Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Je ne vais pas parler à nouveau des élections américaines, mais j'ai eu vent de propos, assez incroyables quand on y pense, de la part de la femme de Barack Obama. Elle a tenu un discours de soutien à la candidate, un peu accidentelle, du parti démocrate Kamala Harris. Donc Michelle Obama, qui n'a de légitimité que parce qu'elle est mariée à un ancien président, nous dit littéralement que les Américains n'ont pas le droit de choisir qui vient s'installer dans leur pays. Personne n'aurait le monopole pour choisir qui vient s'installer chez eux. Je trouve ces propos absolument invraisemblables à titre personnel, et profondément antidémocratique puisque niant le plus absolu des droits des peuples depuis que l'histoire humaine a commencé avec la sédentarisation et l’agriculture, il y a un peu plus de 6000 ans. Ces propos ont au moins la qualité de montrer l'idéologie qui aujourd'hui imprègne totalement les élites US et très certainement les nôtres aussi. En effet, on aurait très bien entendu ce type de propos dans la bouche d'un Macron ou d'un Mélenchon lui qui défend à tout prix la créolisation de la France.
En un sens, ces propos font écho aux propos tenus par Margaret Thatcher en 1987 « There is no such thing as society. ». Cela exprime bien ce que l'on nomme le néolibéralisme qui est un libéralisme dont la substance d’origine, largement encadrée par les croyances et les tabous chrétiens, s'est vidée au profit d'un vide absolu. Plus rien n'existe que le calcul égoïste des individus réduit à eux-mêmes et à rien d'autre. Ces propos en quelque sorte montrent l'aboutissement d'une évolution qui a commencé à l'époque dite des lumières et qui se termine dans une glorification du néant individualiste. Si à l'origine le libéralisme (politique d'abord) a été une réponse en quelque sorte aux horreurs des guerres de religion, son logiciel interne avait en quelque sorte un défaut depuis le début. Ce défaut avait d'ailleurs parfaitement repéré par certains penseurs du libéralisme lui-même. Rousseau qui était physiocrate avait bien vu que si chacun n'agissait qu'en fonction de son intérêt particulier il n'y avait aucune raison pour que la société fonctionne. Il a donc introduit un peu artificiellement sa notion d'intérêt général. Le citoyen devait agir dans l'intérêt général et il fallait qu'une structure, en l’occurrence l'état, agisse dans cet intérêt supérieur aux petits intérêts des individus.
Chez Montesquieu on retrouve aussi ce type d'astuce, mais lui partira plutôt sur la notion de patriotisme. En ce sens, je me sens plus proche de la vision de Montesquieu sur cette question. C'est l'amour de la patrie et de la nation qui permet aux citoyens de ne pas tomber dans l'égoïsme total qui conduirait la république et la démocratie à l'autoannihilation. On retrouvera ce genre d'astuce chez la plupart des penseurs, dits libéraux, même chez les libéraux économistes. La raison est assez simple comme le disait Keynes, il n'y a aucune raison de penser qu'un système organisé autour de l'intérêt purement individuel puisse produire une action collective cohérente. On peut très bien comparer ça à des équipes sportives. Il est bien évident que les épiques qui ont une cohérence collective sont bien plus efficaces que les équipes où chaque joueur jouerait en fonction de son propre intérêt sans aucun questionnement sur le comportement collectif. C'est exactement la même chose avec les sociétés en général, l'absence d'organisation collective conduit inéluctablement à l'incohérence collective.
Alors évidemment certains ont cherché des astuces logiques pour légitimer le laissez-faire à l'image de la fable des abeilles, mais cela ne tient pas la route. Les insectes ont une cohérence collective construite autour de la programmation chimique, ce ne sont pas des individus au sens où nous l'entendons, ils n'ont pas de libre arbitre. Le libéralisme comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprise a évolué, mais sa matrice de fond qui était l'idée d'une fragmentation de la société autour de l'individu a toujours été présente. En ce sens Michéa avait parfaitement raison, tout cela ne pouvait se terminer que par la situation présente, celle de la négation de toute forme de collectivité au point même de nier la démocratie elle-même et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Puisque n'existent que les individus, nous devons aller jusqu'à dissoudre toute forme de solidarité et de lien. Les libertariens US sont en ce sens le dernier stade du libéralisme en phase terminale. La nation n'existe pas, dissolvons l'état, et surtout rendez-moi mes impôts.
Les images d'une société complètement déstructurée qui nous viennent des USA comme vous pouvez en avoir un aperçu ici sur la ville de Santa Monica ne sont que les effets à long terme d'une absence de collectif. Décidément, l'être humain n'est pas qu'un individu, il est structuré par sa famille, son éducation, ses croyances. Pour être un véritable citoyen, vous ne pouvez pas n'être qu'un individu égoïste, c'est antinomique. Mais si vous ne croyez en rien effectivement vous pouvez tenir des discours creux où la nation n'existe pas et où chacun fait ce qu'il veut, advienne que pourra, à l'image du discours de madame Obama ou de Margaret Thatcher.
Le suicide des sociétés individualistes
En un sens, l'affrontement entre les BRICS, puissances montantes, et l'occident en déclin, souligné dans la dernière analyse de Jacques Sapir, est un peu la conséquence de ces évolutions. La Chine et les autres puissances des BRICS rejettent de plus en plus violemment un modèle de société qu'ils considèrent, très probablement à juste titre, comme suicidaire. La société libérale n'attire plus, parce qu'elle est en échec, comme le fut l'URSS en son temps même si c'est pour des raisons opposées. Si l'occident avait pour ainsi dire réussi à être un exemple pour l'humanité jusqu'aux années 90, pourrait-on dire, c'était avant tout grâce à ses forces internes qui avaient survécu à la longue marche de l'individualisme grandissant. Les USA des années 50 étaient certes libéraux sur beaucoup de points, mais avaient encore un fort patriotisme et des sentiments collectifs et religieux forts. On pourrait dire la même chose de la France Gaulliste. Cette structuration collective s'est fortement abîmée à partir des années 60 chez les jeunes générations. Les boomeurs sont en quelque sorte la première génération un peu apatride, et cela s'est aggravé par la suite. Les vieilles générations nous quittant, il ne reste plus aujourd’hui que des populations sans sentiment patriotique fort et sans conscience collective. Les seules choses qui restent étant l'intérêt catégoriel au mieux, individuel le plus souvent.
C'est l'effondrement ces dernières digues collectives qui ont conduit à la situation présente et qui empêchent désormais les Occidentaux de parler et d'agir réellement dans leur intérêt collectif. Nos nations ne sont plus des nations, mais des assemblages d'individus égocentriques. Dans ce cadre, la corruption explose et l'intérêt général devient le privilège de quelques particuliers comme dirait Montesquieu. L'organisation des deniers jeux olympiques à Paris, a, en quelque sorte, été la parfaite démonstration de l'égoïsme absolu qu'on retrouve à la tête de l'état. Le tyran voulait ses jeux, il a tout fait pour les avoirs, même si le pays croule sous les dettes, et il a même vidé la ville de ses indésirables pour créer son paradis idéal. Évidemment, la démocratie n'a plus de sens non plus puisque celle-ci n'est imaginable que parce qu'il y a un lien de solidarité entre les individus d'une même nation. Considérer que les étrangers ont les mêmes droits que les locaux c'est déjà enterrer la démocratie et la vider de sa substance. Rappelons qu'Athènes, la démocrate, était passablement raciste et n'octroyait sa nationalité qu'au compte-gouttes. Un fort sentiment démocrate va de pair avec une certaine xénophobie et beaucoup de patriotisme, n'en déplaise aux gauchistes. L'antiracisme généralisé est en fait probablement le meilleur indicateur de l'effondrement de la croyance collective. Loin d'être un progrès, cela pourrait en fait montrer l'état de dégradation des croyances collectives en occident et le dépérissement de la démocratie. On est d'autant moins raciste qu'on ne croit plus à la nation et au concept de collectif humain.
Heureusement, l'occident n'est pas le monde et son dépérissement entraîne mécaniquement son remplacement par d'autres entités. L’affaiblissement des sociétés occidentales les fera tôt ou tard devenir des jouets d'autres civilisations capables encore d'actions collectives fortes. Ce faisant, on peut espérer que cette confrontation finira par obliger les peuples d'occident à revoir leurs copies et leur manière de s'organiser. Un peu comme les grandes invasions du passé ont souvent régénéré des sociétés bloquées, même si cela se faisait par d'immenses horreurs et des guerres sanglantes. Par contre comme Emmanuel Todd je vois mal l'occident actuel être capable de renouer avec un certain patriotisme tout seul, et faire un rebond collectif. Je ne le dis pas trop pour ne pas désespérer mes lecteurs et moi-même, mais sans un conflit grave, ou une catastrophe, je pense que nous allons couler continuellement pour un siècle au moins. Et ce ne sont pas les récents propos de madame Obama qui pourront me convaincre du contraire .