Le gouvernement s'est réjoui dernièrement des chiffres de l'INSEE qui tablaient sur une croissance de 1% au dernier trimestre. Une croissance qui annuellement aurait donné 4% si elle s'était maintenue. Seulement ces chiffres entrent largement en contradiction avec d'autres, beaucoup plus négatifs. La statistique française commence sérieusement à ressembler à celle de l'ex-URSS. Entre les chiffres de l'inflation régulièrement contredits par des analyses indépendantes ou les chiffres de la croissance qui sont incohérents avec les données du chômage ou de la consommation, il y a de quoi se poser quelques questions sur la fiabilité et l'indépendance des statisticiens français. Ainsi l'un des principaux moteurs de l'économie française étant la consommation, celle-ci étant surtout produite par la hausse de l'endettement privée puisque les salaires stagnent. Nous devrions sentir dans les chiffres du crédit à la consommation la fameuse reprise de madame Lagarde. Or il se trouve que les chiffres du crédit à la consommation sont mauvais.
Les prêts personnels sont en baisse de 10% et les encours actuels stagnent. Nous savons par ailleurs que la masse monétaire en Europe fait du surplace, le seul moteur depuis des années étant l'augmentation de la masse en circulation par la production de crédit et d'emprunt public ou privé. La panne de l'endettement signifie en pratique la disparition de la croissance économique, car c'est ainsi que fonctionne le petit monde de l'économie totalement financiarisée de l'argent-dette. Les chiffres commerciaux sont aussi mauvais pour l'économie française. Le déficit commercial atteint encore près de 5.7 milliards d'euros en Mars et la dégradation de la balance commerciale française est bien visible sur ce graphique.
Comment avoir de la croissance sans hausse de l'endettement?
La question de base que devrait se poser le gouvernement est pourtant simple. Comment faire pour avoir de la croissance économique en France ? Et cela alors que les exportations ne peuvent pas redémarrer, la planète et l'Europe étant entrées dans une course suicidaire à l'excédent. C'est extrêmement vrai en Europe avec une Allemagne qui a décidé de ne tirer sa croissance qu'avec ses exportations au détriment de sa demande intérieure, stratégie totalement non coopérative. D'autre part, il faudra compter sans l'endettement privé puisque manifestement la population française ne peut pas aller plus loin dans l'endettement personnel. Ajoutons à cela l'endettement public qui lui aussi a atteint ses limites. Et l'obtention d'une croissance dans ces conditions avec le moteur habituel relève de la quadrature du cercle. C'est un problème qui est sans solution dans le cadre actuel. Pour relancer la croissance à l'heure actuelle, il ne reste que deux choses à faire. La première c'est d'augmenter les salaires et mieux répartir les richesses à l'intérieur de l'économie française. Seulement manque de chance tout a été fait pour que cette solution ne puisse advenir ou ne puisse même être pensée. « Quoi augmenter les salaires? C'est de la démagogie. » Mais en réalité, c'est bien l'absence du véritable moteur de la consommation, la hausse des salaires, qui nous a mis dans la situation actuelle. On peut d'ailleurs affirmer qu'il est démagogique de vouloir avoir une croissance tout en ayant une monnaie surévaluée, une stagnation salariale et une période de désendettement. S'il y a bien une démagogie en France, c'est bien celle des partis politiques dominants et du gouvernement actuel. On peut tourner le problème dans tous les sens que l'on veut, pour écouler la production il faut des consommateurs, et pour qu'il y ait des consommateurs, il faut des salariés payés à leur juste mesure. Ce ne sont pas les esclaves chinois qui pourront compenser l'absence de hausse de salaire en Europe ou en Amérique. D'autant que même dans l'hypothèse peu réaliste que ces derniers finissent pour nous remplacer en tant que consommateur, il ne restera pas grand-chose de nos propres rentiers et multinationales. En effet, ils auront entre-temps été mangés par leurs homologues chinois assis sur la dernière vraie nation industrielle de la planète.
Mais là évidemment on nous ressort le coup de l'impossibilité de hausse des salaires à cause de la concurrence libre et complètement faussée. Un argument tautologique en réalité puisque c'est bien cette politique qui a abouti à cette stagnation-régression dans laquelle nous sommes. La concurrence libre n'est pas un accident ou le sens de l'histoire, mais bien un choix politique qui a été validé y compris par la gauche française. Faire fi comme beaucoup du caractère éminemment politique de cette orientation économique c'est encore une fois faire croire que l'économie est une science naturelle ce qui est complètement faux. L'autre mécanisme pour relancer la croissance est aussi interdit par la doxa dominante, celle du crédit public et de l'émission monétaire sans contrepartie. Là c'est le risque d'inflation qui sert de justification au laisser-faire. Nous sommes donc bien dans une situation de blocage complet et de pourrissement lent. Il n'y aura pas de reprise et la croissance en France et en Europe pour la prochaine décennie pourrait bien être négative en permanence. Nous sommes dans une situation plus grave encore que celle que le Japon connait depuis les années 90, car ce dernier a gardé sa monnaie et n'a pas hésité à faire régulièrement des plans de relance. Il ne reste qu'à espérer une réaction de la population qui de toute façon sera contrainte à un moment ou à un autre de réagir face à ce qu'il faut bien appeler un génocide économique.