Cela fait plusieurs décennies maintenant que l'on présente l'inflation comme étant un danger vital pour l'économie. Un texte apparu sur moneyweek semble souligner que cette peur de l'inflation gagne aussi la Chine et sa super croissance économique. Ainsi pour l'analyste économique de moneyweek l'inflation serait un danger pour la croissance chinoise. C'est un vieux débat, mais je crois qu'il y a là encore une fois quelques confusions. Des confusions qui sont souvent volontaires de la part des économistes qui aiment bien cacher les intérêts réels qu'ils défendent. On va donc parler à nouveau du lien qu'il y a entre ce que l'on appelle inflation et la croissance économique. J'expliquerais aussi que l'inflation et la hausse des prix ce n'est en fait pas la même chose. Ensuite, nous verrons le point le plus important de cette analyse, l'importance qu'il y aurait à vouloir à nouveau indexer les salaires sur l'inflation.
La croissance et l'inflation
L'inflation est elle l'ennemie de la croissance économique? C'est l'hypothèse que certains en Europe défendent pour justifier la lutte incessante contre l'inflation par des politiques de restriction de la masse monétaire et de "modération" salariale" imposée aux travailleurs. La réalité historique est pourtant tout autre. En réalité, on constate globalement que si l'inflation ne signifie pas automatique qu'il y ait croissance. Une faible croissance est par contre toujours liée à une faible inflation voir à une déflation. Il est vrai aussi que tout cela est affaire de proportion. Le terme inflation signifiait à l'origine l'augmentation de la masse monétaire en circulation, on parlait d'inflation lorsque la masse monétaire augmentait et de déflation lorsque la masse monétaire diminuait. C'est un raccourci intellectuel réalisé par les économistes d'obédience libérale qui a produit la confusion entre la hausse des prix et l'inflation. Un raccourci bien pratique pour imposer leur point de vue qui vise à réduire au maximum la hausse de la masse monétaire en circulation et ainsi à favoriser le capital par la rareté que lui confèrent de telles politiques. Car la hausse des prix peut très bien se faire même avec une stagnation de la masse monétaire, et une inflation de la masse monétaire ne produit pas automatiquement une hausse des prix. L'évolution de la masse monétaire toute seule ne permet pas de prédire s'il y aura hausse des prix ou inversement. Mais cette confusion volontaire s'explique par le fait que la rareté de la monnaie créée mécanique une hausse du rendement du capital par le jeu de l'offre et de la demande. En raréfiant la monnaie en circulation, vous favorisez sa hausse en terme de valeur. Cela explique l'attachement de certains à l'or comme étalon monétaire. Or comme le disait Keynes si la rareté du capital physique comme les terres agricoles pouvaient justifier une hausse de la valeur intrinsèque de ce capital par sa nature limitée, il n'en va pas de même avec le capital monétaire qui n'est qu'un jeu d'écritures.
En l'occurrence, la rente financière ou capitalistique sous forme de dividende monétaire n'est rien d'autre qu'une forme de spoliation d'une population par une autre sans justification réelle. Car le capital se fabrique très facilement. La base de l'échange marchand c'est normalement l'échange d'un travail contre un autre, c'est ce que prétendent d'ailleurs les libéraux eux-mêmes qui croient que la monnaie n'est qu'un voile. Alors en réfléchissant sur cette base qu'elle est donc la production des rentiers qui justifie la ponction qu'ils prennent sur la société ? En échange de quoi ponctionnent-ils des revenus à travers leurs actions ou leurs obligations d'état ? Sous le prétexte qu'ils possèdent un capital, un jeu d'écritures sur un compte ils peuvent s'enrichir indéfiniment grâce au jeu des taux d'intérêt et ça sans rien produire eux même dans l'intérêt de la collectivité. Si l'épargne avec un but de consommation ou de sécurité personnel est compréhensible, le fait d'en tirer un revenu substantiel est autrement plus discutable. Si nous étions dans un système de troc, cela reviendrait à voir une partie de la population se voir offrir gratuitement une part conséquente de la production nationale. C'est bien parce que la monnaie cache cette réalité choquante que ce système absurde est accepté. Il est vrai aussi que l'idéologie libérale essaie de faire croire que tout le monde peut être Calife à la place du Calife, ou plutôt rentiers à la place du rentier. Chacun voulant croire qu'il pourra lui aussi devenir rentier, ce système se perpétue alors qu'il fait bien plus de perdants que de gagnants. La lutte contre l'inflation est donc bien plus un choix idéologique favorisant certaines couches aisées de la population qu'une politique réellement orientée vers le bien-être de la population en général. Durant les trente glorieuses, l'inflation très forte ne gênait personne. Lorsque le Général De Gaule a dévalué le franc en 1958 l'inflation a atteint 20% sur l'année, mais la croissance est repartie et la France a connu sa décennie la plus forte en terme de croissance et de hausse de niveau de vie. Nous investissions massivement dans la recherche et la production industrielle, l'inflation n'était pas si gênantes que ce que certains essaient de faire croire. C'est d'ailleurs la même chose en Chine à l'heure actuelle. Ce qui inquiète les autorités ce sont les hausses de salaire et la possibilité d'une meilleure répartition des richesses dans ce pays à travers l'inflation.
Depuis que nous luttons avec succès contre la méchante inflation, la France connait un déclin de sa croissance économique à chaque décennie successive. Les années 2000 sont plus mauvaises que les années 90, qui elles-mêmes sont plus mauvaises que les années 80 etc... Si le chômage a cessé d'augmenter à son rythme maximal des années 80-90 c'est avant tout parce que les Français ont commencé à s'adapter à la misère croissante du pays en faisant moins d'enfants ou en reportant au maximum la naissance de ces derniers produisant ainsi un ralentissement de la hausse de la population active qui a fini par limiter la hausse du chômage. En clair les Français ont adapté leur natalité à l'économie en dépression dans laquelle on les enferme depuis plus de trente ans maintenant. La lutte contre l'inflation est un succès, mais à quel prix pour la majorité de nos concitoyens ou pour les finances publiques. D'autant que l'on voit bien sur les graphiques précédents que la rupture sur l'inflation ne s'est pas fait grâce aux réformes libérales comme la privatisation de l'instrument monétaire en 1973 avec la loi Poupidou-Giscard. En réalité, celle-ci a entrainé une accélération de l'inflation. C'est la disparition de la croissance qui mit fin à l'épisode inflationniste des années 70, le coup fatal étant la désindexation des salaires sur l'inflation en 1984 un coup de marteau sur les salariés dont le pouvoir d'achat ne se remettra jamais. On le voit ci-dessous, la désindexation des salaires en 1984 a permis une dégringolade de la part salariale dans la valeur ajoutée des entreprises. Cela s'ajoute effectivement aux autres sources de la compression salariale les délocalisations et l'immigration de masse.
(Source le blog dechiffrage)
Bien évidemment, cette politique visant à faire payer toujours les salariés a un prix. Celui de la contraction de la consommation, mécanisme qui finit par gripper la profitabilité des entreprises. Cependant jusqu'à la crise récente les endettements publics et privés ont compensé ce déclin salarial, et depuis 2008 ce mécanisme s'est grippé dans tout l'occident. Comme nous l'avons vu dans le texte précédent, les deux seuls ressorts possibles pour la croissance sont en premier le retour à l'émission de crédit public. Et ceci à fin de faire croitre la masse monétaire sans endettement pour purger le système en réduisant le niveau des dettes actuelles et au passage en investissant dans la sphère productive pour relancer une industrie nationale. Et le deuxième moyen est en relançant les salaires français le tout sous la protection d'une politique monétaire active et de barrières protectionnistes pour éviter la fuite vers l'extérieur des effets de ces politiques de dynamisation de l'économie nationale.
De l'intérêt de l'indexation des salaires sur l'inflation
C'est dans l'optique de la première solution celle de l'émission de crédit public et de monétisation de la dette que l'indexation des salaires prend son sens. Il est vrai que ces politiques couplées au protectionnisme et à la dévaluation produiront certainement de l'inflation. L'indexation des salaires sur l'inflation vise donc à prémunir les salariés des effets secondaires que produiront ces politiques. À travers l'inflation il y aura une redistribution de la part de la richesse nationale entre les différents acteurs du pays et l'indexation des salaires sur l'inflation vise à faire en sorte que cette inflation soit surtout favorable aux salariés et défavorable à la rente sous toutes ses formes. Il s'agit d'un choix politique, un choix qui vise à améliorer le sort de ceux qui produisent la richesse plutôt que de ceux qui vivent de leur rente. Et comme tout choix il implique nécessairement des gagnants et des perdants. Il me semble cependant que globalement ce choix fera quantitativement moins de victimes que le précédent. Il permettra surtout au pays d'avoir un avenir, car il produira une réindustrialisation l'inflation n'est que le prix modeste à payer pour notre liberté en tant que peuple. De plus l'inflation ne sera que temporaire à des niveaux important comme on a pu le voir lors des expériences argentines ou islandaises. L'inflation est forte quelques années puis retombe une fois le nouvel équilibre de la société trouvé.
Quant à ceux qui s'inquiètent d'une éventuelle baisse de l'investissement à cause d'une baisse de la rentabilité des entreprises. Je leur rappellerai que la hausse phénoménale de la profitabilité des entreprises françaises n'a pas vraiment fait décoller l'investissement en France. Et pour cause, mieux valait spéculer que d'investir dans des activités à la rentabilité faible et à long terme. Qui plus est pourquoi investir en France alors que la demande stagne et qu'on peut investir là où les salaires sont encore plus faibles tout en exportant en France? La justification de la contrition des salaires par la nécessité de l'investissement ne tient pas la route deux minutes, d'autant qu'une bonne part des gains des entreprises ne se retrouve pas dans l'investissement, mais dans les dividendes des actionnaires. Ensuite pour que les entreprises investissent il faut certes qu'elles en aient la possibilité, mais aussi l'intérêt. Seule la hausse de la demande pour leur produit fabriqué sur le territoire national peut les pousser à investir en France. La hausse salariale est donc un très bon moyen de relancer l'investissement contrairement à ce que la vulgate commune essaie de nous faire croire.