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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

L'asymétrie commerciale et les crises

 

David Cayla a fait un exposé assez condensé sur les effets de la construction européenne sur la cohésion sociale de nos nations. Il a également longuement discuté avec Jacques Sapir sur la situation économique européenne chez nos amis de République souveraine . Je dois dire que si je n'ai pas été d'accord sur certains points de détail, l'ensemble était plutôt convaincant. J'admets ne pas avoir encore lu son dernier livre « Déclin et chute du néolibéralisme », il faudra que je m'y attelle visiblement. Je vous invite à prendre le temps à regarder les deux vidéos pour vous faire une idée. L'UE au bord de l’abîme. L’intégration économique européenne est-elle un facteur de désintégration sociale? Le point intéressant de l'analyse de Cayla est l'importance qu'il donne à la question de la géographie et à l'importance des avantages acquis en matière industrielle. C'est un point que j'avais déjà abordé, mais sur lequel je n'avais probablement jamais assez insisté. L'analyse de Cayla a le mérite de remettre la géographie à sa place dans son rôle économique fondamental en matière d'avantage comparatif très important.

 

Et la construction européenne a été une démonstration particulièrement forte en la matière. En effet comme le souligne Cayla l'unification européenne a concentré les activités dans les territoires qui avaient le plus accès au réseau fluvial traversant l'Allemagne avec le Rhin au centre. Ce processus de concentration des activités qui ont résulté de la dérégulation de la circulation des capitaux à partir de l'acte unique européen en 1986 fut le point de départ véritable de cette spécialisation géographique et l'unification monétaire en sera la clef de voûte en quelque sorte. Cette réalité est très importante à souligner surtout avec la démagogie récurrente de certains intellectuels et économistes français qui ont tendance à réduire la désindustrialisation de la France aux conséquences d'un choix individuel de fainéantise ou d'autres absurdités du genre. Or il n'en est rien. Le simple fait de supprimer les frontières aux capitaux et aux marchandises a favorisé la mitteleuropa pour résumer la chose. Les territoires périphériques n'ayant pas accès à cet énorme réseau fluvial ont été en quelque sorte abandonnés par les investisseurs et les industriels, car moins bien lotis au départ.

 

 

Et il n'est donc pas vraiment surprenant de voir les plus grands ports européens à la sortie directs des grands fleuves traversant la mitteleuropa. Reléguant les ports français à des rôles extrêmement mineurs. Je rappelle que le premier port utilisé pour les marchandises françaises n'est pas en France, c'est Anvers. La carte fluviale du transport des marchandises en Europe est assez parlante en la matière. Relancer le projet d'un canal Rhin-Rhône élargi dans une optique d'une réindustrialisation grâce à l'accès au commerce fluvial ne serait donc pas une si mauvaise idée à plus ou moins court terme. Du reste en regardant cette carte, on comprend tout de suite l’engouement de l'Allemagne pour l'intégration des Balkans dans l'UE alors que cette région reste problématique avec encore des tensions politiques entre certains pays. Il s'agit simplement de continuer à étendre l'installation industrielle allemande dans la région en profitant du commerce à travers le Danube. À côté de ça la France est bien mal lotie et l'on comprend mieux la désindustrialisation du pays au-delà des questions ridicules sur les 35h, les charges sociales,la fainéantise des Français ou tout autre croquemitaine traditionnel libéral. Dans le commerce mondial, les hubs industriels s'installent là où c'est le plus pratique de produire et de distribuer les marchandises.

 

De la même manière que l'unification de la France a spécialisé les régions et entraîné le déclin de certaines moins avantagées, la construction européenne et l'euro ont spécialisé de grandes régions et des nations entières. La grande différence c'est que l'UE n'est pas unie sur le plan linguistique et culturel et qu'il n'y a pas de solidarités économiques réelles entre les régions riches et les régions pauvres à travers un budget conséquent. Les populations européennes sont donc beaucoup moins mobiles qu'au sein des nations ce qui entraîne des chômages importants dans les pays perdants et un manque de main-d’œuvre chronique au cœur des régions industrialisées. C'est d'autant plus vrai que l'Allemagne reste frappée par une démographie naturellement déclinante. Mais en analysant ainsi la situation, on peut sérieusement se demander comment les dirigeants français ont pu être assez bêtes pour croire que la France gagnerait quelque chose en participant à cette unification économique.

 

 

Le libre-échange est une théorie qui ignore le réel.

 

Plus largement on peut se demander comment des gens a priori intelligents ont pu le plus sérieusement du monde penser que la globalisation conduirait au meilleur des mondes. À un enrichissement général de l'humanité qui vivrait dans une félicité éternelle. Il faut relire et revoir les penseurs des années 80-90, tels Alain Minc vantant une mondialisation heureuse et bénéfique à tous. Loin de ce résultat, la globalisation a fait énormément de perdants et quelques très gros gagnants comme la Chine ou l'Allemagne. Encore une fois, la réussite n'est pas le fruit d'une intelligence particulière, mais bien plus souvent le résultat d'avantage au départ. La Chine a, en plus de sa main-d’œuvre abondante, de ses salaires très bas et de sa population très obéissante, bénéficié aussi d'une géographie avantageuse en termes de fleuve et de port facilement accessibles. Ajoutons à cela une forte propension culturelle à l'instruction des jeunes et le décollage chinois était une évidence qui avait d'ailleurs été largement prévue par certains intellectuels.

 

Le libre-échange avait une tare dès le départ en fait. Il s'agit d'une théorie qui est un simple jeu de raisonnement excluant en réalité énormément de paramètres de sa propre logique. Le point de départ est un axiome qui prétend l'égalité des acteurs économiques et qui ignore parfaitement le protectionnisme naturel du monde dans lequel nous vivons. Les questions géographiques par exemple n'entrent jamais dans le raisonnement, pas plus que les systèmes sociaux ou les salaires. Et je ne parlerais même pas des contraintes géopolitiques. En réalité, le seul libre-échange qui est un tant soit peu de sens dans le monde réel est celui pratiqué à l’intérieur des nations parce que la solidarité nationale et l'homogénéité des lois et des salaires permettent une application plus proche de l'idée d'un libre-échange réel. Mais entre les nations, le libre-échange, au sens de la déréglementation du commerce, entraîne surtout des concentrations d'activité chez ceux qui ont des protections naturelles. Et comme le disait si bien Friedrich List, le pays qui n'a nulle qualité et nul avantage comparatif n'aura plus qu'à vendre ses enfants et prostituer ses femmes. Pour beaucoup de nations dans le monde c'est déjà le cas en réalité. Donc le seul moyen de sortir de la misère ou de l’empêcher de s'étendre est de rompre en réalité avec le libre-échange apparent pour essayer de compenser les désavantages que l'on peut avoir. C'est dans ce cadre-là que le protectionnisme apparaît comme très pertinent.

 

Et la France dans tout ça, me direz-vous ? Comme je l'ai dit dans mon précédent texte, la réindustrialisation est une nécessité absolue. Mais nous avons un problème d'élites, incapables de se remettre en question, et surtout d'aborder de façon rationnelle la question européenne. L'UE est un désastre pour notre pays.Certes, les Français bénéficient des marchandises moins chère venue de l'optimisation économique de l'Allemagne et de ses satellites économiques, mais au prix d'un déclassement social massif de la population et d'un déclassement national. Le pays ressemblant de plus en plus à un pays du tiers-monde avec un petit noyau de gros rentiers en son centre. Une telle société n'est à mon humble avis pas très viable très longtemps et la colère d'une masse croissante de la population ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que les effets de la désindustrialisation se font sentir. Surtout avec la fin de l'endettement possible de la part de l'état français qui faisait jusque là de la compensation. Il n'y a que deux solutions. Soit, nous nous réindustrialisons. Ce qui passe par une rupture avec le libéralisme et l'UE. Ce qui n'a rien avoir avec la réindustrialisation imaginaire de Macron. Soit, la France accepte son déclassement et fait partir plusieurs millions de Français du territoire pour se concentrer sur ses activités tertiaires et touristiques. Les Français en question allant bosser en Allemagne et dans la mitteleuropa. Je vous avoue que je pense qu'il s'agit là du vrai projet de Macron. Faire de la France un sous-pays peuplé de 20 à 30 millions d'habitants réduit aux services et intégré dans l'Allemagne en fait. Est-ce que les Français accepteraient une telle évolution, je ne sais pas, mais nous sommes bien partie pour.

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