Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
S'il faut en croire Nouriel Roubini dans cet article paru sur Marianne2 la Chine serait condamné par son modèle économique à une panne généralisée de croissance d'ici 2013. Roubini est effectivement, comme l'indique l'article en question, l'un des seuls économistes a avoir anticipé l'énorme effondrement de 2007-08. Mais cet état de fait ne veut pas pour autant dire qu'il ne se trompe jamais. Les hypothèses de Roubini sont cependant intéressantes vis-à-vis de la Chine, notamment parce que ses propos soulignent un fait que beaucoup veulent ignorer, la Chine a largement dépassé le stade de la surproduction. Aucune nation au monde ne connaît un tel déséquilibre entre ce qu'elle produit et ce qu'elle consomme. Les revenus distribués en Chine sont d'ailleurs incapables à l'heure actuelle d'absorber l'énorme production chinoise. La Chine est dans une situation similaire à celle des USA au lendemain de la crise de 1929, à la différence près qu'elle peut faire appel à la demande mondiale pour évacuer son énorme surproduction. La Chine a le problème inverse des USA elle investit trop et ne consomme pas assez, du point de vue économique c'est tout aussi dangereux que le modèle inverse.
Un gaspillage phénoménal
L'inadéquation entre l'offre et la demande en Chine atteint des proportions tout à fait incroyable, Roubini parle d'immeubles vides, d'aéroports inutilisés, et plus généralement d'un suréquipement global. Cette situation n'est pas une nouveauté pour qui connaît les thèses de Keynes dont il avait démontré les bases dans son célèbre texte judicieusement intitulé "La pauvreté dans l'abondance". Le fait est que le coeur du problème chinois est de ne pas rémunérer suffisamment les salariés. Les chinois ont également une propension à épargner beaucoup trop élevé, la faute à une société fortement inégalitaire et sans structure sociale capable de rassurer les individus sur leur propre avenir. Ce n'est pas un hasard si l'occident a développé des systèmes sociaux après guerre, cela permettait de réduire la propension à épargner des individus. On avait peur à l'époque d'un retour à la déflation cette leçon a malheureuement été oublié et les patron d'aujourd'hui pensent que la hausse des salaires est une absurdité. L'effet des systèmes sociaux sur l'épargne est assez simple à comprendre. Si les études et la santé sont gratuites et si les retraites vous garantissent un avenir serein pourquoi épargner? Ces systèmes sociaux n'avaient donc pas uniquement pour but la solidarité, ils avaient aussi comme but la stabilisation d'une demande pour absorber les énormes gains de productivités produits par le progrès technique. Il fallait augmenter la production et absorber celle-ci par une hausse croissante de la consommation. Une société plus juste n'est pas seulement plus morale, elle est aussi économiquement plus efficace quoiqu'en disent ces pauvres libéraux.
Mais la Chine s'est développée à une époque ou d'autres régions du monde avaient déjà atteint un certain niveau de vie, elle n'a pas encore eu à subir les effets de la contradiction fondamentale du capitalisme celle du manque de débouchés. Elle a pu croître sur une longue période en écoulant ses surplus aux USA, en Europe et au Japon. Mais elle est maintenant trop grosse pour que ce système puisse se maintenir, ses excédents font mal à ses clients qui se retrouvent dans l'incapacité de payer et qui font banqueroute. Seule l'énorme capacité d'endettement des USA grâce au rôle monétaire du dollars a permis à cette étrange équilibre de perdurer, mais cela ne pouvait avoir qu'un temps. Maintenant la Chine va devoir tirer sa croissance de sa propre demande . Or comme je l'avais expliqué dans ce texte la spécialisation chinoise va produire des effets de divergence entre les besoins locaux et les capacités de production du pays. C'est ce qui explique que la production chinoise ne trouve pas preneur sur son propre sol, alors que dans le même temps les prix des denrées de base explosent avec la demande locale faute de production suffisante. Les besoins des chinois ne sont pas encore ceux des occidentaux, ce qui produit une déflation sur les biens avancés ou les immeubles de luxe, pendant que les produits de base voient leur prix exploser.
La Chine pose les limites du développement technique actuel
Enfin le dernier problème, celui qui est le plus grave à mon sens, c'est que la planète sera bien incapable de nourrir une Chine avec un niveau de vie à l'occidentale. Il n'y a tout simplement pas assez de matières premières pour y arriver.
La Chine est bien la nation qui bouscule tout les modèles, mais pas forcement dans le sens que l'on croit. Elle met à rude épreuve les économies occidentales, mais elle met aussi en doute la nature même de ce développement. En fait, elle accélère le déclin inéluctable d'un modèle fondé sur un usage massif de matières épuisables, un modèle qui ne prend pas en compte sa propre reproductibilité sur le long terme. Si le développement s'était limité à quelques nations il aurait montré ses limites sur une période plus longue la Chine a accéléré un dénouement qui était en fait inéluctable. Le gaspillage en Chine nous fait prendre en plus concience du caractère absurde du système économique actuel, on produit des choses pour rien puisque personne ne peut les utiliser et cela avec des matières premières qui s'épuisent. Et pendant ce temps là la plupart des chinois manquent parfois de l'essentiel, ils sont pauvres malgré l'enrichissement global de la Chine. La mondialisation néolibérale a réussi à produire une société encore plus inefficace que l'URSS, mais à l'échelle de toute la planète.