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13 novembre 2022 7 13 /11 /novembre /2022 16:34

 

La question de la liberté individuelle est sans arrêt mise en avant dans nos sociétés. Il s'agit pour ainsi dire de la grande marque supposée de la civilisation occidentale . Reste à savoir que l'on nomme occident, et ce que l'on suppose être la liberté , chose que bien souvent les analystes de plateau télé n'aiment guère préciser avant de « raisonner ». Le mélange de concept creux est l'apanage de la communication et du paraître intellectuel . Manier des concepts qui n'ont pas de sens si l'on creuse un peu semble être quand même devenu une espèce de norme dans nos sociétés apeurées par le bruit médiatique et la raison obscurcie par la communication et la course à l'audience. Mais si la liberté telle qu'on nous la vend en permanence n'est ni claire ni forcément très bonne pour la société, est-ce que pour autant les sociétés occidentales ne souffrent quelque part pas d'un déclin de la liberté ? Non pas de la liberté individuelle, celle de la jouissance, de la consommation, du zapping politique. Celle-ci l'occidental moyen en est gavé . Il est devenu un citoyen sans devoir. Un jouisseur sans responsabilités, autre que celle de sa propre vie. Je parle de la plus essentielle des libertés, celle de la politique au sens noble du terme.

 

La vraie liberté c'est d'abord la liberté politique

 

On surestime à mon sens généralement notre liberté. Nous ne sommes libres de pas grand-chose en général. A-t-on choisi de manger ? Ou bien est-ce que la nature et les lois de la biologie nous y ont contraints ? Est-on libre de ne pas respirer ? Bien sûr que non. Même chose pour nous hydrater. Pour vivre, l'être humain est empêtré dans ses contraintes naturelles. Il doit manger, boire, dormir, se vêtir s'il fait froid. Dès la naissance, le fait de vivre nous met tout un tas de contraintes sur la tête. Et nous apprenons à faire avec. Pire que ça, notre propre vie a une durée limitée. Quel affreux farceur nous a donc mis sur cette terre ! Nous avons à peine le temps pour comprendre où nous sommes qu'il nous faut déjà partir. Et puis on ne choisit pas son sexe, ni sa tête, ni sa cervelle, et comme disait Coluche « Il y en a qui seront noir, petit et moches et pour eux ce sera très dur ». Non vraiment, parler de liberté en général pour la condition humaine est hautement prétentieux. Cela n'empêche pas pourtant certains de la mettre à toutes les sauces si elle leur permet momentanément de briller en société.

 

Si en général on ne choisit ni son lieu de naissance, ni ses parents, ni ses gênes, on peut quand même faire quelques choix dans la vie. C'est vrai, mais c'est très limité. Tout dépend souvent de vos conditions de départ. Il n'y a guère de nouveautés à dire que suivant votre milieu social, familial, national, une grande partie de votre vie ira dans un sens ou dans l'autre. Et surtout plus vous êtes de milieu modeste et plus la question de la santé économique de la société dans laquelle vous évoluez va compter. Dans la France triomphante du CNR et du général de Gaulle même le plus grand des imbéciles mal nés pouvait espérer sortir la tête de l'eau avec quelques efforts. Dans la France en débandade macroniste même le plus grand des génies peut faire faillite et échouer malgré ses efforts. Et c'est bien là où je voulais en venir, la véritable liberté ne consiste pas à jouir librement de quelques oripeaux ou colifichets issus de la société de consommation et du besoin de paraître. La véritable liberté consiste avant tout à choisir les politiques et les lois qui nous contraignent en tant que citoyen. Or c'est bien cette liberté-là que nous avons perdue collectivement depuis 40 ans de façon progressive. Et c'est cette absence de liberté qui au fond travaille notre société . Si la population se détourne autant de la politique, c'est certes parce qu'il y a globalement une culture hédoniste qui s'est développée avec le consumérisme et la hausse du niveau de vie, mais c'est aussi parce que l'on a vidé de sa substance la liberté politique. Certes, les gens continuent à voter, mais comprennent bien qu'ils ne choisissent que la couleur du paquet de lessive, jamais la lessive en elle-même.

 

 

La liberté collective et les frontières

 

C'est de cette liberté-là dont on ne parle jamais véritablement. Les médias réduisent généralement les choix en traitant de complotistes ou de populistes les personnes hors du champ de la « raison » à savoir du cadre du libéralisme économique. Mais c'est bien cette impossibilité à choisir véritablement nos contraintes collectives en laissant le marché décider pour nous, sous-entendue par le truchement du libre-échange et de la libre circulation des capitaux, qui explique la dépolitisation massive. À quoi bon voter si de toute façon tous les chemins mènent au libéralisme économique ? Bien entendu, certains vous diront que c'est parce que c'est la seule politique possible, pourtant dans le passé et même dans le monde actuel il existe nombre d'exemples contraires. Telle une prophétie autoréalisatrice, le libéralisme économique, monopolistique dans la production d'analyse économique à la télévision et dans les grands médias est en monopole, non parce qu'il est la seule politique possible, mais bien la seule politique acceptée par le discours dominant.

 

 

Alors, comment retrouver notre liberté politique ? Par la frontière , je sais que ce fut longtemps un gros mot même si l'on peut le dire moins dangereusement aujourd'hui qu'il y a vingt ans. Les effets du libéralisme économique prolongé commencent à sérieusement écorner la théologie des années 70, même si elle reste encore largement dominante. Pourquoi les frontières me direz-vous ? Parce que c'est l'abrogation générale des frontières qui produit l'homogénéisation des législations économiques et politiques. Ou plus exactement une homogénéisation par le bas. À savoir que les pays les plus sauvages sur le plan économique, écologique, sociologique, fiscal sont ceux qui ont en fait les meilleurs avantages sur le plan commercial et financier. Comment en effet maintenir le statut social français quand vous mettez ces derniers en concurrence face à des Polonais ou des Chinois nettement moins protégés et payés ? Il ne s'agit pas là de racisme, mais d'un simple constat empirique. L’ouverture des frontières commerciales est une mécanique qui sert à casser le salariat et à aligner les salaires et la législation du travail sur les pays les moins regardants en la matière. C'est pour ainsi dire mécanique.

 

Et il en va de même pour la question de la fiscalité. On retrouve souvent le grigri de la gauche sur les paradis fiscaux à la une des titres de la presse mainstream. Il faut lutter contre les paradis fiscaux, disent en cœurs nos apôtres de l'UE et de l'euro, ne voyant pas la contradiction d'ailleurs. On vient d'avoir un nouvel exemple avec le juge Renaud Van Ruymbeke qui sort un énième livre sur le sujet . Certes, il y a de nombreux pays qui vivent en parasitant les plus riches grâce à la pompe de la faiblesse fiscale . L'on peut en faire le constat et dire à juste titre que c'est une catastrophe pour nos pays. Mais en régime de libre circulation des capitaux, on est toujours le paradis fiscal de quelqu'un d'autre. Notre monde est hétérogène et inégal de base. À partir du moment où vous supprimez toutes les frontières sur les capitaux circulants, il est évident que les riches et les multinationales vont aller là où c'est le plus avantageux pour elles. Et attention, les constructions fiscales peuvent être d'une très grande complexité, chaque pays ayant son avantage particulier, y compris la France d'ailleurs.

 

 

Mais vouloir supprimer les paradis fiscaux, est-ce bien raisonnable ? Si les Suisses ont une fiscalité plus basse que les Français, ça les regarde, et puis ce n'est pas vraiment nouveau dans leur cas. C'était déjà le cas dans les années 60 sauf qu'à l'époque on ne pouvait pas faire de l'optimisation fiscale comme aujourd'hui, car il y avait un contrôle de la circulation des capitaux . Au lieu de pérorer sur les méchants paradis fiscaux, nous ferions bien mieux de nous questionner sur l’imbécillité qu'il y a eu dans les années 70-80 à déréguler la finance et à ouvrir les portes à la circulation des capitaux. Comme le disait Keynes très justement dans son texte fondamental sur l'autosuffisance nationale :

 

« Je me sens donc plus proche de ceux qui souhaitent diminuer l’imbrication des économies nationales que de ceux qui voudraient l’accroître. Les idées, le savoir, la science, l’hospitalité, le voyage, doivent par nature être internationaux. Mais produisons chez nous chaque fois que c’est raisonnablement et pratiquement possible, et surtout faisons en sorte que la finance soit nationale. »

 

Car Keynes comme tous les gens de sa génération avait vécu le coût monstrueux de la libre circulation des capitaux qui conduisit à l'extension à la planète financière entière la crise américaine de 1929. Loin d'avoir partagé la prospérité, la libre circulation des capitaux d'alors avait surtout partagé la misère. Et nous sommes depuis plus d'une décennie dans le même cas en Europe.

 

 

Bref, nous avons ici clairement une opposition entre la liberté déclamée des « libéraux » de l'économie qui veulent que les individus choisissent ce qu'ils veulent librement, en l’occurrence la liberté de ceux qui ont des capitaux d'échapper à l'impôt et d'investir où ils le souhaitent, quel qu'en soit le prix pour leurs nations d'origine. Et la liberté politique, celle des citoyens que l'on sacrifie pour la liberté d'un petit nombre. Car en supprimant les frontières vous ne faites pas seulement une faute économique qui produit des crises et des inégalités, vous produisez la destruction de modes de vie, d'organisations sociales originales. Les Français, les Allemands, les chinois ou les Brésiliens ne peuvent plus vivre comme ils l'entendent en fonction de leur vision du monde et de ce que doit être une société. Ils doivent se plier aux desiderata du marché tout contraint qu'ils sont par le libre-échange, la libre circulation des capitaux et la sempiternelle contrainte de la compétitivité. Les Français pensent qu'il faut vivre pour travailler, et non l'inverse. Et bien tant pis pour eux, le libre-échange et le marché les éduquera. C'est ça la globalisation pratique, un camp de rééducation planétaire pour travailleur récalcitrant à l'inflation inégalitaire.

 

 

La globalisation s'est construite sur l'idée erronée que le monde serait meilleur s'il était homogène. Avec comme source le fameux universalisme un peu débile dont Macron nous a vanté récemment encore les possibilités. Mais c'était en grande partie du baratin, de la communication. La seule vraie motivation du globalisme était la casse salariale internationale et la destruction des États-providence occidentaux hérités de la catastrophe que fut 1929 et la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement pour nos globalistes la nature est ainsi faite qu'une trop grande concentration des richesses finit par produire des crises à répétition. Celle que nous connaissons aujourd’hui en est une énième conséquence. On notera d'ailleurs qu'en occident les crises se succèdent à un rythme de plus en plus élevé. Le travailleur occidental devenu insolvable faute d'emploi rémunéré au niveau de la productivité finit par réduire sa consommation et les états accumulent les dettes pour sauver la face. On ne connaît pas la suite de l'histoire, la précédente globalisation avait été cassée par la guerre. Mais une chose est sûr, ça ne pourra pas durer indéfiniment . Et il reste à souhaiter que les Français se réapproprient un jour leur véritable liberté, la liberté politique dont la possibilité est fille de la souveraineté nationale.

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