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30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 15:42

 

 

L'information est récente puisqu'elle date du 24 septembre dernier, il semble que les autorités chinoises prennent enfin conscience de la crise économique qui a commencé dans leur pays. Alors, entendons-nous bien même si la Chine est en crise, sa croissance est encore largement supérieure à n'importe quel pays occidental y compris les USA et leur économie nourrit à l'emprunt exponentiel. Mais comme la France des années 70, le ralentissement de la croissance économique entraîne une forte hausse du chômage dans un pays qui connaît encore pour un temps une croissance de la population active. Les jeunes en particulier sont fortement touchés par la faiblesse de l'emploi. S'ajoutent à cela des gains de productivité très forts qui nécessiteraient une forte croissance de la demande pour seulement maintenir l'emploi existant. La Chine actuelle se retrouve avec une crise classique que Keynes avait dépeinte en son temps comme une crise de surproduction. Ce n'est pas une crise provoquée parce que la société irait très mal, mais au contraire le produit d'un développement trop rapide pour en absorber correctement tous les effets.

 

 

Nous en avons déjà longuement parlé à plusieurs reprises, mais la Chine est un peu prise au piège de son modèle qui a fait d'elle la première puissance économique de la planète extrêmement rapidement. L'alliance tacite entre les élites chinoises et les élites occidentales, particulièrement américaines, à partir de l'époque de Nixon a été le fondement du décollage chinois. Les couches sociales dominantes en occident ont trouvé dans la main-d’œuvre chinoise l'arme absolue pour mettre fin au rapport de force qui leur était de plus en plus défavorable sur le plan économique par rapport à leur propre prolétariat. En effet, rappelons que les années 70, c'est l'époque de l'inflation, mais aussi des hausses de salaire. Les USA qui ont financé la stupide guerre du Vietnam ont exporté alors leur inflation grâce au mécanisme du dollar désindexé de l'or. L'inflation s'exporte alors partout notamment en Europe. Si l'inflation d'alors fut mise sur le dos du pétrole, on constate que cette vague d'inflation va durer beaucoup plus longtemps en réalité que la crise pétrolière. C'est donc surtout les changements effectués sur le plan macroéconomique qui expliquent cette crise, en particulier la dérégulation financière et l'exportation des coûts de la guerre américaine. Quoiqu'il en soit la Chine est arrivée alors comme une bouée de sauvetage pour des capitalistes occidentaux qui croyaient par-dessus tout la prévision de Keynes, celle de l’euthanasie des rentiers.

 

Il fallait casser les salaires et la dérégulation du commerce sera l'outil pratique pour y parvenir. Évidemment pour cela il fallait une grosse population, ne coûtant certes pas cher, mais suffisamment instruite pour pouvoir faire tourner des usines. C'est dans ce contexte-là que le pacte faustien entre la Chine et l'occident a été signé pour le plus grand malheur de la classe ouvrière occidentale. Il s'agit donc là du premier pas qui va permettre à la Chine son rattrapage. Car il faut quand même bien voir que la Chine des années 70 c'est l'un des pays les plus pauvres de la planète, très en retard sur tout un tas de domaines. La hausse de l'instruction aurait de toute manière conduit le pays à une amélioration progressive, mais ce transfert technique a été un gros accélérateur pour le pays. Encore une fois, il ne s'agit pas ici de critiquer les entreprises qui développent des activités dans des pays en retard, c'est au contraire très bien et on ne peut que souhaiter que tous les pays du monde puissent bénéficier du progrès technique et scientifique. Le problème c'est la transformation de pays en producteurs pour d'autres régions du monde. C'est quand la production est massivement déconnectée de son marché intérieur que les problèmes commencent.

 

La Chine a donc pu construire sa croissance sans augmenter sa demande intérieure au même rythme, la consommation occidentale permettant une demande permanente sans avoir besoin de fortement augmenter les salaires, en tout cas pas au rythme des gains de productivité. L'autre facteur de développement de la Chine fut bien sûr son état stratège. Loin de l'idéologie du laissez-faire, la Chine fut un état fortement interventionniste qui obligea les entreprises occidentales à faire des transferts technologiques pour pouvoir bénéficier de l'immense réservoir de main-d’œuvre chinoise. Grâce à cela la Chine n'a pas seulement bénéficié des usines neuves délocalisées chez elle, elle a pu aussi développer des champions nationaux qui sont petit à petit montés en gamme jusqu'à surpasser les Occidentaux sur leur marché intérieur puis carrément sur les marchés internationaux. Ce qui se passe aujourd’hui dans l'automobile s'était produit avant dans d'autres secteurs. C'est ici que l'on voit toute la bêtise stratégique de l'occident guidé uniquement par la logique du laissez-faire et de l'intérêt à court terme. Tout ceci était largement prévisible en réalité, la Chine a en quelque sorte réalisé ce que Lénine avait prévu à savoir que la Chine a pendu les capitalistes avec la corde qu'ils lui avaient vendus.

 

Le dernier facteur du développement de la Chine, et non des moindres, fut la transition démographique. Nous rejoignions ici la question démographique qui est fondamentale dans le développement économique. En effet, il existe une période très favorable à la croissance économique pendant la transition démographique, c'est celle qui correspond à la proportion maximale de la population active. Elle découle naturellement du laps de temps entre la baisse de la natalité, celle de la mortalité infantile, de l'augmentation de l'espérance de vie et le vieillissement que cela provoque à long terme. Pendant un temps vous avez la population active qui augmente très vite pendant une trentaine d'années avant de se réduire à cause du vieillissement de la population. Cette période, la Chine l'a connu des années 80 jusqu'à aujourd'hui. Moins d'enfant, cela veut dire aussi moins d'effort économique pour éduquer les jeunes. Ces économies ont participé à la forte croissance du pays augmentant le capital par tête investie. Malheureusement, cela a une fin et une fin qui peut être plus ou moins brutale suivant le taux de natalité finale. En Chine il est malheureusement tombé très bas à 1,2 enfant par femme.

 

Une réaction probablement insuffisante

 

Le mercantilisme chinois est un problème pour la planète

 

Le modèle chinois s'il a été d'une très grande performance risque comme tous les modèles de provoquer une chute par son déclin inéluctable. Vouloir faire perdurer ce modèle économique est tout simplement aujourd'hui impossible pour plusieurs raisons. Même si les Chinois vont très certainement tout faire pour le maintenir. Il n'y a pas qu'en occident qu'on s'enferme dans des erreurs. En premier lieu, la Chine est devenue trop grosse pour croître grâce aux exportations. En devenant la première puissance économique de la planète, le PIB chinois exprimé en ppa a dépassé celui des USA dès 2017, mécaniquement le poids des exportations se réduit, c'est mathématique. Ensuite découle de cette réalité un second effet, les exportations chinoises très excédentaires et massives produisent des crises chez les pays importateurs. En accumulant des excédents, la Chine pousse beaucoup de pays dans des situations économiques dramatiques. On ne parlera pas des immenses déficits commerciaux en Europe ou aux USA, mais même des pays comme l'Inde ont des problèmes avec le commerce chinois.

 

En 2022 l'Inde a ainsi connu un énorme déficit de 87 milliards de dollars avec la Chine. Par son énormité, la Chine ne peut pas s'installer durable dans l'économie mondiale comme un exportateur central. Une telle orientation économique aurait comme conséquence soit un effondrement économique de la majeure partie des pays du monde à moins d'imaginer une Chine effaçant les dettes extérieures des pays concernés régulièrement. Soit une réaction protectionniste à son agressivité commerciale, ce qui dans les deux cas se traduirait par un effondrement des exportations chinoises. À l'heure actuelle, la Chine est un peu à l'économie mondiale, ce que l'Allemagne est à l'économie européenne, un géant qui ne joue pas son rôle économique en quelque sorte. Et l'on constate d'ores et déjà que les USA et d'autres pays dans le monde commencent à sérieusement réagir aux excédents chinois par des politiques protectionnistes. Les dévaluations fréquentes du Japon voisin sont une autre manière d'agir contre ces excédents.

 

Dernier problème, la démographie chinoise n'est plus favorable à de forts taux de croissance. La Chine commence à rallonger la durée du travail parce qu'elle se retrouve dans la même situation que les pays anciennement développés qui connaissent un vieillissement rapide. La fin de la transition démographique et la très basse natalité du pays ne risquent pas de favoriser la croissance de la demande intérieure de façon naturelle. Rappelons qu'en plus les Chinois ont un taux d'épargne extrêmement élevé de près de 50% du revenu alors que le taux pour un pays développé en général est plus proche des 15 à 20%. C'est autant de revenu qui ne va pas dans la consommation et donc aggrave l'insuffisance de la demande du pays.

 

 

On le voit, tout concourt ici pour une aggravation de la crise économique en Chine. Et ce n'est pas une bonne nouvelle étant donné que nous pratiquons le libre-échange et que la Chine risque d'exporter sa déflation interne. Cependant, on peut se réjouir de la prise de conscience des dirigeants chinois qui commencent par des mesures de relance économique. Mais il s'agit de mesurettes pour l'instant. La baisse des taux d'intérêt pour nourrir le marché immobilier n’est par exemple pas du tout à l'échelle du problème. Un peu comme les Américains en 1929 on dirait que les dirigeants pensent qu'en jouant seulement sur les taux on peut corriger un problème macroéconomique structurel . C'est aussi pertinent que d'essayer d'arrêter un boulet de canon en tirant une fléchette à la main, sans vouloir être méchant. C'est toute une machinerie de relance qu'il faut penser. Réduire le taux d'épargne en poussant les gens à consommer en donnant confiance en l'avenir, mettre en place des politiques familiales pour relancer la natalité, etc. Mais comme je l'ai déjà dit, je suis assez sceptique sur la capacité de la Chine à se réinventer de cette manière. Nous risquons donc de subir assez violemment la crise chinoise dans les années qui viennent.

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commentaires

R
Il est à noter aussi que le gouvernement chinois s'est volontairement enfermé dans cette crise avec sa position mercantiliste, vu qu'ils ont volontairement maintenu leur monnaie basse, au détriment de leur population, pour diverses raisons dont certaines politiques.<br /> <br /> Le gros des problèmes que vous citez vient plus des ententes entre élites politiques pour leurs intérêts à court ou moyens termes. Et d'ailleurs, comme vous le citez, cela vient d'une manipulation du marché par un gouvernement souverainiste.<br /> Et de la volonté hégémonique des États-Unis.<br /> C'est bien l'interventionnisme des politiques dans l'économie qui cause ces distorsions majeures, et qui ont permis de les masquer pendant un temps avec des politiques expansionnistes des banques centrales, ou un accroissement des dettes.<br /> <br /> Si les banques centrales se comportaient hors crises majeures comme Milton Friedman le préconisait, et qu'on était effectivement des économies de laissez faire, largement pro-business, et avec des états conservant un poids raisonnable et un budget équilibré, on aurait plutôt eu des petites crises, et été forcés de maintenir une production industrielle respectable.<br /> <br /> <br /> Ceci étant dit, cet idéal libéral marche essentiellement si tout le monde joue le jeu. Et que l'État ait conservé des quotas intelligents sur l'agriculture à l'image de ce que fait la Suisse, ou en tout de soumettre les acteurs extérieurs aux mêmes règles sanitaires.<br /> <br /> La simple politique mercantiliste de dévaluation de la Chine aurait suffit à forcer l'Occident à exporter de la monnaie, ce qui en retour aurait fini par provoquer des problèmes en gonflant le prix des actifs.<br /> Ou alors à forcer l'Occident à suivre l'importance des dévaluations chinoises pour éviter la concurrence déloyale.
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Y
"Il est à noter aussi que le gouvernement chinois s'est volontairement enfermé dans cette crise avec sa position mercantiliste, vu qu'ils ont volontairement maintenu leur monnaie basse, au détriment de leur population, pour diverses raisons dont certaines politiques."<br /> <br /> Je ne suis pas certain qu'ils maîtrisent tout. On a parfois l'impression que les élites, ici ou là, semblent plus intelligentes, et savent mieux gérer les situations, mais c'est souvent des combinaisons hasardeuses qui créent les contextes positifs ou négatifs. En l’occurrence, la Chine a longtemps bénéficié de la globalisation, mais elle ne semble pas comprendre qu'elle est maintenant beaucoup trop grande pour se contenter d'attendre que la croissance vienne des exportations. Ils font 1,4 milliard d'habitants quand même. C'est déjà discutable pour l'Allemagne comme choix de développement économique, mais pour la Chine c'est n'importe quoi. Je crains que les élites, comme souvent, ne cherchent à maintenir un modèle qui a très bien fonctionné jusqu'ici sans comprendre qu'il n'est plus vraiment adapté au poids du pays. Après peut-être qu'ils finiront par changer d'avis à force. Espérons qu'ils soient moins obtus que nos propres élites. Parce qu'une dépression en Chine, ça va faire des dégâts partout sur la planète, cela commence d'ailleurs à se sentir à l'échelle internationale. <br /> <br /> « C'est bien l'interventionnisme des politiques dans l'économie qui cause ces distorsions majeures, et qui ont permis de les masquer pendant un temps avec des politiques expansionnistes des banques centrales, ou un accroissement des dettes. »<br /> <br /> Rien ne dit qu'en n'intervenant pas, cela fonctionnerait aussi. Il y a de telles inégalités entre les pays, la démographie, les systèmes sociaux, la géographie qu'il faut de toute façon à minima réguler le commerce. De toute manière comme disait Maurice Allais, vous voyez que je ne cite pas que des keynésiens, il faut une certaine ouverture pour maintenir l'innovation sans pour autant tomber dans l'interdépendance excessive. C'est une affaire de degrés comme souvent dans le monde réel. Lui était plutôt pour des quotas en volume à la place des droits de douane qui ont l'avantage d'être faciles à mettre en œuvre et insensibles aux taux de change.
D
C'est quand même triste. Les chinois pourraient sortir de la surproduction en donnant aux employés ce que tout le monde veut. Comme plus de vacances, plus de salaire, plus de securité sociale.. . La France n'a malheureusement pas un probleme aussi simple.
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Y
Ce n'est pas si simple. Les chinois semblent avoir une prépondérance pour l'épargne assez importante. Un reste de la tradition paysanne probablement qui était assez logique dans une économie agraire, mais qui se transforme en problème dans une économie moderne. Je ne sais pas si ce serait si simple que ça de résoudre le problème en toute honnêteté. Maintenant je n'ai pas l'impression que les autorités chinoises veuillent se diriger vers un véritable état providence. Je crains une évolution à la japonaise en beaucoup plus dramatique étant donné l'immensité de cette nation. Et la crise va malheureusement bien s'exporter avec le libre-échange actuel. La célèbre phrase de Napoléon sur la Chine commence à prendre tout son sens.