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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 16:35

 

 

Nous avons souvent abordé le sujet, en particulier dans ce texte, qui était consacré à la réalité de l'économie américaine qui est largement surestimée par le PIB exprimé en dollar. Nous allons ici accumuler quelques données sur notre réalité comparative par rapport aux nouveaux pays industrialisés comme la Chine et quelques autres. Le poids de l'occident est en réalité très inférieur à la perception qu'il en a. Il suffit souvent d'observer la réalité des pays comme la Russie, la Chine ou le Vietnam pour voir que nous avons vraiment un problème de perception en occident, particulièrement en Europe. En effet, l'actuel protectionnisme américain même s'il est loin de vraiment redresser l'industrie américaine montre que les Américains ont déjà compris leur situation de déclin. Il faut dire que les USA pratiquent la globalisation depuis plus longtemps que nous en réalité. En effet, il faut rappeler que ce pays était fortement protectionniste jusqu'en 1945. Il vivait littéralement en autarcie d'un point de vue commercial, même s'il était ouvert sur les idées et les populations étrangères.

Après la Seconde Guerre mondiale, ils vont abandonner leur politique économique et ouvrir leurs frontières. C'était une nécessité à l'époque, car les USA avaient de trop gros excédents commerciaux. Mais les effets vont vite se faire sentir les USA délocalisant dans les pays sous leur domination, en particulier l'Allemagne et le Japon. On l'a un peu oublié, mais bien avant l'arrivée de Taïwan de la Corée du Sud et de la Chine, c'est l'Europe et le Japon qui ont été les premiers lieux de délocalisation de l'industrie américaine et de la globalisation. Une main-d’œuvre qui était alors nettement moins chère que celle des USA, abondante et avec un haut niveau d'instruction. Cette première phase de la globalisation a déjà eu de graves conséquences sur la société américaine. Donc on peut dire en quelque sorte que les USA sont les premiers a avoir pris les effets du libre-échange dans la figure. Ils ont vu les Européens et les Japonais les rattraper au point de concurrencer même leurs industries de pointe. Il est donc en ce sens tout à fait normal qu'ils soient les premiers à sentir le danger de la Chine et des nouveaux pays développés. Ils ont déjà vécu ça par le passé.

 

Les Européens par contre semblent vivre dans un monde parallèle coincé dans une vision du monde des années 70. Je ne sais pas si c'est lié à leur statut de vassaux ou au vieillissement massif de la population, mais ils voient encore le monde avec un retard assez invraisemblable. Pour les Européens les USA sont toujours en haut et l'occident le centre de l'innovation mondiale. Or ce n'est plus du tout le cas comme nous allons le voir rapidement. Le drame avec les sanctions contre la Russie a montré que c'était bien la vision de nos « élites » puisqu'ils ont réellement pensé que la Russie avait le poids économique de l'Espagne et que le pays coulerait avec quelques sanctions. Mais cette pensée occidentalocentriste des Européens qui pouvait avoir du sens encore en 1950 commence à vraiment avoir des effets préoccupants sur l'avenir. En effet l'Europe n'étant plus qu'un petit appendice de l'Eurasie sur le plan économique, il lui faudrait faire un peu preuve de modestie pour trouver sa place dans ce Nouveau Monde multipolaire. Or c'est très difficile à faire quand vous croyez encore être le nombril du monde porteur de valeurs supérieures à toutes les autres même à ceux qui pèsent désormais bien plus que vous.

 

Cela donne d'ailleurs de situation cocasse. J'espère que mes lecteurs se rappellent de l'affaire des bébés congelés, dite "affaire Véronique Courjault", une femme qui avait camouflé à son mari le fait qu'elle était enceinte et qui avait congelé les bébés dans son frigo. Une affaire atroce et qui s'était passée en Corée du Sud. À l'époque j'avais été particulièrement choqué par la réaction de la justice française qui avait réclamé des analyses génétiques faites en France alors que la justice coréenne avait déjà fait le nécessaire sur la question. Comme si les études coréennes n'avaient pas de valeur scientifique. Il y avait là un paternalisme typique de la part des Français qui pensaient encore que leur « science » était supérieure à celle des Coréens. On parle ici d'une affaire qui date du début des années 2000. La Corée était déjà un pays développé avec un très haut niveau scientifique. Quand on sait que ce pays de seulement 55 millions d'habitants dépose plus de brevets chaque année que l'ensemble de l'UE, cela laisse songeur. Mais c'est une marque du racisme ontologique qui anime encore une grande partie de nos élites dominantes, même si elles se targuent d'ouverture au monde et d'amour des autres. Le même phénomène s'est répété pendant la crise du COVID où les études provenant de pays non occidentaux n'étaient pas prises au sérieux par nos élites.

 

Le déclin factuel de l'occident

 

Il nous faut donc travailler à faire comprendre à nos « élites » que le monde a changé et qu'il n'est pas très sérieux de continuer à faire comme s'il était le même qu'en 1960. Pour cela il faut sortir du baratin sur les PIB. Je l'ai déjà souvent expliqué, mais le PIB exprimé en dollar n'est absolument pas valable pour comparer des pays entre eux. Sans aller jusqu'à jeter cet indicateur à la poubelle comme le suggérait Emmanuel Todd, il faut expliquer que son usage doit être au mieux limité à des comparaisons nationales dans le temps. Entre les nations il vaut mieux utiliser le PIB exprimé en PPA qui est moins problématique. La parité de pouvoir d'achat prenant en compte le prix des biens et des services dans chaque pays. Cependant même cette méthode a des limites, les consommations divergentes en fonctions des traditions et des contraintes locales. Comme je l'avais dit dans mon texte sur le fait que les USA ne sont plus la première puissance du monde, le mieux est de faire comme à l'époque de Jean Fourastié. On compare les capacités de production réelles ou les statistiques non économiques comme l'éducation, la santé, etc..

 

Par exemple quelle est la situation sur la production et la consommation d'énergie ? Si les économies modernes progressent en matière d'efficacité énergétique, il y a quand même toujours un lien très fort entre la croissance économique et la croissance de l'énergie. C'est particulièrement vrai pour l'électricité dont la demande devrait fortement croître à l'avenir, surtout si les sociétés modernes se mettent à la voiture électrique. Et bien si l'on regarde la consommation d'énergie primaire on voit qu'il n'y a qu'un seul pays qui croit depuis 20 ans, c'est la Chine. L'UE et les USA font en réalité du surplace. Les économistes mainstream vous diront que c'est formidable parce que cela signifie que nos pays se sont enrichis sans augmenter la consommation d'énergie. Les hétérodoxes sceptiques dans mon genre vous diront plutôt que cela traduit en réalité une stagnation économique et qu'en plus cela camoufle des importations croissantes dans nos pays de plus en plus dépendant de la Chine et d'autres pays en croissance réelle eux. Le second graphique qui montre la production d'électricité est encore plus parlant puisque désormais la Chine produit plus d'électricité que les USA, l'UE et le Japon réuni.

 

Au passage, on ne voit pas comment l'UE va faire pour rouler entièrement à l'électricité sans une forte augmentation de ses capacités de production. Il faudrait au moins doubler la production d'électricité pour répondre à la demande. Or elle stagne depuis plus de trente ans et les lubies écolos qui ont fait choisir des énergies intermittentes incapables de répondre aux besoins actuels, laisse présager une catastrophe en cas d'électrification absolue du transport. Ajoutons à cela un délire antinucléaire totalement irrationnel de la part d'une grosse partie des pays européens et l'on voit poindre des coupures d'électricité régulières sur le continent pour l'horizon 2030-35. On le voit sur les questions d'énergie, la réalité de la domination occidentale est déjà largement du passé. Si l'on s'intéresse à la consommation par tête, la Chine est déjà au niveau de l'Europe. Et des pays comme la Russie ou l'Iran sont déjà notre niveau. On peut donc parier que le niveau de vie relatif est déjà assez proche du nôtre s'il n'est pas carrément supérieur.

 

Production de véhicules dans le monde (source statista. com)

 

Parlons de voiture maintenant. S'il y a bien un produit représentant le phare du progrès moderne c'est bien la bagnole quoiqu'on en pense. Et bien la Chine en 2022 c'était 27 millions de véhicules vendus, c'est à dire autant que les USA et l'UE ensemble. Comme vous le voyez là encore, la Chine pèse autant que les deux grands de l'occident. Cela colle assez avec le PIB exprimé en PPA la Chine pesant environ deux fois le PIB américain. Il y a ici une cohérence entre le PIB exprimé en PPA et la production énergétique ou encore la consommation de véhicules. Si l'on passe en termes de production, on voit un changement récent, le poids de la Chine explosant avec les véhicules électriques. Bien que second consommateur mondial de véhicules, les USA n'arrivent qu'en second producteur, justes devant le Japon et l'Allemagne pourtant bien plus petits. On remarquera la production indienne en forte augmentation également. Là encore, le poids de l'occident est loin d'être aussi gros que ce que les chiffres des PIB en dollar indiquent. On notera aussi l'incroyable déclin français depuis l'euro qui aujourd'hui arrive loin derrière l'Espagne, le Royaume-Uni et même la Thaïlande...

 

Les dépots de brevet dans le monde. L'UE est totalement larguée.

 

Je m'arrête ici pour l'instant. Nous reviendrons dans quelque temps sur les chiffres réels de notre déclin, mais il est vraiment important de prendre conscience de nos faiblesses en Europe. Il faut arrêter de croire que nous sommes supérieurs aux autres en particulier aux pays asiatiques qui nous ont largement rattrapés et même dépassés. En 2022 l'Asie a représenté 68% des dépôts de brevet dans le monde, contre seulement 18% pour l'Amérique du Nord, et 10% pour l'Europe. Dans ces conditions il faudrait peut-être un peu revenir sur terre et accepter la réalité du monde actuel. Nous sommes un peu revenus à l'époque d'avant la renaissance avec une Europe assez isolée face à un monde plus peuplé et plus riche qu'elle. Les stratégies de survie dans ces conditions consistent surtout à se protéger et à copier ce qui se fait ailleurs puisque vous n'êtes plus capable de suivre de rythme d'innovation du reste du monde. C'est particulièrement vrai pour nos pays vieillissant au niveau scolaire qui baisse en plus. Et il ne faut surtout pas entrer en querelle avec les nouvelles puissances dominantes sous peine de finir écrasé à long terme. En ce sens, notre suivisme vis-à-vis de l'empire américain en déclin est particulièrement dangereux pour notre avenir.

 

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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 15:48

 

 

Les syndicats des pharmaciens appellent donc à la grève le 30 mai prochain. Chose rarissime pour une profession qui fait quand même assez rarement parler d'elle. C'est que la situation devient dramatique sur le plan de l'accès aux médicaments. Les pénuries se multiplient, les pharmaciens passent de plus en plus de temps à chercher à renouveler leurs stocks de médicaments. Notons que dans le même temps on apprend qu'il y a des pénuries de pharmaciens. Il en manquerait près de 15000 sur tout le pays alors que le pays compte seulement 50000 pharmaciens, cela fait un très gros trou si je puis dire. On se retrouve comme dans le cas des médecins dans une absence totale de prévision à long terme de la part des pouvoirs publics qui semblent de moins en moins aptes à gérer correctement les affaires les plus courantes. Le dicton qui veut que gouverner, c'est prévoir, nous indique qu'effectivement la France n'est plus vraiment gouvernée depuis longtemps. La plupart des problèmes qui nous accablent étaient pourtant largement prévisibles et évitables.

 

La pénurie de médecins a été littéralement fabriquée par la puissance publique et les syndicats de médecins qui voulaient réduire sans arrêt le numerus clausus. Les conséquences nous les voyons aujourd'hui avec les déserts médicaux. Il en va de même avec les études pharmaceutiques. On savait très bien qu'on aurait un gros changement d'effectif avec l'arrivée des boomers à la retraite. Il fallait donc augmenter petit à petit le nombre d'étudiants dans le domaine, mais rien n'a été fait. On parle ici de problèmes qui étaient prévisibles il y a plusieurs décennies pourtant, pas d'une crise immédiate produite par un phénomène aléatoire. Cela en dit long sur le manque de réflexion à long terme du pays, mais nous en avons déjà parlé dans un texte précédent.

 

Nous allons ici plutôt nous concentrer sur la question de la pénurie de médicaments. Certains ont fanfaronné stupidement sur des problèmes similaires en Grande-Bretagne, accusant bien évidemment le Brexit dans l'affaire. Sauf que la France et l'Europe en général sont touchées de la même manière. Montrant ici que le fond de l'affaire n'est pas à proprement parler l'appartenance ou non à l'UE ou à l'euro, mais bien la question du libre-échange et de la désindustrialisation. Pour preuve, même la Suisse est touchée par le phénomène. Car si la Grande-Bretagne est effectivement désormais en dehors de l'UE, elle reste un pays extrêmement libéral ne pratiquant pas le protectionnisme et l'intervention étatique. En ce sens, les Anglais et nous sommes donc toujours sur le même bateau ivre néolibéral. Il semble tout de même que les USA aient quelque peu abandonné cette idéologie comme nous l'avions dit même si leur contrainte impériale les empêche de vraiment entamer un processus de réindustrialisation. Le continent européen lui est complètement englué dans ces dogmes. Que les nations soient membres ou non de l'UE, elles suivent à peu près toutes le même schéma d'organisation économique de spécialisation dans la globalisation, même la Suisse. Ce qu'il y a de drôle c'est que l'UE est aussi la région avec la plus faible croissance du monde, mais elle ne fait toujours pas le lien avec son dogmatisme libéral.

 

Le libre-échange a trop spécialisé les nations

 

Nous arrivons en fait probablement aux limites du schéma d'amélioration de la productivité par la spécialisation géographique. Nous avons déjà parlé un peu de ces sujets dans mon texte consacré aux effets de l'euro sur la spécialisation géographique. Il faut bien comprendre que l'ouverture aux échanges à l'échelle de la planète a produit des effets similaires à ceux des unifications nationales qui l'avaient précédé. En effet, chaque nation a produit son propre libre-échange à l'intérieur de ses frontières. Ce mécanisme a entraîné la spécialisation des régions de chaque pays nouvellement unifié. Dans le cas de la France, le processus est ancien puisque le pays est unifié depuis assez longtemps, mais cela a pu être observé au 19e siècle dans les pays comme l'Italie, l'Allemagne, ou les USA qui ont été unifiés plus tardivement. Le processus que nous avons connu depuis le 18e siècle, et l'apparition des nations modernes, fut un processus d'affaiblissement progressif des anciennes frontières.

 

Autrefois partagés en petit comté et duchés soumis souvent à leurs propres lois avec tout un tas de règles commerciales et politiques, les ensembles nationaux ont été les premiers à pratiquer le libre-échange. C'était des libres-échanges intranationaux si je puis dire. Un processus qui a entraîné la concentration des richesses dans certains lieux et le dépérissement de grandes régions. Mais ce processus était accompagné aussi d'une protection externe liée à la défense nationale même si certaines nations ont aussi pratiqué le libre-échange à plus grande échelle. Globalement, des processus de spécialisation ont permis un enrichissement collectif, mais ils ont fait des gagnants et des perdants. Surtout dans les territoires faiblement homogènes où certaines régions étaient géographiquement très avantagées par rapport à d'autres. Ce processus s'est aussi accompagné d'une fragmentation en matière de densité de population. On a tendance à l'oublier, mais les pays européens et en particulier la France avaient comme particularité d'avoir des populations relativement harmonieusement réparties au moyen-âge. À la différence des peuples latins et grecs qui avaient déjà de grosses cités et des campagnes, les peuples d'Europe de l'Ouest avaient des cités moins peuplées et beaucoup de petits villes et villages.

 

La France en particulier avait une population vraiment bien répartie sur le territoire ce qui explique l'énorme quantité de villes et village que le pays a encore aujourd'hui même si la plupart se dépeuplent depuis plus d'un siècle au profit des grandes agglomérations. On ne peut pas comprendre la migration colossale qu'a connue l'humanité depuis deux siècles sans faire le lien avec ce processus de libre-échange interne aux nations qui a précédé la globalisation actuelle. Avant que la globalisation n’entraîne des mouvements de population planétaire, les « globalisations » nationales avaient fait le même travail à l'intérieur des frontières nationales. Cependant, si les coûts de ce changement ont été élevés, on peut dire que globalement cela a permis une meilleure efficacité des économies nationales. Le principal problème de désertification pouvant en partie être réduit par des transferts étatiques vers les régions les moins bien loties.

 

Il semble par contre que la globalisation à l'échelle du monde et même de l'UE comme nous avons pu le voir dans d'autres textes n'ait pas du tout les mêmes effets bénéfiques. Pour deux raisons principales. La première est qu'il n'y a pas de nation à l'échelle globale ni de solidarité globale. Pas plus à l'échelle du monde qu'à l'échelle de l'UE. Les territoires les moins avantagés comme la France sont donc simplement condamnés à plus ou moins long terme au dépeuplement et à l'effondrement du niveau de vie. Encore une fois, l'idée que le libre-échange ne produit que des gagnants est une idiotie. Il a toujours un coût, mais ce coût était compensé à l'intérieur des nations. Il ne l'est pas du tout à l'échelle de l'UE et encore moins à l'échelle du monde. Le second facteur est la dangerosité de la spécialisation à cette échelle. Et nous en arrivons à cette question de pénurie. En effet, la globalisation a spécialisé des pays dans des secteurs particuliers. Le plus éclatant est à l'heure actuelle la production des terres dites rares qui rentrent dans la composition d'une grande partie des productions de haute technologie, en particulier celle des batteries électriques et des semi-conducteurs. Or la Chine possède un quasi-monopole, fruit de l'intervention étatique et du laissez-faire global. On voit bien les conséquences géopolitiques d'un tel phénomène.

 

Dans le cas de la production de médicament, même problème. La Chine et l'Inde qui sont les grands gagnants dans la production des produits médicamenteux et des produits chimiques pour les produire font passer leur demande avant celle du reste de la planète. Et en cas de rupture de la chaîne d'approvisionnement pour x ou y raison, c'est la catastrophe. Autre problème, une spécialisation à cette échelle a entraîné une perte de savoir-faire un peu partout. Donc en cas de rupture il devient impossible de faire appel à un voisin ayant encore une production locale pour pallier momentanément à la pénurie. De la même manière, refaire une industrie de haut niveau de technologie est extrêmement complexe lorsqu'on a perdu la totalité des savoir-faire et des compétences nécessaires à sa mise en œuvre. Les difficultés actuelles des USA pour relancer leur industrie sont là pour en témoigner. On voit ici le très grand danger que représente une spécialisation à une telle échelle. Quand aux bénéfices de cette globalisation, ils sont essentiellement allés dans les poches des 1% les plus riches, et encore. Les pénuries de médicaments ne sont qu'un début, attendez-vous à bien pire dans les années qui viennent si nous continuons dans cette direction. Imaginez un instant des pénuries de nourriture et une France dans une France n'ayant plus d'agriculteur préférant tout importer, car c'est moins cher. Nous devons comprendre que le coût de la production locale, si c’est plus élevé, a aussi l'immense avantage de nous permettre de piloter et de prévoir la production nationale. Préférons-nous vivre dans l'incertitude radicale de manquer de nourriture ou de médicament en fonction de changement de géopolitique mondiale ou de catastrophe naturelle touchant tel ou tel lieu de production planétaire ? Ou produire nous-mêmes ce que nous consommons avec comme seul problème un coût légèrement plus élevé ? À mon avis le prix de la globalisation est beaucoup trop élevé pour ce qu'elle apporte à nos concitoyens.

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19 avril 2024 5 19 /04 /avril /2024 15:38

 

Gabriel Attal vient de faire un discours voulant en apparence s'attaquer à la violence qui grossit dans notre pays et fait de plus en plus la une des journaux. Un discours nous disant en gros que cette fois c'est fini, il n'y aura plus de culture de l'excuse, et que l'on remettrait l'autorité nécessaire au bon fonctionnement de la société en particulier dans les établissements scolaires. Bien évidemment, personne ne croit une seule seconde à la possibilité pour l'état d'agir efficacement en la matière, même si les journalistes et le petit milieu parisien soutiennent en apparence le pouvoir en place. La population n'attend en réalité plus grand-chose de l'état dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Mais cette situation de dégradation permanente n'est pas le fruit du hasard ou simplement le produit du nihilisme toddien dont on a parlé fréquemment. Cette impuissance est le produit du néolibéralisme lui-même qui a institué une forme d'impuissance collective totale avec ses principes de laissez-faire en tout domaine et de survalorisation de la valeur marchande. Nous y reviendrons par la suite.

 

Concernant la question éducative dont a parlé Attal, le problème est multifactoriel. Accuser simplement l'idéologie de l'excuse est un peu court, pour ne pas dire ridicule. Une bonne part de cette culture de l'excuse s'explique en effet par les restrictions budgétaires. Comment mettre les gens en prison si l'on a ni le personnel pour les juger, ni le personnel pour les garder en prison , ni d'ailleurs les places de prison? La question des moyens est intimement liée à la question de la mise en pratique de la loi. Et l'on sait depuis longtemps qu'en France on fait des lois qu'on ne se donne pas les moyens d'appliquer. C'est vrai pour la petite délinquance comme pour la grosse d'ailleurs. On pourrait continuer en parlant des réformes scolaires qui ne sont jamais faites pour des questions d'efficacité éducative en réalité, mais simplement pour des questions budgétaires. Il en est ainsi pour presque toutes les questions régaliennes concernant l'état. La logique purement comptable a remplacé toute autre forme de priorité, mais nous allons y revenir. Pour cette question purement éducative, que fait-on de la question migratoire t? Une question qui est pour ainsi dire totalement ignorée des pouvoirs publics ? L'affaire montpelliéraine au collège Arthur-Rimbaud qui s'est déroulée récemment fut pourtant clairement le produit de la non-intégration des populations musulmanes de plus en plus revendicatives.

 

Je connais bien ce coin, et les quartiers de la Paillade et du Petit-Bard très proches fournissant l'essentiel de la population de ce collège. Ce sont des territoires que l'on peut qualifier d’étrangers, n'ayons pas peur des mots. La France dit être laïque, mais dans ces quartiers l'islam est omniprésent y compris dans les écoles. Et je n'en veux pas aux profs, ils sont comme des colons en terre étrangère, impossible d'y pratiquer les « valeurs » de la république quand il n'y a aucun français réel dans vos classes. Mais il est vrai que sur le papier ils sont français. On n’entend pourtant toujours pas le gouvernement vouloir réellement mettre une limite à l'immigration. Je rappelle qu'en France l'immigration n'est pas une immigration de travail contrairement au discours officiel, c'est essentiellement une immigration de regroupement familial qui coûte très cher au contribuable français quoi qu'on en pense. Cependant, il y a toujours cette idéologie qui gouverne notre pays et nos élites avec l'idée que toutes les populations sont interchangeables et que les trous dans la pyramide des âges peuvent être comblés en permanence par l'importation de populations bigarrées sans aucun problème. Si l'immigrationnisme est très fort à gauche, il ne faut pas oublier que la suppression des frontières est surtout un des dogmes libéraux, y compris sur les questions des mouvements des populations.

 

Pour terminer avec ce préambule sur la délinquance en France et dans le milieu scolaire je rappellerai ce chiffre qui montre qu'on a un grave problème dans l'éducation des garçons. Un problème qui est carrément gargantuesque avec les jeunes garçons d'origine maghrébine . Les chiffres suivants viennent de monsieur Jean-Louis Auduc qu'on ne peut pas vraiment qualifier d'extrême droite puisque ces chiffres viennent du site plutôt de gauche Café Pédagogique. Ainsi seulement 43% des garçons d'origine maghrébine arrivent à avoir le BAC contre 47% des filles de même origine. Chez les Français « de souche », on obtient respectivement 64% pour les garçons et 74% pour les filles. Si ces chiffres n'expliquent pas directement la violence des jeunes garçons d'origine maghrébine, ils l'expliquent en partie. L'échec scolaire aggrave mécaniquement les difficultés d'insertion. Nous en avions parlé dans un texte suite aux dramatiques émeutes de l'été dernier que les médias ont fait beaucoup d'efforts pour oublier. Or cette question est trop rarement abordée. Il ne s'agit pas d'un problème de nature des populations maghrébines, le Maroc élève très bien ses enfants qui ont d'ailleurs sûrement un bien meilleur niveau que les élèves français aujourd'hui par exemple. Il s'agit d'un problème d'immigration de population aux structures anthropologiques et à la culture diamétralement opposée aux nôtres. Tant que nous ignorerons cette question pour faire de faux diagnostics nous ne nous en sortirons pas. Mais revenons sur les questions économiques et sur l'impuissance de l'état, car la question des moyens est aussi au cœur du sujet.

 

Le modèle néolibéral sape structurellement les capacités de l'état

 

Dans les solutions régulièrement claironnées aux problèmes de société dont nous sommes victimes revient toujours la question des moyens. Et pour cause, l'action de l'état et des collectivités locales est toujours liée à cette question. Comme je l'ai dit, il est bien difficile de mettre les gens en prison si vous n'avez pas de place pour les mettre. Il est aussi difficile de remédier aux enfants turbulents s'il n'y a pas de classes et de professeurs spécialisées pour les remettre dans le droit chemin. Le laxisme judiciaire s'il a une composante idéologique a aussi une forte composante pratique. Les juges connaissent l'état des prisons en France, tout comme ils connaissent le manque de moyen pour faire simplement les jugements. Bref, dans une grande partie des problèmes de la France revient systématiquement la question des moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Et cette réalité n'est pas le produit du hasard, mais celui de notre modèle économique mis en place pendant les années Giscard, et qui n'a fait que s'approfondir depuis.

 

Certains font la distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme. Je pense que la distinction est surfaite. Je pense qu'il vaut mieux distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique, deux pensées qui sont même souvent antagonistes. En effet, le libéralisme politique pense qu'un homme égale une voix quand le libéralisme économique pense qu'un euro égale une voix. On voit tout de suite avec cette représentation l'opposition qu'il peut advenir entre les deux pensées du libéralisme. Et si je critique fortement le libéralisme économique, je reste personnellement très attaché aux principes du libéralisme politique même s'il a lui aussi ses limites. La distinction entre le néolibéralisme et le libéralisme est beaucoup plus ténue. Je dirai que le fond est le même en réalité. Il s'agit fondamentalement de l'idée que l'action individuelle ne doit pas être entravée et que l'intérêt général découle naturellement des actions économiques égoïstes de chacun. C'est le fameux principe que la fable des abeilles de Mandeville qui est complètement fausse quand on connaît réellement le fonctionnement des insectes collectifs qui n'ont pas de libre arbitre.

 

La différence entre le libéralisme et le néolibéralisme est avant tout le cadre religieux et moral. Si Adam Smith a inventé cette idéologie, il ne faut pas oublier que ce libéralisme était pensé dans le cadre d'une logique morale chrétienne. Il y avait des choses que l'on ne faisait pas, et l'on était attaché à son pays, en l’occurrence à la Grande-Bretagne concernant Smith. Ce libéralisme était donc implicitement un libéralisme modéré par des principes moraux, religieux et patriotiques. Le néolibéralisme c'est en gros la même chose, mais sans ce cadre. D'où les dérives qu'il produit puisqu’effectivement il ne prend plus en compte ni la morale, ni la décence sociale, ni l'intérêt national. Le néolibéralisme était en fait en gestation dans le libéralisme économique depuis le début . Tant que les digues des tabous collectifs étaient là, cela pouvait fonctionner, mais sans ça c'est la catastrophe. C'est ce que nous vivons depuis 50 ans maintenant puisque le tournant néolibéral en France date de 1974 environ.

 

Ce néolibéralisme a fait sauter toutes les frontières en particulier économiques permettant aux plus riches d'échapper à la solidarité nationale par l’impôt et aux entreprises de maximiser leurs profits en délocalisant. Mais pour l'affaire qui nous concerne, c'est-à-dire l'impuissance publique, c'est la fin du circuit d'échange macroéconomique qui fut la vraie catastrophe. En effet en ouvrant les échanges extérieurs vous cassez le lien entre la consommation et la production. Vous créez des fuites dans le circuit économique. Autrefois quand l'état dépensait de l'argent, il émettait de la monnaie qui circulait dans le circuit économique. La question des dépenses comme si l'était un foyer n'avait pas de sens, car les dépenses étaient récupérées par la dynamique économique produite par la dépense étatique. L'état récupérait par les impôts ce qu'il dépensait dans la société, et si ce n'était pas par l'impôt c'était aussi par l'inflation. Rappelons au passage que l'inflation pendant les trente glorieuses était située entre 4 et 5 % par an plus que l'épisode d'inflation que nous venons de connaître. Mais grâce au circuit économique relativement fermé, les salaires suivaient l'inflation quand ils ne la dépassaient pas régulièrement. En fait, il est assez facile de montrer le fonctionnement du multiplicateur keynésien de cette manière comme je l'ai souvent fait, vous pouvez revoir ça dans ce texte par exemple.

 

De fait dans un contexte de chômage de masse l'augmentation de la masse monétaire n'est absolument pas un problème bien au contraire. Mais cela suppose que l'économie forme un circuit assez fermé et que vous produisiez ce que vous consommez. L'état pouvait donc payer des services même plus cher tant que cela restait dans le circuit économique national. L'argent revenait mécaniquement par l’impôt et l’augmentation du PIB produit par le multiplicateur keynésien . C'est ce système qui a produit la croissance après guerre en France et en occident. Bien sûr si vous augmentez la masse monétaire de façon excessive par rapport à la masse salariale et aux besoins, vous pouvez produire aussi une inflation excessive. Mais bien équilibré, ce système fonctionne et fonctionne encore très bien aujourd'hui. La Russie qui a une économie qui a été fermée de l'extérieur connaît maintenant une dynamique économique très forte grâce à ce mécanisme. Les dépenses militaires nourrissant la croissance économique nationale. Le protectionnisme a obligé les entreprises à faire des gains de productivité aussi à cause du manque de main-d’œuvre. L'économie monétaire de production de type keynésienne fonctionne toujours très bien contraire au système libéral.

 

Mais depuis les années 70, l'idéologie néolibérale a pris le dessus et nous avons cassé ce lien faisant de l'état un acteur économique comme un autre qui doit équilibrer ses comptes même si le pays s'effondre. L'impuissance publique actuelle est en grande partie le fruit pourri de cette idéologie de petit comptable. Une idéologie que les USA ne pratiquent pas d'ailleurs ce qui explique que ce pays globalement sort des crises beaucoup plus rapidement que l'UE et la zone euro. On voit même l'état chercher même pour les commandes publiques les acteurs les moins chers possibles, souvent étrangers, comme s'il était un consommateur lambda cherchant le prix le plus bas au supermarché du coin. Oubliant que moins l'argent circule dans le pays, plus le pays va mal, et plus les rentrées fiscales sont faibles. Cette logique de petits comptables que Keynes critiquait déjà pendant l'entre-deux-guerres est en grande partie responsable de notre impuissance. Que ce soit en matière de sécurité ou d'éducation. Or vous n'entendrez jamais Gabriel Attal ou nos énarques souligner cette question cruciale faisant semblant de résoudre les problèmes par la parole puisque les actes sont impossibles dans le petit monde étriqué du néolibéralisme. Mais ce n'est pas si grave pour eux, puisque les couches aisées peuvent échapper à ces problèmes grâce à leur argent, enfin pour l'instant.

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15 avril 2024 1 15 /04 /avril /2024 15:41

 

L'histoire semble encore une fois s'accélérer. Après la guerre en Ukraine et l'ignoble attaque du Hamas contre Israël qui a ensuite conduit à une attaque très meurtrière contre les populations palestiniennes, voici que le conflit s'étend maintenant à l'Iran, sans oublier le pauvre Liban qui n'avait vraiment pas besoin de ça. Nous avons l'impression d'un embrasement général un peu partout où des tensions anciennes existaient. Car ne nous y trompons pas, si ces conflits n'ont aucun lien direct, surtout le conflit ukrainien et le conflit au Moyen-Orient, ils ont tout de même un lien indirect, la structure impériale américaine. Nous y reviendrons par la suite. Il y a également un lien sur la situation interne des deux principaux protagonistes de ces conflits en l’occurrence l'Ukraine et Israël. Emmanuel Todd a très bien décrit l'Ukraine comme un état faillit, en voie de dislocation, mais qui a retrouvé une certaine unité grâce au conflit avec la Russie. La bonne vieille méthode du conflit pour créer un mouvement fédérateur est ancienne comme la civilisation, si je puis dire. Et l'on pourrait penser qu'en fait la guerre contre la Russie n'avait pas tant pour but de repousser les Russes, que de recréer un lien dans la population ukrainienne.

 

Si l'on part du principe que l'état ukrainien était très fragile, et que l'unité n'était qu'une façade, cette guerre prend un autre sens qu'une simple question de territoire. Ce pays a été largement manipulé depuis vingt ans par des puissances étrangères à commencer par les USA, mais aussi leurs satellites européens. L'on pourrait même dire que quelque part l'Ukraine est dès le départ une création assez artificielle collant des populations dans un ensemble qui n'avait pas vraiment de substance historique. Ce n'est pas une critique, juste un constat. Cette région d'Europe a malheureusement longtemps été le champ de bataille de nombreuses autres puissances. On ne va pas faire l'historique depuis la création de la Rus' de Kiev au 9e siècle, mais c'est un territoire qui n'a pas réussi à créer une entité politique forte et autonome suffisamment longtemps pour créer véritablement une nation solide. Elle avait aussi subi les violentes invasions des hordes, les Mongoles ayant particulièrement ravagé ces territoires lors des invasions au 13e siècle. Après cette période le territoire ukrainien passera tour à tour sous domination polonaise, autrichienne, ottomane et russe. Tout ceci laisse des marques et fragmente les identités territoriales. L'Ukraine actuelle fut donc surtout une construction arbitraire de l'état soviétique qui donnera des terres russophones à l'actuelle Ukraine (Crimée, Donbass).

 

C'est probablement cette fragilité qui a poussé en partie les élites d'Ukraine à construire un conflit avec Moscou. Ils espéraient ainsi unifier le pays à travers un processus d'externalisation de la violence. Et cela a fonctionné pour l'ouest du pays. Tout ceci a produit un désastre humain, mais on peut dire que l'identité ukrainienne en est ressortie renforcée du moins à l'ouest du pays. On pourrait penser d'ailleurs que les eurocrates à la Macron souhaitent faire la même chose à l'échelle de l'UE avec un conflit contre la Russie, mais c'est une autre histoire. Reste que si le conflit entre la Russie et l'Ukraine s'explique en partie par des traquenards anglo-saxons, des couardises européennes, il y avait quand même un intérêt local puissant. S'il n'avait pas existé, les puissances externes n'auraient pas pu atteindre leur objectif de conflit ukrainien avec la Russie. Par contre, ils n'avaient probablement pas prévu la tournure des événements comme c'est souvent le cas en la matière.

 

Au risque de me retrouver comme un paria, c'est un peu la même histoire avec Israël toute proportion gardée. Après tout, c'est quoi Israël ? Un état colonial artificiel quoiqu'on en dise. On pourrait même dire que c'est un état beaucoup plus artificiel que l'Ukraine dans bien des aspects. Après tout, la population d'Ukraine n'est pas le résultat d'une colonisation récente, ce sont les populations qui peuplent ces terres depuis des générations, elles n'ont juste pas eu la possibilité de créer un état stable sur une longue durée. Israël c'est non seulement un état récent, mais avec une population qui est en grande partie le produit d'une immigration extrêmement récente aussi. Les véritables habitants du coin, on a tendance à l'oublier, étant les Palestiniens qui sont très vraisemblablement les vrais descendants du fameux état israélien de l'antiquité. Il est toujours difficile de parler d'Israël sans être taxé d'extrémiste ou d'antisémite à tout bout de champ. Les colonialistes israéliens ayant quand même beaucoup de défenseurs sous nos latitudes. Une façon probable de se donner bonne conscience à peu de frais en jouant les défenseurs des « juifs » contre les méchants antisémites. Mais cette méthode éculée commence quand même à s'user à force de défendre l'indéfendable.

 

D'une part, Israël n'est pas les « juifs , il faut le rappeler. C'est un pays avec des frontières et une histoire qui lui est propre, il doit être jugé comme tel. Et l'on ne peut pas à la fois condamner les musulmans extrémistes qui attaquent en France tous les juifs, sous le prétexte de défendre les Palestiniens, tout en disant que la critique d'Israël est antisémite par nature. L'amalgame doit être rejeté à la fois des deux côtés, sinon on tombe dans l’arbitraire et la dichotomie logique. Il est certain que nombre de critiques d’Israël sont antisémites, nul doute sur la question, mais tous ne le sont pas. Il y a bien matière à critiquer ce pays en particulier dans ses actions récentes, et ce de façon tout à fait rationnelle y compris pour sa propre survie à long terme. Et c'est là que je fais le lien avec l'Ukraine. En effet, Israël étant un pays assez artificiel peuplé de population venant des quatre coins de l'Europe, les fragmentations internes sont nombreuses. La plus forte ,et qui se faisait fortement sentir avant l'attentat du Hamas, étant celle qui concerne les laïcs et les orthodoxes.

 

En effet, les tensions se multiplient entre eux depuis longtemps. On voyait même avant le conflit des rabbins insultants littéralement les laïcs du pays. Cette fragmentation est aussi inscrite dans la légalité, les ultra-orthodoxes sont par exemple exemptés de service militaire, alors que ce dernier est long et difficile en Israël pour des raisons évidentes. D'ailleurs, le conflit actuel semble augmenter les tensions sur cette question avec des laïcs qui critiquent de plus en plus ces exemptions. Ajoutons à cela la fragmentation démographique du pays. Israël est un des rares pays développés à avoir un fort taux de natalité avec 2,9 enfants par femme (chiffres de 2022) . Le conflit avec le monde musulman conduit ce pays à une natalité de guerre si je puis dire qui rend probablement anormale son évolution démographique. Mais il y a une forte différence interne entre les laïques et les orthodoxes. En 2008 la natalité chez les laïcs était de 2,7 enfants par femme alors qu'elle a culminé entre 7 et 8 chez les orthodoxes. Une telle disparité a forcément des effets politiques importants à long terme, augmentant mécaniquement le poids démographique et donc politique des plus extrémistes. Il s'agit là peut-être d'une explication du passage d'un Israël relativement raisonnable sous Yitzhak Rabin à la situation actuelle où les extrémistes semblent sans entraves politiques. Mais à cette question démographique croissante, du poids des extrémistes s'ajoute aussi le besoin d'ennemies pour Israël. Comme dans le cas de l'Ukraine, le caractère artificiel de l'état, fruit d'un fantasme millénariste, et de la Seconde Guerre mondiale, l'ennemie commune est un moyen de rassembler des populations fortement disparates. On peut se poser la question de savoir si la plus grande peur d'Israël n'est finalement pas la paix avec ses voisins .

 

Le déclin impérial américain

 

Nous avons donc vu que les conflits actuels ont pour acteur des pays qui sont en fait relativement instables sur le plan intérieur et dont les conflits sont une forme de sauvegarde contre la décomposition interne. Mais il y a bien évidemment un autre facteur à tout ceci, c'est la situation impériale américaine. Il n'a échappé à personne que les USA ne sont guère enthousiastes pour ces conflits. L'Ukraine est de plus en plus vue comme un boulet coûteux, d'autant que le principal objectif américain a été atteint, celui de la coupure économique entre l'Allemagne et la Russie. Je reste persuadé que la destruction de la Russie ou son affaiblissement n'était qu'un objectif assez secondaire. C'était plus un fantasme qu'autre chose. Mais le conflit au Moyen-Orient n'arrange pas non plus Washington. Les tensions sur le système militaro-industriel américain sont de plus en plus grandes et ce pays n'arrive pas à suivre la cadence des conflits produits par ses subalternes. D'autant que les USA n'ont au fond qu'un seul adversaire qui lui n'est dans aucun conflit, la Chine.

 

Au contraire des USA, la Chine n'arrête pas de gagner en poids sans rien faire, par le simple jeu de son poids économique et de son image de pays raisonnable dans un monde qui paraît de plus en plus diriger par une bande de cinglés d'occident. L'affaire n'est pas nouvelle en réalité. Lorsque les puissances dominantes s'affaiblissent, les adversaires en profitent toujours et c'est assez naturel en fait. Ce que vient de faire l'Iran en répliquant à l'attaque à Israël sur son consulat est une première. Mais c'est une première qui a été rendue possible par le déclin accéléré de la puissance américaine. Un déclin qui n'est plus une vue de l'esprit, mais qui s'observe partout sauf dans les données économiques « officielles » de l'Oncle Sam. On peut d'ailleurs se demander si quelque part l'action d'Israël n'est pas aussi le résultat d'une espèce de prise de conscience de l'affaiblissement rapide de leur allié historique. Certes, l'armée israélienne est forte, et ce pays a l'arme nucléaire. Mais quel avenir peut-il avoir pour Israël si les USA ne les soutiennent plus alors qu'ils n'auront pas réussi à avoir des relations raisonnables avec leurs principaux voisins ? On peut voir aussi l'action d'Israël comme celui d'un désespérer de sa situation géopolitique. Une action qui malheureusement ne risque pas d'améliorer leur situation sur ce plan dans les décennies qui viennent.

 

En Europe, la situation est aussi liée au déclin américain. Leurs satellites européens sont en roue libre, et plus guerriers que leur suzerain, alors qu'ils n'en ont absolument pas les moyens. En un sens, c'est tout le problème d'avoir des vassaux et non des alliés. Les vassaux ont des dirigeants infantiles par nature, car ils n'ont pas vraiment de prise sur la réalité, ils font semblant, et attendent des récompenses de leur maître. On pense ici aux discours ridicules de notre pauvre président jouant des mécaniques avec la Russie alors que l'armée française est plus un échantillon d'armée moderne qu'autre chose. Il a cru se faire aimer des Américains alors qu'en réalité il commence à agacer à Washington. Mais là encore, cette incapacité des USA à tenir ses vassaux est encore une preuve du déclin de l'empire américain qui n'arrive même plus à tenir les lieutenants qui a lui même fabriquée. Un peu comme l'Empire romain qui n'arrivait plus à tenir ses fédérés, Rome tomba sous les coups d'Odoacre qui avait pourtant été formé par Rome, il était général de l'armée romaine. Les fins d'Empire sont toujours traversées de renversement d'alliance et de conflits violents. Il y avait peu de chance pour que celle de l'Empire américain se passe tranquillement.

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 15:18

 

Le temps semble s'accélérer en France et notre société ressemble de moins en moins au dépliant touristique habituellement formulé. La France, terre de liberté de pensée, et société des lumières, est de plus en plus une simple vue de l'esprit. Notre pays accumule des lois de plus en plus liberticides depuis des années maintenant avec des prétextes souvent différents, hier le terrorisme, aujourd'hui la sécurité des personnes en ligne. Le dernier coup de massue est donc une loi contre l'outrage en ligne pour soi-disant lutter contre le cyberharcèlement. L'outrage est bien évidemment une notion extrêmement floue qui permet des interprétations multiples. En un sens, il s'agit de l’introduction du délit de blasphème puisque tout religieux pourra par exemple se sentir très honnêtement outragé par des caricatures pour donner un exemple. Neuf ans seulement après les événements de Charlie Hebdo, il y a quelque chose d'absolument dramatique à voir cette dérive de plus en plus liberticide, alors que tout le monde ou presque se disait à l'époque « Charlie » . On peut se demande, si finalement, ce mouvement n'a pas été un peu le chant du cygne de la liberté d'expression. Et il faut bien reconnaître que ce qui a motivé les mouvements à l'époque n'était pas la liberté d'expression, mais la peur de l'islamisme. Car peu de gens aujourd'hui semblent s'inquiéter des dérives de plus en plus fortes de nos gouvernants contre la liberté d'expression et la liberté de penser. Au contraire même ces dérives semblant normales pour beaucoup de droite à gauche du spectre politique.

 

Il est très probable qu'en pratique ce type de lois ne servent en fait qu'à protéger le pouvoir et les journalistes de toute critique. L'objectif n'est pas tant de multiplier les procès, ce qui serait difficile avec un système judiciaire qui est déjà au bord de l'apoplexie, que de pousser les gens à l'autocensure. Car la majorité des citoyens n'ont guère envie de se retrouver avec des procès simplement pour avoir exprimé une opinion . Quand à la justice on sait depuis longtemps que son efficacité diverge fortement suivant les populations qui y font appel. La célèbre maxime de Lafontaine n'a pas pris une ride en réalité :« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. ». Donc toute loi qui se propose de limiter la liberté d'expression en voulant chasser les « fake news» ou d'autres expressions ne vise en réalité qu'à confier la seule liberté d'expression qu'aux mains des gouvernants, des riches et des puissants. Cependant si ce comportement d'autocrate de plus en plus assumé par le pouvoir peut s'expliquer par la logique des intérêts, Macron et son gouvernement étant clairement incapables d'assumer la réalité des conséquences de leurs politiques désastreuses, ce n'est pas la seule explication à cette dérive.

 

Une société sans citoyen

 

Tout d'abord, la dérive visant à limiter la liberté d'expression est assez ancienne. Pour tout dire, je pense que le début de cette dérive peut avoir une date, il s'agit de la mise en œuvre de la fameuse loi Gayssot, ou loi dite mémorielle. Elles partent elles aussi d'un but en apparence honorable puisqu'il s'agissait de mettre fin à la remise en cause de l'holocauste par certaines personnes par exemple. Cette loi date de 1990. On peut donc dire que la liberté d'expression a commencé à être mise sous cloche dès cette époque. Mais que le lecteur de ce petit blog me comprenne bien. Il ne s'agit pas ici de dire que la critique par exemple de l'existence de l'Holocauste est fondée, il s'agit de comprendre qu'à partir du moment où l'on commence à limiter les sujets d'expression le principe même de la liberté d'expression est en danger. Parce que la liberté d'expression part du principe que chaque citoyen est apte à juger du vrai et du faux par lui-même. Qu'il peut décider en son âme et conscience de la véracité des propos tenus par chacun. La liberté d'expression considère que le citoyen est un être adulte qui est capable de donner son opinion en fonction des débats et des données qu'il détient. À partir du moment où vous introduisez des limites à cette expression, vous remettez en question cette citoyenneté et le fait que votre démocratie est basée sur l'expression des opinions individuelles. En un sens, vous infantilisez le citoyen qui n'est donc plus vraiment un citoyen, mais à nouveau un sujet. Un sujet qui se doit d'obéir sans trop réfléchir aux actes et aux desiderata des puissants qui le gouvernent et qui savent mieux que lui ce qui est dans son intérêt.

 

Accepter la liberté d'expression c'est donc aussi accepter qu'il y ait des idiots pour penser que la terre est plate par exemple. Parce que l'on pense que dans leur très grande majorité les citoyens auront l'intelligence de ne pas entrer dans ce type de délire. La liberté d'expression est donc aussi la liberté d'expression des imbéciles, des révisionnistes et même des racistes. Mais je pense que le coût est largement inférieur aux gains qu'elle procure en permettant à la vérité de faire son chemin par la contradiction des arguments. Rappelons que le principe même de notre justice est basé sur la contradiction, même les pires assassins ont droit à une défense et à des avocats parce que c'est de la contradiction que la vérité se fait jour. Une chose que nos journalistes et nos politiques ont aujourd'hui complètement oubliée pour protéger leurs vanités et leurs croyances. Pour revenir aux lois mémorielles où l'état se met à faire de l'histoire officielle alors que normalement il s'agit du travail des historiens, il est assez démonstratif que ces lois arrivent seulement deux ans avant la catastrophe du vote sur le traité de Maastricht. Ceux qui ont connu les débats à l'époque se rappellent forcément de l’asymétrie qu'il y avait entre les défenseurs du non et ceux du oui, les médias donnant largement l'avantage aux seconds. Cela m'avait marqué à l'époque alors que j'étais très jeune n'ayant pas l'âge de voter et pas du tout politisé. En un sens, ces lois liberticides ont été le point de départ du déclin de la démocratie française dont le traité de Maastricht fut l'un des principaux artisans.

 

Mais soyons honnêtes, si la liberté d'expression recule, ce n'est pas juste à cause des conspirations et des traquenards des politiques. S'il ne s'agissait que de cela, nous pourrions vite nous en remettre. Malheureusement, le mal est plus profond et s'imbrique probablement dans le cadre plus général du nihilisme occidental toddien. Je profite de ce passage sur les thèses de Todd pour signaler sa dernière intervention chez nos amis de la NAR (Nouvelle Action Royaliste). Profitez-en, il semble qu'Emmanuel Todd prenne vraiment sa retraite, et qu'on ne l'entendra plus si souvent, ce qui me chagrine comme certainement nombre de ses lecteurs. Il souligne dans ce long entretien le déclin de l'individu privé de toute croyance collective. C'est l'une de ses marottes, mais on ne peut qu’acquiescer à son assertion. Ainsi l'on peut voir le déclin de la liberté d'expression comme une des nombreuses conséquences néfastes de la disparition des croyances collectives et du nihilisme qui en découle. L'individu apeuré par la solitude produit du déclin de la civilité et par l'anomie de Durkheim n'accepte plus le débat avec l'autre. Au contraire, même, les idées et les croyances de chacun deviennent presque identitaires au point que la critique d'une idée devient vite une remise en cause de l'individu. En effet pour accepter la remise en cause de ses idées il faut quand même être assez détaché de ces dernières. Pour un citoyen équilibré, la remise en cause de ces idées sur l'économie ou l'orientation des politiques publiques ne devrait pas être un problème. Mais pour quelqu'un dont les idées représentent un lien social avec d'autres et qui n'a que ça pour identité, on comprend vite la colère et le danger que cela produit.

 

Ainsi, remettre en cause par exemple le mariage gay, ou le changement de sexe devient une remise en cause des homosexuels et des transsexuels. Les gens privés de toute attache culturelle et religieuse font de chaque idée un refuge de leur propre identité, ce qui rend les débats extrêmement difficiles, pour ne pas dire impossible. On peut parler ici d'un nouveau tribalisme dont le fondement est la disparition des croyances communes. Dans un monde où plus personne ne partage de langage et de valeur commune, nous entrons dans la guerre de tous contre tous. C'est dans ce contexte que la liberté d'expression s'estompe et se voit remplacer par une judiciarisation des rapports entre les individus. On peut donc conclure que la liberté d'expression ne disparaît pas seulement par l'action de quelques individus mal intentionnés, mais surtout parce que l'esprit citoyen nécessaire à son existence a disparu. Le mal est donc beaucoup plus profond qu'on ne le croit en général et il suffit de regarder l'état du débat public aux USA, pays en avance sur nous, pour s'en convaincre. Il est difficile de débattre avec des gens dont les idées et les croyances relèvent de l'identité pure et simple. Nous avons ici l'un des plus graves effets pervers de l'effondrement des croyances collectives, dont il est bien difficile de penser que l'occident et la France s'en relèveront un jour.

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5 avril 2024 5 05 /04 /avril /2024 16:15

 

La nouvelle volonté gouvernementale de réformer encore l'assurance chômage alors même que la réforme précédente commence à peine à être mise en œuvre montre encore une fois la lucidité des formules de notre prophète préféré Emmanuel Todd. En effet il y a quelques années, Emmanuel Todd avait décrit le modèle économique français comme étant un modèle aztèque. Un modèle qui ne repose pas sur la rationalité et la raison, mais sur le mode sacrificiel. On sacrifie les chômeurs au dieu marché et au libre-échange. On sacrifie l'industrie et l’agriculture française pour le dieu euro et la construction européenne. La réforme de l'assurance chômage récente s'inscrit dans cette longue tendance à la mutilation d'une partie de la population au nom de l'intérêt général pour sauver la France de la méchante dette. Mais aussi avec comme idée dernière que les populations concernées sont responsables de leur situation. Car dans le monde pur et parfait du libéralisme et du marché qui s'autorégule, seule la fainéantise des chômeurs peut expliquer leur situation.

 

On notera au passage que si le gouvernement est prompt à réduire les droits des chômeurs de façon arbitraire, il ne réduit pas pour autant le coût de l'assurance chômage pour les entreprises et les salariés. Pourtant en toute logique si vous réduisez les services que vous proposez, vous devriez en réduire aussi les prix. Mais là non, l'état s'arroge le droit de ne pas observer la règle la plus élémentaire du marché dont il est pourtant en théorie un grand défenseur. Donc au-delà même de la question de l'injustice qui est faite aux chômeurs et du caractère délirant de ces politiques. Il y a même un vice profond de raisonnement et une spoliation pure et simple de nos entreprises et des salariés français. On pourrait rajouter à cette vision d'horreur d'une société française sacrifiant sa population la plus fragile pour ses croyances, la crise en Ukraine. En effet en plus de vouloir détruire les services publics, l'état français veut maintenant carrément envoyer les jeunes Français mourir pour l'Ukraine ou plutôt pour l'UE et l'OTAN, autres divinités intouchables des croyances de nos dirigeants.

 

La violence symbolique et la fonction du bouc émissaire

 

Cependant, cette question de modèle sacrificiel pose question dans une société qui se veut rationnelle et fondée sur la science. La récente crise du COVID et les mécanismes de peur collective qui ont entraîné des prises de décision totalement délirante comme les confinements ont montré que sous la mince couche de « science » qui organise notre société il y a en réalité une irrationalité sous-jacente toujours aussi forte. Et cette irrationalité est sans doute beaucoup plus forte aujourd’hui qu'elle ne l'était il y a seulement trente ou quarante ans. En effet au risque de radoter le nihilisme qui touche aujourd'hui l'occident et la France en particulier pousse les populations à chercher de nouvelles croyances de substitution aux anciennes croyances traditionnelles. Car l'être humain a d'une part un besoin de certitude que la science en réalité ne peut lui offrir de par sa nature. En effet, la science est fondamentalement fondée sur l'observation et elle peut remettre en cause des vérités établies précédemment par de nouvelles découvertes. C'est toute la qualité de la science, mais c'est aussi ce qui fait qu'elle ne peut pas réellement se substituer aux fonctions organisatrices des croyances religieuses ou culturelles.

 

De fait la science c'est en partie l'incertitude et la remise en cause permanente. Mais l'être humain a besoin de croire dans certaines choses stables et la religion, la culture ont cette fonction. On voit donc ici que la disparition des croyances traditionnelles a laissé un vide. C'est le fameux nihilisme dont on a parlé dans la critique sur le dernier livre d'Emmanuel Todd. Cependant, ce vide ne dure pas, il se transforme en besoin irrépressible de croyances de remplacement. C'est là que les idéologies modernes font leur apparition. À ce besoin de certitude s'ajoute aussi la mécanique de socialisation . Les religions ne sont pas seulement des croyances, mais aussi et surtout des vaisseaux par lesquels s'effectue en grande partie la socialisation des individus. Elles permettent des références communes , un langage culturel commun. C'est un processus extrêmement important, car l'être humain est un individu, mais aussi un être collectif. S'ajoute donc au besoin de certitude le besoin de partager sa vie dans un groupe avec d'autres personnes. Ces personnes ont des activités et des croyances qui vont servir de liant entre elles, et ce liant est en partie religieux et culturel.

 

Quand la république est devenue laïque, elle a quand même créé un langage commun de substitution à celui du catholicisme. Parce que les dirigeants d'alors avaient bien conscience de ce besoin et que l'on ne pouvait tout simplement pas créer une société d'athée où il n'y aurait aucune référence commune. La République française laïque a d'ailleurs été probablement plus violente que la monarchie absolue sur les coutumes et les langues régionales parce qu'elle n'avait plus l'assise religieuse derrière elle qui créait naturellement ce langage commun. Il s'agit bien sûr ici d'une hypothèse personnelle sur la question. Je pense que la grande brutalité républicaine pour imposer une culture unique en France et lutter contre les langues régionales bien plus fortement que la monarchie fut en grande partie liée à la faiblesse de ce régime. Sinon comment expliquer la violence soudaine pour des cultures et des langues locales qui étaient pourtant demeurées longtemps sous la couronne française ? Pourquoi vouloir à ce point uniformiser un pays qui avait pourtant si bien continué tel quel pendant des siècles ? La république ne pouvant plus utiliser le christianisme comme liant a dû chercher des substituts. Malheureusement, on le voit bien aujourd'hui, le clergé laïque républicain est lui-même entré en déclin. La religion républicaine a beaucoup perdu de son éclat et en tout cas elle n'arrive plus à produire de la cohésion comme elle pouvait le faire encore dans l'immédiat après guerre. Restent alors les croyances de substitution. Cependant, nous en revenons à des croyances près chrétiennes dans leur comportement.

 

Nous allons ici nous référer aux célèbres thèses de René Girard sur le bouc émissaire et le rôle qu'a tenu le christianisme dans l'histoire des religions. D'après Girard le christianisme est la dernière des religions, celle qui met fin à la religion, et celle qui a mis fin au mécanisme du bouc émissaire et du sacrifice. En effet pour Girard, la violence est à la base de la civilisation. C'est la violence contre l'autre, contre un groupe, contre un bouc émissaire qui crée la cohésion d'un groupe contre un ennemi commun. La religion finira par symboliser cette violence à travers les sacrifices. D'abord dans les sacrifices humains qui ont été pratiqués un peu partout dans le monde et dont le plus célèbre exemple fut chez les Aztèques qui pratiquaient des sacrifices immondes à grande échelle. Chose qui a grandement facilité l'invasion des Espagnols qui ont pu jouer sur les inimitiés locales produites par ces sacrifices, les Aztèques préférant sacrifier les populations des voisins à la leur. Ensuite, les religions ont abandonné ces sacrifices humains par des sacrifices d'animaux, mais la fonction est restée. La religion donnant par ces sacrifices un langage commun et un but commun à la population qui la pratiquait. Le christianisme a mis fin à cela avec le sacrifice de Jésus qui a payé pour tous les pêcher en quelque sorte. C'est la grande différence entre le christianisme, et les autres religions qui ont pu exister dans l'histoire humaine.

 

Mais aujourd’hui le christianisme et ses valeurs sont largement en déclin. Et nous faisons face à des résurgences de mécanismes de bouc émissaire sous des formes nouvelles même si le fond reste le même. L'on peut voir ici que la question du chômage telle qu'elle est utilisée n'est pas vraiment rationnelle, elle n'est même pas rationnelle du point de vue économique. Les économies réalisées sont simplement ridicules en regard des besoins de l'état et de notre endettement. Cependant, il ne s'agit pas de résoudre un problème économique, mais de trouver les responsables des échecs des politiques publiques. Les dogmes religieux comme la construction européenne, l'euro ou le libre-échange étant impossible à remettre en question, on trouve des boucs émissaires à ces échecs. On peut donc analyser le comportement de nos gouvernants comme un comportement que l'on croyait disparu de nos contrées depuis longtemps, mais qui ressurgit à l'occasion de l'effondrement des croyances collectives traditionnelles. Celui du sacrifice des pêcheurs, ceux qui ont osé ne pas se comporter correctement par rapport aux dogmes en vigueur. Ils sont responsables de nos malheurs et doivent donc être punis. Ce mécanisme est d'autant plus facile à mettre en œuvre que le libéralisme et ses préceptes ont des concepts qui produisent naturellement ce type de conclusion. L'idéal du marché pur et parfait qui s'autorégule et qui naturalise le comportement économique peut produire très rapidement ce type de raisonnement hasardeux. S'il y a du chômage, c'est forcément la faute des chômeurs qui demandent trop de salaires ou qui sont fainéants. Le marché lui ne peut pas se tromper. Il est extrêmement inquiétant de voir nos sociétés modernes revenir à des comportements à ce point primitif, cherchant en permanence des responsables à tous leurs malheurs, les chômeurs, les pauvres, les jeunes, les fonctionnaires, les Russes, les Chinois.

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 16:07

 

 

Une bien triste vidéo a fait du buzz dernièrement sur les réseaux sociaux. Il s'agit du témoignage d'une femme qui est née grâce à la PMA. Elle est farouchement opposée à cette technique qui pourtant lui a donné naissance. Il ne s'agit pas ici de débattre sur la procréation médicalement assistée. Est-ce une bonne chose ou pas ? La question à mes yeux qui m'intéresse c'est plutôt les effets de la marchandisation de la reproduction. Car avant d'être une technique, la PMA est devenue un marché. Chose que les défenseurs des « libertés » individuels ou ceux qui s'affichent comme tel évitent bien soigneusement de parler. Très souvent ces débats entrent sur les terrains moraux et religieux alors que le fond du problème est l'acceptation de la marchandisation de quelque chose qui n'a jamais fait partie du marché. Et le marché signifie inégalité d'accès, exploitation et pulvérisation des relations humaines à travers le seul prisme de l'intérêt pécuniaire. S'il y a bien un argument contraire à cette technique, c'est bien celui du danger que représente la marchandisation du corps des femmes qui devint ainsi un produit qu'on vend au plus offrant.

 

Rappelons d'ailleurs au passage que l'Ukraine dont on parle fréquemment à cause de l'horrible guerre qui s'y produit était également tristement célèbre pour sa production de mère porteuse pour les riches occidentales qui voulait un bébé par PMA. Regardez ce sublime site officiel pour faire votre marché et acheter un bébé en ligne. Cela résume à mes yeux toute l'horreur de l'extension permanente du « marché » dans tous les aspects de nos vies et sans que personne ne la remette en cause à part quelques penseurs scientifiques et philosophes. Car au-delà de cette question de la procréation médicalement assistée c'est surtout sur cette question de la marchandisation que je voulais parler aujourd'hui. Certains penseur on a déjà abordé le sujet, on pourrait citer rapidement Karl Polanyi, Ivan Illich, Jacques Ellul ou encore mon compatriote montpelliérain Jean Claude Michéa. On pourrait également dire que cette question était déjà sous-jacente chez les premiers penseurs de l'économie. Les physiocrates à l'image de Jean Jacques Rousseau pensaient par exemple que la seule véritable richesse venait de l'agriculture. Ils faisaient surtout une grande distinction qui sera malheureusement abandonnée par la suite entre la valeur marchande et la valeur d'usage.

 

On retiendra sa célèbre phrase que je cite souvent, mais qui est d'une grande clairvoyance à mon humble avis : « Du même principe on peut tirer cette règle,qu'en général les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité et que les plus nécessaires doivent enfin devenir les plus négligés. » Chez Rousseau et une partie des penseurs de son époque, la valeur marchande n'était pas la référence absolue. Rappelons qu'à l'époque la société est encore baignée dans le christianisme. Et l'influence de la croyance religieuse est encore très forte. Elle est même carrément explicite chez le papa des libéraux Adam Smith et sa main invisible qui résout tous les problèmes de déséquilibre des marchés. Delà à n'y voir qu'une expression cachée de la providence chrétienne, il n'y a qu'un pas. On avait alors bien conscience que le marché n'était qu'une petite partie de la société et l'on aurait alors considéré comme folie le fait de vouloir tout régenter par les mécanismes du marché d'offre et de demande. C'est pourtant bien ce à quoi a abouti le libéralisme au fil des siècles en perdant petit à petit le cadre moral et chrétien qui était le sien à l'origine. C'est comme cela qu'on passe d'un Adam Smith qui va à l'église et qui croit à la charité chrétienne à un Milei (le président libertarien argentin) qui fait cloner ses chiens. On voit ici un peu les effets du nihilisme d'Emmanuel Todd dont nous avons déjà amplement parlé. Ce nihilisme n'a pas touché que les politiques, il a d'abord touché les milieux intellectuels et les économistes.

 

Laissée à elle-même, la logique ne produit que des délires . Sans un cadre solide fait d'axiomes produit par la culture, l'éducation et la religion, la raison devient vite une folie. Les physiocrates pensaient donc le marché dans un cadre qui lui n'était pas marchand. Il y avait la morale, et tout un tas d'activité qui n'entraient pas dans le cadre du marché. La marchandisation de la totalité des activités humaines est un processus qui a mis du temps à se réaliser, mais qui advient aujourd’hui de plus en plus clairement. Faut-il rappeler qu'il y a à peine un siècle on aurait rigolé si vous aviez proposé de vendre de l'eau par exemple ? L'eau était gratuite, mais comme vous le savez, la pollution produite par le système industriel a permis de valoriser l'eau en la dépolluant, créant ainsi un marché de l'eau. On le voit, le processus de marchandisation est aussi un effet naturel du « progrès », ou ce que l'on nomme le progrès. Nous pourrions souligner comme le faisait Michéa que la délinquance elle-même est source de PIB. Que ces pays où l'art de vivre et la tranquillité sont pauvres. Imaginez ce pauvre Japon n'ayant ni vole de masse, ni trafic, ni cités « sensibles ». De combien le PIB japonais pourrait-il grimper s'il avait la chance d'être comme nous inondé de violence, et de trafiques en tout genre ? Je caricature à peine, mais il est indéniable que le progrès du PIB n'en est pas forcément un. Même si indirectement il est probable que le coût de ces désagréments finit par être mesuré à l'aune de l'inefficacité économique et commerciale de pays comme la France ou les USA.

 

Remettre le marché à sa place

 

L'on voit bien que la seule organisation autour de la valorisation marchande est une impasse en réalité. Trop de choses importantes finissent négligées pendant que l'essentiel est détruit. C'est exactement les propos de Rousseau. Nous pourrions multiplier les exemples. L'on se focalise souvent sur le désintérêt général des jeunes Français pour les études . La baisse du niveau scolaire est aujourd'hui un truisme comme on en a parlé dans mon texte précédent. Mais quelle motivation les jeunes peuvent-ils avoir pour les études dans une société qui valorise les manipulateurs de symboles, les amuseurs publics ou les footballeurs. Quand une société valorise des millions d'euros des sportifs ou des youtubeurs, mais maltraite ceux qui la nourrissent, ceux qui enseignent, ceux qui la défendent ou ceux qui font des sciences, il ne faut pas s'étonner que les jeunes se détournent des arts essentiels. L'effondrement de l'attrait pour tous les métiers vitaux vient en grande partie des effets du marché libre et dérégulé qui valorise le superflu et dévalorise l'essentiel. Encore une fois la seule mécanique du marché ne peut réguler réellement la société. C'est encore plus vrai dans une société qui a ouvert toutes ses frontières et qui importe l'essentiel de ce qu'elle consomme pour occuper sa population dans des métiers d'occupation pour l'essentiel, les fameux bullshit jobs.

 

Comment ne pas voir également dans la dégradation de la fécondité ou le célibat de masse, comme les derniers avatars des effets du libéralisme ? La rencontre qui était autrefois le rapport naturel entre les hommes et les femmes, fruit des rencontres et du hasard de la vie, est elle aussi devenue un marché. D'un côté le marché technologique sépare les gens. On diminue les lieux de rencontre publics , on produit une société où les gens se rencontrent moins de façon naturelle en rendant marchands tous les aspects de la vie. Il est fini le temps des églises, des bals populaires et du parti communiste. Donc les gens n'ont plus vraiment l'occasion de se rencontrer naturellement. De l'autre, on met en place des applications de rencontre marchandisant totalement les relations en transformant un acte qui était autrefois gratuit, mais qui devient subitement un marché. Dans les sociétés les plus avancées sur cette marchandisation, le Japon est probablement le champion. Là-bas vous pouvez carrément louer des petites amies et même des amis tout court. N'en doutez pas cela arrivera chez nous très vite même si le marché des « escortes » en est une prémisse.

 

On le voit ici rapidement, le problème n'est pas tant notre modèle économique ou technologique qu'un effet de mentalité. La disparition de la morale publique et des cadres chrétiens et culturels a fait disparaître les interdits et les limites. Et cette disparition des limites, de ce qui est acceptable ou non a permis cette extension du marché qui s'étend à tous les paramètres de la vie. Comme nous l'avons vu rapidement sur la question de la PMA, cette « libéralisation » n'en est pas une, c'est avant tout une marchandisation, une capitulation devant l'avarice et l’appât du gain. Bien sûr, cela n'est jamais présenté de cette manière, mais c'est la véritable motivation derrière les arguments de bienveillance sur les personnes ne pouvant pas avoir d'enfants. L'on oublie généralement les pauvres victimes de ces marchés qui n'ont pas de choix parce qu'elles sont très pauvres, quand elles ne sont pas carrément victimes de réseaux criminels ou d'autres pressions.

 

 Alors vous me direz que tout ceci est vrai, mais que peut-on faire ? La solution est très simple, il s'agit de remettre des limites. Il faut réencadrer le marché et mettre fin à son élargissement sans fin. Cela peut commencer sur certains sujets comme la PMA, mais pas seulement. On peut également mettre fin à l'existence de certains marchés très fructueux pour certains. C'est avant tout un sursaut moral qu'il nous faut avoir et un certain courage pour affronter les lobbys divers et variés qui crieront aux réactionnaires et à la limitation des libertés publiques. Quand on voit la pauvre Allemagne qui se met à légaliser le cannabis, on voit bien vers quels délires nous nous dirigeons à terme. Il faut mettre l'impensable en action et montrer qu'il ne tient qu'à nous de nous redresser collectivement. L’extension du marché n'est pas le fruit d'une mécanique lié à un phénomène naturel. Il est avant tout le fruit pourri de l'effondrement progressif de la morale publique et des croyances collectives. Tout phénomène social est réversible, y compris le tout marché. Il faut réaffirmer que tout ce qui a de la valeur marchande n'a pas forcément de valeur pour la société, que l'on ne mesure pas l'importance d'une chose uniquement par sa valeur marchande. Non Aya Nakamura ne vaut pas Edith Piaf, pas plus qu'Harry Potter ne dépasse les Misérables. Il faut remettre de la logique non marchande dans notre civilisation, il faut reciviliser la France et l'occident. C'est une peu en substance ce que disait Pierre Thuillier dans son livre de 1995 « La Grande Implosion: Rapport sur l'effondrement de l'Occident ». Chiche, pour commencer, je propose de démarchandiser le sport. La fin du professionnalisme sportif ferait beaucoup de bien non seulement au milieu sportif, mais aussi à la morale de notre jeunesse.

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 15:55

 

Inlassablement nous voyons, de façon répétée, la question de la baisse du niveau scolaire apparaître dans les médias. L'affaire n'est pas nouvelle, mais elle est aujourd'hui appuyée par de nombreuses études. On sait même désormais que le QI de la population baisse pour la première fois de l'histoire alors que le QI avait plutôt tendance à augmenter ces derniers siècles. C'est en tout cas que ce qu'avait affirmé une étude norvégienne qui est sortie en 2018 et qui avait fait grand bruit. Pour ce qui est de la baisse effective du niveau scolaire, il n'y a plus vraiment de doute sur la question en tout cas en France. Les comparaisons internationales, mais aussi transgénérationnelles ont démontré une baisse effective que ce soit en français ou en mathématique. Aux USA la baisse est avérée depuis plus longtemps, Emmanuel Todd l'avait même fortement souligné dans son célèbre livre, sorti il y a vingt ans déjà, « Après l'Empire ». Dans son dernier livre dont nous avons déjà amplement parlé « La défaite de l'occident », il attribue cette baisse au nihilisme et à l'effondrement de la croyance religieuse qui l'a produit.

 

En effet, le protestantisme avait un effet de motivation pour le travail. Todd avait repris ici les arguments célèbres du sociologue Max Weber qui avait fait clairement le lien entre le décollage industriel et le sérieux collectif produit par la religion protestante. La disparition du protestantisme entraînant la disparition des valeurs dont cette religion était porteuse. Pour aller dans ce sens, on voit bien aujourd’hui que les pays d'extrême Asie influencés par le confucianisme et le bouddhisme ont aussi une appétence pour l'instruction qui produit un fort décollage économique aujourd'hui. Je rappellerai à l'occasion que Max Weber lui-même avait prévenu que ces pays pourraient devenir de formidables machines capitalistes et industrielles à terme grâce justement à cette culture du sérieux et du travail. Il l'a écrit dans « Hindouisme et bouddhisme », un livre sorti en 1917, c'est-à-dire bien avant le décollage économique de ces régions si l'on exclut le Japon. Les pays asiatiques trustent désormais la quasi-totalité des premières places en matière de comparaison internationale de niveau d'instruction des élèves. Il y a donc bien évidemment un lien entre le phénomène religieux, culturel et le progrès éducatif plus ou moins rapide. L'hypothèse d'Emmanuel Todd est donc tout à fait plausible et l'on peut associer cet effondrement scolaire et éducatif en France aux effets de la disparition des croyances religieuses et du cadre anthropologique et culturel des familles françaises.

 

Proportion de naissances hors mariage en France (1745-2016) Graphique effectué par l’autrice. Sources : Yves Blayo, « La proportion de naissances illégitimes en France de 1740 à 1829 », Population, numéro spécial Démographie historique, novembre 1975 ; Agnès Fine, « Enfant et normes familiales », dans J. Dupâquier (dir.), Histoire de la population française, t. 3, De 1789 à 1914, Paris, PUF, p. 436-457 ; Françoise Daguet, Un siècle de fécondité française, caractéristiques et évolution de la fécondité de 1901 à 1999, Paris, Insee Résultats, Société n° 8, 2002 ; Insee.
Proportion des naissances hors mariage en France

 

Autre facteur qui est tout aussi important, la famille, justement. Comment ne pas imaginer que l'instabilité des familles françaises moderne comme moins efficace sur le plan éducatif ? On le sait d'expérience. Les enfants ont besoin d'un cadre stable pour être éduqués convenablement. Et je ne dis pas ça par haine des familles recomposées ou monoparentales. Je viens moi-même d'une famille assez instable, je sais pertinemment que c'est souvent très difficile à vivre. Mais on peut quand même avoir des enfants bien élevés dans ce genre de cadre. Seulement d'un point de vue statistique, il est indéniable que l'instabilité familiale a plutôt tendance à nuire à la réussite des enfants même si heureusement beaucoup deviendront quand même des citoyens tout à fait respectables et bien instruits. Il faut bien prendre en compte les changements qui ont eu lieu en la matière ces 50 dernières années. On est passé de moins de 10% des naissances hors mariage dans les années 70 à près de 64% en 2022. Même chose pour les familles recomposées ou monoparentales qui ont explosé. Il est étonnant que l'on ne parle jamais de ces facteurs majeurs comme composante des difficultés à instruire les jeunes d'aujourd'hui. C'est pourtant une évidence même s'il est certain que cela ne plaît guère aux défenseurs du droit à la jouissance individualiste permanente. Au Japon qui est un pays beaucoup moins touché par l'effondrement du niveau scolaire, les enfants hors mariage c'est moins de 2% des naissances. Et les familles monoparentales sont rarissimes. Je ne dis pas que c'est le seul facteur explicatif, mais il est très clair que cela doit jouer énormément sur les moindres performances françaises actuelles en matière d'instruction.

 

 

Alors vous me direz que les Japonais font moins d'enfants, mais ils les éduquent mieux. C'était probablement vrai, mais la France voit sa natalité baisser rapidement. Nous aurons donc non seulement des enfants mal élevés, mais en plus aussi peu nombreux que chez eux. Il y a ensuite bien évidemment le facteur purement éducatif que l'on qualifie de laxiste aujourd'hui. Il est bien évident que l'enseignement en France a souffert et souffre encore de l'idéologie néolibérale qui ronge le pays en réduisant toujours plus les investissements dans l'éducation. Pour nos dirigeants actuels, l'instruction doit être réservée aux plus aisés, les autres devant se contenter d'une école au rabais avec des profs très mal payés. Que l'on soit de gauche ou de droite, les faits sont là, la France a des enseignants qui sont maltraités depuis longtemps. Ajoutons à cela un abaissement prodigieux des exigences en matière d'instruction. Mais c'est allé de pair en faîte. En réduisant l'attrait de l'instruction pour les meilleurs éléments, vous vous retrouvez petit à petit avec des professeurs de moindre niveau et le niveau d'exigence s'abaisse progressivement. Il y a donc une spécificité française qui est la négligence de plus en plus ouverte de l'instruction publique. Les couches sociales aisées pensant échapper au déclin grâce au secteur privé. Sauf que bien évidemment la baisse touchera aussi mécaniquement le secteur privé. Car les profs du privé viennent aussi très souvent du secteur public, très navigant entre les deux secteurs. Dans l'instruction comme dans le cas de la santé publique, la négligence des plus faibles finira par avoir des effets dramatiques même sur les couches sociales les plus avantagées.

 

Le facteur technologique

 

En excusivité une photo du blogueur Yann à droite de l'écran

 

Mais parlons d'un dernier point qui est plus rarement abordé en la matière, celui de la technologie. Alors je caricature un peu ici, c'est une thématique qui ressort tout de même de temps en temps. La Suède a par exemple abandonné dernièrement son orientation vers le tout numérique pour revenir à une instruction plus traditionnelle à base de cahier et d'écriture. Montrant qu'effectivement l'obsession pour le numérique devant tout remplacer avait ses limites. Je rappellerai ici qu'il s'agit aussi d'énormes marchés et que l'influence de certains lobbys peut primer sur l'intérêt réel de l'éducation des jeunes. Ce que l'on a vu sur les questions médicales, ou dans d'autres secteurs, existe aussi malheureusement dans le domaine de l'éducation. Nous pourrions par exemple avoir des livres pratiquement identiques pendant des années pour instruire les jeunes, mais cela nuirait au commerce de la production de livre pour l'éducation. De là à penser que l’obsession pour les changements de programme permanents n'a pas pour but une amélioration de l'instruction, mais le renouvellement d'un marché captif pour certains intérêts, il n'y a qu'un pas, que je n'hésite pas à franchir personnellement.

 

Il en va de même pour la question du numérique qui a été incrusté dans l'éducation nationale à coup de marteau étatique si je puis dire, pour le bénéfice probable de certains acteurs privés. Et cela sans que l'on ait d'étude préalable sur ses avantages réels. La question des effets de la technique sur le niveau scolaire est donc quand même abordée dans les médias. Mais il s'agit souvent de parler des effets de nuisance par rapport à l’instruction plus classique ou des effets sur le sérieux en cours. Il est par exemple tout à fait normal de se poser la question du sérieux qu'il y a à autoriser les smartphones en classe. Il est bien évident qu'il faudrait les interdire pour tous les établissements. Cela nuit énormément à la concentration des élèves et peut aussi nuire fortement aux enseignants. Mais sortons des aspects relativement triviaux même s'ils sont importants et posons-nous la question des effets de la technique en général sur la société et pas seulement sur le milieu scolaire. En effet si la baisse du niveau scolaire est quelque chose de facile à mesurer celui de la baisse générale de la population l'est moins. J'ai pourtant l'impression à titre personnel qu'il y a bien eu une baisse de niveau et pas seulement chez les plus jeunes depuis une trentaine d'années au moins.

 

Pour ceux qui comme moi aiment bien regarder les vieilles émissions des années 60-80, la chute est immense. Le phrasé moyen de la population s'est littéralement effondré tout comme le vocabulaire ou les références culturelles. Et au risque de jouer les vieux schnocks, comme les célèbres personnages du Muppet Show, la baisse transparaît dans à peu près tous les secteurs, et pas seulement chez ceux ayant attraits à la politique, aux sciences, ou à l'éducation. C'est d'ailleurs probablement dans les secteurs culturels que le choc est le plus violent. Où sont donc les Desproges, les Inconnus, les Brassens, ou les Gabins modernes ? Je ne suis pas le seul à faire le constat. Dans le domaine musical par exemple la chaîne Piano Jazz Concept tenue par un musicien de profession fait régulièrement des constats amers sur l'évolution de la qualité musicale en occident. Mais quel est le lien avec la technologie me direz-vous ? Les smartphones ou le numérique qui nuisent à l'instruction des enfants on comprend bien, mais pourquoi cela aurait-il un effet sur le comportement général de la population. Pour ma part, j'y vois un effet naturel en réalité de l'augmentation technologique et de l'amélioration de la qualité de vie, et c'est très inquiétant.

 

En effet la technologie si elle trouve tant de succès avec le marché c'est parce qu'elle « simplifie » la vie des usagers. Mais sommes-nous réellement faits pour vivre simplement ? C'est une question que Keynes s'était déjà posée autrefois. Il regardait les gens aisés de son époque comme le futur de la population en quelque sorte et ne voyait pas dans l'avenir technologique où chacun jouirait de plus de temps libre et de consommation, le paradis sur terre. Car l'être humain comme toutes les espèces sur terre ont forgé son caractère et sa nature pour lutter contre la rareté pour sa simple survie. La vie n'est pas programmée pour vivre dans l'abondance. Et dès que nos besoins sont remplis, les êtres vivants se mettent en mode économie d'énergie. Car minimiser la consommation d'énergie est vital pour survivre en cas de pénurie. Tout se passe donc comme si l'abondance de nos sociétés et l'aide que la technologie nous apporte agissaient comme un poison qui forçait les individus au laisser-aller et à la fainéantise. L'abaissement du niveau dans nos sociétés ne viendrait donc pas seulement du nihilisme occidental, mais aussi des effets délétères du progrès technique et de la simplification de nos vies. Et cette hypothèse est hautement inquiétante malheureusement.

 

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 15:24

 

Les élections approchent et d'après les sondages la situation du parti d'Emmanuel Macron n'est guère enviable. Le RN arriverait largement en tête et l'on voit poindre une fragmentation du centre de l'électorat que Macron avait justement réussi à réunir. En effet, certains sont subjugués par l'étrange hausse du PS qui semble faire son retour avec la campagne européenne. C'est d'autant plus étrange que le candidat choisi n'est pas vraiment un parangon de vertu ou de talent oratoire. On pourrait même dire qu'il s'agit d'un personnage assez problématique de par sa parenté et son passif en Géorgie. Fils d'un des nouveaux philosophes qui ont fait tant de mal à la France d'un point de vue moral et économique. Il passe aussi pour être un fervent défenseur de l'UE et des intérêts américains même s'il ne dit pas comme cela. La montée de Raphael Glucksmann pourrait être inquiétante pour l'avenir du pays, mais il faut quand même bien prendre conscience que la nature de cette montée n'est pas le produit d'une dynamique. En effet ce à quoi nous assistons c'est plutôt à une fragmentation de l'électorat du centre qui jusqu'ici votait unanimement pour la majorité présidentielle.

 

Sondage pour les européennes Mars 2024 (source Ifop)

 

Le centre a perdu confiance dans son champion. On pourrait dire qu'il était temps avec l'accumulation de choix et des politiques invraisemblables. Mais cette rupture n'est probablement pas avec les politiques menées par la majorité, mais dans le fait que Macron semble de moins en moins apte à faire avaler au français le régime néolibéral suicidaire. Car si les Français du centre en avaient réellement assez de ce régime, ce n'est ni vers le PS ni vers EELV que leur choix se porterait. Ces deux partis étant aujourd’hui des partis que l'on pourrait qualifier d'antifrançais tant leur logiciel politique met d'abord en avant l'intérêt de l'UE et même de l'OTAN. Ce qui est étrange avec la période que nous vivons ce que l'on appelait autrefois les politiques raisonnables était généralement porté par les partis du centre de l'échiquier politiques. Les partis extrémistes ne l'étaient pas seulement par leur position par rapport au centre, ils l'étaient surtout par l’extrémisme fréquent des solutions qu'ils apportaient. L'utilité des partis extrémistes était que les sujets qu'ils abordaient l'étaient rarement par ceux du centre. Et dans un système politique fonctionnel, c'était aux partis raisonnables d'apporter les solutions aux problèmes souvent réels que soulignaient les extrêmes.

 

Mais notre époque est très différente. En effet, c'est finalement les partis de l'extrême qui semblent les plus raisonnables surtout lorsque l'on regarde le conflit ukrainien. Les partis du centre s'enferment dans des postures de plus en plus guerrières vis-à-vis de la Russie. Et le choix d'un atlantiste comme monsieur Glucksmann comme candidat pour le PS n'était pas le fruit d'un hasard, mais bien d'une orientation va-t’en guerre de la direction du PS. C'est aussi un fédéraliste européen encore plus obtus qu'Emmanuel Macron sur le sujet. Nous assistons depuis plusieurs années à une position de plus en plus extrême de la part des partis du centre probablement parce que leur poids politique diminue au fur et à mesure que la population subit les dégâts produits par ces politiques. Emmanuel Macron a été en quelque sorte le terminus de la violence bourgeoise qui s'est instaurée petit à petit depuis Giscard. Le pouvoir de l'extrémisme européen a atteint son maximum probablement dans les années 90 avec la triste catastrophe que fut le « oui » au référendum de Maastricht. Mais ce pouvoir porté en grande partie par la génération des boomers s'est étiolé en même temps que vieillissait son électorat.

 

On peut dire aujourd'hui que ce courant postnational européiste et atlantiste se fragmente en trois groupes. Le parti de Macron, le parti socialiste et Europe Ecologie Les Verts. Les voix de ces partis sont susceptibles de faire des vases communicants même si EELV peut probablement attirer quelques naïfs de gauche au passage. Ce groupe que certaines nommeraient centriste ne l'est pas vraiment au sens politique. Ils ne sont en effet au centre d'un point de vue politique ni vraiment à droite ni vraiment à gauche, mais ils sont aussi surtout extrémistes par leur position antifrançaise, voulant dissoudre le pays dans des institutions supérieures. La volonté de Macron de rendre autonomes les régions en est une nouvelle preuve. D'un côté on détruit le pouvoir de l'état en transférant tout à l'UE. De l'autre on veut rendre les régions presque indépendantes de l'état français. Si ce n'est pas une volonté de détruire le pays, je ne sais pas ce que c'est. C'est pour cela qu'à titre personnel le qualificatif d'extrême centre leur convient. L'on pourrait même les nommer les postnationalistes extrémistes. Alors est-ce que la fragmentation de cet électorat est une bonne chose ? Pas forcément. D'une part parce que cette élection est particulière. Les Européennes ne sont pas vraiment prises au sérieux par les Français à juste titre d'ailleurs. Le parlement européen est fantoche, le pouvoir étant à la commission non élue, ce qui en soi en dit long sur le caractère démocratique de l'UE. Donc la montée actuelle du PS ne signifie absolument pas que les postnationalistes ne s'uniront pas pour l'élection présidentielle. On sait d'expérience que les partis comme EELV obtiennent un score beaucoup plus élevé à ces élections qu'aux élections plus classiques et nationales. Même si le tournant sur la question de l'énergie et du nucléaire pourrait quand même leur nuire cette fois. Il faut du moins l'espérer parce que les verts et leurs idées stupides sont quand même au cœur du désastre énergétique franco-européen. Il faudrait quand même un jour que les idioties finissent par avoir un effet sur leur poids politique.

 

L'atlantisme et l'européisme sont les vrais extrémismes de notre temps

 

Quand nos journalistes et nos politiques parlent d’extrémisme, ils parlent toujours d'un référencement par rapport au passé. L'extrémisme est forcément religieux, idéologique ou national dans leur tête. Avec comme fond l'extrémisme de gauche à travers les mouvements plus ou moins marxiste, ou alors de droite avec l'extrémisme nationaliste. Cependant, la question de l'extrémisme n'est pas une question de droite ou de gauche en vérité, c'est avant tout un rapport au réel. L'extrémiste n'est pas une personne qui a une pensée de rupture avec le statu quo sans quoi aucune évolution ne serait jamais possible dans une société. C'est avant tout une personne qui a un récit qui peut être en décalage complet avec le monde réel. Et cerise sur le gâteau, l'extrémisme pourra employer tous les moyens possibles pour faire advenir son rêve dans le monde réel. Quand je parle de tous les moyens possibles, je ne parle pas seulement de violence physique.

 

Il est aujourd’hui difficile d'accepter que la violence physique ne soit pas la marque automatique de l'extrémisme. Les gilets jaunes qui ont effectivement été par moment violents étaient-ils réellement extrémistes ? Pas vraiment. Il s'agissait de gens au bout du rouleau et victime de la violence économique des politiques menées par l'état. C'est la même chose d'ailleurs pour les agriculteurs, et une bonne partie des révoltes populaires de ces dernières années. En réalité depuis les années 70 ont assisté à une violence qui ne vient pas d'en bas, mais plutôt d'en haut. La violence économique qu'ont été la globalisation et la construction européenne, se relève beaucoup plus proche de ma définition de l'extrémisme que ne le sont aujourd'hui les mouvements nés en réaction à cette violence. Comme ne pas voir les idéologues de l'UE comme autre chose que des extrémistes quand ils présentent l'UE comme un progrès pour tous alors même qu'elle accumule les échecs économiques, faisant de notre continent la lanterne rouge de l'économie mondiale depuis deux décennies ? Comment ne pas voir comme des extrémistes des gens qui continent à lécher les pieds des USA. Une nation dont on sait pertinemment qu'elle a tout fait pour déclencher le conflit entre l'Ukraine et la Russie. Et cela dans le seul but de couper les liens économiques entre l'Est et l'ouest du continent ?

 

Le caractère extrémiste de l'européisme est une évidence pour quiconque à un semblant de bon sens . Et la direction européenne est elle-même engluée dans son extrémisme économique, et elle est incapable de s'adapter à un monde qui est en complète contradiction avec ses croyances libérales. Seule au monde désormais à pratiquer du laissez-faire économique, l'UE se fait manger par toutes les nations du monde à commencer par la Chine et les USA. On l'a vu sur les questions des voitures électriques, les dogmes en place l'empêchent de réagir pour protéger l'industrie du continent, ce qui va avoir des effets catastrophiques en termes d'emploi et de base industrielle. Et que dire de l'extrémisme pseudoécologique qui pousse le continent dans le suicide énergétique ? La question de l'abandon de l'énergie nucléaire a mis en avant le caractère extrémiste de toute une partie de nos hommes politiques censé être raisonnable. Et encore aujourd’hui personne chez nos dirigeants du centre ne veut rompre avec le marché européen de l'énergie qui a cassé notre économie et accéléré notre désindustrialisation. Comment ne pas voir la déconnexion totale de ces gens avec la réalité ? Il est donc temps à mon avis de renverser la table et de dire que l'extrémisme n'est pas là où on le pense en général, mais bien dans les partis du centre. La question dès lors qui se pose pour les prochaines élections est celle de savoir s'il ne faudrait pas faire barrage aux extrêmes. L'extrémisme étant le parti au pouvoir et ses succédanés PS et EELV.

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 15:50

 

Notre brillant ministre de l'économie monsieur Bruno Le Maire qui s'est incroyablement illustré avec ses prévisions sur l'effondrement de l'économie russe grâce aux sanctions vient de prendre une décision absolue concernant l'économie française. En effet, Emmanuel Macron et son ministre viennent en effet de s'apercevoir de l'incroyable irresponsabilité des dirigeants français qui ont dirigé le pays ces dernières années. Et comme ils ont un grand sens de l'intérêt général, ils ont donc convenu d'un commun accord à la nécessité d'un plan d'austérité pour sauver l'économie française de la faillite. Tout ceci est effectivement ridicule sachant que Macron et son gouvernement sont largement responsables de la dégradation des comptes publics ces dernières années. On se souvient du quoi qu'il en coûte ou encore des baisses d’impôt pour les plus riches qui ont coûté un pognon de dingue pour reprendre une expression populaire.

 

La responsabilité de nos dirigeants actuels est tellement énorme qu'il faut quand même un culot invraisemblable pour dire par exemple « la responsabilité, ce n'est ni l'austérité ni le laisser-aller » comme il l'a fait dernièrement dans un direct sur BFM. On parle d'un gouvernement qui a pris des décisions stupides au moment du COVID en arrêtant toute l'activité économique et qui pour compenser a versé des milliards aux entreprises en arrêt forcé. Un gouvernement qui continue à émettre des titres de dette indexée sur l'inflation, ce qui est une aberration économique qui demanderait une enquête pour savoir s'il n'y a pas des enrichissements personnels chez nos dirigeants ou chez leurs relations. Ces décisions sont trop irrationnelles d'un point de vue de l'intérêt national pour qu'on ne puisse pas y percevoir des malversations. Même la bêtise a ses limites très franchement. On a un gouvernement qui a accru la dette de l'état de plus de 700 milliards d'euro depuis l'élection de Macron à la présidence avec pourtant un bilan macroéconomique désastreux , le PIB français étant à peine remonté à son niveau d'avant les pseudo-mesures contre le COVID. En gros, la France a perdu quatre ans de croissance malgré un accroissement de la dette considérable sur la même période, ce qui mécaniquement a fait gonfler la part de l'endettement par rapport au PIB.

 

 

Alors on pourrait se dire à ce stade que nous avons affaire à des imbéciles incompétents. Et sans doute, qu'il y aurait du vrai dans cette affirmation. Les grossièretés guerrières d'Emmanuel Macron avec la Russie confirmant ce manque évident de compétence. Mais il faut bien aussi accepter l'idée qu'il y a une stratégie derrière ces endettements disproportionnés. Tout d'abord, cet endettement n'est pas perdu pour tout le monde, il enrichit les détenteurs de titre de dette qui saignent notre pays comme les usuriers qu'ils sont. L'endettement indexé sur l'inflation montre clairement que ce gouvernement roule pour des intérêts privés. Mais il y a un second effet à cet endettement. Il permet de justifier la démolition des restes de l'état providence. Nos dirigeants ne parlent jamais de l'origine de la dette ni des décisions qui l'ont nourri. Ils se contentent de dire que l'état dépense trop. Avec en sous-entendu les dépenses sociales, d’éducation, de santé, ou d'aides sociales sont trop importantes. On voit d'ailleurs le discours néolibéral se clarifier dans les dernières déclarations de Bruno Le Maire. D'ailleurs, le dernier budget de l'état a consisté à sabrer les dépenses dans l'éducation, la santé et la recherche publique. On voit donc clairement l'usage que les néolibéraux font de la dette et il ne faut pas être très malin pour deviner que le gonflement de la dette est en fait un moyen pour justifier a posteriori la démolition de l'état providence que les néolibéraux ont en horreur.

Pour casser cette stratégie, il est important de rappeler d'où vient la dette et quelles sont les dépenses les plus importantes de l'état aujourd'hui. Les deux fortes périodes de gonflement de la dette publique ont été à chaque fois le résultat d'aide pour des acteurs privés. Faut-il rappeler les immenses dépenses faites par Nicolas Sarkozy pour sauver le système bancaire de la faillite entre 2008 et 2010 ? Ce sont des centaines de milliards qui ont été engloutis pour sauver un système totalement vérolé. Personne n'est allé en prison et l'état n'a même pas nationalisé les banques. Par contre, les Français continuent à payer les intérêts produits par cet endettement. Des intérêts qui rapportent d'ailleurs de l'argent probablement aux mêmes qui avaient conduit le système bancaire à la faillite. On comprend ici l'expression privatisation des profit et socialisation des pertes. Le second coup a donc été la crise COVID. Et là encore, ce sont des acteurs privés qui ont touché des sommes parfois délirantes et sans aucune justification au nom des mesures prises par l'état pour lutter contre le grand méchant virus. On a encore eu affaire à la privatisation des profits et à la socialisation des pertes. Enfin, rappelons que le premier poste de dépense de l'état est largement les subventions aux entreprises. Elles représentent près de 6% du PIB près d'un tiers des dépenses de l'état. C'est largement plus que les dépenses pour la santé, l'éducation ou l'armée. Du reste, les dépenses utiles sont celles sur lesquelles on fait des économies depuis des décennies au point que les salaires des fonctionnaires sont tellement faibles que désormais l'état peine à recruter. Dans le secteur de l'enseignement, c'est l'hécatombe. Or notre gouvernement veut encore plus détruire ce qui reste de l'état et de ses fonctions régaliennes pour réduire encore les dépenses. Là on peut le dire, c'est totalement irresponsable même s'il est clair que c'est l'idéologie néolibérale qui est au cœur du problème.

 

L'économie est un circuit d'échange

 

Alors vous me direz qu'il est vrai que ces gens sont ignobles et se plaignent des problèmes qu'ils ont eux-mêmes fabriqués, mais il faut bien réduire la dette. Alors la question c'est quel moyen utiliser pour y parvenir? La méthode de la contrition que prône monsieur Le Maire n'est en fait pas vraiment un choix, c'est une contrainte produite par notre appartenance à l'UE et à l'euro. Rappelons que l'inflation en elle-même est un moyen de se désendetter si on a l'intelligence de ne pas indexer les titres de dette sur l'inflation bien évidemment. L'épisode d'inflation que nous connaissons était justement un bon moyen de réduire la dette mécaniquement les rentrées fiscales augmentant aussi avec l'inflation. Si l'inflation est plus importante que les intérêts de la dette, vous vous désendettez automatiquement. Mais l'état néolibéral n'a pas voulu de cette solution parce qu'il sacralise les rentes sous toutes leurs formes au détriment des salaires, du travail et des services publics. Alors est-ce que la baisse des dépenses publiques peut réduire la dette ? L'expérience montre que non. Le plus bel exemple est celui de la malheureuse Grèce qui n'en finit pas de payer la crise des années 2008-10. Alors que d'autres pays comme l'Islande ont, fait des choix inverses et laissez filer l'inflation réduisant leurs problèmes très rapidement. Mais tout comme nous, la Grèce a préféré se suicider en restant dans la zone euro.

 

Il est assez simple d'expliquer l'endettement produit par la réduction des dépenses publiques. Si vous comprenez que l'économie est un circuit d'échange, c'est assez facile à comprendre. Les dépenses des uns sont les recettes des autres. De sorte que d'un point de vue collectif il est en réalité bien difficile, de distinguer qui produit quoi. Nos élites néolibérales pensent que le privé crée la richesse et que le public le dilapide. Mais d'un point de vue macroéconomique, ça n'a rigoureusement aucun sens. On pourrait même dire l'inverse, ce sont les dépenses publiques qui font tourner le secteur privé par les dépenses de consommation des fonctionnaires. À dire vrai, la seule chose que l'on puisse dire c'est qu'il y a des secteurs clefs. Ceux qui produisent les biens manufacturiers, l'énergie et la nourriture qui sont les vrais créateurs de richesse, tout le reste tourne grâce à eux en quelque sorte. Mais même eux sont dépendants de la demande qui leur est adressée. On voit donc que nous sommes dans un système d'interdépendance et qu'il est complètement stupide de dresser des secteurs les uns contre les autres comme le font systématiquement les idéologues libéraux. On le voit donc ici, si vous réduisez brutalement les dépenses publiques, vous cassez la demande. Et vous faites un effet multiplicateur keynésien inverse. En fait, vous allez réduire la demande et donc l'activité économique et donc in fine les rentrées fiscales. Les gens consommant moins en tombant dans le chômage. À la fin la baisse des rentrées fiscales sera sûrement supérieure aux économies que vous aurez faites sur les dépenses publiques. Cela ne peut pas fonctionner. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour autant.

 

Comme je l'ai déjà expliqué plusieurs fois, le principal problème de la France n'est pas la dette ou le service de la dette. Le vrai problème se situe dans le déficit commercial. En fait si l'économie est un circuit fermé, toute injection monétaire se traduit par une accélération de l'économie, du moins tant que vous n'employez pas tous vos moyens de production. Au-delà de ça vous ne faites plus que de l'inflation. Mais nous ne sommes pas en économie fermée et régulée. Notre tuyauterie économique a des trous pour faire simple. Elle prend la forme des déficits commerciaux, mais aussi des fuites de capitaux à l'étranger. Quand Macron a injecté de l'argent sous forme d'aide aux entreprises l'argent est vite parti à l'étranger. Parce que les Français consomment trop de produits importés. C'est cette réalité qui empêche depuis les années 70-80 les politiques keynésiennes de fonctionner correctement en France. Et la situation s'est encore plus dégradée sur ce plan avec l'euro.

 

En effet, nous ne pouvons même plus dévaluer alors qu'il s'agissait d'un moyen facile pour permettre une relance de la demande intérieure efficace tout en évitant de trop importer. Les dévaluations augmentant le coût des importations et réduisant en même temps le prix des productions françaises. On le voit donc ici rapidement, le cœur du problème de la dette n'est pas la dette en elle-même, mais les conditions macroéconomiques qui conduisent à son existence. Les solutions de l'austérité n'ont jamais fonctionné, ou alors dans quelques cas quand de petits pays entourés de pays en forte croissance qui peuvent tirer la croissance de leurs économies par l'exportation. La France n'a pas du tout ce cadre. Au contraire, l'UE est une structure économique néolibérale naturellement en dépression, parce qu'obsédée par des déficits publics, même en cas de crise. Il n'y a aucun moyen pour que notre pays compense l'effondrement de sa demande intérieure par des exportations. Les seuls moyens de sortir de la quadrature du cercle de l'endettement seraient de briser le consensus néolibéral et de rompre avec la construction européenne. Faire en sorte que les Français consomment surtout des produits français en dévaluant et en faisant du protectionnisme. Dans ce cadre-là, une politique d'investissement public aurait un effet de véritable relance. Cependant, il est indéniable qu'à l'heure actuelle il n'y a aucune chance que ce type de politique puisse arriver au pouvoir en France. Nous allons donc assister à nouveau à une destruction de l'économie nationale par des politiques ineptes. Reste à voir quelles en seront les conséquences politiques à long terme. La France de 2024 n'est plus celle des années 80-90. Elle est beaucoup plus violente pour les chômeurs et les pauvres.

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