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25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 22:25

 

 

Nous avons vu dans la partie précédente que la question de la baisse de la natalité n'est pas un phénomène occidental. S'il est parti d'occident et de France en particulier, le processus s'est désormais étendu à la planète entière . La dernière région du monde à entamer sa transition démographique étant l'Afrique. Mais alors que les démographes pensaient un peu naïvement que la natalité tomberait naturellement à environ deux enfants par femme un peu partout, les pays tombent généralement en dessous, et même parfois très en dessous comme en Corée. En parlant de basse fécondité, et pour, encore une fois, tordre le cou à l'idée que tout ceci aurait un lien avec la religion ou la culture, il faut parler de l'Europe de l'Est rapidement. Je ne l'ai pas abordé dans le texte précédent, et c'est un tort, surtout quand on voit la situation en Ukraine. L'Europe de l'Est est globalement moribonde. La natalité y est extrêmement basse. Même dans la très catholique Pologne, pays qui a la législation la plus restrictive d'Europe sur cette question, la natalité est dramatiquement basse à seulement 1,38 enfant par femme. La Hongrie qui a bien conscience du problème et qui multiplie les mesures, à mon humble avis pas bien avisées, mais c'est un autre débat, est à seulement 1,56. Et parlons de l'Ukraine que l'OTAN, l'UE et les USA ont forcée à continuer la lutte suicidaire contre la Russie. Elle est à 1,22 enfant par femme, et encore il s'agit là de la fécondité avant-guerre . On notera au passage que la Russie de Poutine est dans la triste moyenne européenne avec 1,5 enfant par femme alors que la natalité était remontée à presque 1,8 en 2015.

 

 

Dans une région en dépression démographique à ce point, il faut le dire, mieux vaut perdre la moitié de son pays géographiquement que les centaines de milliers de jeunes qui ont déjà péri dans cette guerre absurde. La première des richesses d'une nation c'est sa population, pas ses territoires, et c'est encore plus vrai quand votre population fait si peu d'enfant. À cette très faible natalité s'ajoute une bonne part de pillage humain. Depuis l'effondrement de l'URSS, les pays d'Europe de l'Est ont à la fois servi d'usine à l'industrie de l'Ouest, l'Allemagne et même la France ont beaucoup délocalisé dans ces régions. On pourrait y voir quelque chose de positif pour eux, beaucoup moins pour nous, mais on n'a pas vraiment constaté un rattrapage du niveau de vie de l'Ouest . Les salaires restent nettement plus faibles qu'à l'Ouest. Paradoxalement, on pourrait se demander si cette spécialisation économique n'est finalement pas un drame pour ces pays. On voit par exemple que la croissance polonaise du PIB/habitant a fortement ralenti depuis son entrée dans l'UE. Le second phénomène qui a caractérisé ces pays depuis la fin de la guerre froide c'est l'expatriation. Et au déclin démographique naturel s'est ajoutée la fuite d'une partie importante de la jeunesse de ces pays. Les pires exemples en la matière sont probablement les pays baltes. Par exemple en Estonie, pas moins de 230 mille personnes ont quitté le pays entre 1991 et 2010 alors que le pays ne compte aujourd'hui que 1,3 million d'habitants. Il est étonnant de voir ces pays qui devraient chérir la paix à tout prix pour régénérer et leur démographie, se lancent aujourd'hui dans une espèce de croisade contre la Russie. Car oui il y a dans les pays baltes et en Pologne une russophobie très explicite qui se déchaîne avec la guerre en Ukraine.

 

Les conséquences économiques

 

Mais pour en revenir au vrai sujet de cette seconde partie quelles seront donc les conséquences économiques d'un déclin démographique ? La question n'est pas nouvelle, Keynes l'avait déjà abordé à son époque parce que l'on pouvait déjà voir que les pays avancés connaissaient une baisse tendancielle de leur natalité. Dans son texte « Quelques conséquences d'un déclin de la population» qui date d'une conférence de 1937, Keynes montre simplement que la croissance démographique en Angleterre a pour moitié responsable de la croissance du pays depuis le 19e siècle. En clair, si la technique a nettement amélioré nos situations économiques et produit de grand progrès, elle n'a pas été la seule à alimenter la croissance économique. C'est l'accroissement de la population qui a joué un rôle majeur dans la croissance économique globale de ces deux cents dernières années. Mais comme nous l'avons vu, et comme les gens clairvoyants comme Keynes ont pu le prévoir, cette croissance arrive à son terme.

 

Keynes imaginait d'un tel phénomène pourrait produire en premier lieu un net ralentissement de la croissance. Par définition si la croissance de la moitié a fourni pour moitié la croissance alors à minima nous pouvons dire qu'une croissance démographique nulle produirait au moins une division par deux de la croissance économique. Cela ne signifierait pas une baisse du niveau de vie, puisque le progrès technique continuant, nous pourrions tout de même espérer encore une croissance par tête . Cependant, dans le cas de figure d'une décroissance permanente de la population plus ou moins rapide, il est bien évident que les gains liés au progrès technique seraient en quelque sorte absorbés. Il pourrait y avoir une hausse du niveau de vie tout en ayant en même temps une baisse du PIB du pays. Cependant, comme l'avait bien vu Keynes, le tout chose étant égal par ailleurs des physiciens n'a pas lieu d'être en économie. Nous sommes dans un système fortement intriqué dans lesquels les différents paramètres interagissent entre eux.

 

Une baisse des perspectives de croissance entraînera automatiquement un comportement d'investissement radicalement différent des comportements que l'on a pu connaître depuis les débuts de l'ère capitaliste. En percevant une baisse permanente, les investisseurs réduiront mécaniquement leurs investissements. Idem pour les états, les infrastructures par exemple devront être réduites au lieu d'être constamment agrandi . Il faudra moins d'écoles, moins d’hôpitaux, moins de routes, moins de trains, etc. Les états frappés de ce déclin devront soit laisser à l'abandon certaines infrastructures, soit les démolir si ces infrastructures s’avèrent dangereuses, laissées comme telles. Le Japon constitue en ce sens un peu un laboratoire. Le Premier ministre japonais vient de faire un discours légèrement anxiogène en annonçant que son pays pourrait bientôt ne plus pouvoir fonctionner. Il s'agit là à mon avis d'un discours essentiellement tourné vers la population pour l'inciter à accepter une immigration importante, ce que les Japonais ont toujours refusé dans l'ensemble. S'il existe une immigration au Japon, elle est encore minime, très sélective et surtout centré sur Tokyo .

 

Les villages peuplées de poupées est-ce l'avenir du monde ?

 

Au Japon, l'on peut déjà voir des villages morts et dépeuplés. Ce n'est plus si rare. La région de Fukushima qui se remet peu à peu de la catastrophe du tsunami d'il y a dix ans et des conséquences sur la centrale nucléaire de la région souffre plus de la dépopulation japonaise que des radiations qui ont aujourd'hui un niveau normal. Si les gens ne reviennent pas dans la région en nombre, ce n'est pas seulement à cause de la peur des radiations, mais bien parce que le pays perd des habitants chaque année. Étiolant ainsi les candidats potentiels au repeuplement de cette très jolie région du Japon. Le plus frappant ce sont ces villages abandonnés où les habitants qui restent mettent des poupées en guise de peuplement, c'est assez glauque pour tout dire. Si comme en France certaines régions sont victimes de l'exode rural c'est bien la très faible fécondité qui accélère l'apparition de ces villages morts peuplés d'habitants en toiles et en tissu. Cependant si le Japon nous indique un peu l'avenir de l'humanité il ne faut pas oublier que ce pays est une grande puissance industrielle et exportatrice. Tout comme les Allemands les Japonais ont en partie compensé leur déclin intérieur par la demande extérieure. Il ne s'agit donc pas tout à fait encore d'une application du raisonnement de Keynes sur l'investissement et la croissance dans un pays à faible natalité.

 

L'effondrement démographique pourrait tuer le capitalisme

 

De fait, le commerce extérieur a longtemps constitué un exutoire à la problématique de la natalité . Et si les Allemands continuent dans cette voie sans issue, les Japonais semblent tout de même comprendre qu'il n'y aura pas d'échappatoire que ce soit par les exportations ou par l'immigration qui ne peut en aucun cas compenser le déclin très rapide de la population. La seule solution pour éviter de se retrouver en décroissance économique permanente reste la relance de la natalité, cependant il est déjà trop tard pour les trente prochaines années dans le cas du Japon. L'un des principaux effets de cet effondrement économique semble être un changement de rapport de force radical entre le travail et le capital. Emmanuel Todd a cité récemment une réflexion d'un économiste américain pour qui l'effondrement de la population active en Chine allait produire une forte inflation à l'échelle mondiale. Todd a vu dans le retour de l'inflation actuelle une validation de cette hypothèse. À titre personnel, je pense surtout que c'est la crise COVID et l'arrêt de nombreuses chaînes de production qui ont momentanément produit cette inflation. Celle-ci commence d'ailleurs à décroître, en Europe évidemment s'ajoute le gros problème du marché de l'énergie absurde et la crise en Ukraine qui nous a coupés de la Russie. Cependant, l'hypothèse est tout à fait plausible à moyen terme. La raréfaction des salariés en Chine pourrait vite produire une inflation mécanique à l'échelle du globe.

 

Keynes pensait qu'une très faible anticipation de croissance pousserait à un pessimisme tel que les investissements décroîtraient et produiraient ainsi un chômage massif. Mais ce que l'on observe au Japon est plutôt un manque chronique de main-d’œuvre. Encore une fois, le Japon ou l'Allemagne sont peut-être de mauvais exemple à cause de leur rôle d'exportateur dans un monde qui a encore de la croissance démographique pour un temps. Mais tout se passe comme si les acteurs économiques ne réduisaient pas à la mesure du déclin démographique les investissements. L'on pourrait dès lors se dire qu'à terme le capitalisme va avoir un énorme problème. Alors que Marx pensait que la révolution prolétarienne balaierait le capitalisme, il semble plutôt que ce soit par les berceaux que les exploités de la terre risquent de renverser le rapport de force avec le grand capital. On pourrait même supputer que c'est en partie à cause du ralentissement de la croissance démographique dans les années 70 que le capital européen, et américain, a cherché à travers la globalisation, et l'immigration de masse, une échappatoire au changement de rapport de force qui commençait à se faire jour à cette époque par l'inflation des salaires, et des prix.

 

Ainsi le monde de demain manquant en permanence de salariés verrait son capital sans cesse perdre de la valeur à cause de l'inflation permanente. Le fantasme de Silvio Gesell sur les monnaies fondantes dont nous avons parlé dans un autre texte pourrait devenir réalité dans un monde en décroissance démographique permanente. Mais cette hypothèse n'est pas la seule . Celle d'une société qui se déstructure progressivement et dans laquelle un vaste chômage de masse par manque d'investissement constant n'est pas à ignorer. Mais dans les deux cas, il semble que l'organisation de la société autour de la mécanique de l'intérêt et du capital perdra de sa substance. Des sociétés en déclin démographique permanent devront probablement changer de système économique pour survivre et pour revenir à terme à un certain équilibre démographique. Mais si sur le point économique nous allons voir d'immenses changements, il n'est pas certain qu'ils soient plus grands que les changements de rapports de force entre les nations. Nous français qui avons été la superpuissance de l'Europe pendant des siècles à cause de notre démographie, et qui avons perdu cela, nous le savons bien, les changements de rapport de force démographiques entraînent aussi de grands changements de rapport de force géopolitiques.

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23 janvier 2023 1 23 /01 /janvier /2023 20:49

 

Alors que la grande inquiétude depuis les années 60 a été la surpopulation planétaire, un phénomène qui avait même en son temps inspiré de grands films comme Soleil vert, il semble bien que le grand défi pour l'humanité dans le siècle qui vient soit en fait la dépopulation. Nous avons parlé récemment de la démographie française et les dernières nouvelles en la matière ne sont guère réjouissantes. En effet, le déclin de la natalité dans notre pays semble continuer, la France rejoignant ainsi le reste de l'Europe dans un suicide démographique irrémédiable. En pleine actualité sur les retraites, cette nouvelle devrait pourtant être beaucoup plus mise en avant. Car ce sont bien les naissances qui conditionnent à la fois la survie d'un peuple, mais aussi plus pragmatiquement celle de son système de retraite, quelle que soit sa forme. Mais si beaucoup de gens notamment à l'extrême droite semblent stressés par le déclin démographique des « blancs », on oublie généralement que la transition démographique n'est pas un processus propre à nos régions. Ce phénomène est parti de l'Europe de l'Ouest, de la France en particulier qui fut le premier pays à tomber en panne démographique avant même la Révolution française, mais il semble petit à petit s'étendre à l'ensemble de la planète, quel que soit le régime politique, la culture ou la religion des pays concernés.

 

Cela évacue du même coup les traditionnels arguments réactionnaires que l'ont entend si souvent en la matière. C'est la faute à l'avortement, à l'homosexualité, à la déchristianisation, etc. Vous connaissez la chanson. Non et il va falloir l'accepter, la démographie est indépendante de tous ces facteurs sinon il n'y aurait pas une évolution si semblable dans des pays si disparates. Prenez par exemple l'Iran, un pays qui fait la une de l'actualité avec ses révoltes de femmes ne voulant plus de l'autorité religieuse excessive. Et bien dans l'Iran des mollahs la natalité est à la l'européenne avec 1,7 enfant par femme. Étonnant, non ? Comme ça aurait pu dire notre regretté Pierre Desproges. Voici l'Iran réactionnaire qui est un état islamiste farouche, antiavortement, anti-pilule et anti-contraceptif, et bien sûr anti-relations sexuelles hors mariage, qui a pourtant une natalité identique à celle d'un pays comme la Suède qui est l'exact contraire en matière de mœurs. En termes de démonstration difficile de faire mieux. La vérité est ailleurs, la culture, la religion ont, semble-t-il, peu d'effet sur la natalité contrairement à ce que l'on pourrait croire instinctivement. En tout cas si ces facteurs ont pu jouer dans le passé il ne semble plus avoir la moindre incidence sur les peuples qui ont passé un certain stade éducatif et démographique.

 

Pour les démographes généralement c'est l'instruction des femmes qui jouent sur la baisse de la natalité. Plus l'instruction est avancée chez les femmes et mieux elles maîtrisent leur fécondité. La hausse du niveau d'instruction des femmes serait donc la cause principale de la baisse de la natalité. N'oblitérons pas non plus le fait que pendant un temps la baisse de la natalité qui a accompagné la forte baisse de la mortalité infantile fut une bonne chose. En Europe, nous avons eu la chance d'avoir une évolution de la natalité parallèle à la baisse de la mortalité infantile. De sorte que s'il y a bien une transition démographique et une expansion rapide au 19e et 20e siècle, elle n'a jamais atteint des proportions dangereuses pour la stabilité des nations. En Afrique, en revanche, le ciseau démographique a été particulièrement brutal. Une baisse extrêmement forte de la mortalité infantile accompagnée d'une baisse plus lente de la natalité y a entraîné la plus forte croissance démographique jamais vue dans l'histoire. Rendez-vous compte, en 1900 il y avait 80 millions d'Africains, en 2050 ils seront 2 milliards. Comme je l'avais écrit il y a quelques années, aucune nation ou organisation humaine n'aurait pu survivre et se développer dans de telles conditions. Même avec la meilleure politique du monde, il serait difficile de sortir un pays de la misère avec une croissance démographique naturelle de 3 ou 4% par an. Cela devrait disculper les coupables habituels de la misère africaine. Non les occidentaux ne sont pas vraiment coupables de la misère en Afrique, en dehors du fait qu'ils ont créé des états africains souvent artificiels. Mais les Africains non plus ne sont pas coupables de leur misère. C'est avant tout la transition démographique trop brutale qui a déstabilisé durablement le continent.

 

Un déclin démographique planétaire.

 

Mais en dehors du continent africain qui a toujours une natalité trop forte pour sa mortalité infantile, le reste de l'humanité semble rentrer dans un désert d'enfant assez avancé. Et d'abord chez les deux géants de la planète, les choses changent. L'Inde est désormais le pays le plus peuplé de la planète devant la Chine et les choses vont aller en accélérant. C'est probablement ce qui faisait dire à Emmanuel Todd que l'Inde serait la grande puissance du 21e siècle. Si je pense que ce pays finira effectivement par dépasser la Chine, il reste tout de même de grand défi économique dans ce pays qui reste globalement extrêmement pauvre. D'autre part, l'Inde comme la Chine connaît une natalité déclinante. Elle est à l'heure actuelle au taux idéal de stabilité soit 2,05 enfants par femme, mais on sait d'expérience que cela risque de vite tomber en dessous du seuil. D'autant qu'en Inde comme en Chine il y a eu le phénomène dramatique de féminicide infantile. En gros, les familles préférant avoir un garçon, elles avortaient lorsqu'elles savaient que l'enfant serait une fille. Un drame qui conduit à un déséquilibre du rapport numérique entre les hommes et les femmes qui rend nécessaire une plus grande fécondité par femme pour maintenir le niveau de la population.

 

Autre problème pour l'Inde, la natalité sur le territoire est très mal répartie . Signe d'un manque certain d'homogénéité des comportements et des cultures, ce qui n'est guère surprenant pour un pays qui est en fait composé d'une myriade de peuples, de langues et de cultures. Il y a quelque chose comme 230 langues en Inde, rien que ça. Quoiqu'il en soit dans certaines régions, la natalité est déjà très inférieure au seuil de reproduction avec 1,6 enfant par femme. Ce qui signifie que probablement le pays risque de tomber à terme dans les mêmes travers que ses voisins orientaux . Pour la Chine par contre c'est une certitude, le pays va perdre rapidement des habitants . Selon les estimations les plus pessimistes, la Chine pourrait ne plus compter que 600 millions d'habitants en 2100. Et cela pourrait être bien pire si elle suivait son voisin coréen qui connaît probablement la natalité la plus faible du monde avec seulement 0,8 enfant par femme. Ils sont carrément tombés en dessous d’un. Cela pose d'ailleurs question sur nos modèles de société. En effet, le voisin nord-coréen qui partage la même culture que le sud, mais pas du tout le même modèle économique connaît une natalité à 1,8 enfant par femme. À ce rythme la Corée du Nord va gagner son conflit avec le sud par simple abandon existentiel de la société capitaliste. Et que dire du Japon avec ses 1.34 enfant par femme, moi qui suis un grand adepte de l'animation japonaise depuis au moins trente ans, me voilà bien obligé de dire que le Japon va très mal en la matière. D'ailleurs au rythme où la natalité mondiale décroît, je pense qu'il va bientôt falloir troquer l'expression pyramide des âges par l'entonnoir des âges.

 

 

En Europe, vous connaissez la situation. Et pour dire que cela va mal, la France, malgré l'effondrement de sa natalité depuis les réformes des politiques familiales par Hollande en 2014, reste quand même le pays le plus fécond d'Europe avec 1.83 enfant par femme. L'Espagne est à 1,19 enfant par femme, l'Italie 1,24 et l'Allemagne à 1,53. Le désastre est tel pour l'Allemagne que ce pays fonce dans l'impasse migratoire. Il s'agit d'une impasse pour plusieurs raisons. D'abord l'immigration pose des problèmes d'intégration que l'on commence quand même à bien comprendre, même si beaucoup de gens continuent à nier les évidences. Ensuite, les immigrés ne collent pas forcément aux besoins de l'économie allemande sans parler du problème linguistique. Et enfin si l'immigration pouvait paraître rationnelle dans la France de 1875 alors qu'elle était le seul pays d'Europe à avoir ce problème, ce n'est pas la même chose quand tout le monde se met à manquer de main-d’œuvre. Imaginez si la seule Chine se met à faire de l'immigration de masse, elle pomperait à elle seule la totalité de l'immigration potentielle de la planète. La stratégie migratoire est donc un non-sens à long terme. Cela ne résout absolument pas le problème de fond tout en produisant au passage de nouveaux problèmes.

 

Passons rapidement à l'Amérique. Les USA qui ont longtemps fait semblant de maintenir leur niveau de natalité par le biais migratoire n'arrivent plus à faire illusion. En effet pendant longtemps les USA ont affiché une natalité à 2 enfants par femme contrairement à l'Europe des années 80 jusqu'aux années 2008-2009 . Malheureusement, la natalité a rapidement baissé depuis la crise des subprimes. Et il y a une raison simple, pendant toute la période 1980-2008, les USA ont vu leur déclin démographique compensé par l'immigration sud-américaine, particulièrement mexicaine. Or depuis la natalité des latinos a commencé à s'aligner sur la moyenne nationale faisant mécaniquement baisser la natalité US. Les WASPS qui sont à 1,6 enfant par femme depuis les années 80 sont maintenant rattrapés, si je puis dire, par les latinos. Du coup, la natalité moyenne aux USA n'est plus que de 1,6 enfant par femme. Alors on pourrait se dire quand même qu'il s'agit d'une bonne chose puisque cela pourrait signifier une intégration des latinos dans la société américaine. Mais il ne faut pas oublier que le Mexique voisin est aussi tombé à 1,9 enfant par femme. Il est donc bien dur de conclure qu'il s'agit là d'un signe d'assimilation. Les populations latinos ont peut-être simplement suivi l'évolution de leur pays d'origine. D'ailleurs, on constate que les asiatiques sont à 1,3 enfant par femme eux, autre signe de distinction ethnodémographique au pays des communautés fermées.

 

 

Finissons maintenant avec le sud de l'Amérique, là aussi la transition s'est faite. Le pays le plus peuplé du continent, le Brésil est tombé à 1,65 enfant par femme. Ce n'est pas si étonnant si l'on regarde la mère patrie qui a fondé ce pays, le Portugal qui est lui à 1,4 enfant par femme. Les autres pays d'Amérique du Sud semblent quand même plus résistants que les pays d'Europe du Sud dont ils sont proches culturellement . L'Argentine, pays qui connaît pourtant des crises économiques régulières et qui a comme population fondatrice en dehors des Espagnoles nombre d'Italiens, d'Allemands, et même de français, affiche un taux respectable de 2,25 enfants par femme. En fait en dehors du Chili et du Brésil, le continent sud-américain semble être la seule région du monde à avoir une démographie raisonnable. Ni trop forte, ni trop faible. Elle ne leur permettra pas cependant de compenser le déclin de leur voisin du nord ou d'autres régions du monde.

Fécondité en amérique du sud

 

Je vais arrêter ici cet inventaire démographique. Nous parlerons des conséquences macroéconomiques potentielles du déclin démographique planétaire dans la seconde partie.

 

 

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27 novembre 2022 7 27 /11 /novembre /2022 15:59

 

 

Nos députés de la NUPES viennent de faire de la communication pour intégrer l'avortement dans la constitution française. Quel combat vraiment ! Intériorisant totalement leur américanisation, voilà nos députés de la gauche pseudo-alternative se congratulant de l'intégration d'une loi que personne n'a jamais remis vraiment en cause depuis sa mise en place dans les années 70. Nos députés sans trop s'en rendre compte viennent de montrer une fois de plus l’américanisation avancée de notre société et de notre vie politique. Car c'est bien évidemment en réponse au changement du droit fédéral concernant les USA que cette loi a été prise. Comme si en France un parti politique voulait interdire l'avortement, même le RN ne le réclame pas.

 

Confondant la vie politique de leur pays avec celle de leur maître, les insoumis se sont pour le coup bien soumis à l'imaginaire Netflix de leurs électeurs moyens. Qui plus est, rappelons que s'ils peuvent modifier la constitution, rien n’empêcherait un autre gouvernement de la changer à son tour. Ce qui est dans la constitution n'est pas gravé dans le marbre pour le meilleur et pour le pire d'ailleurs. Combien de fois n'a-t-on pas changé la constitution pour de bas objectifs à court terme à l'image du quinquennat remplaçant le septennat, tout ça par calcul politique erroné chiraquien ? Combien de problèmes ce simple changement a-t-il produits d'ailleurs ? Faisant du président un super premier ministre. Bref, normalement la constitution française n'est pas faite pour recueillir les lubies du moment. C'est un texte qui doit être court et ne contenir que les termes qui organisent la structure du pouvoir politique. Une loi sur l'avortement n'a rien à y faire à mes yeux. Pas plus qu'une doctrine économique, ou une décision pour résoudre tel ou tel problème passager, ce n'est pas son rôle.

 

La première rupture la pilule et l'avortement

 

Si la question de l'avortement dans la constitution n'est pas a priori d'une importance vitale, le fait que l'on accorde cependant à ce droit une telle importance implique tout de même que cette question a du poids dans l'électorat et dans l'histoire récente de notre nation. Sur plusieurs plans. Tout d'abord, si cette thématique pèse autant signifie que les femmes ont aujourd'hui, et ce depuis les années 70, un poids croissant sur la politique. C'est ce qu'a brillamment montré Emmanuel Todd dans son dernier livre « Où en sont-elles ? » . Il montre en effet que les femmes, loin d'être soumises à un patriarcat, essentiellement fantasmé en Europe, sont surtout devenues largement dominantes en dehors du milieu des 3 ou 4% des populations les plus aisées. Partout ailleurs, les femmes commencent à dominer socialement et pour cause elles font désormais nettement plus d'études que les hommes. Le rapport de force économique est de plus en plus défavorable aux hommes. La désindustrialisation a frappé plus durement les hommes que les femmes en favorisant les emplois tertiaires où les femmes trouvent plus facilement à s'employer. Todd a d'ailleurs fait cette excellente remarque sur le fait que l'hypermasculinisme des sociétés industrielles d'Asie ou d'Europe de l'Est provient probablement en partie de la spécialisation économique de ces régions où l'industrie d'exportation vers l'occident pèse énormément. À l'inverse la surféminisation de nos sociétés n'a été possible que grâce justement à la globalisation et aux délocalisations de l'industrie. Tout ce passe comme si en spécialisant à outrance les nations, la globalisation avait aussi affecté les relations humaines internes à ces sociétés, y compris les relations homme-femme. La progression simultanée du superféminisme et du masculinisme n'étant pas le produit d'un hasard, mais d'un processus économique. À cela s'ajoute le fait que le rapport de force tout en haut de l'échelle social n'est pas encore favorable aux femmes, provoquant un certain agacement chez les femmes des catégories supérieures. Le mouvement MeToo fut en quelque sorte un indice de cet agacement social particulièrement tourné vers les hommes à haut niveau de revenu.

 

Ensuite, cette question de l'avortement a de l'importance parce qu'elle a accompagné ce que l'on peut dire être la plus grande rupture anthropologique de l'histoire humaine jusqu'à présent. L'avortement couplé à la pilule a constitué la grande rupture du 20e siècle même si l'on pense généralement qu'elle n'est que l'une des ruptures de ce siècle agité. Car pour la première fois dans l'histoire humaine on ne fait plus des enfants par hasard, mais parce qu'on le veut vraiment . Il ne s'agit pas de dire ici qu'il n'y a jamais eu de contrôle des naissances avant ça. Le simple fait que la natalité française ait baissé précocement dès le 17e siècle prouve que c'était déjà possible. Mais les méthodes anciennes avaient des défauts, elles n'avaient pas la précision d'horloger des méthodes modernes. Et il s'agit là vraiment d'une rupture anthropologique qui a eu des bons, mais aussi des mauvais côtés. D'un côté elle a permis aux familles d’accroître leur niveau de vie et d'améliorer le niveau de capital par tête investi. L'amélioration du niveau de vie est liée au progrès technique, mais aussi au contrôle des naissances. On le voit en particulier avec le décollage de la Chine qui a accompagné la transition démographique.

 

Le mauvais côté c'est que maintenant il faut vouloir des enfants pour en avoir. Or comme à chaque fois la somme des intérêts individuels ne forme pas l'intérêt général même s'ils peuvent parfois coïncider. Ce faisant, la natalité générale dans les pays avancés est tombée beaucoup trop bas. Faire converger les choix individuels avec les contraintes collectives semblent nettement plus compliqués qu'on ne pouvait le penser au début de la transition démographique. Dans les années 60-70 les démographes pensaient que la natalité convergerait naturellement vers 2 enfants par femmes une fois la transition achevée. Pourtant les faits aujourd'hui disent que la plupart des pays seront très en dessous de 2 avec même moins de 1 enfant par femme dans certains pays d'Asie. Comme en économie, il n'y a aucune raison pour les gens choisissent spontanément ce qui est dans l'intérêt de la société. On n'a pas d'enfants pour garantir la stabilité démographique du pays. On a des enfants parce qu'on a envie d'en avoir avec la personne avec qui on partage notre existence. Il y a tout un faisceau de contraintes , d'idées, de croyances qui vont faire qu'une personne aura ou non des enfants.

 

On voit bien ici l'extrême importance de l'avortement et de la pilule qui ont profondément modifié nos sociétés sur le plan humain, mais aussi économique et géopolitique. Car les pays qui vont perdre des habitants se retrouvent en position de faiblesse par rapport aux sociétés plus dynamiques sur le plan démographique. Une partie de l'inquiétude vis-à-vis de l'immigration est d'ailleurs le résultat de ce changement de rapport de force entre les peuples. Rendez-vous compte, quand la France a quitté l'Algérie, elle n'avait que 8 millions d'habitants et la France près de 50. En 2050 l'Algérie sera pratiquement aussi peuplée de la France . Quand Dutronc chantait sa chanson en 66 impliquant les Chinois, ils n'étaient effectivement que 700 millions, ils sont 1,4 milliard aujourd'hui et ils ne seront peut-être plus que 700 millions à nouveau à la fin du siècle, mais avec beaucoup plus de vieux. Il n'y a vraiment pas eu de chamboulement plus important dans l'histoire humaine récente que les effets produits par la pilule et l'avortement.

 

La seconde rupture, l'utérus artificiel.

 

 

Je parle particulièrement de la Chine parce que c’est là-bas que l'histoire du monde s'écrit aujourd'hui. D'une part parce que c'est là que la technologie et les sciences vont le plus vite, mais aussi parce que c'est là que les contradictions du progrès se font le plus sentir. Et je crains qu'une prochaine rupture anthropologique encore plus violente que celle de la pilule et de l'avortement ne se produise bientôt là-bas. En effet, la Chine a émis l'idée, qui semble folle pour l'instant, de développer l'utérus artificiel pour l'être humain. Vous avez bien lu, l'info date du début de l'année, mais n'a, semble-t-il, pas fait beaucoup de bruit. On sait depuis quelque temps que la technologie est déjà au point pour les mammifères. Cette technologie existe déjà depuis 2017 pour les moutons aux USA. Bien sûr pour l'instant il s'agit de sauver des prématurés et il est clair qu'au début cette technique servira d'abord à corriger des problèmes et à aider des couples qui ont des problèmes pour avoir des enfants dans des conditions normales. Mais à long terme ne va-t-on pas vers une mécanisation pure et simple de la reproduction humaine ?

 

Et la question se pose d'autant plus fortement que comme je l'ai dit précédemment tout se passe comme s'il y avait une incompatibilité intrinsèque de la liberté absolue de choisir si l'on veut des enfants ou pas et l'intérêt général, qui exige à minima un certain équilibre démographique. S'il n'y avait pas de risque d'effondrement démographique pour certaines nations, je ne serais pas si inquiet. Mais quand on voit la démographie chinoise, japonaise, coréenne ou plus près de chez nous polonaise, allemande ou italienne, ces nations ne seraient-elles pas tentées un jour par la production de citoyens en cuve ? Pour l'instant évidemment ce n'est que supputation, mais si la technique le permet je doute franchement que certaines nations hésitent longtemps. Cela pose alors la question des conséquences à plus ou moins long terme. Quel serait le rapport à la vie d'une population qui naîtrait sans véritables parents ? On pourrait imaginer des fonctionnaires élevant collectivement des enfants nées en cuves et rémunérer pour le faire . Quid du rapport entre ces êtres et le reste de la population ? Quid des effets à l'échelle mondiale ? Si d'un seul coup une nation comme la Chine régénère sa démographie et reprend un esprit de conquête avec ces citoyens produit à la chaîne, les autres nations ne vont-elles pas suivre à contrecœur, juste pour ne pas être écrasées ? Si la pilule et l'avortement ont été les éléments moteurs des grands changements géopolitiques et économiques du 20e siècle, il y a fort à parier que l'utérus artificiel sera celui du 21e pour le meilleur, mais aussi pour le pire je le crains. La contradiction entre intérêt général et collectif risque de nous pousser petit à petit vers des sociétés dystopiques du type « Bienvenue à Gattaca ». Bernard Maris lui-même s'en inquiétait dans son antimanuel d'économie, regardant les insectes collectifs, il y voyait notre avenir. Après tout, les insectes sont arrivés bien avant nous dans l'évolution et l'évolution ultime dans l'efficacité énergétique et productive c'est la ruche ou la fourmilière.

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19 octobre 2022 3 19 /10 /octobre /2022 19:19

 

Si l'on parle généralement d’économie sur ce blog, vous savez bien pour ceux qui me suivent depuis longtemps qu'il m'arrive souvent de discourir de thématiques différentes. Et s'il y a bien une thématique importante, c'est bien celle de la démographie. Cette dernière bien qu'étant une thématique de plus long terme et lente par ses effets à se faire sentir, elle n'en reste pas moins le cœur du destin d'un peuple, d'une histoire, d'une civilisation. C'est pourquoi j'y reviens souvent et puis l'un de mes plus grands inspirateurs intellectuels à savoir Emmanuel Todd est lui-même démographe et anthropologue.

 

Les démographes sont d'ailleurs assez catégoriques depuis quelque temps en la matière. Si la France faisait figure d'exception en matière de démographie en Europe, et ce à cause d'un maintien relativement élevé de naissance proche du seuil de renouvellement à environ 2 enfants par femme. Et cela était relativement vrai même s'il est évident que l'immigration a quand même déformé pas mal cette réalité. L'exception est aujourd'hui terminée. La natalité s'est effondrée comme on le voit ici avec la pyramide des âges la plus récente. Rappelons tout d'abord que La France est un pays qui connaît un déclin démographique relatif depuis très longtemps. Alors que la France a longtemps été un géant démographique à l'échelle de la planète depuis le 18e siècle, elle n'a cessé de péricliter. Car nous avons été la première nation du monde à traverser les tourments de la transition démographique. Et le fait que la France plonge à nouveau dans le déclin de la natalité n'est guère encourageant pour le destin planétaire. Si un pays comme la France qui a commencé sa transition démographique il y a presque 300 ans n'arrive toujours pas à revenir à une démographie raisonnable qu'adviendra-t-il de la démographie planétaire lorsque tout le monde aura fait sa transition ? Nous avons bouché les trous par l'immigration, mais d'une part celle-ci devient de plus en plus problématique à intégrer, mais en plus, à l'échelle mondiale, une fois la transition passée, il n'y aura plus de réservoir pour boucher les trous. Peut-être serait-il quand même temps de se demander pourquoi les peuples ne font plus assez d'enfants une fois la transition passée. Sans une démarche nataliste vigoureuse, il y a fort à parier que l'humanité se dirige tout droit vers une dépopulation massive et rapide comme cela commence déjà sur plusieurs continents, dont bien sûr le notre .

Hollande a réussi à casser définitivement la démographie française

 

 

Pour en revenir à notre nation il faut bien comprendre qu'après guerre la France avait résolu en partie ce problème. Les dirigeants français ayant vécu la Première Guerre mondiale et la seconde ont bien compris que le déclassement français avait principalement pour cause un siècle de stagnation démographique et de natalité en berne. C'est pourquoi les politiques familiales en partie mises en place par Pétain vont quand même être gardées au sortir de la guerre par le Conseil national de la résistance et par le général de Gaulle. Malgré les changements de groupes politiques dominant, à partir de 1932 et de la loi Landry, la France va constamment faire une politique nataliste ni le Front populaire, ni Pétain, ni le CNR, ni de Gaulle ne vont remettre en question les politiques familiales. C'est cette constance dans le temps qui va permettre un vrai redressement progressif. Mais la première coupure avec la nouvelle direction prise sous Giscard alors ministre des Finances. Sous sa direction les allocations familiales ne suivront pas l'inflation d'alors et perdront du poids relativement au coût de la vie. Quand vous avez une forte inflation, le simple gelé des budgets équivaut à une réduction budgétaire de fait. Giscard assénera un second coup aux allocations par la mise en place des premières politiques familiales sous condition de ressources. Il fit rentrer le ver de la redistribution dans la politique familiale, ce qui aura pour conséquence à long terme l'abandon de la politique familiale jusque là pratiqué.

 

 

Jusque là l'intelligence de la politique familiale française fut de différencier les politiques de redistributions qui passaient par l'impôt, des politiques familiales. La grande bêtise de la gauche est de n'avoir pas compris qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une injustice. L'objectif d'une politique familiale correctement pensée est de faire en sorte que les couples n'aient pas une impression de déclassement sociale lorsqu'ils ont un enfant. En concentrant les politiques familiales sur les plus pauvres, vous concentrez également la fécondité chez ces populations et vous laissez les classes moyennes et riches réduire leur fécondité. Mieux vaut passer par l'impôt pour combattre les inégalités, mais bien sûr c'est beaucoup moins facile à vendre aux électeurs, y compris de gauche.

J'avais annoncé en 2014 dans un texte que la nouvelle politique familiale de François Hollande allée produire un désastre, et cela n'a malheureusement pas manqué. Alors que la natalité française avait résisté à la crise financière de 2008 en se maintenant, notre natalité est désormais inférieure à 1,8 enfant par femme en métropole sachant que le simple renouvellement des générations nécessite 2,05 enfants par femme environ. Et sur les graphiques la responsabilité de la mise sous condition de ressource des allocations familiales est clairement évidente, la rupture date de 2014 . Et pire que ça, maintenant on sait maintenant que la mortalité infantile augmente, ce qui va aggraver encore plus la situation à terme. Ce simple fait est d'ailleurs passablement inquiétant sur l'état réel du pays . Loin des statistiques du chômage complètement pipées ou des taux d'inflation calculés à la truelle par l'INSEE pour éviter d'effrayer la population, le taux de mortalité infantile est un indicateur assez fiable de la réalité sociale française. Rappelons qu'Emmanuel Todd avait prévu l'effondrement de l'URSS rien qu'avec cette donnée.

 

L'effet Hollande

 

Je sais qu'il est coutume aujourd'hui de vouloir faire du malthusianisme caricatural en prétendant sauver la planète en ne faisant pas d'enfant. Sachez simplement que la démographie en Europe est déjà largement en déclin . C'est la même chose en Corée , aux USA ou au Japon. La Chine va bientôt subir les effets d'une natalité à 1,4 enfant par femme. Il faut bien comprendre que les effets d'une natalité très faible mettent plusieurs décennies à se faire sentir, mais qu'une fois en place les effets sont brutaux et implacables. Le pauvre Japon déclinant même s'il est un pays formidablement organisé avec une population à très haut niveau d'instruction ne va pas pouvoir empêcher son déclin dû à une natalité beaucoup trop basse. Et c'est autant d'ingénieurs, de scientifiques, de chercheurs de haut niveau dont nous aurions bien besoin qui ne seront pas nés pour résoudre nos problèmes techniques et écologiques. Ne pas vouloir une expansion sans fin de l'espèce, pourquoi pas ? Mais on est plus au stade de la surpopulation. En dehors de l'Afrique noire, la natalité mondiale est au seuil de reproduction. Dans les grandes villes d'Inde, la natalité est déjà en dessous du seuil de renouvellement. Ce qui veut dire que l'Inde et la Chine, qui représentent à elles seules la moitié de l'humanité, sont déjà sur une pente descendante. Et la pente sera d'autant plus rapide que ces pays ont aussi un problème de surmasculinité dans les naissances lié aux absurdes traditions locales favorisant les garçons dans les naissances.

 

Nous ne sommes plus dans les années 60 où l'on pouvait craindre, il est vrai, une démographie étouffante pour la planète. Ce n'est pas vers soleil vert que l'on se dirige, mais vers un monde sans humain dépeuplé. Notre pays à une place de choix dans cette histoire, car il est précurseur dans la maîtrise de la natalité. En un sens, le destin démographique de la France nous montrera si la rationalisation de notre reproduction à travers le contrôle des naissances a un avenir ou s'il va conduire l'espèce à une simple extinction de masse . Ce qu'il y a de certain c'est que les politiques à courte vue comme celle de Hollande, aussi stupide en démographie qu'il l'a été en matière d'énergie, seront notre tombeau. Il est temps de remettre de la perspective et de la stratégie de long terme dans les politiques de l'état français, loin des modes du moment médiatique.

 

 

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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 22:13

 

L'on voit poindre ces derniers temps des textes qui lient la faiblesse de la croissance à la seule question démographique. C'est particulièrement vrai sur le site lesakerfrancophone.fr que personnellement je n'apprécie guère pour plusieurs raisons. Il n'est pas ici question de faire le procès de ce site qui après tout ne fait que donner son opinion sur divers sujets qui concernent les questions économiques ou politiques comme je le fais moi même. Mais il faut cependant bien voir que ce site tire ses analyses de la version américaine, qui elle-même est une représentante du courant libertarien américain. Un courant de pensée pour lequel je n'ai guère d’appétence et qui par certains côtés s'avère encore plus dogmatique et réactionnaire que les néolibéraux . Il faut bien voir que le courant libertarien voue par exemple un culte à l'écrivaine Ayn Rand qui était quasi explicitement une darwiniste sociale. Les pauvres sont pauvres parce qu'ils le méritent et il est anormal de faire une politique d'éducation publique. L'éducation devant être réservée aux gens supérieurs qui ont les bons gènes. Je crois important de rappeler ce qu'est le courant libertarien tant je vois l'influence qu'il commence à exercer chez certains de mes compatriotes surtout chez les prétendus nationalistes. Le darwinisme social ou l'eugénisme sont, je crois, particulièrement étrangers à la culture française et j'aimerais bien que cela le reste à titre personnel. Le mythe du marché totalement dérégulé qui fonctionne tout seul comme par magie grâce à la sainte loi de l'offre et de la demande atteint chez les libertariens des sommets d'absurdité.

 

 

Il arrive bien sûr aux libertariens de dire des choses raisonnables et vraies parfois bien évidemment, mais c'est souvent pour de mauvaises raisons. Il paraît que cela arrive même à Macron de temps en temps. Je me bornerais donc ici rapidement de répondre à la question que ce texte des Saker sur le lien entre la croissance et la démographie. Pour l'auteur de ce texte, Chris Hamilton, la fin du monde arrive donc en 2020. Pardon, je voulais dire la fin de la croissance de la population chez les pays qui consomment le plus et donc la fin de la croissance économique tout court. C'est ma foi aller un peu vite en besogne et grandement simplifier le rapport entre la démographie et le développement économique qui n'est pas si simple qu'un produit en croix puisse le résoudre. Tout d'abord, le premier économiste moderne à vraiment avoir abordé le sujet de façon sérieuse fut Keynes, grand ennemi des libertariens et des apôtres du libéralisme. Il faut relire sa Lettre à nos petits-enfants qui résume ce lien entre la démographie et le progrès économique. Si la croissance économique est effectivement en partie le fruit de la croissance de la population, elle est aussi le fruit des gains de productivité et de la hausse du revenu qu'ils permettent. Au demeurant, monsieur Hamilton fait dans son texte une preuve de son adhésion à l'idéologie libertarienne par cette formule : « Penser qu’une plus grande productivité ou l’innovation peut créer une plus grande activité économique n’a pas de sens dans un contexte de dépeuplement. Les diminutions indéfinies du nombre de consommateurs par opposition aux augmentations indéfinies de la capacité ne font que créer une surcapacité et une déflation toujours plus grandes. » En lisant cette phrase, je me suis demandé si l'auteur comprenait bien le sujet dont il traite.

 

Ce monsieur nous explique en gros que le progrès technique n'améliore pas la richesse globale. C'est d'une bêtise sidérante si je puis me permettre. En réalité, c'est seulement la hausse de la productivité du travail qui permet l'amélioration du niveau de vie. Il y a ici une confusion entre la croissance globale qui inclut l'effet croissance démographique et l'effet hausse des salaires avec celle de la productivité et le seul effet de la croissance démographique. Or comprenons-nous bien, la seule croissance intéressante c'est la croissance produite par la hausse de la productivité et le progrès technique. Doubler le PIB du pays en doublant sa population ne fait pas de votre pays un pays plus riche par tête . Le niveau de vie reste exactement le même. Certes, vous êtes plus gros et vous pouvez jouer les gros bras avec vos voisins, mais vous n'êtes pas plus riche. Par contre, maintenez donc votre PIB en diminuant de 20 % votre population et votre PIB par tête aura augmenté de 25 % CQFD. Évidemment tout ceci n'est pas aussi simple. Il est vrai que les investisseurs anticipent l'évolution du marché pour faire leurs investissements. Et dans un pays avec une tendance déclinante sur le plan démographique, ils auront naturellement tendance à diminuer leurs investissements. Mais c'est là qu'il faut bien comprendre la Macroéconomie et les propos de Keynes sur la question qui reste toujours infiniment plus intéressante que les divagations libérales sur le marché libre.

 

Quand Keynes écrit son texte « Quelques conséquences d'un déclin de la population », il s'intéressait sur les effets à long terme d'une baisse de la population sur le comportement macroéconomique général. Loin de faire un mauvais procès à Malthus, il en a fait un certain éloge rappelant d'ailleurs que Malthus n'avait pas seulement critiqué la croissance trop rapide de la population, il a également à la fin de sa vie reconnu qu'un déclin démographique pouvait être tout aussi redoutable. Comme beaucoup de choses en ce bas monde il vaut mieux choisir la voie de la modération, ce n'est pas un hasard si mon blog s'appelle le bon dosage après tout. Pour Keynes la croissance démographique ce n'était pas forcément quelque chose de souhaitable. Il pensait même qu'une légère baisse pouvait permettre d'améliorer plus rapidement les conditions de vie de la population sans pour autant tomber sur des natalités extrêmes comme certains fous nous le proposent chez les écologistes extrémistes. Mais cette amélioration du niveau de vie par la légère baisse de la population n'est possible que si certaines conditions sont réunies. Et ces conditions ne sont justement pas remplies dans le cadre du laissez-faire libéral justement. D'où probablement l'inquiétude de notre ami libertarien qui vient de s’apercevoir que le déclin démographique condamne définitivement le libre marché et ses dogmes.

 

En effet la croissance économique produite par la hausse permanente de la population permet au marché libre de se réguler d'une certaine façon par le simple effet de redressement que constitue l'augmentation permanente de la demande par la hausse de la population. Dans ce cadre optimiste sur le plan démographique même si le marché fait n'importe quoi comme à son habitude ses craquements seront finalement corrigés par la hausse de la demande produite par l'effet démographique. Même si les salaires et les investissements baissent sur une période postérieure à un craquement de bulle l'effet démographique permettra au marché de se redresser naturellement. Bien sûr, on ignore ici la catastrophe que représente pour des millions de personnes le fait de perdre leurs emplois et de mourir de faim, mais l'on se place du côté de l'idéologue libéral et darwiniste. L'important c'est que finalement le marché se remet à fonctionner grâce à la béquille démographique. Or que se passe-t-il si cette béquille disparaît ? C'est simple, le marché ne remonte jamais. Pire que ça, les entrepreneurs nourrissent la dépression en réduisant leurs investissements et en licenciant. C'est la fameuse formule de Keynes "Demain nous serons tous morts". On notera tout de même que même avec sa béquille démographique le marché fonctionne extrêmement mal en produisant d'énormes gaspillages, des inégalités, sans parler du chômage structurel. Les USA des années 30 avaient beau avoir une forte croissance de la population, l'économie n'a réellement redémarré qu'avec le New Deal, puis la guerre qui permit politiquement à Roosevelt de faire des plans de relance à la mesure de la crise de surproduction.

 

Plus la démographique chancelle, moins il faut d'inégalités.

 

L'on voit donc que la croissance démographique n'est pas la panacée universelle que décrit notre économiste libertarien ici. Et puis rappelons que l'Afrique a une croissance économique relativement faible alors que sa démographie est galopante ce qui explique d'ailleurs en grande partie la situation déplorable du continent. La Croissance par tête n'augmente pas assez vite pour sortir le continent du sous-développement. J'avais parlé du lien entre développement et croissance démographique dans un texte en 2017 d'ailleurs. Pour en revenir à notre sujet, l'on voit bien que le déclin démographique est un problème pour une économie fondée sur le marché libre et dérégulé. Enfin si tant est que l'on puisse penser qu'un tel modèle économique fonctionne réellement . Je rappelle comme je l'ai dit dans un précédent texte que le monde magique de l'économie autorégulé n'a fonctionné en apparence depuis quarante ans que grâce aux endettements publics, privés et à l'accumulation de dettes extérieures de certains pays. Si de tels endettements n'avaient pas existé, la crise des années 70 aurait fabriqué la plus longue dépression de l'histoire. La situation actuelle est donc un retour à ce tournant des années 70 qui n'avait en fait aucun rapport apparent avec la démographie puisque les pays développés de cette époque étaient encore avec une croissance démographique importante. C'est avant tout par idéologie que l'occident s'est suicidé pour le dogme du marché libre.

 

Quoi qu'il en soit l'effet dépressionnaire du déclin démographique est évident, mais comment le combattre ? Et bien c'est simple, pour éviter de voir la demande s'effondrer il faut augmenter la consommation par tête pour compenser la baisse du nombre d'habitants. Et pour augmenter la consommation par tête, il faut augmenter en partie les salaires. C'est-ce qu'avait bien compris Keynes, lorsqu'il prévoyait qu'à terme, le déclin démographique couplé à l'économie régulée d'après-guerre, condamnerait à mort les rentiers. Et c'est probablement ce changement dans le rapport de force entre salariés et rentiers provoqué par le changement démographique qui a favorisé en partie la globalisation. L’occident utilisant l’expansion démographique du reste du monde pour empêcher une redistribution trop favorable aux salariés contre les intérêts des rentiers. On a là peut-être le motif principal de la globalisation des années 80-90 dont on paie le prix aujourd'hui. Alors vous allez me dire pourquoi donc seulement augmenter les salaires? En augmentant les revenus des plus riches, on augmente aussi la demande non ? Et bien l'expérience montre que la propension à consommer est d'autant plus forte que vous êtes pauvres. Plus vous êtes riches et plus vous épargnez une part importante de vos revenus. Au point que distribuer de l'argent aux milliardaires revient directement à augmenter l'épargne du pays, ou l'évasion fiscale dans un régime de libre circulation des capitaux . D'où ce que l'on doit penser des imbéciles qui croient relancer la demande en diminuant les impôts des plus riches n'est-ce pas Emmanuel ? Évidemment cette nouvelle épargne n'est pas investie puisque la demande est faible. Comme la demande pilote l'investissement, croire qu'on va relancer la croissance en augmentant l'épargne des plus riches est simplement stupide. Il faudrait être idiot pour investir quand on ne voit pas comment cet investissement pourrait nous rapporter de l'argent. Donc ce lien entre le niveau de consommation et le niveau de richesse est assez logique en fait. Même en supposant que les appétits des humains puissent être sans fin un riche ne mangera jamais deux steaks lorsqu'un seul lui suffit à se rassasier même si ce steak est d'extrême qualité et très coûteux.

 

L'on voit donc que d'un point de vue technique pour compenser la baisse de la demande provoquée par la contraction de la population il faut augmenter les bas salaires et réduire les inégalités du pays. Faire une politique de grands travaux pourrait aussi être imaginable, mais ce n'est valable que pour les pays moins avancés et ayant un gros besoin d'infrastructures, pas pour les pays avancés. C'est formidable non ? Pour résoudre notre problème économique, il faut donc faire en sorte que nos pays soient moins durs avec les plus faibles. C'est formidable, mais c'est aussi terrifiant à la fois. Parce que ces quarante dernières années l'occident et les pays développés on fait exactement le choix inverse avec la mondialisation. L'exemple le plus frappant est le Japon qui a continué à participer à la globalisation en tirant ses salaires vers le bas ce qui explique en grande partie sa faible demande et sa déflation aggravant par la même sa situation démographique. En effet, les jeunes Japonais n'ont pas les moyens de fonder une famille pour une grande partie d'entre eux. Beaucoup de jeunes très diplômés ont des salaires de misère à 800 euros par mois. Et cela en travaillant très dur avec des heures invraisemblables. Le Japon est l'un des pays de l'OCDE où le coefficient de Gini s'est le plus dégradé depuis les années 90 . Il n'y a pas de mystère dans la faiblesse de la natalité nippone. C'est d'autant plus grave que le pays a un système scolaire totalement privé et très coûteux.

 

Le seul moyen d'affronter la crise démographique sera donc de mettre fin à l'idéologie du libre marché . Le libre-échange qui tire les salaires vers le bas aggrave considérablement la crise en empêchant justement une redistribution de la rente vers le travail. En prenant un tournant franchement inégalitaire, l'occident ne s'est absolument pas préparé à la crise démographique. Bien au contraire, il a optimisé ses chances de fabriquer une très grande récession et une déprésession en ce sens je rejoins l'auteur libertarien sur les conséquences. Mais des solutions existent. Bien évidemment l'on ne saurait également ignorer que la méthode keynésienne n'a de sens que pour une démographie raisonnablement en baisse. Une natalité comme celle de Hong Kong à 1 enfant par femme rend impossible tout politique économique raisonnable. Comme je l'ai dit précédemment, il faut garder à l'esprit qu'il faut un certain sens de la mesure. Un pays connaissant un tel déclin démographique doit tout mettre en œuvre pour relancer sa natalité et revenir au moins à 1,7 1,8 enfant par femme. Limite basse d'une gestion économique raisonnable à terme. Une démographie à un enfant par femme ou moins condamne à la disparition pure et simple du pays en quelques générations seulement. On est plus là sur une question économique.

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28 mai 2017 7 28 /05 /mai /2017 00:12

 

Nous allons aborder un thème un peu différent même si cette question peut présenter quelques intérêts pour les questions de politiques générales. Cette question est celle de la démographie et plus exactement celle du lien qui existe entre le développement économique et l'évolution du développement d'une nation. C'est une thématique sulfureuse, plus qu'on ne peut le croire parce qu'elle induit tout un tas d'idées reçues et de précarrés idéologiques. La campagne présidentielle qui a tourné en une avalanche de points Godwin montrant sous forme caricaturale à quel point il est difficile de parler sereinement de certains sujets sans être victime d'anathèmes et de raccourcis. Et s'il y a bien un sujet sulfureux, c'est bien celui de la démographie. Outre que la question démographique est liée à la question de l'immigration, elle a aussi un lien indubitable avec le développement humain. Mais il est difficile de parler de cela sans tomber sur des caricatures qui vont de l’expansionnisme sans fin, de certains extrémistes religieux, aux décroissants compulsionnels adeptes de quelques pages mal digérées de Thomas Robert Malthus. Décroissant pour qui l'avenir de la terre repose sur la disparition du plus grand nombre d'humains possible.

 

La vérité est bien évidemment beaucoup plus nuancée, mon blog ne s'appelle pas le BonDosage pour rien après tout. Tout d'abord, revenons à une évidence toute simple que Keynes avait déjà fait remarquer à ses lecteurs dans les années 30. Il y a bien un lien direct entre la croissance économique en volume et la croissance de la population. À niveau de vie constant, la simple augmentation de la population conduit à une croissance économique. L'augmentation des besoins et du nombre de travailleurs disponibles permettant de faire croître l'activité humaine et donc la richesse collective. Ce raisonnement est tout à fait vrai et peut se vérifier dans les données statistiques. Encore faut-il bien évidemment que cet accroissement de population soit réellement utilisé à son plein potentiel. Là se joue la question des structures économiques du pays en question. Si l'accroissement de la population peut se voir comme un enrichissement, il ne faut pas oublier que pour que cet enrichissement collectif soit pleinement établi il y a des conditions minimales pour y parvenir. Dans les pays avancés, le niveau d'investissement par tête et par emploi est très élevé. Cela signifie que pour qu'un travailleur soit réellement productif il doit avoir reçu un capital très élevé au préalable, bien plus que dans un pays peu développé.

 

Ce capital n'est pas uniquement une question d'investissement économique direct, c'est aussi tout ce qui tourne autour de l'éducation, des services publics, des services de santé, les infrastructures, du niveau d'investissement productif des entreprises, des infrastructures, etc.. Tout ce qui participe de la hausse générale du niveau de productivité d'une nation. Négliger cet aspect c'est ignorer les contraintes mêmes du développement qui explique en partie la baisse de la fécondité dans les pays qui se développent justement. Si la baisse de la natalité ne résout pas tous les problèmes, elle permet cependant d'augmenter le niveau d'investissement par tête et peut potentiellement accroître le niveau de productivité d'un pays. L'on a souvent souligné le lien qu'il y avait entre le développement économique d'un pays et la transition démographique, c'est extrêmement simple à comprendre. Au milieu de la transition lorsque la natalité a baissé depuis une vingtaine d'années, la population d'actifs potentiels se met à croître plus rapidement que les inactifs, les très jeunes étant moins nombreux proportionnellement. Ce phénomène favorise naturellement la croissance économique et l'augmentation du capital par tête. Ces bénéfices restent jusqu'à ce que la transition passe au vieillissement de la population. Alors les vieux augmentent plus vite que les jeunes en nombre absolu, la plupart des pays développés en sont à ce stade.

 

L'on voit tout de suite dans ces raisonnements pourquoi certains pays n'arrivent pas à se développer. Comme je l'ai dit pour que la croissance économique soit réelle il faut que la croissance par tête augmente. Et cette croissance n'est possible que si la croissance démographique n’excède pas la croissance de la population. Paul Bairoch est l'un des économistes à s'être le plus penché sur les questions du lien entre le développement humain et la croissance économique. Il en avait déduit qu'une croissance naturelle de la population très supérieure à 1 % par an empêcherait une croissance économique réelle. Car le capital du pays ne pourrait pas s'accumuler à un rythme suffisant pour faire croître réellement le niveau de vie global. L'on comprend mieux ici les difficultés de l'Afrique subsaharienne où certains pays croissent encore à plus de 3 % par an. Même avec la meilleure politique du monde ces pays ne pourraient pas sortir de la misère avec ce rythme de croissance démographique. Pour vous donner une idée dans un pays comme le Bénin près de la moitié de la population a moins de 15 ans. De combien faudrait-il augmenter le budget de l'éducation nationale en France pour maintenir le niveau d'investissement par tête avec une pyramide des âges comme celle du Bénin ? Sachant qu'en France les moins de 15 ans font à l'heure actuelle 18,3 % de la population. Et bien il faudrait multiplier le budget de l'éducation nationale par 2,3 environs. Et cela en prenant en compte le fait que la base d'actif serait fortement réduite puisque la population en âge de travailler est bien moins nombreuse. Vous comprenez mieux le problème non ? Sans un contrôle des naissances, il ne peut pas y avoir de développement tout court.

 

La démographie et la civilisation de l'épuisement

 

Tout ceci exclut les questions de la potentialité de la croissance. Une croissance économique est liée au modèle économique, et à l'évolution démographique, mais aussi aux contraintes en ressource naturelle. Pour ce qui est de l'immigration, elle est effectivement le seul facteur qui puisse permettre une croissance plus forte avec peu d'investissement. C'est d'ailleurs pour cela que les capitalistes adorent l'immigration. En effet comme je l'ai déjà expliqué dans un texte nous vivons dans ce que l'on pourrait appeler une civilisation de l'épuisement. Contrairement aux civilisations classiques, qui se maintenaient sur une longue durée et avait appris à renouveler leur biotope humain et économique. La civilisation de l'épuisement par contre ignore parfaitement les contraintes de long terme pour se focaliser sur l'immédiat. Dans ce sens, la formation professionnelle, l’instruction, l'investissement productif à retour long ou même la simple reproduction de la population sont autant de choses que nos sociétés rejettent parce que c'est coûteux dans l'immédiat. L'on préfère l'immigration à la politique familiale parce que cette dernière implique tout un tas d'investissements pour rendre exploitable le salarié. Investissement qui a un coût pour le capitaliste. Ce n'est guère étonnant que dans la civilisation de l'épuisement l'on considère le fait d'élever ses enfants comme une contrainte plus que comme un investissement. Cela coule de source en faite. On valorise le travail monétisable et l'on considère que le travail non monétisé n'a pas de valeur intrinsèque. Alors même qu'élever un enfant est l'investissement qui conditionne en fait toute la survie de la civilisation. Mais comme disait ce bon vieux Rousseau, «  les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité. De sorte que les plus essentiels finissent par être les plus négligés ».

 

Ce n'est pas un hasard si cette « civilisation de l'épuisement » a pris naissance aux USA. C'est une nation qui n'a aucune conception de limite. Comme l'avait si bien écrit Emmanuel Todd dans son livre « Après l'Empire » : les USA sont une nation de paysans européens débarrassés à tort des contraintes qui étaient les leurs dans leur milieu d'origine. Parce qu'ils sont passés d'une petite terre limitée où il fallait gérer des ressources humaines et écologiques limitées, à une terre d'abondance apparente, les habitants des USA ont construit une illusoire civilisation de l'épuisement. Une civilisation qui s'est malheureusement étendue à toute la planète de par son apparente séduction. Jouir du présent en oubliant ce qui prépare l'avenir permet effectivement de prospérer à court terme, mais la facture à l'arrivée est extrêmement lourde. Nous arrivons aujourd'hui aux limites de cette civilisation. Et c'est dans le domaine démographique que cette logique est la plus tragique. L'immigration qui est censée résoudre tous les problèmes démographiques ne fait que construire de nouveaux problèmes. Les populations n'étant finalement pas aussi interchangeables que ce que pouvait espérer le patronat local.

 

Mais en plus cette façon de croître par l'importation de population casse les pays qui ont formé justement ces populations. Il s'agit là d'une véritable injustice qui doit être fortement soulignée. Les pays en voie de développement investissent le peu qu'ils ont de capital dans certaines parties de leur population. Comme nous l'avons vue à cause de leurs croissances, il est très difficile de sortir du sous-développement. Mais en plus les pays avancés viennent leur voler leur population la mieux formée, celle qui pourrait justement améliorer leur situation. Et étrangement, ce sont des gens dits de gauche qui défendent massivement ce pillage des cerveaux par les sociétés du nord qui ne veulent pas investir pour renouveler leur propre population. Un pillage qui crée des problèmes massifs de confrontation ethnique au nord, et qui pille le sud. Tout ça pour permettre à quelques milliardaires de jouir sans entrave. Le cynisme de l'ère moderne n'a vraiment aucune limite.

 

 

La baisse quantitative de la population est la grande peur du capital

 

De fait, le rythme de croissance est primordial. Mais que se passe-t-il à l'inverse quand la population diminue ? Et bien on assiste à une logique implacable. D'un point de vue strictement arithmétique si la croissance perdure malgré la baisse de la population alors la croissance par tête augmente. L'on pourrait ici dire que c'est formidable et tomber dans le piège malthusien consistant à dire qu'il suffit de faire décroître la population pour que le niveau de vie augmente, mais ce n'est pas si simple. En effet, la baisse de la population induit une baisse concomitante de la demande adressée aux entreprises. Keynes avait bien vu cette réalité . La baisse tendancielle de la population entraîne alors une baisse tout aussi tendancielle de l'investissement. Au final, le seul moyen de compenser est de maintenir une demande suffisante pour compenser la baisse de la population . À l'époque où Keynes avait réfléchi à cette question, il avait donné comme solution une hausse régulière des salaires. Car il concluait que plus une société tendait vers le déclin démographique plus elle devait être égalitaire sur le plan économique. En effet, les populations aux plus faibles revenus ont une propension à consommer plus élevée que les riches. Quand vous distribuez du revenu aux plus pauvres, ils consomment une plus grande part de ce nouveau revenu. Alors que les riches le thésauriseront. De sorte que plus la demande baisse à cause du déclin démographique plus il faut aplatir la pyramide des revenus.

 

L'on comprend ici pourquoi les classes sociales supérieures ont une grande peur du déclin démographique. Mais Keynes a sous-estimé la malveillante innovation à court terme des élites bourgeoises. Nous connaissons aujourd'hui deux pays qui sont en déclin démographique et non des moindres, il s'agit du Japon et de l'Allemagne. Et ces deux pays ont trouvé des astuces pour continuer à ignorer leur problème de fond tout en laissant les inégalités à des niveaux importants. L'Allemagne comme je l'ai déjà écrit plusieurs fois exporte son problème démographique avec ses excédents commerciaux. Elle compense son manque de demande intérieure par la destruction des économies voisines. L'euro est un moyen idéal pour cette fin. À cela s'ajoute également l'immigration pour compenser son déclin intérieur. Au Japon le choix est différent. Ce pays n'a pas de zone d'exportation sans défense comme la zone euro. Il a simplement laissé filée la dette publique pour compenser la demande intérieure en déclin. C'est un choix curieux et assez malsain parce qu'il ne résout en fait rien du tout et qu'il conduit à une forte inégalité interne. Le Japon est nettement plus inégalitaire que la plupart des pays européens. Cependant la pression exercée par le manque de main d’œuvre au Japon va peut-être naturellement pousser vers la solution keynésienne dans ce pays. Le Japon semblant s'interdire la solution migratoire. Les Japonais devront de toute manière un jour ou l'autre relancer leur natalité d'une manière ou d'une autre et sortir de la civilisation de l'épuisement.

 

Mais ces deux exemples montrent le danger que le déclin démographique peut produire. Si théoriquement ce déclin peut être une chance comme le montrait Keynes. Rien n'indique que les élites de notre civilisation adepte du court terme saisiront cette chance . À dire vrai il est même probable que ce soit le déclin démographique de l'occident qui a conduit les élites dans les années 70 à promouvoir un monde sans frontières. Car le capital a horreur du déclin démographique qui remet en cause sa domination. En face d'un changement du rapport de force salariés-patron, le globalisme a été une bouffée d'oxygène du capitalisme dans les années 1970-2010. Cependant la fête va bientôt se terminer, car la transition démographique est un phénomène mondial. S'il est parti d'occident il s'étend inexorablement sur toute la planète. De fait la grande question est que se passera-t-il quand, la civilisation de l'épuisement qu'est la nôtre aura fait tomber la natalité mondiale moyenne à moins de deux enfants par femme ? Où seront donc ces immigrés nécessaires à nos sociétés ? Le questionnement du renouvellement humain se posera alors comme se pose de plus en plus la question du renouvellement des ressources.

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12 novembre 2014 3 12 /11 /novembre /2014 21:54

mm.pngS'il arrive à Emmanuel Todd de dire parfois des bêtises (Hollandisme révolutionnaire), surtout dans les médias plus rarement dans ses livres. Il lui arrive aussi de produire des réflexions extrêmement pertinentes. C'est souvent le cas lorsqu'il parle de l'Europe même s'il me semble que ses propos dépassent souvent sa pensée. C’est pour cela que les médias audiovisuels ne replaceront jamais l'écrit qui reste infiniment plus posé et réfléchit. L'une des obsessions toddienne de ces derniers mois est la fixation sur l'Allemagne dans le rôle de la dégradation des relations entre l'Europe et la Russie. Une dégradation qui finit par se traduire par un divorce pur et simple et par le fameux discours de Valdaï dont nous avons déjà parlé dans un texte précédent. J'invite les lecteurs si ce n'est déjà fait à relire ce discours de Vladimir Poutine qui reste l'un des discours politiques les plus intéressant et important faits par un dirigeant d'une grande puissance. On est très loin d'un Obama ou d'un Hollande cherchant à plaire aux médias et à la doxa dominante. Pour en revenir à cette question de l'Allemagne et de sa domination j'en reviens à une récente intervention d'Emmanuel Todd qui était opposé à l'européiste Jean-Louis Bourlanges. Et cette question de la domination allemande Todd l'a abordé rapidement . Ainsi il a dénigré la constatation faite par Hollande du déclin démographique de l'Allemagne en rappelant le fait que l'Allemagne ne se réduisait pas à son propre territoire. En quelque sorte Todd fait de l'Allemagne le cœur d'un nouvel empire qui ne dit pas son nom.

 

 

Cet empire qui prend la forme apparente d'un point de vue institutionnel de l'UE est en fait le vieux rêve germanique de l'empire de la Mittleeuropa dont on peut voir ci-dessous la carte. D'un point de vue économique la vision de Todd tient tout à fait puisqu'il est évident que la Pologne, l'Autriche, la Republique Tchèque font partie du système économique allemand. Le conflit ukrainien dans l'esprit Toddien n'est donc en fait que la guerre que se livre la puissance russe et l'Empire de la Mittleeuropa pour la domination de la population ukrainienne. En effet dans la thèse de Todd le but de l'Empire n'est pas le contrôle de ressources naturelles, il peut se les payer grâce à ses énormes excédents commerciaux. Son but est d'étendre son espace démographique dans des pays à faible niveau de vie, mais à haut niveau d'instruction pour produire toujours plus et moins cher. Cette logique s'inscrivant dans la logique mercantiliste de l'univers néolibéral dans lequel la consommation doit toujours venir d'ailleurs et pour lequel l'augmentation de la demande endogène est une hérésie. Structurellement le mercantilisme conduit au conflit puisque les pays qui le pratiquent font leur beurre sur le dos de leurs voisins en ne tirant leur croissance que des exportations. En remettant en cause la viabilité économique de leur voisin, ils finissent par produire des effondrements économiques qui remettent en cause leur propre prospérité . L'Europe est dans cette situation. L'Allemagne grâce à son influence industrielle et à la construction européenne et à l'euro a entraîné toute la mitteleuropa dans son délire d'exportation infini.

 

L'empire est puissant, mais son déclin sera rapide

 

Cette stratégie folle de course à la domination commerciale de l'Empire de la mitteleuropa est suicidaire pour les membres de cet empire. Il y a une chose étrange dans l'analyse que fait Todd de cette orientation géopolitique, c'est qu'il n'a pas remarqué une chose, qui pourtant devrait lui crever les yeux tant c'est évident. À mesure que l'Allemagne étant son influence, la démographie des pays qui viennent rejoindre la mitteleuropa s'effondre. Lorsque l'on regarde les pays de l'ancien bloc soviétique, on constate un effondrement démographique des pays dès qu'ils joignent la formidable Union européenne. Les pays baltes deviennent des déserts humains et il faut aller dans le bloc russe pour voir une véritable lutte contre le déclin démographique. L'Allemagne pompe littéralement les populations de l'Est pour compenser momentanément son propre déclin démographique, mais cette stratégie n'est pas durable puisque ces pays ont exactement le même problème de fécondité comme on peut le voir dans les statistiques ci-dessous.

fécondité europe


2010
Pologne 1,25
Allemagne 1,39
Autriche 1,41
Hongrie 1,32
Rep. Tchèque 1,21
Roumanie 1,3
Slovaquie 1,33
Slovénie 1,25
Estonie 1,44
Lettonie 1,27
Lituanie 1,27

Indice de fécondité, il est remonté à 1.7 en Russie à titre de comparaison

D'une part l'Allemagne utilise les pays de l'Est pour produire ses biens de consommation à moindre coût. D'un autre côté, elle pompe la population locale à travers l'immigration sa principale source étant la Pologne. Mais comme on le voie, la faiblesse de la natalité locale va rapidement mettre un terme à cette situation. C'est ce qui explique pour Todd la visée à court terme expansionniste de l'Allemagne qui cherche à absorber l'Ukraine qui pèse encore plus que la Pologne avec 45 millions d'habitants. Mais l'Ukraine est également touchée par la faible fécondité avec 1,51 enfant par femme. Et la situation politique actuelle ne va pas améliorer les choses. La Pologne va commencer à sentir les effets de l'effondrement démographique, en effet la fécondité polonaise est passée sous les deux enfants par femme vers 1992, mais il en va de même pour l'Ukraine dont la natalité est passée sous le seuil de reproduction à la même époque. L'expansion de l'Empire de la mittleeuropa va donc toucher rapidement un terme puisque sa propre expansion épuise les peuples qu'il conquière. Le modèle toddien a ceci de convaincant qu'il explique en grande partie le comportement de l'Allemagne à la fois intégratrice de l'Europe de l'Est et belliqueuse vis-à-vis de la Russie. Car si la Russie est un fournisseur de matière première essentiel pour son empire, elle est aussi un adversaire sur le plan de la domination de l'Europe centrale.

1841342_5_e4ce_ill-1841342-3ab9-europe-x1i1_1af3a90227cd2d7.png

Cependant comme nous le voyons la stratégie allemande est une stratégie à très court terme qui ne résout absolument pas son déclin démographique. Nous le savons bien en France, l’immigration ne change pas le destin démographique d'un pays. Il faut avant tout relancer la natalité locale. Or le modèle allemand qui vise uniquement à chercher des débouchés ailleurs rentre en contradiction avec cet objectif. En effet pour que les Allemands fassent des enfants encore faudrait-il les y encourager ce qui nécessite des politiques familiales onéreuses. Politiques familiales qui nuiraient à la stratégie exportatrice de l'Allemagne en augmentant le coût du travail local. L'obsession allemande de l'exportation qui est le fruit de la domination d'une vision inégalitaire de la société va de pair avec le déclin démographique non seulement de l'Allemagne, mais de toute l'Europe de l'Est. Et peut-être demain de toute l'Europe à l'exception notable de la Russie. Mais il faut bien dire que ce modèle autodestructeur n'est accepté que parce qu'il n'y a pas d'autres modèles de société offerte au pays de l'Est. C'est dans ce sens que l'autodissolution de la France dans l'UE est une catastrophe. En effet en sortant de l'UE et de l'euro, en abandonnant le modèle mercantiliste en faisant à nouveau de la demande intérieure le moteur de notre croissance nous pourrions montrer qu'une autre voie est possible.

 

Il est tout de même incroyable que l'Europe ait transformé la force démographique que lui octroyait l'adjonction des anciens pays de l'Est à son marché en une force d'autodestruction macro-économique. La concurrence à la baisse salariale et fiscale a été démultipliée par l'arrivée des pays de l'Est qui ont cru qu'il s'agissait d'une chance pour eux. Or comme nous le voyons, cela a en réalité gravement hypothéqué leur avenir. Rappelons ensuite qu'à l'heure actuelle ce n'est pas de plus grande production dont l'Allemagne a besoin, mais de débouché. Or sa stratégie a tué la demande du reste de l'UE. On remarquera également que ce qui est arrivé à l'Allemagne de l'Est après la réunification n'a fait que préfigurer ce qui arrive aujourd'hui à l'Europe de l'Est. Celle-ci va devenir un désert humain si on laisse ainsi l'Union européenne.

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Evolution de la population en Europe de l'Est  en milliers d'habitants (1990-2010)

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24 octobre 2014 5 24 /10 /octobre /2014 22:27

 

Alfred_Sauvy_-1983-_by_Erling_Mandelmann_-_2.jpgLes socialistes néolibéraux sont passés maîtres dans l'usage des bons sentiments pour réaliser les œuvres les plus basses en toute discrétion au nom de la « morale ». La réforme des allocations familiales en est une nouvelle preuve. En effet comme il est à l'accoutumée de le faire chez les gauchistes, l'on présente une déconstruction libérale comme une réforme socialement juste. Ainsi, faire des familles de la classe moyenne-aisée des gens qui profitent du système familial trop généreux, permet en fait de faire avaler la pilule d'un recule des prestations sociales. Au passage l'on divise la société entre les différentes couches sociales productives et l'on oublie comme d'habitude de taper sur les rentes des 5 % d'en haut. N'en doutez pas, il ne s'agit là que du premier pas vers la déconstruction générale du système de prestation familiale. En effet l'on est toujours le plus injustement favorisé d'un système. Bientôt les revenues à 4000€ seront trop fort pour avoir des prestations, puis ceux à 3000€, puis les smicards. Et dans quelques années l'on se sera habitué à ne réserver les aides qu'aux plus miséreux, quand, alors, un poujadiste du cru UMP voudra en finir avec les prestations sociales qui seront alors présentées comme une prime de poule pondeuse pour pauvres et immigré, oubliant qu'il n'y a pas si longtemps tout le monde en bénéficiait quel que soit son niveau de revenu. C'est ainsi que progresse le néolibéralisme par petit pas. C'est la méthode de la grenouille qui s'ébouillante parce que la température monte progressivement ce qui l'empêche de réagir à temps.

 

Tout ceci se fait évidemment au nom de la lutte contre la dette parce qu'économiser 700millions d'euros va certainement nous permettre d'effacer la dette accumuler au nom de la privatisation de l'instrument monétaire de ces quarante dernières années. Rappelons quand même comme le fait régulièrement André Jacques Holbecq que la dette actuelle n'est pas le fruit de la gabegie de l'état, mais bien le produit naturel des intérêts composés. Une dette qui n'existerait pas si l'état ne s'était pas infligé l'obligation d'emprunt sur les marchés financiers en 1973 en lieu et place du crédit public classique que nous avions pourtant pratiqué durant toute la période d'après-guerre sans grand problème. Je rappellerai également que l'inflation a décollé après et non avant le début de ces politiques. Elle ne fut donc pas vraiment mise en place en réponse à l'inflation, mais bien par idéologie. On peut remercier Giscard pour son succès. Il est probablement l'homme qui a le plus œuvré pour la destruction de la nation française par ses politiques.

 

 

Une politique familiale n'est pas une politique de redistribution

 

Il faut également rappeler que la politique familiale en France est une vieille affaire. Et pour cause. La France connaît un malthusianisme délirant depuis la révolution. Le pays n'a pas connu l’expansion démographique durant le 19e et c'était un pays qui vieillissait fortement au point que beaucoup ont attribué l'affaiblissement du pays face à l'Allemagne au déclin démographique. Il suffit de regarder la croissance comparative des nations européennes entre le 19e et le 20e siècle pour s’apercevoir de la divergence. Le déclin de la France depuis la révolution n'est pas un déclin scientifique culturel ou intellectuel, il est surtout démographique.

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           Evolution comparative de la démographie française, anglaise et allemande (100 = année1800) (source wikipedia)

 

Face à cette réalité, le pays a réfléchi et a produit tout un tas de politiques visant à dynamiser sa démographie pour endiguer le déclin. Il va d'ailleurs falloir que les autres nations du monde se penchent sur l'histoire démographique de la Grande nation parce que vraisemblablement la France n'a fait que préfigurer une évolution aujourd'hui planétaire. C'est ainsi qu'est née en 1946 l'INED sous l'impulsion du Général de Gaulle avec comme précieux penseur et intellectuel à sa tête le célèbre Alfred Sauvy. Avant cela le gouvernement Vichy avait déjà créé une institution visant à relancer la natalité. Preuve de l'intelligence des dirigeants de l'époque, le bébé ne fut ne pas évacué avec l'eau du bain, sous la pression de la vengeance post-occupation. Les dirigeants de l'Ined vont croiser les compétences pour trouver des solutions originales pour relancer la natalité.

 

L'un des principes fondamentaux de la tactique d'Alfred Sauvy était de s'attaquer au cout de l'enfantement. Parce que le démographe avait remarqué grâce aux observations que si l'on ne peut pousser les gens à avoir des enfants l'on peut par contre faire en sorte que tous les obstacles pratiques et économiques pour en avoir soient minimes. Ainsi la principale raison du non-enfantement tient au changement de statut social du couple. Avoir un enfant signifie en quelque sorte changer ses habitudes de vie pour cause de contrainte économique. C'est sortir en partie de son milieu social. De cette constatation est née l'allocation familiale sans condition de ressource. Car le but n'était pas la redistribution des richesses, mais le non-découragement des naissances. En réduisant l'impact de l'arrivée d'un enfant, les familles ne changeaient pas leurs habitudes sociales. La redistribution des richesses passant par l'impôt, celle-ci n'était pas vue comme un frein à l'enfantement. Cette politique s'accompagnait de la gratuité scolaire et du soutien sous toutes ses formes des familles. Mais la déconstruction de la politique familiale si réussie puisque la France pour la première fois depuis plus d'un siècle avait enfin relancé sa natalité fut rapidement déconstruite. La période de la plus grande régression fut celle de Giscard qui accompagna la déconstruction de la politique familiale de celle du regroupement familial des étrangers. C'est une drôle de conception de l'intérêt national que celle qui consiste à s'inquiéter du sort des étrangers, pendant que l'on déconstruit en même temps le soutien aux familles françaises. De fait la déconstruction actuelle n'est que la continuation de la destruction de cette œuvre géniale qu'était la politique familiale française et qui avait pour la première fois permise à la France d'inverse son funeste destin.

 

L'on remarquera ensuite que cette politique familiale intelligente a produit une démographie équilibrée. En effet contrairement à des pays comme les USA ou la Grande-Bretagne les pauvres ne font pas plus d'enfants que les classes moyennes et aisées. La politique familiale n'étant pas fixée sur les plus pauvres tout le monde fait les enfants qu'il souhaite.

 

La réduction des aides familiale contribue à la contraction de la demande

 

À cette question centrale de la politique démographique s'ajoute par ailleurs la question du timing économique. Est-ce vraiment intelligent de réduire encore la consommation des ménages au moment même où la déflation et la récession nous guettent ? Poser la question c'est déjà y répondre. Non seulement le gouvernement socialo-libéral s'acharne à détruire le maigre avantage de la France qui est sa moins mauvaise natalité. Mais en plus sa politique va accroître encore la baisse de la demande et donc in fine accroitre le taux de chômage et la récession. On ne saurait mieux décrire ce type que de politique autrement qu'en la qualifiant de « débile ».

 

D'autant plus que si l'on se fit aux derniers chiffres la natalité française est déjà en baisse comme dans tous les pays occidentaux touchés par la crise. Le pays avait résisté jusqu'à présent, mais le coup de boutoir que vient de donner le gouvernement va très certainement accélérer notre déclin. On remarquera que peut-être les élites françaises qui fantasment sur l'imitation de l'Allemagne se sont dit que s'il était impossible de s'aligner économiquement sur ce pays il nous serait au moins possible de le faire sur le plan démographique. Auquel cas la politique débile du gouvernement prend du sens. S'il y a bien une période où il faut soutenir les familles, ce sont les périodes de récession. Les familles sont au cœur du pays, c'est elles qui permettent à la nation d'exister puisque ce sont elles qui reproduisent la société. La négligence avec laquelle nos pays traitent la démographie et la natalité en dit long sur degré de décadence et sur leur faible vision à long terme.

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 23:09

 La crise économique que nous traversons n'a pas que des répercussions purement économiques. La révolution de la maîtrise de la fécondité des années 60 n'a pas eu comme seule conséquence la baisse tendancielle de la natalité dans les pays les plus avancés. Elle a aussi lié la fécondité des nations à des phénomènes autrefois découplées d'elle. En un sens pour la première fois dans l'histoire les crises et la vision du futur de la population ont une incidence directe sur la dynamique démographique des peuples. Il s'agit là d'un phénomène qui n'existait pas dans les années 30. Un phénomène qui aggrave d'ailleurs les effets de la crise à long terme puisque celle-ci entraîne maintenant la natalité à la baisse. Nous commençons seulement à concevoir que le contrôle des naissances n'a pas que des avantages pour les sociétés, mais aussi de nombreux inconvénients. Car avec la « maîtrise » vient aussi la responsabilité, nous savons bien en France à quel point une basse fécondité peut hypothéquer l'avenir pour longtemps.

 

La natalité US chute

 

Dans le graphique suivant, on voit très bien la corrélation qu'il y a entre la crise économique et la baisse de la fécondité. On pourrait d'ailleurs rajouter, que le chômage de masse trentenaire des pays ouest-européens, n'est pas pour rien dans la faible fécondité de ces pays. Même si l'économie n'explique pas tout. Il est clair qu'un fort chômage, couplé avec un pessimisme général, et à une facilité d'usage des techniques de contrôle de la fécondité, favorise la faible natalité. Le plus grave c'est que cette crise casse une petite remontée que l'on pouvait voir se profiler en Europe. Même l'Espagne avant la crise voyait sa natalité légèrement remonter. Mais si l'impact de la crise se fait déjà sentir sur la fécondité européenne, celle-ci étant déjà faible. La chute n'est pas aussi prononcée que dans les pays où la natalité était en apparence plus raisonnable.

Statistique-comparative-de-fertile.png

 Graphique provenant de la revue population et société n°498 de l'INED. 

 

L'on voit très bien sur les données du graphique de l'INED que c'est aux USA et en Islande que la fécondité a le plus baissé. Le cas de l'Islande est tout à fait représentatif des effets démographiques de la crise puisque s'il y a bien un pays qui a connu des déboires c'est bien celui-ci. On ne parlera pas ici des méthodes de sortie de crise de la société islandaise. Des méthodes qui n'ont malheureusement pas inspiré le continent. Elles étaient trop démocratiques et égalitaires sans doute. Mais il se trouve qu'avant la crise l'Islande connaissait une bonne hausse de la natalité qui avait même dépassé le seuil de reproduction avec 2,2 enfants par femme. Oui vous avez bien lu. L'Islande était un pays européen qui arrivait à avoir une natalité soutenable à long terme. Malheureusement, la crise a cassé cette ascension commencée dès le début des années 2000. Elle montre en tout cas qu'il est tout à fait possible pour un pays européen et développé de connaître une natalité normale. Nous ne sommes pas condamnées à la disparition démographique et à l'immigration de remplacement. En tout cas, nous ne le serions pas si nos politiques économiques n'étaient pas aussi folles.

 Evolution natalité US

 

 

Si le cas de l'Islande ou même de l'Irlande représente bien cette liaison entre économie et natalité, le cas des USA est plus discutable. À première vue pourtant ce pays subit un ralentissement de la natalité en corrélation avec la crise. C'est d'ailleurs cette baisse fait paniquer le New York Times dans un article récent paru à ce sujet. Les USA sont en effet extrêmement soucieux de leur croissance démographique. L'expansion démographique soutenant leurs visées expansionnistes sous-jacentes dans l'idéologie de leur "destinée manifeste". Il se trouve cependant que si la baisse de la fécondité américaine est bien corrélée en apparence à la crise ce n'est pas toute la population américaine qui est concernée. Comme vous pouvez le constater sur les graphiques qui suivent, c'est en fait surtout la natalité des Hispaniques qui s'aligne sur les pratiques en vigueur aux USA à l'occasion de la crise économique. Il est d'ailleurs bon de noter que si les USA ont souvent été montrés en exemple en matière de démographie et de dynamisme, le fait est qu'il devait l'essentiel de ce dynamisme à leur source locale d'immigration. Il était en effet étrange de voir des nations comme la Grande-Bretagne l'Australie ou le Canada avoir des taux de fécondité de l'ordre de 1,7 à 1,8 enfant par femme alors même que les USA dépassaient les 2 enfants par femme. Étant donné la proximité des structures familiales, historiques et économiques entre ces pays. Quelque chose ne collait pas. En fait, les WSAP avaient la même fécondité que leurs cousins d'outre-mer ou du Canada. C'est le fait migratoire sud-américain et principalement mexicain qui donnait cette impression de dynamisme.

 

 fécondité racial aux USA

La baisse de la part des naissances hispaniques indique une très forte baisse des naissances dans cette population. C'est de là que vient principalement la baisse générale de la fécondité US. Source : CDC

 

Mais c'est terminé, les latinos semblent enfin aligner leur fécondité sur celle des locaux. C'est d'ailleurs sur la baisse des fécondités des teenagers que l'on voit cet alignement des mœurs démographiques. Elle reste encore plus élevée que celle des blancs et des Asiatiques, mais l'évolution est tout de même spectaculaire en l'espace de 20 ans puisque ces naissances sont plus que divisées par deux. On peut finalement y voir le signe de l'intégration des Hispaniques quoique le Mexique a lui-même évolué en ce sens. Comme nous l'avions vu lors d'une analyse de la société américaine, la concentration hispanique dans certaines régions du sud est telle qu'imaginer une intégration est proprement ridicule. Cependant, il semble que sur le plan de la natalité la crise ait réussi une uniformisation du comportement démographique. Donc si la natalité a effectivement baissé aux USA cela concerne surtout les populations dont la fécondité était encore à un haut niveau avant la crise. Des populations n'ayant pas encore tout à fait passé la transition démographique. On peut ici supposer que cette population étant encore relativement jeune par rapport au reste de la population du pays elle peut plus facilement retarder l'âge de la première ou de la deuxième naissance. Un peu à l'image de ce qui s'est passé en Europe ou aux USA dans les années 70. Les blancs eux ont une fécondité plus basse, mais aussi plus tardive. Il arrive un moment ou l'on ne peut plus reculer l'âge de procréation, surtout si l'on est une femme. La plus grande résistance de la fécondité de ces populations tient probablement à cette réalité triviale.

 

 natalite-des-adolenscents.png

 La baisse de la natalité précoce chez  les hispaniques indique peut-être un mouvement réel d'intégration. 

 

L'étrange résistance démographique française

 

C'est peut-être d'ailleurs ce qui explique en partie du moins l'étrange résistance de la démographie française. Comme l'indique le premier graphique de cette analyse, la fécondité française semble mieux résister à la crise que celle des autres pays. La première explication qui vient est celle d'une crise pour l'instant moins grave dans ses conséquences pour la population de notre pays. Il est vrai que les conséquences de la crise en France ne font que commencer à arriver. Et que l'on ne verra vraiment si le pays résiste que lorsque les effets catastrophiques des politiques socialo-libérale feront doubler le chômage et chuter les salaires. On pourrait aussi citer l'état providence qui tant bien que mal amortit encore pour un temps les effets de la crise sur la fécondité. Il reste cependant clair que la reprise de la natalité que nous connaissons depuis l'an 2000 commence à s’essouffler alors que nous sommes encore assez éloignés du seuil de reproduction. C'est d'autant plus vrai d'ailleurs si l'on exclut la fécondité des populations d'origine étrangère en France.

 

L'arrivée des méthodes moderne de contrôle des naissances ont eu un effet dévastateur sur la démographie des pays occidentaux. Que l'on s'en réjouisse ou non, le fait est que l'on est passé d'une fécondité comme œuvre du hasard à une fécondité entièrement dicté par la contrainte de l'anticipation sur le futur. D'ailleurs, un coup d’œil rapide sur l'évolution de la fécondité française en dit plus qu'un long discours sur ce sujet. Avant l'introduction de la pilule dans les années 60, la natalité variait plutôt au grès des grands événements historiques. On pense évidemment à l'effroyable boucherie de 1914 et de la Seconde Guerre mondiale. Depuis l'effondrement des années pilules 1960-1970 la fécondité est plus liée à la situation économique. On voit d'ailleurs le court effet des plans de relance de 1981 puisque la natalité fait alors un bond qui a duré aussi longtemps que la politique pseudo-keynésienne du parti socialiste. On remarque également que la légère amélioration de la situation économique à la fin des années90 a également eu un effet positif sur les naissances. Cette simple analyse peut nous faire dire sans trop d'exagération que la relance de la natalité passe donc en grande partie d'une relance économique et d'un retour à l'espoir pour les millions de français qui sont anxieux lorsqu'ils pensent à l'avenir.

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Evolution à long terme de la fécondité française INED

 

 

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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 22:35

famille.jpegOn ne parle plus que de lui. Notre démographe national, grand défenseur des thèses protectionnistes et pamphlétaire talentueux aux formules acerbes vient donc de sortir le livre de sa vie. Un livre qui résume la somme de travail colossale sur ses recherches concernant l'évolution des structures familiales et leur influence sur le comportement collectif des sociétés. Le livre vient de sortir et je n'ai pas encore le temps de le lire faute de temps, un temps qui d'ailleurs me manque pour écrire sur le blog comme vous avez dû le remarquer. J'espère pouvoir tout de même retrouver un rythme plus régulier au mois d'octobre. Pour en revenir à Todd il a donné plusieurs interviews sur son livre, dont une, sur France Info qui résume rapidement les propos du livre. On peut également visionner une conférence qu'il a donné au Japon cet été, et qui présente plus longuement ses travaux, même si l'écoute est assez pénible à cause de la nécessité de traduction en direct.

 

 

 

 

 Je suis les travaux de Todd depuis assez longtemps cependant pour savoir à peu près à quoi m'attendre dans ce nouveau livre. La grosse nouveauté est cependant celle annoncée par le maître lui-même. Il s'agit du fait que la structure familiale nucléaire de type ouest-européen serait en fait le système familial primordial, celui qui a précédé les structures familiales plus complexes du cœur de l'Eurasie.  Alors que l'on a plutôt l'habitude de penser que les structures familiales complexes, celles qui nécessitent des règles tacites de fonctionnement et qui lient tous les membres de la famille d'après un code, comme étant plus anciennes. Et bien d'après les travaux de Todd il n'en est rien. Les structures de familles complexes sont arrivées plus tard et leurs pratiques se sont diffusées à partir des cœurs les plus anciens de la civilisation la Mésopotamie et la Chine, pour se diffuser pratiquement à l'ensemble de l'Eurasie. Les pratiques familiales complexes se sont donc diffusées petit à petit comme l'ont fait les techniques, les langues, les idées, les religions, ou l'écriture. Elles ont ensuite remplacé une organisation plus primitive et plus ancienne, celle de la famille nucléaire. Une famille réduite au père à la mère et aux enfants.

 

 

Cette vision de la séquence de transmission des structures familiales conduit donc Todd à considérer l'Europe, qui est l'extrême ouest de l'Eurasie, comme étant le lieu où l'ancienne structure familiale a pu survivre grâce au relatif retard de la région dans l'antiquité et à son éloignement des points d'origine des premières grandes civilisations. Car pour Todd ces structures familiales complexes sont des « progrès » qui ont en réalité de gros inconvénients à l'échelle des collectivités nationales. Les structures familiales complexes protègent les individus des hasards de la vie bien mieux que les familles de type nucléaire cependant elles ont tendance ainsi à déresponsabiliser l'individu et à l'infantiliser. On retrouve étrangement ici chez Todd des arguments typiquement libéraux concernant les effets des liens collectifs vis-à-vis des comportements individuels. Penser que les liens familiaux rendent nécessairement irresponsable lorsqu'ils sont très importants à quelque chose d'étrange. Même si l'on peut convenir que des individus dont l'avenir semble tracé dès la naissance n'auront probablement pas à faire preuve d'une grande capacité d'autonomie. Todd emploie ces mots d'infantilisation notamment à l'encontre des hommes dans la structure familiale patrilinéaire qui constitue l'archétype des familles du centre de l'Eurasie. On peut aussi rajouter que ces structures familiales, lorsqu'elles abaissent le statut de la femme, nuisent au niveau d'instruction général de la société. En effet, on le sait depuis longtemps, c'est la femme qui joue un rôle central dans le niveau d'instruction des enfants. Une femme avec un niveau d'instruction faible aura tendance à ne pas produire une éducation d'un niveau élevé pour sa progéniture. De fait, un faible niveau d'instruction chez les femmes peut paralyser le niveau d'instruction général de la société.

 

 

Il n'en faut pas plus à Emmanuel Todd pour conclure que les systèmes familiaux trop complexes et antiindividualistes sont de puissants freins au développement de l'instruction et donc in fine au développement technique et scientifique qu'une société peut atteindre. Ainsi pour Todd la stagnation qui s'est produite autour de la Mésopotamie ou en Chine est le fruit des structures familiales locales qui se sont développées après le début de ces civilisations et qui ont petit à petit endormi ces sociétés. On est ici bien loin des explications habituelles certaines présentant le fruit de la stagnation du monde arabe par exemple comme étant le fruit de l'idéologie islamique peu portée à l'instruction et au changement. On peut parler des théories basées sur les contraintes géographiques et les changements écologiques ou encore des théories comme celles de Jared Diamond qui mettent en premier l'effet de concentration des pouvoirs comme moteur de la stagnation. Jared Diamond, biologiste de formation et enseignant de géographie qui a introduit dans l'analyse de l'histoire des sociétés les principes darwiniens de l'évolution pour atteindre une vision extrêmement intéressante. La multiplicité des civilisations et des peuples sur un territoire pouvant mieux résister au temps que les blocs monoculturels. À ce stade de la réflexion, et n'ayant pas encore lu cette œuvre monumentale de Todd, je dois admettre mon scepticisme concernant l'hypothèse todienne. Car si les structures familiales peuvent sans doute entrer en compte dans l'orientation générale d'une société, on ne peut pas non plus réduire l'histoire humaine uniquement à cette donnée. On peut d'ailleurs ici se demander si Todd ne finit pas par devenir le miroir de ses ennemis économistes qui résument l'histoire humaine à la seule dimension économique. Todd lui la réduirait à la seule question des structures familiales.

 

 

 

L'avance historique de l'Europe, une simple affaire de structure familliale?  

 

 

On pourrait cependant faire fusionner les visions d'un Todd avec celle d'un Jared Diamond. Et pour cela parler par exemple de l'Europe comme terrain d'application. Pour Todd si l'Europe a continué d'avancer pendant que le reste de l'Ancien Monde civilisé pourtant largement en avance, c'est essentiellement parce que les peuples d'Europe n'ont importé du reste du monde que les pratiques , les techniques, les idées et la religion tout en laissant de côté les structures familiales. De fait, l'Europe de l'Ouest aurait gardé les structures primitives de la famille nucléaire tout en acquérant l'écriture et les techniques des autres civilisations. Comme la famille nucléaire est plus libérale et laisse aux individus une plus grande marge de manœuvre dans leur vie et leur choix personnel, cette liberté aurait permis aux sociétés européennes d'avancer pendant que les sociétés à structure famille moins libre se mirent à stagner. Première remarque, le développement européen au tout début s'est fait essentiellement par la domination de Rome et par l'influence gigantesque de la civilisation grecque. Or ces deux civilisations n'étaient pas connues pour avoir un statut de la femme très élevé. Athènes n'était pas un parangon de vertu féministe que je sache, on dit pourtant que les Athéniens ont tout inventé de la philosophie, aux mathématiques, en passant par le théâtre. On peut évidemment dire que les Grecques ont bénéficié de l'influence de la Mésopotamie dans leur développement et c'est certain, mais ils ont tout de même ajouté une bien belle œuvre au patrimoine humain. Cela tout en étant une société à structure patriarcale et avec comme caractéristique d'avoir une société extrêmement ethnocentrique à famille souche. Todd en avait d'ailleurs parlé dans Après l'Empire lorsqu'il cherchait des correspondances entre l'empire américain et les empires de l'antiquité. On peut donc avoir une société en progrès tout en ayant une société fortement patriarcale avec des structures familiales non nucléaires. Mais peut-être est-ce une affaire de plus longue période historique. Ensuite il est encore une fois curieux de voir dans l'argumentation de Todd l'un des socles de la pensée libérale à savoir que seule la liberté individuelle permet le progrès. Nous avons pourtant sous les yeux les effets de la libération totale des individus sur la société dans son ensemble. Qu'il faille une certaine liberté pour innover certainement cependant une trop grande liberté individuelle et la société devient non viable. On notera également que le travail collectif a joué souvent un grand rôle dans les découvertes scientifiques et qu'il nécessite d'autres qualités que l'individualisme et l'égotisme.

 

 

 

diamondQuoi qu'il en soit pour Todd c'est le fait que la famille nucléaire ait survécu en Europe qui a permis au continent de continuer à bouger sans tomber dans la stagnation technique. Chez Jared Diamond par contre, c'est la richesse des sociétés européennes, le fait qu'il y ait une grande variété de cultures, de langues et de pays différents qui ont permis au continent de continuer à avancer. En fait en suivant la vision de Jared Diamond, on pourrait dire que l'Europe a presque eu la chance de voir l'Empire romain s'effondrer. Si ce dernier avait survécu, l'Europe aurait somnolé comme l'Asie avec la Chine en son centre et nous en serions encore à vivre essentiellement d'une économie agraire en pensant que la terre est au centre de l'univers. C'est la compétition évolutionniste entre les peuples, les cultures, les nations qui a constitué l'essence même du développement européen. La diversité a garanti au continent la survie même en cas d'erreur d'une des sociétés participant à la compétition. Car lorsqu'un peuple se trompait de direction les autres continuaient à avancer, les plus faibles finissant par imiter les plus forts et ainsi de suite. La séparation des pouvoirs entre plusieurs entités et le fait que nulle nation ne pouvait à elle seule dominer le continent ont permis à l'Europe de continuer à évoluer. Il faut dire aussi que la géographie continentale se prêtait bien à cette séparation physique entre différentes entités. Il ne faut jamais oublier l'importance de la géographie dans la construction de frontières. Pour Diamond c'est donc cette émulation entre les peuples disparates d'Europe qui a permis cette longue avance technique et historique du continent européen.

 

 

 

On pourrait croire à première vue que ces deux visions sont opposées ou qu'elles ne sont pas compatibles. Pourtant à bien y réfléchir les thèses todiennes pourraient au contraire fortifier l'hypothèse de Jared Diamond. Todd nous dit en effet que les structures nucléaires ont survécu dans l'ouest Europe, pour faire court la France, la GB et l'Espagne. Mais on sait aussi que le continent européen a des peuples qui ont toutes les structures familiales de la planète. On retrouve des familles souches en France, en Allemagne, en Écosse. Des familles de type communautaire en Europe de l'Est en Russie, mais aussi dans le centre de l'Italie. En fait, le continent européen est la région du monde où il y a probablement la plus grande diversité de structure familiale au m². On pourrait donc compléter l'hypothèse de Todd ainsi. Ce n'est pas la famille nucléaire seule qui est à l'origine du maintien du progrès technique en Europe, mais la concurrence entre de multiples peuples aux structures familiales diverses vivant sur un territoire exigu et nécessitant à cause de cela une coexistence frontalière relativement équilibrée. Car il existe d'autres lieux dans le monde où la famille nucléaire existe et les exemples donnés par Todd ne montrent pas des peuples particulièrement avancés. Ce n'est donc pas tant le caractère libéral des peuples d'Europe de l'Ouest qui a fait avancer le continent que la confrontation permanente de structures familiales divergentes.

 

 

Mais allons plus loin. Ce n'est pas la nature des structures familiales complexes qui a paralysé l'Ancien Monde mésopotamien ou la Chine. C'est le fait qu'une structure familiale est devenue dominante et a détruit la diversité locale emportant du même coup les bienfaits de la diversité des modes de penser et d'organisation. De cette petite réflexion peut naître une grande inquiétude. Quel est l'avenir du monde si toute l'humanité développe une structure familiale du type nucléaire? Y aura-t-il encore du progrès lorsque nous serons tous américains ou français comme l'anticipe Todd?

 

 

 

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