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9 janvier 2025 4 09 /01 /janvier /2025 14:55

 

Le président Trump n'est pas encore entré officiellement en fonction qu'il multiplie déjà les lieux de conflits avec les puissances étrangères. En effet, on a appris ces derniers jours que Trump voudrait à la fois annexer le Canada, le Groenland et le Panama. C'est une espèce d’Anschluss en version 2025, avec un blond à brushing plutôt qu'un brun à moustache. Pour jouer toujours dans la provocation, il décide de rebaptiser également le golfe du Mexique en golfe d'Amérique. La présidente mexicaine n'a pas tardé à réagir en rappelant que ce nom était internationalement reconnu. Ce à quoi nous pourrions rajouter que le Texas, et une bonne partie des actuels USA, faisaient partie à l'origine du Mexique d'où le nom du golfe au passage. On remarquera d'ailleurs que le Mexique a visiblement mieux réagi que les autorités danoises ou canadiennes qui se retrouvent un peu prises au piège de leur propre soumission aux USA à travers l'OTAN bien sûr, mais aussi à travers leur politique économique.

 

Si l'affaire du nom du golfe du Mexique est en réalité sans importance, ce n'est qu'un nom après tout. Elle caractérise la stratégie agressive des USA vis-à-vis de pays qui lui sont pourtant totalement soumis, en particulier le Canada. On pourrait ici dire qu'il s'agit de la méthode Trump pour faire bouger les lignes. Certes, il y a de ça, et il y a aussi toute une affaire de communication destinée avant tout à ses électeurs. Après tout, il a promis « Make America Great Again ». Et les USA sont un pays historiquement extrêmement agressif. Se servant allègrement de n'importe quel prétexte pour défendre leurs intérêts et envahir des nations. En un sens Trump, c'est la véritable Amérique, la seule différence avec ses prédécesseurs récents c'est que ces derniers faisaient tout en cachette si je puis dire. Mais l’agression de Trump vis-à-vis du Canada ou du Danemark n'est en un sens que la continuation de la politique anti-européenne qui l'avait précédé. La guerre en Ukraine est une guerre contre l'Europe même si beaucoup d'Européens ne l'ont pas encore compris. Il s'agissait de couper la Russie de l'Europe de l'ouest et surtout de l'Allemagne. La mission a été accomplie du moins pour le moment.

 

Or Trump n'était pas au pouvoir au moment de la guerre. On voit donc bien qu'il y a un mouvement de fond qui pousse les USA à être de plus en plus agressif même contre leurs vassaux directs. Mais nous y reviendrons plus tard. La question est de savoir comment réagiront les vassaux. Vont-ils se coucher comme le pense sûrement le président américain, qui n'a que mépris pour eux, comme l'essentiel de l'establishment US, Emmanuel Todd l'a rappelé récemment. Ou bien est-ce qu'ils vont réagir ? Le Mexique ne se fera certainement pas marcher sur les pieds. Le Canada affaibli par le départ de son pathétique premier ministre pourrait tout aussi bien se coucher que se lever. L'action de Trump pourrait en réalité produire l'effet inverse à ce qu'il recherche et produire exactement ce qu'avait prévu de Gaulle dans l'une de ses prophéties disant que les USA finiront par rentrer chez eux détestés de tous. Même si l'action de Trump est humiliante, elle pourrait aussi avec des effets bénéfiques pour les pays vassaux. Ces derniers comprenant enfin que les USA ne sont pas leur allié, mais leur suzerain. Et qu'il n'est peut-être pas très intelligent d’asseoir sa défense et tous ses intérêts en se cachant derrière les USA. Dans ce cadre les Européens tout comme les voisins des USA auraient tout intérêt à jouer de diplomatie avec les autres grandes puissances comme la Russie et la Chine plutôt que de se soumettre totalement à Washington. On mesure ici toute la bêtise des dirigeants européens qui ont servilement obéi aux USA en s'attaquant inlassablement à la Russie. Les Européens qui ont pourtant inventé le jeu géopolitique moderne, ne semblent plus comprendre le béaba du jeu des alliances et des contre-pouvoirs.

 

L'autre facteur est économique. L'obsession européenne et même canadienne des excédents commerciaux vis-à-vis des USA les a mis en état de soumission. Les USA ne dominent pas par la production, mais par la consommation. Ainsi les Allemands ou les Canadiens ont-ils peur d'être privés du client US devenu beaucoup trop important pour eux. Le plus drôle c'est qu'en plus c'est l'épargne de ces pays qui en partie finance les immenses déficits des USA. C'est une leçon qu'il faut bien comprendre. Exporter massivement sur un marché particulier ne vous rend pas fort, mais faible, car trop dépendant de ce marché. La liberté s’acquiert par l'autonomie économique ou au moins une diversification suffisante en termes de marché pour ne pas dépendre d'une puissance en particulier. Malheureusement, l'idéologie libérale de ces 50 dernières années a dépolitisé l'économie en Europe. Et les Européens sont en train de réapprendre dans la souffrance qu'on ne peut pas séparer l'économie de la politique et de la géopolitique. Trop dépendre du gaz russe vous rend dépendant de la Russie, trop dépendre du marché US vous rend dépendant des USA. La seule voie de l'indépendance est celle qui consiste à ne pas trop dépendre ni de l'un ni de l'autre même si le prix à payer est élevé économiquement, c'est une précaution essentielle pour garantir l'indépendance de nos pays.

 

Un empire mourant qui cannibalise ses vassaux

 

 

Alors, revenons maintenant aux USA. Pourquoi une telle agressivité vis-à-vis de pays qui jusque là n'ont fait qu'obéir aux USA ? D'un point de vue géopolitique on voit très bien où veut en venir Trump. Il veut faire de l'Amérique du Nord une île appartenant aux USA. Avec le Groenland il veut à la fois dominer les matières premières très importantes de la zone et contrôler en partie l’océan arctique en prévision d'une espèce de nouvelle guerre froide avec la Russie, la Chine et même les BRICS. En ce sens, il admet la fin de l'empire US et se recroqueville sur des places fortes. Dans cette optique, on peut imaginer les USA aller plus loin que le Groenland en Europe et certaines terres de la Grande-Bretagne et même la Norvège pourrait être des cibles pour contrôler réellement le Grand Nord. On peut être inquiet pour l'Islande, les Shetlands et les îles Féroé. En ce sens, Trump nous fait de la stratégie à la Bismarck, mais sans la profondeur et l'intelligence du prussien en se mettant à dos un peu tout le monde.

 

Du reste si la réaction de Trump pourrait se comprendre dans le cadre d'une nation visant à une certaine autosuffisance économique en ayant accès à toutes les matières premières possibles sans dépendre d'autres puissances, le cas des USA actuel est très différent. Les USA ne souffrent pas d'un manque de matières premières même s'ils ont laissé les Chinois dominer les métaux rares si utiles dans les technologies de pointe. La Chine a aujourd'hui un quasi-monopole sur ces matières premières bien qu'en réalité elles ne soient pas si rares. C'est jute que l'occident n'a simplement pas pensé l'économie autrement que dans des termes purement économiques et marchands. Il se retrouve aujourd’hui avec des conséquences dramatiques de dépendance vis-à-vis d'une nation qui utilise l'économie à l'ancienne c'est-à-dire dans une optique de puissance et non pour nourrir le grand capital et ses rentes. Mais cette dépendance à certaines matières premières n'est qu'une petite partie du problème américain. Le gros du problème est avant tout la très grande désindustrialisation du pays et son incapacité à produire les biens de consommation qu'il consomme.

 

Production d'énergie excédentaire aux USA et pourtant balance commerciale très déficitaire

 

Emmanuel Todd dans son dernier interview a bien décrit le destin de Trump, celui d'un personnage qui va devoir gérer la défaite face aux Russes. Trump pourrait simplement ici utiliser le conflit avec le Canada et le Danemark comme un moyen de camoufler la débandade en Ukraine. Mais en un sens Trump pourrait bien aussi avoir un destin à la Gorbatchev, celui d'un homme qui a voulu sauver un système politique et économique, mais qui l'a finalement dynamité sans le faire exprès. Car les USA dépendent du reste du monde pour tout et n'importe quoi pas seulement pour les matières premières. Le graphique ci-dessus que j'avais déjà utilisé montre l'évolution de la production d'énergie et la balance commerciale. On voit bien que malgré un retour à l'équilibre et même à l'exportation d'énergie, les USA ont continué à voir leur balance commerciale se dégrader. La faute à des niveaux de salaires et d'une monnaie trop élevée par rapport au reste du monde. En gros, les USA vivent largement au-dessus de leur capacité réelle. Il s'agit là justement des conséquences de la domination du dollar qui a rendu les producteurs locaux inutiles. Alors certes, Trump annonce des politiques protectionnistes pour réindustrialiser le pays. Mais il faut bien comprendre que c'est un processus long et pas vraiment compatible avec un système électoral aux élections fréquentes et surtout aux variations de politiques si prononcées.

 

Du reste comme je l'ai déjà expliqué dans d'autres textes à ce stade de désindustrialisation, la seule dévaluation ou le seul protectionnisme ne suffiront pas. Il faut une politique interventionniste, une planification. Il faut également rompre avec le système oligarchique US qui a beaucoup trop concentré les richesses en haut. Rendre les études beaucoup moins coûteuses et orienter les jeunes vers les sciences. Bref pour arriver à ses fins il faudrait véritablement que les USA rompent littéralement avec eux même sur le plan idéologique. J'ai quelques doutes sur la faisabilité de l'entreprise. Les USA changeront un jour parce qu'ils n'auront simplement plus le choix. Mais ce sera une fois leur empire à terre et leur dollar redevenu une simple monnaie nationale.

 

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commentaires

A
"L’entourage de Trump a parfaitement compris nos faiblesses: nous avons besoin de la demande américaine pour faire tourner nos entreprises et du dollar américain et des deficits US pour maintenir nos banques en vie!"<br /> <br /> https://brunobertez.com/2025/01/10/le-grand-secret-lorigine-de-notre-vassalitude-ils-nous-ont-vendus/
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L
Bonjour.<br /> <br /> Vassaux des USA : Bêtise ou soumission inévitable ?<br /> <br /> Toutefois, et ce n'est pas la première fois, l'auteur suggère que c'est par bêtise que les vassaux des USA (pays européens en tête) sont soumis. Si il y a une part de réalité dans cette affirmation, cela ne me parait pas être la raison, ou plutôt les 2 raisons principales.<br /> <br /> La première raison, et la plus importante, c'est que le capitalisme, arrivé à son stade suprême, où ne demeure qu'un seul impérialisme hégémonique, est en train de pourrir sur pied. La haute bourgeoisie, en bonne partie mondialisée, étant incapable de gérer un système prenant l'eau de toutes parts, ce qui nous mène vers toujours plus de barbaries. Le capitalisme est trop étroit pour contenir le développement présent des forces productives, aurait dit un Marx. Tous se raccrochent donc à la seule planche de salut : Les USA. Ils y adhèrent donc "quoi qu'il en coûte", et en premier lieu idéologiquement.<br /> <br /> La seconde raison, c'est qu'en tant qu'hégémon, la puissance des USA conjuguée à la soumission de ses vassaux fidèles, ont une capacité de pression considérable : Les sanctions, comme ils les appellent. Personne n'envie le sort de l'Iran ou de la Syrie, personne ne souhaite être mis au banc comme le sont Orban ou Fico. C'est la politique de la terreur du mafieux vis-à-vis des petits bourgeois qu'il soudoie. Tenez, prenez l'affaire des sous-marins australiens que la France devrait leur livrer. Eh bien, l'Australie qui avait passé une commande correspondant à ses besoins s'est fait tordre le bras par les USA en ces termes : "Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous", une menace on ne peut plus claire. La France, elle a à peine protesté, chuchotant en espérant ne pas être ouie.<br /> <br /> La bêtise ne vient alors qu'en troisième position comme raison explicative de la soumission. Ce diagnostic pointe dès lors que seule une opposition résolue, avec toutes les implications négatives que cela suppose, peut nous faire sortir de cette trajectoire délétère. Cela implique en outre de proposer un autre modèle de société.<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> Luc Laforets<br /> www.1P6R.org
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