Après ma critique des manifestations, je me devais tout de m'exprimer sur ce que je pense d'un système de retraite pensé pour durer. Il faut aussi expliquer pourquoi les modèles anglo-saxons, profondément individualistes, sont des imbécilités collectives, je parle bien sûr ici du système de retraite par capitalisation. Car il n'y a pas plus déconnecté de la réalité économique que ce système qui prétend gelé la valeur des actifs dans le temps, voir les faire croitre. Ici je vais essayer d'être le plus concis et clair possible. Je ne parlerais pas ici du bien fondé ou non de tel ou tel partage de la richesse mais simplement de la validité intellectuel d'un système qui prétend à l'efficacité économique alors qu'il n'est qu'une escroquerie sur le long terme.
Commençons par le commencement, une économie monétaire est un système d'organisation dans lequel on use d'une monnaie fiduciaire pour échanger certains biens et services. L'argent en tant que tel n'a pas de valeur propre, sa valeur n'est que la résultante de l'échange de travail entre les membres de de la société. Je ne parle pas du marché, car bon nombres d'activités sont en dehors du marché, elles entrent pourtant aussi dans la création et la production de richesses. Une femme qui élève son enfant a une activité non comptabilisé, qui n'a donc aucune valeur monétaire, c'est pourtant certainement l'activité la plus importante qui soit dans une civilisation, transmettre et éduquer. On pourrait épiloguer sur la question de la valeur des choses et sur la formation des prix, sur le marché, sur l'émission monétaire privée, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Le fait est que l'argent est un moyen d'échange pratique qui va simplifier ce dernier, en effet on imagine mal comment mettre au point un système d'échange sans monnaie. Le troc par exemple ne peut pas exister dans une société où le travail s'est hautement diversifié. On pourrait théoriquement imaginer un système sans monnaie, mais il faudrait vivre dans une société de totale abondance ou la consommation ne nécessiterait plus de travail humain. C'était le rêve de Gene Roddenberry l'auteur de la célèbre série Startrek, mais nous en sommes encore bien loin, et même si effectivement une société où il n'y a plus besoin d'argent et où chacun peut se consacrer à ses passions est un rêve d'idéale à atteindre, je ne suis pas sûr que la majorité des humains soient vraiment capable de vivre dans une telle utopie. C'était d'ailleurs la crainte de Keynes qui voyaient les jeunes triches de son époque autodétruire l'être humain semble avoir était programmé pour vivre dans la rareté et non dans l'abondance.
Quoiqu'il en soit, l'argent est donc un moyen pratique d'échange mais il a un gros problème. Alors que les marchandises et les services sont soumis à la deuxième loi de la thermodynmique à savoir la déperdition de leur valeur au fil du temps. La baguette de pain acheté hier n'aura évidement pas la même valeur que celle d'aujourd'hui pour le consommateur et il y a peu de chances que vous dépensiez votre argent pour acheter le pain de la semaine dernière, à part peut-être pour nourrir des canards. Or l'argent lui, ne varie pas dans le temps, on exclut ici bien sûr le phénomène d'inflation qui est un moyen pour le système économique de réintroduire quelque part le principe de la perte temporelle. Les billets restent les mêmes à l'échelle humaine, et les comptes en banque ne se dévaluent pas au fil du temps. Cette différence fondamentale va introduire une perte dans la transformation qui consiste à échanger de l'argent contre une marchandises ou des services. Cette différence c'est l'évolution au cours du temps qui affecte les systèmes productifs alors qu'il n'affecte pas directement les capitaux et l'argent accumulés. On comprend ici au passage que les propositions de Silvio Gesell qui consistaient à rapprocher la nature de la monnaie de la nature des marchandises et des services. Les monnaies fondantes qui perdent leurs valeur au fil du temps étant plus proche de la nature des choses réelles, que nos monnaies dont la valeur doit être gravée dans le marbre.
L'argent se stock, le travail non, en transformant une marchandise ou un service en valeur monétaire on réalise une transformation qui n'est pas anodine, on change la nature même du rapport au temps. On peut faire un comparatif avec l'échantillonnage en traitement du signal, l'argent échantillonne une partie du réel mais il perd de l'information au passage, comme dans toute transformation c'est l'entropie. C'est cette différence de nature qui explique les crises, l'inflation, les déflations et les multiples catastrophes économiques qui ont traversé l'histoire et dont la crise que nous subissons actuellement n'est que l'un des derniers avatars. Cette distorsion va en effet pousser les systèmes économiques à corriger les erreurs et les distorsions liées à la non-introduction du temps et de l'usure dans notre système monétaire. Ainsi les capitaux accumulés qui ponctionnent de la richesse en ne produisant rien, violent normalement la nature même de l'échange marchand. Les économistes qui défendent la rente ne se rendent pas compte à quel point c'est contraire au marché qui exige un échange de bien ou de service. Dans un système de troc le rentier serait un dieu à qui l'on offrirait gratuitement des marchandises et des services. Cela choquerait n'importe qui de sensé, mais dans notre système on trouve la rente actionnariale ou autre comme normal, c'est pourtant une anomalie. Adam Smith lui même condamnait la rente et il est bien malheureux que ses prétendus descendant l'aient oublié. Il n'y a rien de communiste à réclamer l'euthanasie des rentiers c'est le simple bon sens qui l'exige. Les pays développés d'après guerre sous les bons conseils de Keynes et les expériences de la guerre, justement, ont mis fin au dogme de la monnaie stable dans le temps. L'inflation était ainsi un remède à la concentration progressive inhérente à la mécanique monétaire et capitaliste, l'inflation corrigeait l'accumulation dans le temps qui n'est possible que sous la forme monétaire. C'est une leçon que nous allons devoir réapprendre sous peine d'explosion sociale ou de révoltes violentes.
L'effet du temps sur les retraites
Maintenant que j'ai expliqué un peu l'effet du temps sur l'économie on comprendra mieux pourquoi le système de retraite par capitalisation est idiot. Ce n'est jamais le capital accumulé physiquement qui paye les retraites du temps présent, car notre système d'échange est un système instantané. On consomme des produits et des services qui dans leur immense majorité, sont produit instantanément, dans le présent. Comme le travail ne s'accumule pas dans le temps, vous ne pouvez pas physiquement échanger un service produit en 1960 avec un service ou un bien produit en 2010, à moins d'inventer une machine à voyager dans le temps. En réalité les retraites par capitalisation fonctionnent en ponctionnant à travers le système d'accumulation capitaliste, les revenues actuels pour consommer ce qui est produit maintenant. C'est donc toujours le travail des actifs qui paye la consommation des retraités présent quelque soit l'argent accumulé. Bien sûr plus la valeur faciale de cet argent est surestimé par rapport à la capacité de production réel du pays et plus il y a crise quand cette valeur entre sur le marché. C'est ce qui explique l'effondrement des fonds de pensions anglo-saxons. Les retraités de ces pays avaient accumulé des revenues important à une époque où les USA étaient productifs, mais ils vivent désormais dans un pays dépendant considérablement de ses importations et qui s'est physiquement appauvri en détruisant son tissu industriel. Le niveau de revenu des retraités s'est donc adapté à la réalité économique du temps présent dès que cet argent a commencé à entrer dans le domaine de la consommation, ajustement terrible qui correspond au déclin réel de ce pays.
On peut donc dire que seul la richesse instantanée d'un pays compte, c'est à dire sa capacité à produire ce qu'il consomme à chaque instant. Le capital accumulé n'a une valeur réelle que s'il est bien proportionné à l'économie dans laquelle il évolue. En cas de surestimation il y a une correction qui se fait d'une manière ou d'une autre. C'est pour cela que j'ai dis dans un texte précédent que le système par répartition est plus logique, il est plus proche de ce qui se passe réellement, à savoir que ce sont les actifs du présent qui payent pour les retraités d'aujourd'hui et non d'hypothétiques capitaux accumulés. Ces derniers ne font que déformer la répartition de richesse de façon complètement inappropriée. Maintenant nous pourrions effectivement imaginer un système encore plus réaliste que le système par répartition. Avec un système fondé sur un tunnel de revenus plafonnés en haut et en bas garantissant un revenu maximum et un revenu minimum. Puisque en réalité ce sont les salariés d'aujourd'hui qui payent pour les retraités de maintenant, on pourrait justifier un changement de financement qui passerait par l'impôt et non plus par des cotisations compliquées et les usine à gaz des régimes spéciaux . Cela veut dire également que les retraités ne peuvent s'exonérer des difficultés que traverse le pays puisqu'ils dépendent totalement de la bonne santé de ce dernier. Un pays atrophié et désindustrialisé ne peut en aucun cas subvenir aux besoins d'une population habituée à un niveau de vie qu'il ne peut plus fournir aux salariés du présent. A cela s'ajoute également la question du vieillissement, mais dans le cadre d'un système par répartition encore une fois la mécanique est plus claire. La démocratie peut choisir librement le taux de revenus de ses retraités alors que dans le système par capitalisation chacun se démerde et collectivement c'est la catastrophe.
PS: Aucun rapport mais puisque j'ai parlé du temps qui passe, je mets une petit chanson de Peggy Lee que j'avais entendu, il y a longtemps, et qui a toujours un énorme effet mélancolique sur moi :Johnny Guitar