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La Cour des comptes vient de sortir un rapport sur l'état catastrophique des finances publiques français. Quelqu'un d'un peu naïf pourrait se dire qu'il est quand même bien dommage qu'un tel rapport ne fût pas présenté avant les élections européennes puisqu'il s'agit quand même d'un point d'éclairage très important pour les citoyens. Et ces derniers doivent pouvoir voter, normalement, en étant parfaitement informé de la situation réelle du pays et du bilan du gouvernement en place. Or comme par hasard, ce rapport tombe juste après les élections et en particulier juste après des législatives particulièrement problématique. Et bien évidement, le rapport tombe alors que la formation du nouveau gouvernement semble hautement problématique, à l'image des résultats de cette élection qui n'ont donné aucune majorité claire même si la gauche faible semblant d'avoir largement gagné. Probablement, les lecteurs de mon modeste blog ne sont sûrement pas dupes de la manipulation. Elle est tellement grossière que n'importe qui peut s'en rendre compte.
Ce rapport tombe pour manipuler le jeu politique et favoriser la formation d'un gouvernement de contrition économique. C'est d'ailleurs ce que les instances néolibérales qui nous gouvernent réellement souhaitent à savoir la BCE et la Commission européenne, sans parler du FMI qui verrait bien une purge économique en France. Le rapport de la Cour des comptes aurait très bien pu sortir il y a six mois ou plus, mais comme dans les affaires judiciaires qui apparaissent au moment des élections, on a là la preuve du manque d'indépendance et de neutralité de nos grandes institutions. Des institutions qui devraient uniquement voguer à leur propre rythme sans vouloir interférer avec les processus électoraux, enfin si nous vivions dans une véritable démocratie où la séparation des pouvoirs n'est pas qu'un slogan publicitaire. Mais si la situation du budget national est effectivement catastrophique après sept ans de macronisme il faut rappeler tout de même que ce n'est pas que le fruit de la gabegie dans les services publics. Loin de là puisque par exemple les subventions aux entreprises ont explosé depuis l'arrivée de Macron au pouvoir comme l'indique le graphique suivant. Si l'on regarde sur l'année 2021-22 on voit aussi le gonflement rapide des intérêts de la dette qui sur cette année ont augmenté de 48%. On se souvient des obligations d'état indexées sur l'inflation qui sont une absurdité économique, et du grand emprunt européen pour lequel la France n'a touché qu'une partie alors qu'elle aura pourtant la charge de rembourser dans son intégralité.
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Comme vous le voyez, le discours sur la dette et l'origine du gonflement de la dette publique sont deux choses distinctes. Le but étant pour les politiques européistes de valoriser le discours antidépense publique en faisant croire que ce sont les dépenses de fonctionnement qui sont à l'origine de l'explosion de la dette alors qu'il n'en est rien. L'objectif étant toujours le même, celui de la démolition des derniers restes de l'état providence. Il ne faut jamais oublier que l'endettement sur les marchés financiers est très récent en réalité. La France jusqu'en 1973 a utilisé le circuit du trésor et empruntait uniquement à la banque de France. C'était infiniment moins coûteux en termes d'intérêt, et beaucoup plus logique. Pourquoi devrions-nous emprunter de l'argent produit ex nihilo à des acteurs privés? Et la masse monétaire doit croître régulièrement au rythme des besoins d'une économie. On sait depuis la crise des années trente que la contrition économique est un véritable danger pour une économie moderne avec des gains de productivité. C'est la meilleure route pour la déflation et la dépression. Seulement lorsque vous accroissez la masse monétaire par l'émission monétaire et l'emprunt à taux zéro à la banque de France cela n'a pas le même effet à long terme que si vous l'accroissez par l'emprunt sur les marchés financiers, ces derniers réclamant des intérêts. Il n'y a pas à chercher beaucoup plus loin l'origine de l'explosion des dettes publiques en occident depuis les années 70.
J’insiste sur cette question parce que la malhonnêteté des libéraux en particulier est tout à fait invraisemblable. Il n'y a pas eu de forte augmentation des dépenses dans la fonction publique. À la limite peut-on critiquer la fonction publique territoriale, mais ce n'est pas l'état. S'il y a eu de la gabegie c'est surtout sur des dépenses délirantes à des moments clefs. La crise de 2008-2010 par exemple a fait fortement augmenter la dette publique. Et nous avons déversé des milliards sur des banques privées pour éviter l'effondrement du système bancaire. Or il n'y a eu aucune nationalisation ou restructuration à l'époque. On n'a même pas remis en place la séparation des activités bancaires pour protéger l'épargne des Français. À mon sens les libéraux feraient bien mieux de parler de ça. À chaque crise internationale, provoquant des remous économiques, on constate que l'état est fortement mis à contribution, et cela sans qu'il n'y ait jamais de retour positif pour l'état. S'il y a un problème dans la gestion des dépenses publiques, c'est bien là qu'il est. On a un état qui a été privatisé et qui utilise l'argent public pour des intérêts privés. Et les obligations d'état indexé sur l'inflation n'étaient qu'une nouvelle preuve de cette forfaiture.
Le suicide collectif de la course à l'excédent commercial
Mais comme je l'ai dit dans mon texte précédent, le véritable problème de l'économie française n'est pas la dette publique. Celle-ci n'est finalement que la conséquence de choix à court terme et d'intérêt privé d'un état qui n'est plus au service de sa population, mais de quelques intérêts particuliers. Le véritable problème de fond c'est la dette extérieure résultant des déficits commerciaux. Un processus produit par la désindustrialisation, le libre-échange, mais aussi par l’agressivité commerciale d'autres nations. Car la globalisation n'a pas du tout évolué selon les théories libérales qui pensaient que tout se passerait bien dans le meilleur des mondes possibles. Dans les années 70 au moment de la grande dérégulation planétaire, les théoriciens de l'époque pensaient que la seule fluctuation des taux ce change permettrait la régulation du commerce international. Les pays excédentaires connaîtraient des hausses de la valeur de leur monnaie, hausse qui réduirait leur compétitivité et donc leurs excédents commerciaux. À l'inverse les pays qui connaîtraient des dévaluations seraient plus compétitifs avec des prix relatifs plus bas. Cette théorie de la régulation par les fluctuations monétaires fut l'une des justifications de l'abandon des nombreuses taxes et quotas qui régulaient les économies du monde jusqu'à cette époque.
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Malheureusement cela ne s'est pas tout à fait passé comme cela. On constate depuis la fin des années 70 une explosion des déséquilibres commerciaux. Déséquilibres qui sont à la source des crises à répétition que nous connaissons un peu partout. On constate que certains pays accumulent des excédents quand d'autres accumulent des déficits, ces derniers ayant plus ou moins rapidement des problèmes sauf pour les USA qui ont la monnaie internationale et qui jusqu'à présent ont réussi à éviter un effondrement monétaire grâce à ce statut particulier. En réalité loin d'avoir apporté une paix internationale, la libération des capitaux et des marchandises a lancé la planète dans une guerre économique totale. Alors que le libéralisme s'était en partie construit contre les politiques de Colbert qui a inventé en quelque sorte le mercantilisme, les libéraux modernes ont encouragé ce comportement agressif pourtant fortement dommageable pour les économies de la planète. Encore aujourd'hui les journaux dits libéraux ne font qu’encenser les excédents commerciaux allemands ne comprenant pas qu'ils nourrissent les crises en Europe et dans le monde.
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Rappelons ici la distinction entre le mercantilisme et le protectionnisme. Le protectionnisme consiste à poser des protections sur le commerce que ce soit des droits de douane des quotas ou des normes diverses. Le protectionnisme peut en effet prendre beaucoup d'aspects. Il peut aussi résulter de la géographie ou d'un comportement collectif naturellement nationaliste comme au Japon par exemple. Les Japonais préféreront toujours acheter japonais qu'étranger là où un Français fera un choix plus individualiste. Pour des gens qui pensent que les peuples sont interchangeables, cette différenciation culturelle semble impossible. Pourtant, elle se mesure bien dans la pratique. Le mercantilisme lui consiste à accumuler des excédents commerciaux. Le protectionnisme peut servir le mercantilisme, mais le libre-échange aussi, tout dépend du contexte économique. J'insiste sur ce fait, car on a une fâcheuse tendance à confondre les deux alors que c'est très différent. Le protectionnisme est un outil alors que le mercantilisme est une stratégie de domination par le commerce. Elle devrait être normalement condamnée par principe, car elle est fondamentalement porteuse de confrontation et de crises. Or que font nos économistes? Ils l'encouragent et ne cessent d’applaudir aux excédents chinois ou allemands. S'il est bien de rappeler que des déficits commerciaux sont dangereux, il faudrait quand même à un moment donné rappeler aussi que ce sont les fruits des excédents d'autres pays. Quand des nations ont des excédents structurels, ils devraient être condamnés par la communauté internationale. Même Adam Smith préconisait des politiques protectionnistes en réponse à de tels comportements commerciaux.
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Si la France a effectivement un problème de dette publique, rappelons qu'elle est aussi victime de l'Allemagne et de la Chine qui sont des pays fortement mercantiliste. L'absence de réaction de notre pays face à ces agressions, voilà le vrai problème. C'est d'autant plus grave que nous n'avons même plus le seul outil qui nous restait après la dérégulation des années 70 à savoir la variation de notre taux de change. Rappelons également qu'en lançant une course à l’excédent commercial vous cassez mécaniquement la demande mondiale puisque tout le monde ne peut pas avoir d'excédent commercial en même temps. Si tout le monde réduit sa demande intérieure pour avoir des excédents, vous créez mécaniquement une insuffisance de la demande. C'est particulièrement vrai pour la Chine avec son poids gigantesque qui commence en plus à avoir des problèmes de vieillissement. Le mercantilisme allemand détruit l'Europe, mais le mercantilisme chinois risque de détruire la planète. L'Europe qui connaît actuellement une nouvelle baisse de sa production manufacturière devrait se demander si casser l'économie française est une bonne idée alors que l'on devrait plutôt pousser l’Allemagne à augmenter sa demande intérieure pour réduire à la fois ses excédents et nourrir un retour à la croissance économique. Bien évidemment la première intéressée le refusera, mais il faudrait déjà mettre l'option sur la table pour mettre les Allemands face à leurs contradictions et à leur agressivité économique.