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11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 16:08

 

Avec l'élection de Donald Trump, j'ai un peu l'impression d'assisté au même phénomène exagéré qui a eu lieu lors du Brexit en Angleterre dans le camp souverainiste ou eurosceptique suivant votre définition. Le fait est que depuis l'élection du nouveau président américain on assiste à un épisode d’excitation collective assez élevé qui, à mon sens, embrume plus qu'il n'éclaire sur les évolutions présentent. Et lorsque l'on est excité, heureux, en pleins émois, on a tendance à perdre un peu de ses facultés cognitives. Il ne s'agit pas ici de dire que les gens n'ont pas de raison de trouver cette élection comme un phénomène important, ou d'intérêt pour notre pays. Mais je pense qu'il y a là un peu trop d'emballement et que les déconvenues risquent ensuite de faire des dégâts. L'engouement n'est pas nécessairement une mauvaise chose, l’espérance est parfois la seule chose qui puisse vous faire avancer. Mais ce n'est pas non plus une raison pour s'aveugler exagérément sur les évolutions de notre pays et de l'Europe.

 

C'est en écoutant le pape du souverainisme, du moins le prétend-il un peu, monsieur Asselineau, que je me suis rendu compte de cet aveuglement. Alors que le créateur de l'UPR voue aux gémonies et rappelle très souvent le rôle des USA dans nos malheurs et la construction européenne, le voici tout guilleret en apprenant la victoire de Trump aux élections US sur le média alternatif Tocsin. On pourrait dire la même chose de monsieur Philippot et de quelques autres montrant une espérance invraisemblable dans l'élection du président d'un pays qui nous a réduits à l'état de vassal en partie par la corruption économique et mentale de nos élites. Plus étonnant encore, monsieur Frexit nous dit que l'UE est morte avec cette élection. Décrivant la fin de l'influence américaine au sein de l'UE comme la fin du système européen. Washington étant en quelque sorte le cerveau organisateur de la construction européenne. C'est à mon humble avis une erreur, et il prend ici un peu ses rêves pour des réalités. Tout comme l'idée que l'élection américaine est présentée comme la fin du globalisme. Il n'en est rien pour des raisons de fonds dont j'ai déjà souvent parlé.

 

Mais parlons surtout des effets de cette élection sur les relations entre l'UE et les USA. Tout d'abord si Trump s'affiche effectivement comme un protectionniste, ce qu'il fera peut-être, il est aussi enfermé dans certaines contraintes macroéconomiques. Les USA ont certes un énorme problème de déficit commercial, mais les politiques de protection que ce pays a prise jusqu'ici n'ont pas vraiment relocalisé l'industrie aux USA. Nous l'avons vu dans le texte précédent. Comme l'a très bien souligné Jacques Sapir qui vient d'ailleurs de sortir un nouveau livre que je n'ai pas encore lu malheureusement, nous n'allons pas pour l'instant vers un retour des nations. Il y a d'abord un mécanisme de transition vers des zones d'influence économique et politique. En clair, les USA et leur empire reculent face à la montée des BRICS et surtout de la Chine. Ils essaient de couper leurs liens directs avec ce pays, mais réorganisent leur capitalisme en installant l'industrie dans des pays tiers plus amicaux, pas en relocalisant aux USA. D'ailleurs, certains pays ont bien compris cette évolution et tentent en ce moment même de profiter de cette aubaine. C'est le cas par exemple des pays d'Asie du Sud-est.

 

 

Cette zone comprenant des pays comme le Vietnam et la Thaïlande est l'une des plus dynamiques du monde avec une population très instruite, travailleuse et encore très jeune. Si l'on rajoute à la péninsule indochinoise l’Indonésie, on a là le cœur du dynamisme économique de ces trente prochaines années avec l'Inde. Les USA et la Chine se disputent donc l'influence dans cette région. Pour les USA le but n'est donc pas vraiment de réindustrialiser, mais de localiser la production dans les territoires sous contrôle. Et les pays de la région d'Asie du Sud-est peuvent jouer l'affrontement Chine-USA pour à la fois favoriser les investisseurs des deux coté ou en se protégeant d'une trop grande influence de l'une des deux parties. Cela fait de cette région un peu une nouvelle Europe d'après guerre, celle qui était l’enjeu des jeux d’influence entre l'URSS et les USA.

 

Les relations USA-UE sous Trump

 

Alors on pourrait ici conjecturer et dire que les USA vont laisser tomber une UE qui est de toute manière une région en déclin et sans avenir. Mais ce n'est pas tout à fait ce que l'on constate depuis quelques années. Non seulement les USA n'ont pas retiré leur poids en Europe, mais ils l'ont accru. Comme le disait très justement Emmanuel Todd, le retrait impérial américain du reste du monde leur a fait accroître leur poids sur leurs principaux vassaux UE, mais aussi Japon et Corée du Sud. Et cette réalité n'est pas le fruit d'une volonté à proprement parler de l'élite US, c'est le fruit du mécanisme de pillage concomitant à l'exploitation du dollar. Les USA fortement déficitaires dans tous les domaines doivent toujours importer massivement des marchandises et des capitaux pour faire tourner leur économie. Si le pool de pays payant, le tribut impérial se réduit alors, la pression sur les pays restants, augmente puisque le flux ne saurait se réduire sous peine de crise existentielle pour l'empire et sa monnaie. En 2023 alors même que l'UE traverse une grave crise énergétique et commence à importer du GNL américain, la zone euro connaît un record d'excédent commercial avec les USA de 158 milliards de dollars. C'est assez paradoxal si l'on y réfléchit bien.

 

 

En effet en toute logique l'UE aurait dû voir sa balance commerciale avec les USA se contracter. Mais l'euro s'est dévalué face au dollar à partir de 2022. On voit ici l'effet du dollar impérial. La monnaie ne suit absolument pas l'évolution du commerce. Les USA qui accumulent les déficits ont connu une amélioration de la valeur de leur monnaie contre l'euro. C'est en partie cette détérioration qui a accru les excédents de la zone euro, mais cela a nourri en partie l'inflation puisque les importations hors de la zone sont devenues plus chères. Quand John Conally disait que le dollar était leur monnaie, mais notre problème, c'était au sens littéral qu'il fallait l'interpréter. On pourrait faire une analyse similaire pour le Japon l'autre pays vassal durement ponctionné par Washington. Alors dans ces conditions est-ce que la volonté de Trump de réindustrialiser le pays va changer la donne ? On notera que malgré les grands discours sur les délocalisations vers les USA de l'industrie Européenne pour l'instant c'est statistiquement invisible. Les USA connaissant même une nouvelle augmentation du déficit de leur balance commerciale.

 

Si les USA taxent les importations européennes, c'est surtout les pays frontaliers des USA qui risquent d'en profiter. La Chine et les BRICS ne voulant plus acheter de la dette US et donc soutenir l'économie américaine, ce sont les Européens qui se substituent aux anciens exploités. Ainsi entre 2023 et 2024 la part de la dette américaine détenue par la Chine est passée de 11% à 9%, celle de l'Europe a légèrement progressé. L'épargne européenne plus que jamais sert avant tout à combler les manques aux USA. On voit donc bien que cette relation toxique pour utiliser une expression à la mode est largement défavorable à l'UE en réalité. Accumuler des excédents avec un pays qui paye avec une monnaie de singe n'a aucun intérêt pour les Européens. Je ne vois donc pas pourquoi Trump changerait quoi que ce soit à ce système tant les Européens sont prêts à tout pour détruire leurs propres économies pour les beaux yeux de l'oncle Sam. Du reste comme je l'ai expliqué dans le texte précédent, la réindustrialisation n'est pas si simple. Il manque aux USA un système scolaire plus accessible économiquement pour réellement redémarrer en tant que puissance industrielle. Il faudrait également que les jeunes s'orientent plus vers les sciences et l'industrie ce qui est compliqué dans une société qui promeut surtout l'argent facile et le sport-spectacle.

 

Alors est-ce que l'UE peut s'effondrer avec l'arrivée de Trump comme le prédit de façon un peu farfelue monsieur Asselineau ? La réponse est non. Si l'on pense à l'effondrement économique, nous y sommes déjà en réalité, et ce depuis 20 ans que l'UE s'est autodétruite avec l'euro qui a entraîné une paralysie économique du continent sous l'égide de l'autorité allemande, le pays de l'austérité permanente. Pourtant l'UE est toujours là. C'est d'ailleurs incroyable d'observer les défenseurs de l'euro de droite à gauche nous expliquer que notre déclin n'a rien à voir avec la monnaie unique même si toutes les données le montrent. Donc on voit bien que même si l'UE produit des catastrophes, elle se maintient. Maintenant, est-ce que la disparition très hypothétique de l'autorité américaine sur Bruxelles va produire cet effondrement ? La réponse est aussi non. La bureaucratie européenne si elle est en partie inféodée aux intérêts US avance avec son propre agenda. Et si Washington disparaît de l'équation, il restera toujours le chef de chantier local à savoir Berlin. Car l'Allemagne est quand même déjà la grande puissance qui oriente les politiques économiques en Europe. Si un phénomène politique doit mettre fin à l'UE, il ne viendra pas des USA, mais probablement bien plus d'Allemagne.

 

On va donc finir sur une note positive. Je ne crois pas plus qu'Asselineau à la durabilité de la construction européenne. Mais même un système très stupide et très inefficace peut perdurer longtemps tant qu'il n'est pas vraiment remis en question par une population. Les pauvres civilisations précolombiennes ont bien pratiqué les sacrifices humains pendant des milliers d'années avant l'arrivée des Européens. L'humanité est parfois capable de s'enfermer dans des systèmes immondes sans jamais les remettre en cause. L'UE c'est un peu notre pyramide où l'on fait des sacrifices économiques et où l'on massacre nos jeunes en les jetant dans la pauvreté pour éviter la colère des dieux. On fait ça depuis 50 ans, on pourrait le faire encore pendant quelques siècles, enfin tant qu'il reste des gens à sacrifier bien évidemment. Ce qui mettra fin à tout cela, plus qu'un abandon américain dont on a vu que ce n'était pas vraiment dans leur intérêt, c'est surtout un réveil des nationalismes en Europe devant le déclin général. Et si la population n'a plus aucun patriotisme réel, à part des résidus, il en reste encore chez nos voisins particulièrement chez les pays de famille souche comme l'Allemagne. C'est donc plutôt sur cela qu'il faut parier pour voir une fin à la bêtise europhile.

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commentaires

D
ils doivent confondre avc l'otan...<br /> <br /> par contre, c la fin des états-unis qui se profile avc trump...
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Y
Même l'OTAN je ne suis pas certain que Trump y mette fin. Tout ceci est trop lucratif pour l'Empire pour que les élites US y mettent fin volontairement. Si Trump s'offusque des dépenses européennes trop faibles, il sait pertinemment que l'OTAN constitue un mécanisme qui oblige les états membres à acheter du matériel militaire US. Ses discours visent simplement à accroître encore les ventes d'armes de son pays. L'OTAN prendra fin lorsque les Européens auront décidé d'un modus vivendi avec la Russie et cesseront de vouloir du faux parapluie militaire américain.
R
La destruction des pipelines Nordstream et la guerre en Ukraine de manière générale me paraissent plus à même de tuer l'Europe qu'un changement de leadership aux USA.<br /> <br /> Les dégâts de l'Euro ont été compensés dans trop de pays par de la relance budgétaire continue, vendue aux masses au travers de l'amour des idées keynésiennes. Les élites vont finir par tomber à court d'artifices pour masquer ces relances, et la prochaine crise des dettes souveraines aura probablement raison de l'euro.<br /> <br /> Je vois mal l'Allemagne soutenir un protectionnisme et une poursuite de l'impression monétaire massive sur le modèle de l'Argentine. Mais l'Europe ne redécollera pas sans avoir traversé de crise politique majeure et purgé la caste des étatistes/clientélistes.<br /> Le seul espoir est l'émergence de mouvements qui sans négliger le social, devront promouvoir l'efficacité et une certaine anti-fragilité. Raisonnement dont les souverainistes sont encore bien loin aujourd'hui.
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Y
L'Allemagne semble changer de cap en ce moment même, Scholz a enfin appelé Poutine. Et Poutine avait lui même affirmé qu'il y avait toujours la possibilité de relancer les exportations de gaz russe malgré Nord Stream 2.<br /> <br /> "Les dégâts de l'Euro ont été compensés dans trop de pays par de la relance budgétaire continue, vendue aux masses au travers de l'amour des idées keynésiennes. "<br /> <br /> Un keynésianisme mal compris. Keynes n'a jamais dit endettez vous sans réfléchir et sans faire attention aux balances des paiements. <br /> <br /> Le plus dramatique dans l'affaire c'est que les BRICS font ce que les Européens auraient dû faire avec l'euro. Une monnaie internationale d'échange ne dépendant d'aucun pays en particulier, mais avec chaque pays gardant sa propre monnaie. J'ai un peu l'impression que les Européens en faisant l'UE ont oublié en cours de route l'objectif originel du projet monétaire européen qui était de s'extraire des effets du dollar sur nos économies. Et cela pour faire un truc insensé et créer un pays totalement artificiel et dysfonctionnel. <br /> <br /> Au contraire, je pense que l'Allemagne va mettre fin à l'UE d'elle-même. C'est d'ailleurs mon seul espoir pour les années qui viennent. Et il semble que les élites du pays ont conscience qu'elles ont aussi trop négligé les investissements dans le pays, les infrastructures routières ou ferroviaires sont dans un piteux état en Allemagne. <br />
L
"La bureaucratie européenne si elle est en partie inféodée aux intérêts US avance avec son propre agenda".<br /> <br /> Le problème est que cet agenda comportait aussi un volant culturel qui était rigoureusement le même que l'agenda américain et qui avait dérivé surtout durant la dernière décennie sur un grand chamboulement sociétal que l'on désignait pour faire simple par le thème de "Woke". <br /> Il s'agissait au bout du compte d'une grande cause oecuménique qui fédérait l'occident des deux côtés de l'océan et ce n'était pas la seule. La phobie climatique y participait aussi avec toutes ses implications économiques de même que l'agenda sanitaire aligné sur les projets de L'OMS de Bill Gates.<br /> Cet oecuménisme commun à trois têtes était tout de même bien commode à l'union Européenne pour s'aligner politiquement sur l'astre américain, si pointilleux sur ses intérêts, tout en se ménageant une marge de manœuvre sur son propre agenda.<br /> Je crois en fait que ce sont sur ces trois points que la nouvelle administration Trump donnera le change et l'impression d'une vraie-fausse rupture avec les administrations précédentes - d'où la carte Bob Kennedy Jr jouée avec componction par Trump.<br /> <br /> Cela ne changera pas beaucoup le déséquilibre des forces économiques entre les États-Unis et l'UE. mais risquera par contre de compliquer la tâche de celle-ci soit en l'obligeant de renverser à 180 degrés son échelle des valeurs (ce qui me paraît difficile compte tenu des groupes sociaux qui vivent désormais sur ces valeurs) soit en la mettant ouvertement en porte-à-faux culturel avec la maison mère américaine, lui faisant toujours plus endosser le manteau d'une structure délétère et passéiste.<br /> J'ai l'impression au final que l'exaltation hexagonale sur les élections américaines procèdent d'une confusion entre un effondrement que d'aucuns souhaiteraient économique et politique alors qu'il sera avant tout d'ordre moral, ce qui ne sera pas toutefois sans conséquences tant sur le plan économique que politique pour le destin de l'UE.
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