Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
La chaleur estivale est enfin installée , votre hôte sort d'un gros épisode fiévreux, j'ai passé la moitié de la semaine dernière au lit pour tout vous dire. Et pour tout dire, je suis encore assez patraque au moment où j'écris ce texte. Et alors que je m'attendais à faire un texte rapide sur des questions économiques triviales, voilà que nos médias annonce un coup soi-disant historique, Joe Biden se retire de la campagne électorale américaine à seulement quelques semaines de l'élection. Alors suis-je surpris, pas vraiment. La véritable surprise c'est qu'il ait fallu autant de temps au parti démocrate pour s’apercevoir du problème. Il en va de même des médias, en particulier français, qui semblent aujourd'hui découvrir ce qui a pourtant crevé les yeux de n'importe qui ces dernières années à savoir que le président américain était à peine plus dynamique que le cadavre de Lénine exposé dans son mausolée en Russie. La presse semble aujourd'hui réaliser cet état de fait. Elle nous jouera probablement le même spectacle d'étonnement lorsque la guerre en Ukraine sera terminée et que l'inéluctable défaite sera alors annoncée. Mais comme c'était étonnant vraiment.
Comme vous le savez, cet épisode assez prévisible en réalité avait en plus été précédé d'un événement plus spectaculaire, celle de la tentative d'assassinat de Trump. Cet épisode semble avoir convaincu encore plus les Américains de voter pour l'ancien président à la houppette blonde. Alors est-ce que le changement d'hier va stopper cette montée de Trump à dire vrai, je n'en sais rien et je pense franchement que cela a beaucoup moins d'importance que ce que beaucoup croient en France et en Europe ? Il ne s'agit pas ici de rappeler que le président américain n'est pas le président français, il a beaucoup moins de pouvoir. Ni de conjecturer sur les actions de Trump. Pour certains à droite en particulier, il est presque le messie qui va mettre fin aux actions du méchant état profond américain. En réalité comme je l'ai déjà dit dans quelques textes je ne crois pas du tout au caractère démocratique des USA. Ce pays n'a jamais été une démocratie et son régime politique a été pensé avant tout pour concentrer le pouvoir aux mains des puissances d'argent et rien d'autre. Le problème n'est pas nouveau, il est structurellement lié à l'origine de cette république. Et ce n'est même pas moi que le dit, mais des penseurs américains eux-mêmes. L'un des pères fondateurs des USA Alexander Hamilton, qui était aussi le père du protectionnisme américain, détestait la démocratie et pensait qu'il fallait installer la corruption au cœur du système pour permettre aux riches et aux entreprises d'orienter le système politique du pays.
De fait, ce que les gens appellent aujourd'hui l'état profond n'est pas une dérive d'une société qui aurait muté au fil du temps et qui par accroissement progressif du vice de ses dirigeants se retrouverait aujourd'hui dans un système corrompu. L'état profond américain, celui des riches et des puissances d'argent, c'est le vrai état américain depuis le début. Il y a bien eu des accidents avec des présidents sortants un peu du système comme Franklin Delano Roosevelt, mais comme dans le cas du général de Gaulle en France ce fut plus un accident lié aux circonstances historiques que le produit du système politique local. Il faut bien comprendre que ce système politique, s'il n'est pas démocratique, a quand même eu un temps un grand succès. Il est indéniable que les USA ont été le pays le plus dynamique de la planète de la fin de la guerre de Sécession jusqu'en 1945. Ce succès n'était pas uniquement le fruit de ses qualités organisationnelles et les USA ont bénéficié d'une dynamique démographique, elle aussi exceptionnelle, et du suicide régulier des puissances européennes. Sans parler du très fort protectionnisme économique américain. Les USA avaient aussi l'énorme atout d'un pays immense, neuf et plein de ressources naturelles.
La corruption du système américain a bien été un atout pour le pays pendant sa première vie. Quand les USA vivaient dans leur monde loin de la vieille Europe et des traquenards politiques et surtout de façon relativement isolé sur le plan économique, cette caractéristique de système politique corrompu était en fait un avantage. Car il est vrai que l'état mettait tout en œuvre pour développer le commerce l'industrie et le développement du pays. N'oublions pas non plus le poids de la religion locale protestante et toutes ses dérivées qui étaient un véritable moteur éducatif et industriel. Comme l'avait très bien noté Max Weber puis appeler Emmanuel Todd dans son dernier livre, le protestantisme fut intimement lié au décollage économique. Et les USA étaient au départ la nation du protestantisme. De fait même si la corruption était forte à l'époque des barons voleurs, elle restait relativement tempérer par les interdits du christianisme encore très fort dans ce pays à l'époque. Le dernier facteur explicatif du succès des USA fut aussi le simple fait que l’intérêt des riches du pays à l'époque était aussi lié au pays lui-même. Il y avait un véritable patriotisme et les notables n’avaient pas qualité pour quitter le pays. Il ne déconnectait pas leur destin de celui du pays dans lequel ils avaient fait fortune. Et il y avait pour ainsi dire une fusion entre les intérêts des grandes entreprises et celle des USA. On peut dire qu'en 1930 l'intérêt de Ford c'était aussi l'intérêt des USA, mais peut-on encore le dire aujourd'hui ?
Les USA ont aujourd'hui une élite apatride
Le problème du modèle américain de corruption au plus haut niveau de l'état est que cela ne marche que si l'intérêt des grandes entreprises et des très riches coïncide à peu près avec celui des USA en tant qu’entité politique. Cela a bien évidemment comme inconvénient d'être peu favorable aux pauvres de ce pays, mais ce pays semble depuis le début pouvoir accepter des inégalités sans commune mesure avec ce que l'on a pu connaître en Europe. Malheureusement, la globalisation qui s'est construite après 1945 d'abord au sein de l'occident puis qui s'est élargie progressivement pour atteindre toute la planète depuis la fin de l'URSS a transformé les entreprises américaines et le capital national. Les grandes entreprises américaines sont devenues des multinationales, le capital américain s'est répandu partout et les USA sont depuis devenus un empire d'un nouveau type dont rien ne dit que l'espérance de vie sera plus longue que celle des empires plus classiques.
Il y a eu aux USA plus encore que dans les autres pays d'occident une déconnexion massive des élites de leur milieu national. Le globalisme a produit beaucoup de pauvreté aux USA, mais aussi énormément de richesses ultra-concentrée et financiarisée. Si les USA ont toujours énormément d'entreprises dans le top mondial dans tout un tas de domaines, ces dernières ne sont en fait plus vraiment américaines. Une entreprise comme Apple par exemple ne produit pratiquement rien aux USA, et cette entreprise ne paie pratiquement pas d'impôts dans son pays d'origine. Les promoteurs de la globalisation ne sont pas allés au bout de leur idée. Si les entreprises sont multinationales, c'est qu'elles n'ont plus de nationalité et se comportent comme des entités indépendantes de leur pays d'origine. Les intérêts d'Apple ne sont donc plus ceux des USA. C'est quelque chose de simple à comprendre pourtant tout le monde continu à agir comme si ces entreprises étaient encore accolées à un pays. C'est probablement vrai dans des pays comme le Japon, la Corée du Sud et encore plus pour la Chine, mais pour des pays comme la France ou les USA la notion de nationalité des grandes entreprises n'a plus aucun sens.
Ce ne serait pas un problème si les USA n'avaient pas un système politique vérolé par la corruption. En effet, on pourrait très bien imaginer un système politique qui prend acte de la séparation entre la nation géographique et les grandes entreprises. L'état devant avant tout défendre le développement du pays, le destin de ces grandes entreprises n'étant plus vraiment celui de la nation. Mais à partir du moment où ce sont justement ces grandes entreprises qui font votre jeu électoral et votre politique vous avez un énorme problème. Car l'état devient le supplétif d'entités économiques qui n'ont plus du tout comme intérêt le territoire des USA. Car leur jeu est planétaire, les USA n'étant plus qu'un petit bout de terre au milieu de leur terrain de chasse. On peut dire ici que la particularité du système politique américain qui avait été jusque là un avantage historique lorsque leur système était national se retourne contre eux maintenant qu'ils ont une structure impériale. Tout comme l'Empire romain a vidé le Latium de toute forme de production détruisant l’agriculture et l’artisanat local produisant une société très inégalitaire partagé entre plébéien et patricien. L'Empire US a produit exactement la même chose. La grande différence est le rythme incroyable de l'évolution. Il avait fallu quatre siècles au romain pour faire ce que les USA ont fait en seulement deux générations.
La destruction des capacités de production est tel que même sur l'armement, les USA sont désormais obligés de délocaliser la production au Japon par exemple pour les missiles patriotes. Ainsi on peut dire que l'entité impériale américaine, ce que certains appellent l'état profond, n'est plus vraiment américaine. Il n'y a plus de lien entre cette entité et l'intérêt des USA en tant que nation. Alors est-ce que cette élection va changer quelque chose ? Probablement pas. Certains imaginent Trump mettant fin à l'état profond, c'est à mon sens oublier un peu vite que l'état profond a déjà atteint son objectif en Ukraine, celui de couper l'Allemagne de la Russie. Biden était simplement un acharné qui était trop gourmand. Casser la Russie est aujourd'hui hors de portée des USA . Pour l'état profond américain ce qui compte surtout, c'est casser la Chine, en ce sens Trump est beaucoup plus proche à mon humble avis des intérêts des élites américaines que les néoconservateurs anti-russes. La Chine est la seule entité à pouvoir remettre en cause le système impérial américain et le statut du dollar qui le maintient. Surtout qu'en provoquant la Russie les USA n'ont fait que la mettre dans les bras de la Chine, une erreur stratégique assez grossière en réalité. Pour ces raisons je ne crois pas du tout à des changements importants sur le plan stratégique. Le seul intérêt que nous pourrions y voir est une mise à nu de la nature de la vassalité européenne. Trump ayant une attitude beaucoup moins diplomatique, la nature de la construction européenne apparaîtra encore plus limpidement pour ce qu'elle est, une entreprise de domination de l'Europe par les USA. Et c'est après tout peut-être ce que craignent surtout les européistes.