Je ne commenterai pas vraiment la cérémonie des JO. Tout d'abord parce que je ne l'ai pas regardé, ce n'est pas par haine de nos dirigeants organisateurs, je ne regarde simplement jamais le sport spectacle et les JO en sont un peu la quintessence. À titre personnel, j'ai toujours pensé que le sport devait avant tout se pratiquer et être un moment d'effort personnel ou d'entente collective si l'on pratique un sport collectif bien sûr. En ce sens, je n'ai aucun mépris pour le sport et les sportifs bien au contraire et je comprends tout à fait qu'eux même soient intéressés à regarder les pratiques de leurs pairs. C'est surtout la marchandisation et l'utilisation économique du sport qui me gêne au plus haut point. Pour pour une fois, je suis assez d'accords avec notre ancien président François Mitterrand, quand il disait que l'argent pourrissait tout. Avec le sport spectacle, nous en avons un bel exemple. Je ne me servirai donc de l'affaire de la cérémonie des Jeux olympiques que comme un prétexte à une réflexion plus générale sur notre société, ou plutôt notre dissociété pour reprendre la terminologie de l'économique Jacques Généreux.
Ce qui ressort de cette cérémonie, ou plutôt des réactions à cette cérémonie c'est l'incapacité des élites française à faire corps avec l'ensemble de la nation. Je ne parlerai pas du contenu de la commémoration en elle-même, je m'en fous en réalité. Ce qui est intéressant c'est cette incapacité à produire une envie commune, un élan commun. Et cette cérémonie n'est qu'un énième événement marquant cette dissonance de plus en plus forte entre les « élites » du pays et la population en général. Pire que ça il semble que les « élites » s’enorgueillissent de cette rupture entre la population et les dominants chargés de la direction du pays, ce qui est extrêmement inquiétant pour l'avenir. En effet, cette rupture entre la capitale et le reste du pays était déjà largement apparue avant. Les dernières élections ont montré que la région parisienne était véritablement un isolat sociopolitique. Seul endroit du territoire où le RN est minoritaire électoralement. Cette rupture entre la capitale, mais aussi plus généralement les grands centres-ville et la fameuse France périphérique de Guilluy devient de plus en plus visible à chaque grand événement politique ou autre. Et l’hystérie qui gagne les « élites » ne fait que confirmer en réalité qu'elles aimeraient au fond faire corps à nouveau avec le reste du pays, mais qu'elles en sont désormais ontologiquement incapables.
C'est ce qui explique au fond l'énervement, et la haine, que l'on peut voir poindre dans les discours et les nombreuses manifestations antipopulaires produites par notre système politique actuel. Il y a d'un côté un profond mépris pour les couches sociales inférieures, et jugées comme telles par les prétendues élites. Mais il y a aussi une inquiétude et une certaine nostalgie du temps où le pays avait une certaine cohésion sociale et où toutes les manifestations publiques ne se terminaient pas par une mise en scène de la lutte des classes, pour ne pas dire la guerre des classes. Mais cette opposition est structurelle pour ainsi dire, elle est le produit de la globalisation que les idéologues du néolibéralisme et de l'européisme ont imposé depuis les années 70. De fait si les élites ressentent quelque part le besoin d'être aimé en quelque sorte par l'ensemble de la population, la mécanique de la globalisation leur interdit en pratique d'atteindre cet objectif. Le seul moyen pour elles d'y parvenir étant le mensonge et la manipulation médiatique, ce que la dernière élection législative a encore montré puisque la gauche a fait croire qu'elles pourraient faire quelque chose sans rompre avec l'UE et le globalisme. Évidement en pratique le retour de flamme politique est toujours plus grands, la gauche étant condamné par avance à devoir pratiquer des politiques de contrition économique les seules autorisées par les contraintes européennes que la gauche ne veut pas abandonner.
Le totalitarisme européen et les réactions populaires
En un sens, le calendrier a été assez démonstratif de la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons. D'un côté la politique française est paralysée par la contradiction entre les intérêts des puissances d'argent et les intérêts populaires. Pour l'instant, le système médiatico-politique arrive encore un peu à empêcher les couches populaires de renverser la table. Les classes moyennes sont encore contrôlées par le système médiatique qui arrive encore à leur faire croire qu'il y a dix millions de fachos en France. Mais on sent bien que la méthode s'étiole à chaque élection. Si le RN progresse au même rythme, Marine Le Pen gagnera très probablement la prochaine élection présidentielle. Bien évidemment comme on l'a déjà écrit sur ce blog cela ne changera pas grand-chose à court terme puisque le RN lui non plus ne veut pas rompre avec l'UE et l'euro. Mais ce serait un commencement pour remettre la question européenne au cœur du débat public alors que le système médiatique fait tout pour ignorer la question et laisser la population dans l'ignorance. De l'autre côté en plein JO l'UE condamne la France pour déficit excessif montrant par là que le pouvoir n'est pas à Paris, mais à Bruxelles et à Francfort, nos élites faisant toujours semblant d'avoir du pouvoir alors qu'elles y ont volontairement renoncé par les traités européens.
La réaction de la gauche molle et pseudorévolutionnaire dans les mois à venir va être à la fois drôle et très instructive. Car elle va se retrouver en plein dans ses contradictions idéologiques. D'un côté la gauche est la principale pourvoyeuse idéologique du monde sans frontières et sans contrôles. Elle est devenue au fil du temps structurellement libérale-libertaire, même si elle garde des réflexes hérités de sa période étatiste et interventionniste. La gauche a d'ailleurs bien vite oublié ses griefs à l'encontre du macronisme en voyant la cérémonie des JO comme un éloge de ses dogmes sociétaux. Entre les couches populaires et le wokisme la gauche française a déjà choisi son camp. Elle préfère être woke avec Macron que conservatrice avec les pauvres et les couches populaires. Cependant, elle vit toujours avec un imaginaire populaire même si d'un point de vue électoral cela fait bien longtemps que les couches populaires la fuient. On aura très probablement un nouveau moment de hollandisme révolutionnaire pour reprendre la formule mal interprété d'Emmanuel Todd. Avec d'un côté un discours radical sur le plan économique et de l'autre une politique fondamentalement néolibérale. Ne pouvant résoudre la contradiction en pratique, nous aurons un nouvel épisode de contradiction entre les discours et les actes, mais les Français commencent à avoir l'habitude, c'est ainsi que nous sommes dirigés depuis les années 70, les élites ne pouvant assumer ouvertement leurs choix néolibéraux.
La question qui se pose est combien de temps tout ce cirque va bien pouvoir continuer ? Cela fait maintenant deux générations que le néolibéralisme et l'européisme ont été imposés aux forceps au français qui n'en voulaient pas. La France et plus généralement l'UE sont aujourd'hui des zones économiquement en déclin rapide. Il va être de plus en plus difficile de camoufler l'échec général des grandes orientations économiques prises par nos dirigeants depuis 40 ans. On trouvera toujours quelques guignols pour mettre ce déclin sur le dos d'un communisme ou d'un socialisme imaginaire, la réalité c'est que c'est bien l'idéologie de la dérégulation économique qui a échoué. C'est d'autant plus flagrant que même les USA abandonnent petit à petit ce modèle même si c'est encore assez timide contrairement aux discours ronflant sur le America First affiché dans les médias. Mais voilà le globalisme et l'européisme sont devenus des idéologies identitaires pour nos élites. Elles ne peuvent tout simplement pas y renoncer à moins de se retrouver totalement isolées de leur milieu social. Et la faiblesse collective des individus esseulée dans un monde sans structure collective forte rend peu crédible l'apparition d'une élite prise soudain d'intérêt pour un retour à la défense nationale.
On peut effectivement craindre que la France ne soit à présent dans une situation assez proche de celle de l'époque de la révolution avec une élite qui ne peut plus changer et qui est totalement bloquée dans son système de croyances. Et de l'autre un peuple qui est de plus en plus violenté par les choix économiques suicidaires que lui impose cette même élite. La grande différence avec la période révolutionnaire c'est que le pays est encore suffisamment riche pour tenir, nous n'avons pas encore de famine, même si cela risque d'arriver à force de dégrader l'économie du pays. Et surtout, nous sommes un pays de vieux. Et si la vieillesse a ses qualités, force est de reconnaître que le caractère révolutionnaire n'en fait pas partie. Pourtant si la population veut faire advenir un changement, il va falloir un véritable renversement des élites. Leur élimination au sens politique est devenue une nécessité absolue. Les élites actuelles sont tout simplement incapables de changer de direction. Leur confort sociologique primant beaucoup trop sur l'intérêt général à quelques exceptions près. Reste à imaginer comment un tel processus pourrait arriver dans les conditions sociodémographiques actuelles.