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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 15:34

 

 

Étrange élection sur l'entrée dans l'UE, hier en Moldavie, qui a connu une étonnante évolution puisque tout le long du dépouillement le non à semblait nettement l'emporter pour que finalement le « oui » l'emporte de façon très serrée à la dernière minute. On ne va pas conjecturer ici pour savoir s'il y a eu triche ou pas. Il est vrai que la confiance dans les systèmes électoraux semble s'étioler surtout dans les pays sous influence euroaméricaine . Il faut dire qu'entre les peuples qu'on fait revoter jusqu'à ce qu'ils acceptent, ceux comme la France où on ne leur demande même plus leur avis, la démocratie en occident ressemble de plus en plus à une vaste blague. Et n'oublions pas les changements de partis qui ne changent strictement rien une fois au pouvoir. Bref, il y a de nombreuses raisons qui pourraient nous faire douter de la fiabilité du vote en Moldavie, mais en définitive est-ce vraiment important pour nous? Pour la Moldavie certainement, mais pour nous c'est discutable.

 

De toute façon, nous allons considérer ce vote comme valide et discuter du point important. Voilà encore un pays de plus dans la longue liste de la machinerie bruxelloise. La première question que l'on pourrait se poser, c'est que trouvent ces pays à vouloir participer à des projets qui ont pourtant manifestement échoué sur tout ? Une question qu'on peut effectivement légitimement se poser. Car il n'est de secret pour personne maintenant que l'UE est l'homme malade de l'économie mondiale depuis plus de 20 ans. Faiblesse des investissements productifs, absence d'ambition technologique, obsession pour les excédents commerciaux au point de conduire le continent à la dépression économique de façon systématique. L'UE ne brille guère par ses réussites et nous en avons longuement parlé. Pourtant il y a encore des pays qui veulent adhérer à ce truc, pourquoi ? En réalité, le nombre de pays voulant adhérer à l'UE est aujourd'hui plus restreint qu'autrefois. On peut dire que la Turquie par exemple a abandonné le projet même si ce n'est pas officiel. La première motivation est à recherche plutôt non pas dans la question de la construction européenne, elle même, mais dans le rapport avec l'OTAN. En effet si tous les membres de l'OTAN ne sont pas membre de l'UE l'inverse est par contre vrai. Vous ne pouvez pas être dans l'UE sans être membre de l'OTAN. Quelque part il y a clairement chez les pays qui ont cherché à rentrer dans l'UE une stratégie visant à s'abriter sous le parapluie de plus en plus fantasmagorique de l'OTAN. C'est probablement la première motivation.

 

D'ailleurs, les pays de l'Est qui faisaient jadis partie du pacte de Varsovie étaient très ouvertement surtout intéressés par l'entrée dans l'OTAN pour se protéger de la Russie. Même si cette stratégie n'était à mon sens pas forcément la mieux avisée à long terme, du moins à mon humble avis. L'UE était en quelque sorte la cerise sur le gâteau, le truc en plus du passage sous l'autorité de l'Empire américain. Rentrez dans l'OTAN, en plus vous pourrez être dans l'UE et ces idiots de français, d'Allemands et d'Italiens paieront pour délocaliser leurs usines chez vous. Cette stratégie a très bien marché avec l'Europe de l'Est et la Pologne en particulier. Il n'est dès lors pas très surprenant que les Moldaves tentent leur chance, les Géorgiens ayant pour l'instant abandonné l'idée après la mise en place de lois contre les ingérences étrangères. Lois condamnées par l'UE alors même que les USA et l'UE ont multiplié ce type de règlement contre les ingérences russes ou chinoises. Mais on est habitué aux deux poids, deux mesures, avec les puissances occidentales maintenant. Il y a donc derrière le choix de l'UE une logique qui n'est pas avant tout économique, mais géostratégique. L'économie arrivant derrière ces considérations. Du reste même si l'UE va extrêmement mal économiquement elle reste pourvoyeuse d'aide et de délocalisation potentielle pour des pays qui sont extrêmement pauvres à l'image de la pauvre Moldavie où le SMIC doit être aux environs de 250 euros.

 

Une fuite en avant suicidaire

 

De l'autre côté quel est l’intérêt de l'UE à cet élargissement permanent ? C'est une vraie question que l'on peut se poser même depuis les débuts de la construction européenne. Car en réalité il y a eu dès le départ un énorme problème conceptuel dans la nature même de cette construction. D'un côté il y avait les gens qui étaient favorables à un état européen. Ceux qui voulaient faire les États-Unis d'Europe en quelque sorte. C'était la voie de Robert Schuman d'une certaine façon. Mais il y avait aussi ceux pour qui l'Europe était avant tout une machine pour assurer la domination des USA et du capital face au communisme. Là on serait plutôt du côté de Jean Monnet. Il y avait bien évidemment un troisième courant, le grand perdant de l'histoire, celui de la souveraineté des nations européennes voulant que l'Europe ne soit qu'une organisation interétatique où chaque nation aurait gardé l'essentielle de sa souveraineté. C'était en quelque sorte le projet gaulliste, mais qui a vite été évacué par les agents américains, car trop dangereux pour leurs intérêts.

 

On voit bien que si le projet d'une Europe fédérale avait un sens dans la CEE des six premiers membres, l'élargissement de la construction européenne ne pouvait conduire le projet qu'à l'échec. On peut dire sans trop se tromper que le premier élargissement qui fit entrer la Grande-Bretagne dans la CEE fut le début de la fin pour les fédéralistes européens, même si certains font encore semblant de croire, y compris dans le camp souverainiste, qu'une Europe fédérale va advenir. La réalité c'est que plus l'Europe est élargie, moins elle est un espace économique, et politique cohérent, et moins elle fonctionne correctement. L'élargissement à l'Europe de l'Est et l'euro qui furent presque simultanés résument à eux seuls les incohérences du projet européen. D'un côté on s'élargit pour accueillir plus de membres sous la pression en réalité des USA ce qui réduit l'UE à un simple marché, et de l'autre on crée une monnaie unique qui normalement est la touche finale à la construction d'un État-nation. Il ne faut pas s'étonner ensuite des désastres macro-économiques que produisent ce genre d’incohérences. Créez un marché unique avec des niveaux de vie extrêmement disparates, sans redistribution à l'échelle du marché, le tout avec une monnaie unique et des normes sociales qui changent suivant les pays ne pouvait que produire un grand marasme économique.

 

L'élargissement de l'UE à l'Est a été finalement l'enterrement définitif de l'Europe de Schuman, celle qui voulait être les États-Unis d'Europe. Les deux voies alternatives, celles de l'Europe des peuples et celles de l’Europe fédérale ne restent donc plus que le projet américain, celui d'une Europe grand marché soumis à l'ingérence américaine. En un sens, l'adhésion de la Moldavie à ce grand marché n'est donc guère étonnante puisque les Moldaves pensent visiblement qu'il vaut mieux être sous le parapluie américain. Ils n'ont pas adhéré à l'Europe, mais à l'Amérique. Le vrai problème c'est plutôt les européistes qui continuent à croire que l'UE est autre chose qu'une structure de vassalisation du continent européen aux intérêts US.

 

L'étrange passion moderne pour les gros blocs

 

L'autre grande question que l'on pourrait se poser avec cet élargissement ne concerne pas seulement la question de l'élargissement, mais plus généralement le besoin de structure supra-étatique. Les pays semblent se passionner pour les organisations internationales et pas seulement les Occidentaux. Le sud global comme certains l'appellent ne se lance-t-il pas finalement dans les mêmes délires avec l'organisation des BRICS ? Pourtant, est-ce que ces organisations sont réellement utiles ? L'OMC a-t-elle jamais servi à quelque chose ? On pourrait poser la même question sur l'ONU, l'UE, le Mercosur et compagnie. Si l'on regarde de façon objective le monde, on voit bien que ce sont toujours les rapports de force qui structure le monde, même si les puissants jouent parfois les bons samaritains en apparence. Quand à la prospérité, bon nombre de petits pays font mieux de très grosses organisations. La Norvège, l'Islande ou la Suisse ne sont-elles pas globalement en meilleure santé économique que les membres de l'UE et de l'euro ? Pourtant il s'agit de pays biens plus petits que la France, ou l'Allemagne, et ne parlons pas de Singapour ou de la Corée du Sud.

 

On voit bien que du point de vue économique, l'argument du plus on est gros, mieux c'est, ne tient pas la route deux minutes. Alors, comment expliquer ces choix étranges d'autodissolution? Dans le cas français, on pourrait à juste titre penser que cette obsession pour la grande taille vient du déclin historique et démographique de ce pays qui fut effectivement une grande puissance pendant longtemps du fait de son poids démographique, mais que le déclin de cette dernière a entraîné le déclassement. Les élites françaises chercheraient en quelque sorte à reconstruire artificiellement cette grandeur passée par des projets internationaux plus ou moins farfelus, et même dangereux pour le pays comme l'UE et l'euro. Pour les pays européens, l'unification dans un grand ensemble ne vise pas la prospérité, mais la volonté de continuer à jouer les gros bras en compensant leur effondrement démographique par l'élargissement de la construction européenne. Malheureusement, le projet a eu l'effet inverse à l'effet recherché puisqu'il a plongé l’Europe dans un déclin accéléré. Ce serait le premier type de motivation.

 

Mais pour les grandes puissances comme les USA, l'Inde ou la Chine, l'argument ne tient pas. Il s'agirait plutôt dans leur cas d’asseoir leur domination sans faire trop apparaître cette domination. Après tout pour les USA officiellement l'OTAN est une alliance, et non une vassalisation aux USA. En pratique c'est évidemment une soumission aux intérêts US automatique. Mais on pourrait se demander si finalement les BRICS ne sont pas une autre sorte de mécanisme de soumission à terme. Alors les protagonistes s'en défendront très certainement, mais le simple poids de la Chine fera à terme tourner le système autour de ce pays, et je suis certain que les Chinois en ont parfaitement conscience. Donc à mon sens, la seconde pulsion qui favorise ces instruments internationaux, qui peuvent parfois apparaître comme de bonnes idées, émane de cette volonté des grandes puissances d'user de leur pouvoir sans en faire un étalage trop voyant. Ce fut le cas du FMI et de l'OMC pour les USA, je ne vois pas pourquoi il n'en irait pas de même à terme avec les BRICS. Ces instruments, il faut le rappeler, étaient aussi pensés comme internationaux au départ.

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commentaires

L
Vous semblez quand même éluder le fait que le monde d'aujourd'hui est en situation de guerre et que nous avons affaire à un conflit d'un genre tout à fait nouveau. <br /> Si vous écartez le filtre économique qui aura toujours tendance à orienter votre jugement, moi je vois surtout dans le jeu et la forme d'alliance des BRICS un système d'endiguement face à l'hégémon dangereusement agressif américain.<br /> Même le projet révolutionnaire de monnaie commune (nouveau bankor, monnaie chaîne de bloc ou panachage des deux ?) présente ce côté de stratégie quasi militaire face à l'arme privilégiée des américains qu'est le dollar.<br /> Mais les BRICS ont-ils le choix au fait ? <br /> Et la nation qui domine cet ensemble, sa raison d'être au final, n'est pas la Chine mais la Russie, parce que c'est la seule à ma connaissance qui s'est donné les moyens militaires de dire non à l'Amérique. La domination économique apparente de la Chine au sein de cette alliance militaire n'est que le suivisme de l'intendance, pour reprendre le mot de De Gaulle. <br /> Si vous écartez votre prisme économique (si utile par ailleurs) je distingue plutôt dans la conférence de Kazan quelque chose qui tiendrait plus du Congrès de Vienne (après les guerres napoléoniennes) ou même du traité de Westphalie, qui a pris acte de la fin des guerres de religion en Europe en affirmant la volonté des nations face au pape. <br /> Quant à savoir comment va évoluer cette alliance ? Une chose est sûre, je n'y vois pas la volonté d'hégémonie culturelle d'une nation quelconque comparable à celle des américains au lendemain de la guerre froide.
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Y
« Si vous écartez le filtre économique qui aura toujours tendance à orienter votre jugement, moi je vois surtout dans le jeu et la forme d'alliance des BRICS un système d'endiguement face à l'hégémon dangereusement agressif américain. »<br /> <br /> C'est toujours une histoire de rapport de force que ce soit militaire, politique ou économique. Moi je ne vois pas l'hégémon américain comme agressif et dangereux. Tout d'abord parce que cet hégémon est en déclin réel depuis les années 60 en fait. Il est boursouflé d'orgueil, prétentieux, mais c'est bien parce que les USA ont décliné que les BRICS existent. Le paradoxe d'ailleurs c'est que c'est la bêtise occidentale et particulièrement américaine qui a fabriqué l'ogre chinois. C'est la courte vue des capitalistes occidentaux qui a fabriqué l'industrie chinoise et sa force. Donc l'hégémon américain n'a pas vraiment besoin d'être combattu, il s'autodétruit comme un grand en réalité. Les BRICS c'est plus une façon d'organiser le monde pour l'effondrement officiel des USA. Enfin c'est un peu comme cela que je le vois. Et il est bien dommage que les Européens n'aient pas suivi cette voie, car c'était en réalité l'objectif de la construction européenne au départ. Du moins chez certains européistes.
L
Tout affairé à un bricolage domestique, j'en ai sans doute oublié de vous dire l'essentiel. <br /> Votre vision d'un monde de nations parfaitement indépendantes les unes des autres me fait penser à la vision des libéraux d'une société où les acteurs individuels seraient parfaitement libres, soit en fait une vision d'économiste parce que la seule prise en compte de l'économie permet de l'imaginer. <br /> Face à l'impossibilité pratique d'une telle société et quoi qu'ils en disent (cf. La boutade idiote de la demeurée Maggie Thatcher) ils s'empressent alors d'apporter le correctif de "l'état régalien" nécessaire sans remarquer l'énorme contradiction du propos. <br /> <br /> Je crois profondément que le premier principe de la condition humaine est l'entraide et que celui de l'homme collectif est l'alliance avec ses contraintes de hiérarchie entre les acteurs et d'autorité supérieure pour faire régner la paix entre tous. <br /> L'on en revient alors immanquablement à cette autre grand principe de la condition humaine, effet pervers du premier, qu'est la violence (mimétique selon René Girard qui reste celui qui a le mieux appréhendé le problème). <br /> En tout cas toute l'histoire me semble tourner autour de ces deux principes dont la tension entre le national et le supranational n'est qu'une facette.