Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
L'Inde vient donc de faire atterrir un appareil sur la lune avec la réussite de la mission Chandrayaan-3. L'échec russe qui l’a précédée montre que l'exercice même à l'heure actuelle n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire à premier vu. Un simple décalage dans l'arrêt d'un moteur ayant provoqué l'écrasement de la sonde. Les Soviétiques en 1969 avaient déjà connu un problème de ce type avec l'écrasement de la sonde Luna 15. Si les journalistes français ont profité de l'échec russe pour ricaner et faire de la propagande anti-russe comme à leur habitude il faut rappeler que les programmes spatiaux de tous les pays ont connu des échecs. Peu de temps avant la Russie c'est le Japon qui a eu un problème avec sa sonde qui avait aussi raté son alunissage. C'est d'ailleurs à méditer pour tous ceux qui veulent impérativement envoyer des missions habitées sur la Lune. Que se passerait-il si des astronautes mouraient dans un tel accident ? À coup sûr l'opinion se retournerait contre les missions spatiales et l'on risquerait alors un nouvel abandon de la conquête spatiale alors que depuis quelques années l’engouement pour la chose semble être revenu. Dans une situation politique où la misère et le chômage sont loin d'être résolus, la population accepte mal des efforts financiers pour des missions dont l'intérêt à court peut paraître faible. Le moindre incident grave pourrait vraiment nuire à ce renouveau de la conquête spatiale.
Cependant il est aussi vrai qu'envoyer des hommes dans l'espace fait rêver et représente sûrement le but à terme de l'exploration spatiale, mais pour l'heure les missions automatisées sont infiniment moins coûteuses et apportent bien plus de connaissance que l'envoi d'individus. La nouvelle course à l'espace qui apparaît en ce moment et dont les scientifiques profitent tient bien évidemment à la compétition entre les nouvelles puissances. Tout comme pour la compétition entre les USA et l'URSS, il s'agit de montrer ses savoir-faire technologiques aux autres nations. Être capable de produire des fusées capables d'emporter de lourdes charges dans l'espace c'est aussi montrer qu'on est capable de fabriquer des missiles à très longue portée. Il est triste que les hommes politiques et les nations aient ce besoin de compétition pour financer des projets scientifiques de grande envergure, mais il faut bien reconnaître que cela est plutôt positif pour le développement technique à terme. Rappelons que nous vivons encore en partie sur des découvertes et des technologies qui ont été développées pour les programmes Apollo. En 1966, les USA avaient quand même consacré pas moins de 5,5 % du budget fédéral au projet spatial.
Le centre scientifique du monde s'est déplacé vers l'Asie.
Si l'affrontement entre l'empire américain et le bloc soviétique avait été la réelle motivation des grands programmes spatiaux des années 60. C'est aujourd'hui la confrontation du même empire américain avec cette fois les BRICS qui est le vrai moteur. Cependant, le monde a bien changé depuis les années 60. À l'époque les USA sont la superpuissance économique de la planète. Grâce à son avance sur le plan éducatif et à sa dynamique démographique, les USA font la course en tête. L'URSS a pu suivre grâce à l'excellence de son système éducatif dont la Russie a d'ailleurs en partie hérité. Mais l'empire américain était beaucoup plus vaste et géré en plus les autres pôles économiques de la planète, l'Europe de l'Ouest, et le Japon. L'URSS n'avait tout simplement aucune chance d'arriver à suivre. Aujourd'hui, on pourrait dire que la situation est simplement inversée. Les USA ne contrôlent plus qu'une faible partie de la planète, car l'Europe de l'Ouest ou le Japon sont en déclin démographique rapide et ne pèseront plus grand-chose dans les décennies qui viennent. Les USA eux-mêmes sont entrés dans un déclin démographique de longue durée avec une natalité à 1,6 enfant par femme, guère plus que l'Europe. Et leur poumon démographique qui a nourri leur marché du travail avec de la main-d’œuvre pas chère, le Mexique, connaît lui-même une forte baisse des naissances. Avec 1,9 enfant par femme, le Mexique ne pourra bientôt plus nourrir la boulimie du capitalisme américain en travailleurs pauvres.
Dans le domaine éducatif, c'est la catastrophe, les USA ne sont plus du tout en tête. Les jeunes se détournent des études scientifiques et le niveau est fortement tombé depuis les années 60. Là encore, les viviers de population de l'Europe ou du Japon s’épuisent. Jusqu'à il y a peu de temps, les USA ont compensé leur médiocrité scolaire en matière scientifique par l'importation massive de jeunes chinois et Indiens. Mais avec la compétition actuelle et la détérioration rapide des relations entre les USA et les nouvelles puissances montantes, rien ne dit que les USA pourront encore longtemps compter sur ces compétences pour faire tourner leur machine scientifique. Pour ce qui est de la main-d’œuvre scientifique chinoise, c'est déjà le cas. La Chine peut largement donner un environnement favorable aux scientifiques de pointes et elle peut compter sur son énorme réservoir d'étudiants pour combler les manques, ce n'est pas le cas des USA.
Alors qu'on vient d'apprendre que de nouvelles nations rejoignent les BRICS, dont le plus fidèle allié historique des USA, l'Arabie Saoudite, il devient absolument ridicule de penser que l'empire USA pourra cette fois gagner contre son adversaire. Les USA se retrouvent en réalité dans la même situation que l'URSS dans les années 60. Isolé et coupé de la partie la plus dynamique du monde. Les grandes innovations du monde viendront de l'Asie, Chine, Inde, Vietnam, Indonésie, etc.. C'est là que se trouve le poumon démographique et éducatif de la planète. Il est simplement stupide de penser qu'on pourra d'une manière ou d'une autre les concurrencer. Les copier on pourra peut-être, mais les concurrencer certainement pas. Or pour les copier, il faut avoir des relations commerciales et scientifiques avec eux à minima, et il faut aussi avoir des stratégies industrielles et protectionnistes ce que nous ne faisons pas. La gifle que donne en ce moment la Chine à l'industrie automobile des anciennes puissances industrielles devrait un peu nous réveiller, je pense.
Cette réussite technique et scientifique de l'Inde est en quelque sorte un coup de semonce. Si les Occidentaux continuent à penser qu'ils domineront le monde parce qu'ils sont meilleurs, plus intelligents, ils vont vite tomber de leur siège et finir écrasés. Le monde a changé, nous sommes petits, faibles et nous élevons de plus en plus mal nos jeunes. Il est temps de remédier à l'origine de notre déclin plutôt que de jouer les gros bras avec d'immenses empires contre lesquels nous ne pourrons rien faire dans les cent prochaines années.