Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Ce qui devait arriver arrive. Les multiples attaques économiques à répétition contre nos agriculteurs ont fini par les faire craquer, et les poussent à la révolte. La crise inflationniste que nous avons connu n'a probablement pas été sans effet sur cette colère. Les bénéfices délirants de l'industrie agroalimentaire ont révélé la réalité de nos systèmes économiques qui tournent essentiellement autour des intérêts des intermédiaires et de la rente. La libre circulation des marchandises comme des capitaux n'a jamais visé ni les intérêts du consommateur ni celui des producteurs. Comme un exemple caricatural, l'inflation des produits alimentaires sous le régime du libre-échange européen a donc étouffé le consommateur, qui se prive comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, sans augmenter pour autant les revenus de ceux qui produisent justement la nourriture. Cette crise a au moins le mérite de mettre en lumière la réalité du processus de globalisation qui n'a rien de nouveau. Beaucoup de gens ont cru, à tort, que si la globalisation nuisait aux producteurs nationaux, au moins il bénéficiait au consommateur. Mais ce n'est pas le cas, et cela n'a jamais été le cas. On rappellera que les délocalisations n'ont pas été accompagnées de baisse des prix, le capital aurait été bien malheureux si cela avait été le cas. Si la stagnation salariale advient assez rapidement dans les années 80 sous les coups du libre-échange, les prix eux ont continué à grimper moins vite, mais en hausse quand même. Ce qui a baissé avant tout c'est la part salariale dans la valeur ajoutée.
Dans le même, on apprend que les entreprises françaises n'ont jamais versé autant de cadeaux à leurs actionnaires. Un drôle de hasard du calendrier sans doute. Les dividendes ont pratiquement atteint 100 milliards en 2023. Or les dividendes sont une rente pure. C'est de l'argent qui ne va ni à l'investissement, ni dans le fonctionnement des entreprises, un coût pur pour elles en réalité. Cette collusion temporelle entre des records de dividendes, et un effondrement de la consommation courante dit quelque chose de notre système économique en perdition. Et la population commence à comprendre le jeu de vase communicant des richesses que produit la globalisation. On a d'ailleurs pu voir des slogans assez démonstratifs sur cette prise de conscience chez les agriculteurs. Le totem sacré européen lui-même commence à être remis en question et il était plus que temps.
La crise que nous avons subie a donc mis en lumière les vrais effets de la globalisation qui fait en gros 90% de perdants dans nos sociétés. Ajoutons à cela que ce modèle économique particulièrement en France n'est pas tenable à terme d'un point de vue macroéconomique. Il ne s'agit pas ici d'un jugement moral, la France ploutocratique pourrait très bien continuer à fonctionner en excluant la majeure partie de sa population rejoignant ainsi les USA et la Grande-Bretagne dans ce que l'on pourrait appeler les sociétés néoféodales occidentales. Le problème c'est que comme dans le cas de ces deux autres pays la France accumule d'énormes déficits commerciaux. Des déficits qui finiront un jour ou l'autre par remettre en question la situation financière. Pour l'instant, l'euro protège nos ploutocrates, mais cela pourrait cesser. Lorsqu'ils disent que l'euro protège la France, ils déforment volontairement la réalité. L'euro empêche les dévaluations nécessaires pour redresser la balance commerciale. Elle protège donc surtout les gens dont les revenus sont déconnectés d'une forme ou d'une autre de la production. La sortie de l'UE et de l'euro obligerait à nouveau les rentiers de France à consommer locale. Ce qui changerait les rapports de force entre producteur et consommateur. Il est bien évident que dans un pays, qui en plus traverse un déclin démographique prononcé, c'est bien la production et le travail qui seraient valorisés par une telle rupture. On comprend donc assez rapidement pourquoi nos rentiers au pouvoir ont une telle peur de la fin de la construction européenne. Malheureusement pour eux l'UE commence à être remise en cause même chez la principale puissance du continent. L'AFD et le nouveau parti de gauche dirigé par Sahra Wagenknecht sont assez critiques sur l'UE. L'AFD vient même d'appeler à un referendum sur la sortie de l'UE. On peut parier dès lors une très forte ostracisation du système à leur encontre.
Le gouvernement est dans l'impasse
Au-delà de la contradiction économique, la construction européenne, qui est un régime oligarchique de type bureaucratique, bloque toute possibilité de réaction démocratique. Si la construction européenne a en son cœur un logiciel « libéral », il faut bien rappeler que le libéralisme économique et le libéralisme politique, s'ils ont en apparence une source commune, produisent des effets pratiques souvent contradictoires. Dans un régime politique libéral, un homme égale une voix. Dans un régime économique libéral, un euro égale une voix en réalité. Et le cadre européen est une structure qui avait pour but dès le départ une déconstruction des états nations et de la démocratie qui allait avec. Les pères fondateurs de l'Europe pensaient que le marché, mieux qui les élections, pourrait parvenir à la paix, et à la prospérité perpétuelle. La nation et la démocratie étant associées à tort aux grands malheurs du vingtième siècle.
Le traquenard européen que nous ont tendu les « élites » du pays permettait de mettre en place des politiques qui n'auraient jamais été acceptés sans cela. La construction européenne a permis tous les délires et même le démantèlement de l'appareil électronucléaire français. Pendant plusieurs décennies l'Europe a donc avancé et les états se sont petit à petit délestés de leur prérogative donnant à la Commission européenne de plus en plus de pouvoir. Un pouvoir naturellement attaché aux principes du libéralisme économique. L'ouverture des frontières à tous les niveaux a permis de casser le salariat et de faire exploser les revenus des actionnaires et de la rente. Tout fonctionnait comme sur des roulettes et le piège s'est doucement refermé sur une population devenue aussi passive que naïve en apparence. On trouve même encore des hurluberlus pour croire aux discours sur « changer l'Europe » et sur l'Europe sociale à l'image du comique malgré lui, Pierre Larrouturou.
Malheureusement pour nos dominants, la population n'a visiblement pas envie de se laisser mourir en silence. La violence économique de plus en plus grande finit par produire des réactions normales dans la population malgré le vieillissement général. Ce fut le cas lors des mouvements des gilets jaunes. Les votes de plus en plus aventureux s'expliquent également par cette réaction. Même si la population commence aussi à comprendre le peu d'intérêt qu'ont les élections dans la France d'aujourd'hui. La récente farce sur la loi concernant l'immigration montrant toutes les capacités de la ploutocratie en place à faire valoir ses intérêts et ses croyances par rapport à la volonté populaire. Mais ils l'avaient déjà bien montré en 2005 avec le rejet du référendum sur le TCE par les hommes politiques. Ce que certains ont appelé à juste titre un coup d'État contre la population française.
La crise agricole actuelle vient donc s'ajouter à cette montée en puissance dans l'affrontement entre une population qui subit de plein fouet la violence du néolibéralisme européen, et de l'autre des ploutocrates et des rentiers qui n'engrangent que les bénéfices du système. Le problème de fond c'est qu'il n'y a plus de solution politique puisque la construction européenne a atteint son objectif, celui de détruire les nations et la démocratie. Puisqu'il n'y a plus de lien entre ceux qui dirigent et ceux qui sont dirigés s'en vient une poussée inéluctable de violence. Nos prétendus élites ont sans doute pensé que le temps des révolutions était révolu. Que la torpeur s'était définitivement installée et qu'elles pouvaient jouir sans entrave. C'était bien mal connaître l'histoire. La démocratie et les révolutions n'ont été que la résultante de ploutocrates d'autrefois, tout aussi enfermés dans leurs tours d'ivoire. L'absence de relais politique aux désirs de la population ne va produire qu'un retour de la violence dans une société qui avait cru qu'elle pourrait enfin ne plus en être victime. La stratégie du blocage politique tel qu'elle est pratiquée actuellement et qui découle encore une fois de la construction européenne ne va pas empêcher les changements comme l'espèrent les ploutocrates français. Elle va juste les rendre beaucoup plus brutaux et moins civilisés.