Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Hier nous avons parlé de la pléthore de candidats qui se présentent pour les prochaines élections et cela à l'occasion de l'annonce de la candidature de Nicolas Hulot. Il se trouve qu'aujourd'hui ont été annoncées les propositions politiques et économiques de Dominique De Villepin. On ne sait toujours pas par contre s'il sera candidat il doit attendre le dernier moment pour voir si son score éventuel estimé par les sondeurs se sera pas trop ridicule. Comme pratiquement tous les candidats, DDV se présente en rupture avec la France actuelle, il appelle à une refondation politique et sociale. Il est vrai qu'un candidat se présentant avec comme programme unique l'austérité la misère et la stagnation aurait probablement peu de chance de percer... Mais ce n'est bien évidemment pas sur les intentions affichées qu'il nous faut juger les propositions de DDV et bien plus sur les outils qu'il compte utilisé pour atteindre les objectifs qu'il se donne. Malheureusement comme pour les écologistes c'est là que ça coince, même si quelques propositions sont évidemment intéressantes.
DDV et ses propositions vont comme toujours se heurter au contexte des contraintes européennes qui sont en fait au cœur du problème français même si certains pensent passer outre nos différents accords internationaux sans pour autant franchir le rubicond par la sortie pure et simple de l'UE et de la zone euro. Mais bien évidemment, en bon libéral qu'il est, le pauvre DDV ne risque pas de sortir dans sentiers battus. D'autant qu'il reste dans le cadre de la doxa traditionnelle sur la question de la dette publique qu'il faudrait remboursée par des moyens conventionnels selon lui. Il est pourtant assez facile de voir qu'il est physiquement impossible de rembourser la dette publique à son niveau actuel avec un tel procédé, à moins de conduire le pays à la faillite pure et simple. Mais oublions cette question et intéressons-nous aux propositions concrètes de DDV et de son parti République solidaire.
Critique des propositions point par point
1-Un revenu citoyen garanti de 850 euros
J'en ai longuement parlé dans un texte consacré récemment à la notion de revenu citoyen. Il s'agit d'une idée libertarienne à l'origine et qui n'avait pour but la dignité ou l'égalité, mais le bon fonctionnement du marché par l'équilibrage de rapports de force entre patrons et salariés. L'origine de cette proposition ne la disqualifie pas pour autant, elle peut être dans le cadre d'une société fortement individualiste, où les liens sociaux et les syndicats sont faibles, un moyen par lequel effectivement on offre un mécanisme efficace de régulation sur les salaires. Le gros problème c'est que cette proposition n'aura pas les effets escomptés dans un cadre de libre-échange intégral et de monnaie surévaluée. Cette proposition de DDV ne pourra produire dans ce cadre qu'une nouvelle aggravation du déficit commercial français déjà passablement élevé. En effet, une telle politique aurait pour conséquence une augmentation de la demande, mais sans que pour autant le pays ne produise une amélioration de sa compétitivité commerciale, terme qu'affectionne pourtant DDV qui le répète sans cesse.
C'est d'autant plus grave que DDV ne propose rien de réellement efficient pour améliorer les comptes extérieurs de la nation. À croire qu'il s'agit d'un problème secondaire alors que cela traduit une désindustrialisation grave et que cela produit une fuite de la masse monétaire ce qui produit la basse croissance que nous connaissons depuis tant d'années. Si la mesure était accompagnée de politiques protectionnistes ou d'une proposition de dévaluation, elle serait nettement plus crédible. Il n'y a pourtant dans les propositions de DDV que la taxe TVA 3E qui est une forme de protectionnisme beaucoup trop timide pour être à la mesure du problème. Pour faire une analogie médicale, la France a une hémorragie de sa masse monétaire, ce qui fait baisser sa tension, la monnaie jouant dans l'économie le même rôle que le sang dans le corps humain. Pour éviter la mort, il faut bien évidemment une tension à un certain niveau . Pour faire faire revenir le niveau de la tension à la normale, pour qu’il y est plein emploi et croissance, il faut donc accroitre la quantité de sang pour la faire augmenter, mais avant cela il faut d'abord mettre fin à l'hémorragie sans quoi la transfusion ne servira à rien. Les propositions de DDV sont un moyen d'accroitre la tension dans l'économie française, mais elle ne peut pas soigner le malade tant que l'on ne s'attaque pas à la blessure qui produit l'hémorragie, à savoir les déficits commerciaux et la désindustrialisation. C'est valable également pour les politiques de monétisation de la dette publique ou pour les politiques d'émission de crédit productif par la création monétaire publique. Ces politiques aussi font monter la tension du corps, mais ne résolvent pas le problème de l'hémorragie. On le voit aux USA où ces politiques échouent malgré d'énormes injections de liquidité, car la monnaie va nourrir les exportations d'autres nations, la Chine et l'Allemagne en particulier.
2-Favoriser l'emploi des jeunes par la création d'un taux de jeunes en emploi, formation ou alternance.
Je n'aime pas du tout ce genre de politique qui consiste à segmenter la population en de multiples fragments les jeunes, les séniors, les immigrés, les handicapés, les femmes, les homosexuels, etc.. Ce genre de politique catégoriel nourrit le ressentiment et la jalousie entre les différentes strates de la société. Ces politiques participent donc à la communautarisation du pays que prétend pour combattre DDV. Elles cachent en plus souvent les inégalités intrinsèques aux strates visées qui ne sont pas si homogènes que semblent le croire ceux qui font ce genre de propositions. Il y a différentes sortes de jeunes par exemple, certains héritent, d'autres galèrent, et suivant leurs statuts sociaux respectifs, ils seront plus proches des vieux de leur propre catégorie sociale que des jeunes qui ont leur âge, mais pas leur niveau de vie. La seule fragmentation sociale qui est un sens est en fait celle des niveaux de vie, rien d'autre. De plus, ces politiques se résument souvent à ne faire que changer la place dans la file d'attente du chômage. Car le cœur du problème c'est le manque d'emploi global, tant qu'il n'y aura pas assez d'emploi pour tout le monde ces politiques d'aide catégorielles se traduiront en un immense jeu de chaises musicales. On ne guérit jamais une injustice en en fabriquant d'autres.
3-La création d'un «grand impôt citoyen, progressiste»
Cela fait longtemps que l'on parle de simplifier le système fiscal français qui s'est probablement trop complexifié avec le temps. Les impôts divers et variés s'accumulant en strate et, tels les sédiments, leur analyse peut nous faire remonter le temps et nous faire comprendre le contexte de l'époque où ils ont été créé. La proposition de DDV consiste à faire payer l'impôt à tout le monde avec un plafond limite fixé à 60% ce qui est quand même très bas pour les très hauts revenus comme limite supérieure. L'infâme communiste qu'était Roosvelt aux USA est allé jusqu'à taxer à 95% les très hauts revenus par exemple. Cette proposition semble également oublier, ou vouloir faire croire, que certaines populations en France ne payent pas d'impôts, c'est complètement faux. Même les SDF en France payent des impôts sous la forme de la TVA. Il n'y a que l'impôt sur le revenu et les diverses taxes locales ou d'habitation dont une partie de la population est exonérée. Vouloir étendre l'impôt à toute la population en sous-entendant qu'en fait une partie de la population en serait exonérée est donc particulièrement vicieux. Il s'agit là très probablement un discours qui vise une clientèle de type classe moyenne aisée « Celle qui en a mare de payer pour tous ces fainéants ». Au passage, je suis surpris que personne ne propose une TVA plus juste. En réalité, la TVA est un outil qui pourrait très bien agir pour mieux répartir les efforts en fonction des revenus. En effet, rien n'interdit de créer de nombreuses tranches TVA allant jusqu'à 90% du prix d'une marchandise pour des produits qui seraient très luxueux, et à 0% pour les produits de première nécessité.
4-Le vote obligatoire et la reconnaissance du vote blanc.
Première question à cette proposition comment va-t-on obliger les gens à aller voter? Si je suis pour la reconnaissance du vote blanc, par contre l'idée d'obliger les gens à voter me paraît incongrue. D'autant que le vrai problème de la démocratie française n'est pas une désaffection pour la chose politique contrairement à ce que peut laisser supposer cette proposition. La dernière présidentielle ou le référendum de 2005 avait attiré les foules et les débats. C'est la médiocrité des offres politiques et la disparition du choix, principalement à cause de la construction européenne et de ses contraintes, qui ont produit une désaffection pour les hommes politiques actuels. C'est une crise de la représentation et non une crise de la politique au sens large. Mais c'est vrai que pour un homme politique actuel qui a eu le pouvoir, il est plus facile d'accepter l'idée d'une dépolitisation de la population qui l'exonère de toute forme de responsabilité.
5- Une réduction du nombre de régions à 8 ou 10
Cette idée est présentée comme un moyen de rivaliser avec les autres grandes régions européennes. Quel drôle d'idée! Ce n'est pas très gaulliste d'ailleurs, car c'est plutôt une vision fédéraliste de la société. À moins que DDV ne veuille participer à la déconstruction de l'état français dans l'Europe par la conjugaison de grands pouvoirs octroyés aux régions ajoutées au rôle écrasant donné à Bruxelles et Francfort. DDV veut-il préparer l'élargissement du nouveau Saint-Empire germanique aux régions françaises? Vouloir décentralisé ce n'est pas une mauvaise chose en soi, mais faire des régions plus grosses n'est pas forcement la meilleure façon de faire. Des monnaies locales seraient des outils nettement plus efficaces pour y arriver, mais c'est un autre débat. De toute façon le vrai problème en France aujourd'hui ce n'est pas la faiblesse des régions celles-ci s'avèrent même puissante et gaspilleuses. Non, le vrai problème c'est l'impuissance de l'état central, dans ce cadre donner encore plus de pouvoir aux régions serait éminemment dangereux.
6-Sortir de l'Otan.
Voilà bien le seul point sur lequel je n'aurai aucune critique à faire, on voit bien là que DDV est gaulliste uniquement sur la question de la politique étrangère. À vrai dire, je ne sais absolument pas ce qui a poussé l'UMP et Nicolas Sarkozy à rejoindre une organisation qui aurait dû être dissoute dans les années 90 au lendemain de la fin de la guerre froide. L'OTAN est le vestige d'une autre époque et n'a plus aucune justification existentielle, si ce n'est se faire le bras armé de la puissante industrie militaire américaine. Cette organisation est d'autant plus anachronique qu'elle semble incapable de vraiment gagner les conflits dans lesquels elle s'engage. La professionnalisation de l'armée et l'orientation des matériels militaire vers la projection ont rendu les troupes de l'OTAN incapable d'agir sur le terrain. Car cette orientation vers une armée de projection a un coût, elle a réduit les possibilités de maintenir un nombre de troupes élevé à budget constant. Le résultat c'est que les armées occidentales n’ont pas assez de troupes ou de matériels en quantité. Sans parler du rendement décroissant qui touche le progrès technique en matière d'armement. Il est dommage que DDV n'aborde pas ce problème. Il y a une dernière question d'ailleurs que les hommes politiques devraient peut-être se poser en matière militaire. Est-il possible de créer ou de faire fonctionner des armées modernes sans pétrole? Ça, ce sera la vraie problématique du monde militaire des prochaines décennies. D'ailleurs DDV n'aborde absolument pas la question du pétrole c'est un autre mauvais point.
7-Une «TVA 3E» : emploi, environnement, exportations.
Pas de grandes précisions à ce sujet. Il est probable que DDV nous ressorte ici la fameuse TVA sociale qui est un outil protectionniste intéressant même si complètement insuffisant face au problème que produit l'euro sur notre économie. D'ailleurs DDV n'a absolument pas parlé des problèmes monétaires qui sont pourtant essentiels pour notre commerce extérieur. La dégradation économique de la France et de sa balance commerciale étant largement imputable à l'évolution de l'euro comme l'avais montré Jacques Sapir.
Conclusion
Dominique De Villepin essaie de faire croire que son programme est révolutionnaire. Sa mesure phare est certes intéressante, mais ne suffit pas à rendre son programme réellement révolutionnaire. Il n'a eu de cesse au début de se conférence de nous rappeler à quel point les hommes politiques sont actuellement privés des outils leurs permettant d'agir concrètement. Mais pour seule réponse à cette impuissance DDV nous propose une énième réforme constitutionnelle. Comme si la dépossession du pouvoir politique était liée uniquement aux institutions. La réalité est que la France a renoncé au pouvoir réel, elle ne possède plus de monnaie propre et n'a donc plus ni politique d'investissement public, ni politique monétaire commerciale. Elle a renoncé à contrôler ses frontières commerciales, humaines et fiscales en permettant aux marchandises, aux hommes et aux capitaux de circuler librement grâce à l'Europe, ce qui rend impossible toute régulation en ces domaines. Et enfin, elle a renoncé à ses choix militaires en rejoignant l'OTAN. DDV ne nous rend qu'une seule liberté dans son programme, c'est la liberté militaire, sur toutes les autres il ne propose rien. On peut donc à l'écoute de ce programme se poser une question: A quoi sert vraiment la candidature de Dominique De Villepin? N'est-ce pas justement une simple affaire de querelle interpersonnelle qui le pousse à éventuellement se présenter à l'élection? N'use-t-il pas des mêmes procédés qu'il critique pourtant si fortement chez ces confrères, démagogie et clientélisme électoral?
Les propositions de DDV sur