Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Les élections c'est pour dimanche au cas où vous l'auriez oublié. On peut d'ores et déjà dire que cette campagne fut exceptionnelle, non par sa qualité argumentative hélas. L'on pourrait même dire que sur ce plan elle fut extraordinairement médiocre. La faute en revient avant tout à la presse-système de plus en plus autiste et de moins en moins ouverte aux opinions divergentes. La surreprésentation des intérêts des classes moyennes et bourgeoises devenant horriblement monopolistiques. Non, si cette campagne fut exceptionnelle c'est surtout par l'accélération formidable du mouvement historique. On a senti tout au long de la campagne l'ombre du Brexit et de l'élection de Trump. Les médias classiques tremblent à l'idée d'un choc de ce type en France alors même que l'édifice néolibéral semble de plus en plus vaciller sur sa base. À tel point que la campagne française fascine même les médias américains d’ordinaire peu intéressés par les affaires du vieux continent et particulièrement par celle des Froggies. C'est en soi le signe d'un mouvement général qui frappe l'occident et particulièrement les principales sociétés libérales par excellence que sont les USA, la Grande-Bretagne et la France. La gueule de bois du néolibéralisme qui se fait sentir de plus en plus fortement emporte tout sur son passage.
Car le spectre de la crise hante le néolibéralisme. On ne peut plus faire semblant, depuis 2007-2008 rien ne fonctionne plus comme avant. C'est particulièrement vrai au sein de la zone euro où les tensions sont maximisées par la combinaison du libre-échange doctrinaire, d'un euro absurde et d'un comportement mercantiliste quasiment pathogène de la part de la puissance commercialement dominante du continent. Cette élection est sous la pression de ces contraintes extérieures avec la confrontation d'intérêts particulièrement conflictuels que ce sont ceux de la France périphérique pour reprendre la terminologie de Christophe Guilluy et ceux de la France des métropoles. Je mettrais cependant un bémol à la définition de Guilluy car pour lui les métropoles sont les gagnantes du système alors que pour ma part je pense qu'il s'agit ici d'une image momentanée. La France métropolitaine est gagnante à court terme, mais elle s'effondrera avec le reste du pays si rien n'est fait pour arrêter la direction actuelle. Les vraies métropoles gagnantes se situent plutôt en Asie ou partiellement en Allemagne et chez ses satellites. Les métropoles comme Londres ou Paris sont essentiellement des lieux de parasitisme macroéconomique vivant une hypertrophie du secteur tertiaire adossé à une dette extérieure sans cesse croissante de leurs nations respectives. Ces métropoles aspirant la substance économique de leur nation, elles ne sont nullement productives sur le plan commercial ou industriel.
Pour en revenir à l'élection, mon dernier texte sur le sujet était surtout mon avis personnel sur ma vision de l'élection. Je conçois tout à fait que mes lecteurs n’adhèrent pas à une vision basée sur une stratégie à plus ou moins long terme. L'on peut tout à fait préférer voter en son âme et conscience pour le candidat qui semble le plus proche de nos idées respectives. Pour ce faire, l'on doit discerner dans les propositions ce qui semble le plus successible, à nos yeux, à résoudre les problèmes français. Je donne donc ici quelques points vu keynésiens et protectionniste à la question. À vous de voir quel candidat fournit les réponses les plus proches de ces assertions. Je crois qu'il n'y a guère de doute sur les candidats validant ou invalidant les raisonnements qui suivent.
1- L'origine de la crise
Ma vision de l'économie est celle du keynésianisme pur qui par essence se place sur une échelle macroéconomique au niveau des collectivités nationales . La plupart des hommes politiques ont une vision parcellaire de l'économie, c'est particulièrement vrai des hommes politiques actuels. Depuis quarante ans l'école néoclassique rebaptisée néolibérale, ou ordo-libérale suivant les courants dominant qui souffle d'outre-Atlantique ou d’outre-Rhin, domine la totalité de l'espace public. Avec ces courants de pensée s'est imposée une vision microéconomique de la gestion des affaires économiques. Cela ne s'est pas fait instantanément, il a fallu pour cela que les anciennes générations d'après-guerre, celles qui avaient vécu dans leur chair les effets du marché libre et non faussé, disparaissent. Pour ces écoles de pensée dont Macron est une caricature, les actions collectives n'ont aucun sens. Les acteurs économiques doivent être laissés par les autorités publiques. L'état doit être le moins présent possible dans les affaires économiques. Les crises lorsqu'elles existent ne peuvent être que le résultat d'une déformation du marché par les puissances publiques. Partant de ce postulat faux, ces théories retomberont toujours sur un discours accusatoire de l'état par tout un tas de subterfuges de rhétorique. Pour eux la crise actuelle en France est le résultat de salaires trop élevés, de taxes trop fortes, et d'état trop présent. Nous aurions un problème d'offre résultant d'une mauvaise allocation des ressources parce que l'état est trop présent dans l'économie. Les libéraux peuvent avoir des divergences sur les détails, mais le fond de leur raisonnement est toujours basé sur ce type d'analyse.
Pour ces libéraux la seule porte de sortie pour la France est donc de réduire le coût du travail par tous les moyens possibles. Cette baisse du coût du travail réduira le prix de la production en France et finira par produire une hausse des exportations, ces hausses relançant l'investissement et la croissance. Ces politiques sont appelées politique de l'offre parce qu'elles considèrent que l'offre crée sa propre demande et que l'activité économique ne dépend que de ça. Dans le même ordre d'idée, les libéraux accuseront par exemple l'éducation nationale de ne pas fournir les bras pour créer cette offre magique qui relancera la machine. Les libéraux sont obsédés par l'offre et n'imaginent même pas qu'un problème puisse venir d'ailleurs. Ces remèdes sont appliqués avec obstination depuis des décennies un peu partout dans le monde. La Grèce est un parfait exemple récent d'une politique de l'offre poussée à son extrémité. Pour le keynésien que je suis et qui raisonne en terme macroéconomique tout ceci est un tissu d’âneries. La notion même de compétitivité est l'émanation d'un esprit malade qui pense que le but de l'économie n'est que compétition et continuation de la guerre par d'autres moyens. Il s'agit toujours d'écraser l'autre, de faire sa prospérité sur la misère d'autrui même si l'on prétend qu'à terme tout le monde sera gagnant malheur à vous si vous constatez que non. Il n'est guère étonnant, vu sous cet angle que les Allemands soient les champions du libéralisme, et de la politique de l'offre, quand on connaît leur histoire.
Le point de vue keynésien est tout autre. La crise est avant tout un problème de demande. Car c'est la demande qui conditionne l'investissement. Contrairement aux divagations de certains, les entreprises ne sont pas là pour créer des emplois, leur but est de faire du profit. Elles ne créent des emplois que si elles pensent que la demande va augmenter et que le seul moyen d'y répondre tout en faisant des profits sera de créer des emplois. C'est là que le raisonnement macroéconomique est important, pour les libéraux la demande viendra de l'extérieur, la situation de cet extérieur est ignorée parce que les libéraux raisonnent d'un point de vue microéconomique. Il est pourtant très simple d'un point de vue macro de comprendre que si tout le monde réduit les salaires pour faire une politique de l'offre, alors la demande générale s'effondre, et les bienfaits supposés de l’attrition salariale se transforment en hécatombe. La baisse de la demande générale entraînant une baisse de l'investissement , qui entraîne à son tour une baisse de la consommation et ainsi de suite. Mais pour raisonner ainsi encore faut-il appréhender le monde de façon holistique et non uniquement cartésienne. Les plus petites parties ne sont pas indépendantes du tout, malheureusement pour les théories libérales.
Sur le plan macroéconomique, la globalisation commerciale a créé une dépression de la demande globale. L'endettement extérieur privé et public de certaines nations a cependant permis à la globalisation de continuer à fonctionner, mais avec des déséquilibres macroéconomiques de plus en plus grands. On a maintenant une économie qui fonctionne avec un duopole extrêmement instable avec d'un côté un groupe de nations surendettées avec des déficits extérieurs extrêmes (USA, GB, France, etc..) et de l'autre un groupe de pays aux excédents commerciaux extrêmes (Allemagne, Chine, Corée du Sud, Japon, etc..). La crise actuelle couvait en fait depuis des décennies, elle n'est devenue apparente qu'avec la crise des subprimes. L'action déstabilisatrice du nouveau président américain Donald Trump ne fait que confirmer le fait que les nations déficitaires sont arrivées au bout du rouleau et qu'elles doivent impérativement retrouver un équilibre extérieur. Mais que cet équilibre ne peut pas uniquement se faire par l'effondrement de leur demande intérieure et par l'appauvrissement généralisé de leur population comme le feraient des politiques de l'offre.
2- Le protectionnisme est une nécessité
Trump a réhabilité le protectionnisme. Rappelons qu'historiquement les USA ont été pendant longtemps l'un des pays les plus protectionnistes de la planète. Le premier théoricien du protectionnisme était américain puisque c'est Alexander Hamilton l'un des papas de la constitution américaine qui rédigea le Rapport sur les Manufactures passablement protectionnistes. Un texte qui inspirera plus tard le théoricien du "protectionnisme dans l'enfance", Friedrich List. Dont l’œuvre servit de point d'appui au projet de Bismarck d'industrialisation allemande durant la deuxième moitié du 19e siècle avec le succès que l'on sait. Soyons précis ici. Le protectionnisme n'est pas le mercantilisme. Une politique mercantiliste vise à accumuler des excédents commerciaux bien souvent dans un but de puissance. Si le mercantilisme peut être le résultat d'un protectionnisme, il peut tout aussi bien être le résultat du libre-échange. Il suffit d'observer la Chine qui utilise ses énormes avantages comparatifs pour accumuler des excédents au lieu de faire profiter les Chinois de la hausse de sa productivité. La Chine n'a pas besoin de protectionnisme pour être mercantiliste. À l'inverse un pays qui fait du protectionnisme pour rééquilibrer sa balance commerciale ne fait pas du mercantilisme puisque son but est l'équilibre et non l'excédent.
Maintenant que cela est précisé, le protectionnisme est un outil qui rentre parfaitement dans le cadre d'une politique keynésienne de relance de la demande. Je dirais même plus, elle lui est d'autant plus nécessaire que la coopération internationale est faible. La réaction de la Chine et de l'Allemagne au protectionnisme de Trump montre que ces nations ne sont certainement pas prêtes à mettre fin à leurs agressions commerciales et à leurs politiques mercantilistes. Le protectionnisme est dès lors la seule possibilité pour sortir de ce cadre non coopératif. Les scénarios de relance dans un cadre non coopératif sont tous simplement irréalistes. En effet une relance de la demande en France par exemple sans une dévaluation ou une mise en place de protection commerciale ne ferait qu’accroître encore un peu plus les déficits extérieurs tout en créant peu d'emploi productif sur le sol français. de politiques tiennent de genre de propositions. Ceux qui s'amusent à proposer ce genre de solutions pour éviter les foudres de la critique libre-échangiste sont au mieux des irresponsables au pire des personnes malhonnêtes. Je vous laisse deviner quels types
3- L'euro, la relance et la post-globalisation
Et l'euro dans tout cela ? La crise mondiale de la demande ne peut pas être résolue de façon globale contrairement aux affirmations des globalistes. Il n'y a pas d'état global, ni de nation globale et encore moins de gouvernement mondial. Il y avait jusqu'à Trump un gouvernement américain qui par la taille de sa nation jouait en partie à ce rôle, mais avec un succès de moins en moins probant et de plus en plus coûteux pour l'américain moyen. Les USA sont trop petits pour tirer la croissance mondiale et les déséquilibres externes que cela provoque ont induit un appauvrissement massif d'une grande partie des Américains. Les énormes inégalités aux USA sont le prix à payer pour jouer les régulateurs macroéconomiques planétaire . Si ce rôle n'a pas déplu aux élites locales, c'est beaucoup moins vrai pour le reste de la population qui a fini par craquer en essayant Trump. En Europe la situation diverge un peu. L'euro a considérablement aggravé les tensions provoquées par le globalisme. Les données montrent que l'euro a agi comme un amplificateur de déséquilibre. Les pays excédentaires le sont plus que jamais, les pays déficitaires le sont plus que jamais. Et pour cause, la valeur de l'euro est une valeur qui dépend de la balance commerciale globale de la zone. Tant que la balance commerciale n'est pas déficitaire, l'euro n'a pas à se déprécier. Si votre pays a des déficits, la seule variable d'ajustement devient le taux de chômage et les salaires. À l'inverse le pays excédentaire se retrouve systématiquement avec une monnaie sous-évaluée parce que tiré par le bas par les pays déficitaires. Il est dès lors facile de comprendre les effets absurdes de la monnaie unique.
L'euro n'aurait été viable que dans un cadre fortement régulé dans lequel justement les déséquilibres commerciaux auraient pu être contrecarrés par des politiques protectionnistes de régulation des échanges ou par des politiques de relance contraintes pour les pays excédentaires. Pour que l'euro fût fonctionnel, il aurait fallu inclure une clause interdisant les excédents commerciaux. Évidemment les pays mercantilistes à commencer par l'Allemagne auraient refusé une telle clause. Tout comme le protectionnisme est une nécessité, la reprise du contrôle de la monnaie est un point essentiel à la mise en place d'une véritable politique de plein emploi et de relance. Là encore je vous laisse lire les programmes des candidats pour déceler ceux qui vous disent « demain on rase gratis », sans sortir de l'euro.
Le protectionnisme et la sortie de l'euro ne sont pas des buts, mais des moyens !
L’objectif de plein emploi et de résindustrialistion nécessite la sortie de l'euro et du libre-échange. Il est impératif de ne pas confondre les deux. La confusion entre les moyens et les fins en la matière étant malheureusement fréquente, il me fallait, je crois, bien préciser la question. À cela s'ajoute la sortie de l'UE à proprement parler puisque de toute manière on voit mal comment l'UE pourrait survivre à l'euro. Les élites européistes en sont bien conscientes d'où leur acharnement à sauver le soldat euro quitte à mettre tout le continent dans la misère grecque. Enfin le contrôle des capitaux est tout aussi essentiel. Car comment avoir une politique fiscale propre à notre pays, si tout un chacun peut s'exonérer des contraintes collectives en planquant son argent dans des pays à la fiscalité moindre. Là encore, on enfume trop souvent les Français en parlant de lutte contre les paradis fiscaux. C'est une vaste blague. Il y a toujours eu des divergences fiscales, mais avant il y avait des frontières pour empêcher les fuites. Soit l'on est pour la libre circulation des capitaux, et l'on ne vient pas pleurer parce que les états sont obligés de s'aligner sur le moins-disant fiscal. Soit l'on remet des frontières. Il n'y a pas d'entre-deux en la matière.
Nous allons résumer ici mon point de vue keynésien et protectionniste. Pour revenir au plein emploi, il nous faut passer par plusieurs étapes :
A- Il n'y a pas de solution globale. Il n'y a même pas de solution européenne réaliste. Comme il ne peut y avoir de relance globale, il faut retrouver la possibilité de relancer la demande nous même.
B- La construction européenne nous empêche ce type de politique. Il nous faut donc en sortir. Elle est l'émanation du libéralisme qui s'est imposé à nous depuis 40 ans. Tout politique prétendant qu'il est possible de faire autre chose que du libéralisme et des politiques de l'offre dans ce cadre est un charlatan.
C- Le protectionnisme et la dévaluation sont des outils au service de la relance de la demande intérieure. L'objectif étant la réindustrialisation du pays pour permettre à une politique de relance de la demande intérieure de fonctionner, et ainsi d'atteindre le plein emploi d'ici une décennie. Tous les emplois ne seront pas industriels, mais l'autonomie en la matière permettra une relance sans les déficits extérieurs dangereux.
Je n'ai pas abordé dans ce texte les questions écologiques. Je reviendrai sur cela en analysant un livre qui a été écrit par Philippe Murer il y a quelques années. J'espère que ce petit texte aussi synthétique que possible vous aidera un peu à faire votre choix. Le mien étant plus tactique qu'autre chose. Ces questions reviendront de toute manière rapidement sur la table. L'élection d'un libéral ne faisant que repousser à terme un changement inévitable. Les peuples ne peuvent pas accepter leur propre extinction pour les lubies de quelques fous tout aussi dominants soient-ils.