On vient d'apprendre que notre Premier ministre s'est fait ouvertement humilier par madame Von der Leyen au sujet du traité de libre-échange avec le Mercosur qui va définitivement condamner l'agriculture française à la disparition. Je ne sais pas s'il s'est fait réellement humilier ou s'il fait en réalité semblant puisque le fond idéologique de Barnier n'est en réalité guère différent de celui de madame Von der Leyen, à savoir une obsession pour le libre-échange et le laissez-faire économique. Mais cette affaire risque par contre d'avoir de fortes répercussions politiques en France puisque cela revient ouvertement à mettre fin à notre agriculture, il faut le dire clairement. Cela revient aussi à abandonner les politiques soi-disant écologistes que l'UE impose depuis des années puisque les agriculteurs d’Amérique du Sud ne sont absolument pas soumis aux mêmes règles. Il y a un degré d'hypocrisie dans cette affaire qui est absolument inimaginable. Étonnement, on n'entend guère les groupes politiques, soi-disant écologistes, sur le sujet de ce traité. C'est qu'entre l'UE et l'écologie ils choisissent en réalité toujours l'UE, montrant ainsi leurs priorités réelles.
Ne soyons pas dupes tout de même sur les motivations réelles de nos dirigeants dont nous savons d'expérience qu'entre l'idéologie et l'intérêt national ils choisissent toujours l'idéologie. Barnier ici tient comme l'ait dit avant tout à faire passer la pilule en France en se camouflant derrière l'UE et la commission. Cet accord est dans la droite ligne du modèle économique aztèque de la France, terme judicieusement trouvé par Emmanuel Todd et qui lui sied de plus en plus. Un modèle de type sacrificiel, où il faut année après année choisir quel bout de la population plonger dans la misère pour alimenter le totem européen et obéir au précepte du saint libre-échange. La brutalité économique de nos élites n'a plus de limites depuis que le système a fait élire sa chose en la personne d'Emmanuel Macron. Et depuis la trahison sur le traité constitutionnel européen, nos dominants savent, ou pensent qu'ils n'ont pas grand-chose à craindre des réactions populaires. En effet, ils ont littéralement violé un référendum populaire sans aucune réaction. De la même manière la dernière farce électorale qui nous mis un gouvernement sans aucune légitimité au pouvoir ne souffre d'aucune réaction là encore de la population. Les Français laissent faire, du moins pour l'instant.
Ce nouveau coup porté cette fois à la filière agricole s'inscrit dans ce mouvement délirant de déconstruction des capacités productives du pays. Un véritable nihilisme économique qui, quelque part, se relève être une véritable pathologique, au sens psychiatrique à ce niveau. On affiche un protectionnisme très verbeux, mais en pratique on démolit d'autant plus la production française. L'exemple macroniste est de ce point fascinant. On voit défiler sur les plateaux télé les macronistes de tout bord répétant à l'envi qu'ils ont sauvé l'économie française et qu'ils ont réindustrialisé le pays, alors que tous les chiffres, officiels pourtant, disent le contraire. Pas seulement la balance commerciale qui est affreusement déficitaire, mais les chiffres de la production manufacturière elle-même. Et que dire de l’obsession pour le marché européen de l'énergie dont tout le monde voit bien le fonctionnement aberrant qui détruit l'économie française. Même notre ancien ministre de l'économie Arnaud Montebourg vient de s'en offusquer sur RTL. En effet, la France ne devrait pas payer son électricité aussi chère, c'est bien le produit du dysfonctionnement d'un marché pensé d'abord pour la consommation d'électricité allemande à base de gaz et non de nucléaire.
On remarquera d'ailleurs que l'Europe qui est présentée comme un système de coopération entre nations n'a finalement fait qu'attiser les égoïsmes. L'Allemagne dans une logique rationnelle de coopération aurait dû chercher à construire une industrie nucléaire avec l'aide de la France pour pourvoir à ses besoins énergétiques plutôt que de vouloir détruire l'avantage comparatif de son voisin. Cette stratégie, on le voit aujourd'hui, conduit à une logique de tous perdants. On ne parlera pas des lubies sur l'éolien et autre chimère intermittente qui ne fonctionnent que grâce au charbon désormais. Rappelons que l'électricité ne se stocke pas en grande quantité et donc que les énergies intermittentes posent d'énormes problèmes de gestion qui finalement oblige à utiliser d'autres énergies pilotables pour compenser. L'UE et les faux écologistes nous ont fait perdre plus d'une génération de travail sur le nucléaire. C'est d'autant plus dramatique que la Chine par exemple vient de lancer sa première centrale de type quatrièmes génération, et lance 11 nouveaux réacteurs nucléaires, pendant qu'ils nous vendent des éoliennes et des panneaux solaires inutiles.
Le suicide européen
Je ne vais pas faire un inventaire à la Prévert de toutes les mauvaises décisions que prend systématiquement l'UE sur tous les sujets. Ce serait trop long et fastidieux. Mais il faut bien comprendre que c'est bien là sa faiblesse. Ce nouveau traité avec le Mercosur qui fait tant parler de lui est souvent présenté comme un projet défavorable à l'agriculture française, mais favorable à l'industrie allemande, rien n'est moins sûr en réalité. S'il est certain que les protagonistes germaniques fortement impliqués dans ces choix croient dur comme fer qu'il s'agit là de l'intérêt allemand, cela ne veut pas dire que c'est vrai pour autant. En effet le déclin de l'industrie allemand n'est pas le produit d'un manque d'accès aux marchés étrangers. On en est loin même puisque l'UE a déjà des traités de libre-échange avec la très grande majorité des pays de la planète. Le déclin de l'industrie allemande est un problème à la fois interne et externe. D'un côté ce pays a fait des choix énergétiques absurdes qui ont explosé à la face de tout le monde avec la crise russo-européenne. Les effets des réformes Hartz qui ont cassé le salariat allemand pour créer les fameux excédents commerciaux allemands des années 2000-2020 ont cessé de faire effet depuis 2017 environ.
On voit aujourd'hui que l'industrie allemande est aussi de plus en plus concurrencée par l'industrie chinoise même sur ses produits de prédilection. Il faut bien se mettre en tête que la Chine se spécialisera dans tous les domaines. C'est un pays immense de 1,4 milliard d'habitants avec des jeunes de mieux en mieux formés. Dans ce contexte l'idée saugrenue que les traités de libre-échange seront favorables à l'industrie allemande me paraît simplement irréaliste. On voit dans cette affaire les illusions allemandes. Je suis persuadé que ce sacrifice de l'agriculture française, et globalement européenne, parce que je ne pense pas que les autres agricultures soient mieux loties, ne favorisera même pas l'industrie allemande. En effet, les pays d'Amérique du Sud font comme tout le monde, ils achètent de plus en plus chinois. Il n'est d'ailleurs pas dit que les industriels européens ne vont pas s'installer massivement en Amérique du Sud. Je tiens à rappeler mon texte sur l'économie brésilienne qui montre toutes les qualités de ce pays et son décollage économique avec en plus une population de mieux en mieux formée. L'énergie étant en plus beaucoup moins chère qu'en UE les gros gagnants dans l'histoire risquent de ne pas être les industriels allemands. J'ai toujours pensé que les promoteurs du libre-échange avaient comme motivation réelle une certaine vision raciste et suprémaciste derrière leur grand principe. Ils sont incapables d'imaginer un instant que leur pays puisse perdre dans la concurrence mondiale. C'est pourtant ce qui arrive à l'UE en ce moment même.
Le déclin de l'UE tient à son caractère dogmatique sur tous les domaines. Et ce n'est pas vraiment surprenant puisque l'UE n'est pas un état, mais une bureaucratie sans état et sans peuple au-dessus d'elle. Elle s'acharne donc à déployer toujours les mêmes politiques fixées dans ses traités de fondation sans jamais se demander si ces traités ne sont pas caducs et anachroniques. L'UE, tout comme l'URSS en son temps, est ainsi incapable de s'adapter à un monde qui a profondément changé. Elle signe des traités de libre-échange en pensant en permanence que les Européens seront toujours gagnants grâce à leurs avantages comparatifs. Or ces avantages ne sont plus qu'un glorieux souvenir. Ainsi, tel le vieil Empire ottoman, l'UE se suicide en commerçant sans jamais avoir de penser pour ses propres producteurs qui crient à l'agonie. Sûre de ses dogmes, elle exulte même lorsque les producteurs français se meurent, pensant les Allemands en meilleur état. Comme nous l'avons vu précédemment ce n'est pas les USA qui mettront fin à cette absurde construction européenne, mais bien sa propre folie et ses propres dogmes. Reste à savoir combien de temps les peuples d'Europe accepteront de s'appauvrir avant de renverser la table. Si les Français semblent accepter leur déclassement massif et leur appauvrissement en ira-t-il de même pour les Allemands. J'ai comme un doute sur la question.
PS. Il n'y a pas que Jacques Sapir qui sort un livre en ce moment, Marcel Gauchet fait de même avec « Le nœud démocratique ». Vous pouvez retrouver son intéressant interview sur le site du Figaro. Il parle en particulier de la déconnexion de nos élites ou prétendues élites d'avec le monde tel qu'il est aujourd'hui.