Après l'étrange panique boursière de ces derniers jours (étrange parce que la nullité des chiffres de l'économie mondiale on les connait depuis longtemps), le pauvre Barack Obama s'est cru obligé de tenir des propos positivistes concernant le futur de l'économie américaine. Ainsi la déclaration du président américain ressemble de plus en plus à la bonne vieille méthode Coué, c'est d'autant plus vrai que ce pauvre président a dû se battre récemment pour faire admettre aux républicains la nécessité de relever encore une fois le plafond de la dette du pays. Cette situation au passage montre à quel point l'organisation politique des USA est archaïque, le pouvoir même bien élu y est relativement faible, surtout face aux divers lobbys qui se partage l'influence sur la chambre des représentants. Quoi qu'il en soit la tenue des propos d'Obama se résume à cette phrase tirée de la dépêche AFP: "nous allons nous en sortir, les choses vont s'améliorer". À cette phrase gratuite, s'est ajouté un vibrant plaidoyer pour la relance de l'économie américaine: "Nous devons créer un cycle qui s'autosuffise, dans lequel les gens dépensent et les entreprises embauchent tandis que l'économie croît". Cette phrase est importante, mais elle est contradictoire avec les propos que tient régulièrement ce même Obama sur les questions du commerce extérieur, ce dernier étant un farouche défenseur du libre-échange comme tous les bien-pensants dominant les USA. Or c'est totalement contradictoire avec ses propos sur la nécessité tout à fait réelle de créer un cycle de croissance auto-entretenu. Le pauvre Obama continue de chérir la cause des problèmes de l'Oncle Sam, sans qu'en apparence la contradiction ne le frappe. Au rythme où ça va, Obama devra rapidement échanger son célèbre slogan par un "Yes, we lost".
Une Amérique toujours empêtrée dans son déficit extérieur
J'en parle souvent sur ce blog de la question des déficits extérieurs. C’est parce que c'est au coeur du problème, surtout aux USA. Obama a fait une énorme relance. Bien sûr, elle était mauvaise, car elle a été mal gérée, et avec des priorités étranges comme sauver les plus riches et les banques au détriment de la classe moyenne et pauvre,et probablement insuffisante. Elle aurait dû surtout faire en sorte que les gens puissent garder leurs logements et relancer les bas salaires, mais les USA ont quand même bien fait une relance dite keynésienne. Ce n'est que dans un deuxième temps lorsqu'il devenait manifeste que la relance ne marchait pas vraiment, en tout cas, que la croissance n'allait pas à un rythme permettant un retour rapide au plein emploi, que les républicains ont contre-attaqué avec leurs idées idiotes et très européennes de faire une contraction généralisée des dépenses. C'est d'ailleurs drôle comme remarque quand on connait l'europhobie et surtout la francophobie naturelle d'une grosse partie de la droite américaine. Si on leur expliquait que leurs recettes sont justement déjà appliquées en Europe, ils n'en reviendraient pas. Cependant il est vrai aussi que la plupart des membres du parti républicain pensent que la France est un pays communiste.
Comme je l'avais expliqué au tout début de ce blog en fin 2009, un plan de relance keynésien a des conditions d'application. Conditions qui font que l'argent dépensé par l'état sous la forme d'emprunt public (on évitera ici la question de la nature de cet emprunt sur marché financier ou vis-à-vis de la banque centrale), doit impérativement revenir dans les caisses de l'état au bout d'un certain temps. En clair, la relance ne fonctionne que si l'augmentation artificielle de la masse monétaire se fait en circuit relativement fermé. Si vous injectez 100 milliards de dollars pour relancer l'activité des entreprises américaines, mais que 90 milliards vont en Chine, en Allemagne ou en Corée du Sud sous la forme d'achat de produits, votre relance n'aura fait que creuser votre déficit extérieur et n'aura relancé l'emploi que dans les services locaux. Le cœur du problème américain et des problèmes de tous les pays en crise à l'heure actuelle ce sont les déficits extérieurs. Car c'est vrai pour les différents membres de la zone euro qui sont en crise y compris la France. Car ce sont ces déficits qui tôt ou tard entrainent un surendettement externe et une faillite brutale lorsque l'on se rend compte que le pays a détruit sa base industrielle et ne pourra donc jamais rembourser les dettes contractées. Et quand on regarde les chiffres US comme je le fais régulièrement depuis ma lecture de Todd et de son « Après l'empire » en 2002 , on ne voit nulle amélioration sur ce point aux USA. Il y avait eu une vraie rupture en 2008 avec la crise puisque le déficit extérieur avait alors été divisé par deux, mais depuis le déficit recommence régulièrement à augmenter.
Les derniers chiffres de mai qui viennent directement des statistiques officielles des USA confirment que les USA pour leur reprise font à nouveau une consommation excessive de produits étrangers. La relance Obama de 2008-09 a bien fonctionné, mais elle a surtout relancé les importations et elle a accru la croissance de la Chine. Obama se retrouve donc dans le dilemme de Mitterrand en 1983 quand la relance à l'époque en France ne marchait plus et creusait trop les déficits extérieurs. Les USA n'ont toujours pas choisi entre le modèle de plein emploi par la relance nécessitant un protectionnisme pour en éliminer les effets sur le commerce extérieur, et le modèle européen de régulation du commerce extérieur par le chômage de masse et la réduction de la demande intérieure. Mais si les USA n'ont pas eu à choisir jusqu'à présent c'est essentiellement à cause du rôle du dollar chose maintenant assez connue de mes lecteurs. Il se trouve que le niveau de dette commence à sérieusement mettre en doute ce rôle de devise absolue de réserve. Même Putine, venant de déclarer que les USA ne sont qu'un parasite économique, semble s'être aperçu du problème et a dit tout haut ce que d'autres pensent tout bas. On peut donc s'attendre un jour ou l'autre à la remise en cause du statut du dollar, et à une brutale chute de celui-ci . Bien sûr, étant donné le rôle des USA, celui de grande tractrice de la demande mondiale, le reste du monde connaîtra alors une crise bien plus forte que celle qu'il a traversée en 2009. Au passage en 2009 le déficit extérieur US n'a été divisé que par deux. Je vous laisse imaginer la tête des grandes économies exportatrices, lorsque les USA, mais aussi la France, l'Espagne, la GB ou l'Italie, se mettront à équilibrer leurs comptes extérieurs. Et cela quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir, le résultat sera catastrophique pour les pays exportateurs.
Car si Obama veut réellement un cycle auto-entretenu il lui faudra nécessairement passer par la case protectionnisme et dévaluation. C'est le seul moyen pour que les politiques contracycliques puissent fonctionner eu égard aux écarts de compétitivités entre les USA et ses principaux pays d'importation. Bien évidemment, cette réalité est un point de vue qui ne s'échine qu'à réfléchir sur la problématique purement économique, il faut prendre aussi en compte ici la réalité politique des USA. Obama est sur le déclin, il a laissé passer sa chance en donnant trop aux lobbys financiers. Il n'a pas su s'appuyer sur l'enthousiasme qu'il a déclenché lors de son élection. Il aurait dû alors soulager les plus faibles, annuler les dettes produites par les subprimes et ainsi sauver la consommation à court terme, cela aurait empêché l'effondrement de l'immobilier. Par la suite, il aurait de toute façon fallu s'atteler à équilibrer les comptes extérieurs, mais Obama aurait été plus fort sur le plan politique à court terme. Ce qui lui aurait permis d'échapper aux délires de l'extrême droite US. Il n'avait malheureusement pas la carrure et les idées pour en arriver là, après tout comme notre cher président il est le fruit d'une époque où seule compte la « communication ». C'est ce qu'il continue de faire le mieux d'ailleurs, comme, Sarkozy il communique. En attendant la crise, continue et emporte tout sur son passage. Une fois l'euro disparu il ne restera plus de fusible pour protéger l'économie américaine et sa monnaie du désastre.