Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Il me semble impératif de rappeler de temps en temps des données factuelles sur certains sujets que ce soit sur la démographique, sur la mesure du PIB, de l'inflation, etc.. En effet le débat public est beaucoup distordu par des idées reçues qui sont trop souvent soit parcellaires soit carrément fausses. Nous l'avons souvent vu sur les questions démographiques par exemple, encore beaucoup trop de gens sont convaincus que la planète est surpeuplée que nous sommes dans une explosion démographique, alors que la réalité mondiale est plutôt une direction vers une grande diminution rapide dans les décennies qui viennent. S'accorder sur les données et la réalité que l'on peut mesurer c'est mettre le débat sur un autre niveau et commencer à pouvoir chercher des solutions aux problèmes de la société. Car comme le disait notre bon vieux mathématicien Henri Poincaré, un problème bien posé est un problème à moitié résolu. Tout le problème actuel tient en grande partie à cette fausse présentation de la réalité, la forme caricaturale de ce phénomène fut d'ailleurs probablement la guerre en Ukraine ou la ridicule prévision de Bruno Le Maire sur l'effondrement économique de la Russie. Quand on ne regarde pas les données réelles, on arrive à ce genre d'absurdité intellectuel.
Aujourd'hui nous allons rapidement parler de l'histoire récente de la monnaie française et des effets sur l'économie du pays. Mon but est évidemment de rendre clairs les effets dramatiques de l'euro sur l'économie du pays puisque tant de gens pensent encore qu'on peut s'en sortir en gardant cette monnaie absurde. Nous avons même de nouveau un militant de l'européisme le plus obtus comme nouveau premier ministre, c'est dire si la situation de la France ne s'arrange pas sur cette question. C'est d'ailleurs l'une des bizarreries de notre époque, l'euro était plus critiqué lors de sa mise en place au début des années 2000, alors qu'il pouvait encore y avoir des incertitudes, qu'aujourd'hui alors qu'il a fait la démonstration en pratique de ses effets néfastes. Il faut dire qu'entre temps les médias ont été fortement concentrés entre les mains de quelques milliardaires, l'état s'est mis à subventionner les journaux, et que donc l'information en France n'est plus du tout « libre », surtout sur ce de tel sujet.
Nous arrivons donc au paradoxe actuel d'une France laminé par une surévaluation monétaire depuis trente ans, mais dont les élites veulent impérativement persister dans cette direction. Jacques Sapir l'a très bien dit dans son dernier interview que je vous recommande à voir chez Olivier Berruyer. L'euro n'a pas d'avenir. C'est une monnaie qu'on passe notre temps à sauver en détruisant nos économies et en mettant nos industries en berne et nos jeunes au chômage. Cette idolâtrie monétaire doit cesser et c'est pour cela qu'il faut regarder l'histoire récente de la monnaie française parce qu'elle explique en très grande partie les évolutions économiques du pays particulièrement sa désindustrialisation.
L'euro n'a pas commencé en 1999
Commençons par nous attaquer à une affirmation qui n'est pas totalement vraie, en tout cas pour la France. L'euro n'est pas né en 1999 pour la France. C'est vrai pour les autres membres de la zone euro, mais pas pour notre pays. Pourquoi dis-je cela ? Parce que le taux de change du franc a été en réalité indexé sur le deutschemark allemand dès la fin des années 80. C'est une chose dont on ne parle jamais, mais la politique du franc fort n'était pas une politique de monnaie forte, mais d'indexation du franc sur la monnaie allemande. Une véritable soumission de notre pays à l'Allemagne qui nous a coûté extrêmement cher même si les effets ont varié dans le temps. En un sens, les élites irresponsables qui dirigent le pays depuis cette époque ont fait un peu la même chose que les Argentins des années 80-90 qui ont stupidement indexé leur monnaie au dollar, vous connaissez les crises que cela a produit. Et bien ce fut exactement la même chose entre la France et l'Allemagne, toute proportion gardée bien évidemment.
Cette relation malsaine mise en place par nos élites qui pensait qu'une monnaie « forte » était le gage d'une bonne économie va alors faire exploser le chômage. Ce fut le premier effet de l'indexation du franc sur le deutschemark. En premier lieu parce que la démographie allemande et française commençait à diverger fortement, la France ayant maintenu une croissance démographique naturelle plus soutenue. Il fallait plus de croissance en France qu'en Allemagne pour ne serait-ce que maintenir le taux de chômage. Évidemment donner la même évolution monétaire à deux pays aux démographies divergentes ne peut que produire une catastrophe chez l'un des protagonistes. En l'occurrence la France avait besoin alors d'une plus grande souplesse monétaire. La France est un pays qui a de plus besoin de plus d'inflation que l'Allemagne pour fonctionner essentiellement parce qu'il y a moins d'organisation intermédiaire qu'en Allemagne où les syndicats sont très puissants. La seule manière de faire du dialogue social efficace en France c'est de laisser filer l'inflation pour permettre aux chefs d'entreprises de faire grimper les salaires tout en augmentant leurs prix sans avoir à trop rogner sur leurs marges.
Dès le départ cette indexation a eu donc des effets délétères sur la croissance et l'emploi. Mais pas trop sur la balance commerciale. Il faut dire que dès 1989 l’Allemagne passe de pays excédentaire à pays déficitaire. La réunification de l’Allemagne a eu cet effet sur l'économie germanique qui a connu alors une dégradation de sa balance commerciale. Alors que l'Allemagne de 1988 connaît un excédent record de 4% du PIB, elle passe dès 1991 à un déficit de près de 2% . Mais c'est un bon déficit, car il traduit surtout des investissements massifs à l'Est et une forte croissance économique contrairement aux déficits français actuels. Durant tout la période des années 90 l'Allemagne va connaître une balance déficitaire, mais aussi une croissance nettement supérieure à ce qu'elle va avoir après la mise en place de l'euro et le gonflement absurde de ses excédents. Quoiqu'il en soit, c'est durant cette période que la balance commerciale française va s'améliorer. C'est particulièrement vrai à partir de 1995-96 parce qu'un phénomène extérieur va frapper. Le Franc, on l'a vu, est collé au deutschemark depuis 1987, mais à partir de 1995-96 la monnaie allemande subit les effets du déficit commercial, ainsi que les effets de la bulle internet et de la croissance qui gonfle aux USA. Le deutschemark se dévalue fortement à cette époque comme on peut le voir sur le graphique suivant. Cette période qui va de 1996 à 2003 va être la fameuse période de forte croissance en France.
Il faut rappeler aux plus jeunes cette étrange période historique qui précéda le suicide économique définitif que fut la mise en place de la monnaie unique. Jacques Chirac le gaulliste de faïence pour paraphraser Marie-France Garaud avait dissous l'Assemblée nationale sur un coup de tête stupide, un peu comme Macron récemment. Évidemment il perdit, et comme il n'avait pas l'étoffe d'un gaulliste il ne démissionna pas. Ce qui était pourtant le sens des institutions. Nous nous retrouvâmes donc dans une cohabitation entre le PS gouvernemental et le président qui était du RPR à droite. Monsieur Lionel Jospin, ex-trotskiste, devint Premier ministre, mais il a eu une chance qu'il n'a pas comprise à l'époque, et que les socialistes n'ont d'ailleurs toujours pas compris, ce fut celle du passage du franc fort au franc faible. C'est que la période fut en fait la dernière période de véritable croissance économique en France. J'étais alors au lycée puis en IUT, je m'en souviens très bien. Les socialistes qui se vantaient de résoudre les problèmes économiques par la magie des 35h qui arrivèrent pourtant après cette courte période. La cagnotte Jospin qui ne savait pas quoi faire de l'argent gagné parce que les comptes sociaux étaient au vert pour la première fois depuis longtemps. Le taux de chômage qui baissait, etc..
Le drame de cette époque est que personne, en dehors de quelques auteurs comme Emmanuel Todd et quelques autres, n'a souligné le fait que c'était la dévaluation du deutschemark, et donc du franc, qui avait donné à la France une véritable bouffée d'air frais. Les socialistes ont vraiment cru que leur politique avait un effet macroéconomique. Et cela reste encore ce type de raisonnement que tiennent certains analystes économiques, ce que je regrette fortement. Car souligner le fait que la dévaluation massive fut une bénédiction pour notre économique souligne encore plus la catastrophe que fut le franc fort puis la mise en place de l'euro. Hélas, c'est aussi cette période bénie de courte durée qui permit en pratique la réalisation de la monnaie unique. Les comptes étant au vert, nous pûmes nous suicider en toute tranquillité. La période suivante fut celle d'une hausse constante de l'euro. L'Allemagne ayant digéré la RDA, elle se mit à reconstruire petit à petit son excédent commercial pendant que la balance commerciale française plongea.
C'est sous le pathétique Jean-Pierre Raffarin que le pays a connu ses premiers déficits commerciaux de la nouvelle ère quand l'euro dépassa les 1,2 dollar pour un eu environ. Pour maintenir sa croissance, la France plongea dans la dette publique et la dette extérieure. Une croissance alimentée non plus par l'industrie et l'activité productive, désormais moribondes, car plongé dans la concurrence totale avec l'Allemagne et les nouveaux pays venus de l'Est, mais par les bulles immobilières. On délocalisa massivement. L'industrie automobile fut celle qui fit le plus impressionnant plongeon. La croissance française fut avant tout alimentée par la bulle immobilière dont nous ne sommes guère sortis depuis même après la crise de 2008. Il faut également souligner entre 2003 et 2005 les effets des politiques de lois Hartz sous le chancelier de « gauche » Gerhard Schroeder le grand « ami » de Chirac qui cassa les salaires en Allemagne et permit au pays d’accroître considérablement ses excédents au détriment des pays du sud en particulier de l'Italie et de l'Allemagne. Ces pays ne pouvant plus dévaluer pour compenser ces politiques agressives.