne risque de changer. Car le mal est profond. En premier lieu, aucun des grands partis, à l'heure actuelle, susceptibles de profiter de la chute du macronisme n'est réellement structuré pour une rupture avec les politiques de ces quarante dernières années. Ils arrêteront peut-être cette mesure sur les retraites, mais quid du chômage ou du déficit commercial ? Pour agir réellement et réindustrialiser le pays, il faut d'abord une rupture avec la mécanique qui a conduit la France à mettre en place ces politiques. Or ce cadre-là n'est jamais attaqué même par les opposants les plus bruyants à l'image de Mélenchon.
Sortir du néolibéralisme et de l'UE
Il faut bien comprendre que les néolibéraux et les politiques qui ont mis en place cette doctrine ne l'ont pas fait bêtement en faisant gagner politiquement leur camp. Le néolibéralisme est avant tout une structure de contrainte que les hommes politiques d'alors ont mise en place discrètement, mais avec férocité. Il s'agissait à partir des années 70 de mettre un cadre qui impose les politiques néolibérales. C'est la fameuse phrase de Margaret Thatcher « There is no alternative ». Car les néolibéraux s'ils pensaient que leurs politiques étaient meilleures pour l'humanité, car oui certains le pensaient, ils savaient tout de même pertinemment que cela bloquerait au niveau politique. Car il faut pouvoir se faire élire quand il y a des votes. Dans certains pays comme le Chili ce fut plus simple, on a renversé le gouvernement élu et mis un dictateur appliquant les recettes néolibérales sans opposition. Mais il était impossible de faire ça en Europe ou aux USA. Il a donc fallu mettre en place un système général qui ne donne pas le choix à la population.
Cette contrainte principale est évidemment en premier lieu la dette. Si les années 70 sont si importantes, c'est parce que c'est à cette époque qu'on passe d'un régime d'endettement public passant par les banques centrales à un système passant par les marchés financiers. Il est important de comprendre que c'est la première arme qui a permis l'imposition du néolibéralisme. Les effets ont mis du temps à se faire sentir parce qu'au départ la situation économique était très bonne avec des comptes publics au vert. Mais plus le temps a passé et plus cette contrainte s'est avérée fondamentale dans le dispositif de coercition sur les politiques publiques. On le voit encore aujourd'hui, Macron s'appuie sur la peur des réactions des marchés financiers pour imposer sa réforme stupide. On notera toutefois qu'il s'en inquiétait moins lors de la crise du Covid, quand il a fait exploser la dette publique pour compenser l'absurde mesure du confinement généralisé. Et n'oublions pas les intérêts qui s'accumulent au fil du temps . Comme le disait Keynes, la force des taux d'intérêt composés est extrêmement puissante . Et un état qui emprunte sur les marchés à 3% au lieu de 0 à sa banque centrale met les pieds dans un engrenage sans fin de dette irremboursable à la fin. Le mettant totalement à la merci des milliardaires et des multinationales.
Ceux qui font miroiter la peur du marché ignorent bien souvent que notre économie n'a pas toujours fonctionné avec des marchés financiers. Après guerre, et jusque dans les années 70, la bourse de Paris était absolument sans intérêt pour le fonctionnement du pays. L'état empruntait à la banque de France pour faire du financement public et ça marchait très bien. Il faut bien comprendre que l'argent se fabrique, on peut en faire autant qu'on veut . Évidemment il faut que l'augmentation de la masse monétaire soit proportionnée aux besoins de l'activité sinon vous faites de l'inflation, mais c'est la seule véritable limite. Laisser à des acteurs privés sur les marchés le soin de dire si une politique publique est valable ou non est en soi étrange et même profondément antidémocratique. C'est d'ailleurs le cœur du malaise en occident à mon humble avis. Nous vivons dans une société schizophrène qui d'un côté promeut officiellement l'égalité des citoyens, le droit de vote et les élections. Alors que de l'autre côté en pratique ce sont les puissances d'argent qui décident des politiques officielles. Comme si elles étaient porteuses naturellement de l'intérêt général et d'une sagesse dont serait dépourvu l'ensemble des citoyens. Et le néolibéralisme c'est avant tout ça, une prise de décision qui échappe aux citoyens. Et le rôle de l'emprunt sur les marchés financier au lieu de la banque centrale est le pilier de cet édifice autoritaire.
Évidemment, au-delà de la question des marchés financiers pour financer les investissements publics, il y a le libre-échange et la libre circulation des capitaux. Le libre-échange est la mécanique qui va permettre d'imposer un abaissement des conditions salariales aux Français. Cette réalité commence quand même à être bien comprise par la population. Et la remise en cause du libre-échange par leurs anciens principaux promoteurs à la savoir, les USA, va petit à petit permettre de remettre au goût du jour l'idée de protectionnisme dans les politiques publiques. L'absence de réaction européenne face au protectionnisme américain semble également participer à l'ébranlement dans les certitudes sur l'utilité réelle de cette construction politique absurde. En effet, si l'UE ne protège pas les Européens dans de telles circonstances d'attaques directes des USA à quoi sert-elle ? Même chez les plus délirants européistes, la question va finir par se poser.
La question de la liberté de circulation des capitaux est par contre beaucoup moins soulevée. Généralement, les critiques du système se contentent de pleurer sur les méchants paradis fiscaux qui privent les états de nombreuses ressources fiscales. Ce qui est vrai bien évidemment. Mais c'est oublier un peu vite qu'il y a toujours eu des pays avec des fiscalités différentes. Cela n'a rien de nouveau. La Suisse avait déjà une plus basse fiscalité que la France dans les années 60, mais ça ne gênait personne. Et pour cause on ne pouvait pas sortir de grosses quantités de capitaux du pays comme aujourd'hui. La liberté de circulation des capitaux n'a jamais eu qu'un seul but, imposer les baisses fiscales par la contrainte de la concurrence fiscale. Dans un régime économique dans lequel les capitaux peuvent s'installer librement où ils veulent, il était bien évident que les états se lanceraient dans une compétition d'amoindrissement des fiscalités pour attirer les capitaux chez eux. Là encore on le voit, les politiques publiques dans le cadre néolibéral sont ipso facto construites par la contrainte de la dérégulation. Comme disait Thatcher « There is no alternative » .
Donc comme vous pouvez le voir dans cette rapide analyse, Macron n'est pas Le problème. Il n'est que le sous-produit d'un régime politique qui a inscrit une politique économique impossible à changer dans le cadre fabriqué dans les années 70-80 . C'est d'abord ce cadre avec lequel il faut rompre sans quoi vous êtes indéfiniment condamné à refaire des politiques néolibérales visant à abaisser le coût du travail, les impôts pour les plus riches, etc.. Évidemment cela veut dire également qu'il faut rompre avec l'UE et l'euro qui sont en pratique des contraintes néolibérales plus fortes encore puisque là l'état n'a même plus la possibilité de dévaluer . Vous comprenez pourquoi le possible effondrement du gouvernement ne m'émeut guère. Ce n'est pas que j'ai de la sympathie pour Macron, bien au contraire. C'est que j'y vois surtout un piège pour la population qui risque de se tromper en pensant que le simple changement d'homme politique ou même de régime peut résoudre nos problèmes. Seule une conscience politique forte qui prend corps à travers un mouvement politique réel pourrait changer la donne. À l'heure actuelle trop peu de gens et de politiques veulent réellement une rupture de fond sur l'Europe et le néolibéralisme. On peut même douter que les Français le veuillent vraiment.