Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
On vient d'apprendre qu'Emmanuel Valls, qui n'est guère mon politicien préféré, vient de faire une proposition pour une fois intéressante. Ce personnage, assez représentatif d'une classe politique en perdition avec une vision incroyable nombriliste de la vie politique, vient en effet pour une fois de faire une proposition d'intérêt général. Ne boudons pas notre plaisir, c'est bien trop rare pour ne pas être signalé, dans ce pauvre pays qu'est la France, martyrisée depuis 50 ans par une élite aussi égoïste qu'irresponsable et à courte vue. En effet, Valls a eu l'outrecuidance de proposer d'exploiter les ressources d'hydrocarbure en Guyane. Car il y a des hydrocarbures en Guyane, figurez-vous même si la France n'a fait aucun effort pour savoir si les réserves étaient importantes ou pas. Il faut dire que depuis quelques années le Guyana voisin du Surinam et de la Guyane française est devenu un exportateur de pétrole suite aux découvertes de gisements importants. Cela a d'ailleurs transformé ce pays qui était jusque là assez pauvre. Le Venezuela a d'ailleurs menacé le Guyana justement à cause de ces ressources, le pays pourrait ainsi bientôt produire jusqu'à 1,3 million de barils par jour ce qui en ferait un producteur assez important à l'échelle mondiale.
Il ne serait donc pas si étonnant de trouver du pétrole en Guyane française. On sait d'ailleurs déjà qu'il y a du pétrole au large des cotes de la Guyane depuis des prospections de 2011. Sachez qu'il existe également des ressources d'huile de schiste dans le Bassin parisien en quantité visiblement importante. Cependant avec la densité de population de la région les techniques de fracturation hydraulique poseraient probablement problème. Mais passons en Guyane, il s'agit de pétrole conventionnel dans ce cas très précis. Tout ceci reste encore théorique même si des instituts assurent qu'il y a bien du pétrole dans cette région. Il faut signaler que Total avait abandonné ses recherches en 2019, il semble qu'Exxonmobile soit plus optimiste. Quoiqu'il en soit cette éventualité d'un pétrole en Guyane à peine soulevée par Valls semble faire jaillir une vague d'indignations comme le précise le journal les Echos. Entendons-nous bien, pour l'instant on n'a pas d'idée sur le potentiel en question, ni si ce potentiel existe réellement. On sait juste qu'il y a bien du pétrole en quantité chez les voisins de la Guyane française. Pourtant les critiques fusent déjà en provenance, bien évidemment des mouvements pseudoécologistes.
Pourtant s'il y a bien un territoire français à la dérive c'est bien la Guyane française. Ce magnifique territoire est totalement sous-exploité par la France. Nous ne faisons rigoureusement rien de nos territoires d'outremer en général. Pourtant, ces terres pourraient produire bon nombre de choses dont nous avons besoin. Par exemple, nous importons massivement du café alors que nous aurions largement de quoi en produire nous-mêmes sur les terres des DOM-TOM, il semble cependant que la production du café revienne en Guadeloupe. Ce n'est qu'un petit exemple. Nous avons fait de ces territoires de simples lieux de villégiature touristiques alors qu'ils pourraient subvenir largement aux produits d'importation. La Guyane française est un territoire où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, l'arrivée d'une manne pétrolière n'est donc pas seulement ici une question d'indépendance nationale, mais aussi de développement économique pour une région très pauvre. Je m'étonne donc que la première réaction des gens de « gauche » soit de rejeter immédiatement cette potentialité sous des prétextes faussement écologique.
On veut bien consommer, mais pas produire.
Et le problème soulevé par ces réactions n'est pas qu'un problème concernant la Guyane et son pétrole. Il s'agit d'une évolution culturelle qui a commencé à partir des années 70 et de la mise en place progressive du fameux modèle de la société de service qui devait soi-disant remplacer l'ancienne économie basée sur l'industrie et l'agriculture. Les Français ont perdu petit à petit conscience du lien entre production et consommation au point de devenir littéralement une société de consommateur inconscient si je puis dire. La mode de l'écologie politique a surfé en réalité sur cette déresponsabilisation des Français vis-à-vis de la production de ses contraintes et de sa réalité. En effet à partir des années 70, la France comme la plupart des pays développés commence à massivement délocaliser ses activités. La pollution est de plus en plus vue comme quelque chose à éradiquer, et si la lutte contre les polluants est tout à fait louable et bénéfique, elle n'a en réalité de sens que si cette lutte se fait sur les méthodes de productions ou sur les modes de consommation.
Ainsi améliorer un processus de production pour le rendre moins polluant est un acte écologique. Mais généralement rendre un processus industriel moins polluant implique des coûts et donc entraîne une augmentation de prix pour le consommateur. Ce n'est pas systématique, mais c'est la règle générale. Là-dessus il n'y a rien à redire, si la population est prête à payer plus cher ses produits ou son énergie pour moins polluer c'est tout à fait recevable. Le problème c'est qu'en réalité depuis les années 70 nous avons dérégulé nos économies et ouvert nos frontières commerciales. Et comble de la bêtise, l'UE, qui aujourd'hui fait l'essentielle de nos lois et de nos politiques économiques, impose des normes de plus en plus draconiennes à nos industriels tout en signant toujours plus de traités de libre-échange. Résultat des courses, les producteurs nationaux disparaissent, et la production locale avec. De fait, les politiques normatives visant à réduire la pollution accolée à ce libre-échangisme compulsif conduisent à un suicide industriel et agricole collectif.
Plus grave encore, il sous-entend en réalité une délocalisation massive de la pollution française et européenne. S'il y a bien un signe d'irresponsabilité des citoyens français et européens, c'est bien celui-ci. Car tout ceci est extrêmement hypocrite si vous y réfléchissez bien. Nous faisons des normes pour moins polluer, en chantant les louanges de mère Nature, mais dans le même temps nous ne voulons pas des conséquences de ce choix collectif dans le prix des produits que nous achetons. Nous n'avons pas à délocaliser seulement la production, mais aussi la pollution qui allait avec. On retrouve le même degré d'hypocrisie individualiste un peu dans tous les domaines, par exemple tout le monde veut prendre l'avion, mais personne ne veut d'aéroport à côté de chez lui. À un moment donné il va falloir que les Français et plus généralement les populations d'Europe reprennent un peu le sens des réalités et des responsabilités collectives. Si vous ne voulez pas des pollutions de la production des smartphones ou des ordinateurs, soyez cohérents, et renoncez à leur usage . Je n'aurais aucune critique à émettre contre un parti écologiste appelant à vivre comme les amish. C'est un choix tout à fait cohérent, on ne consomme plus de produits techniques, et on vit simplement. Dans ce cas, effectivement, plus besoin d'industrie, mais la vie redeviendrait très dure, il ne faut pas se leurrer.
Mais à partir du moment où vous souhaitez avoir un certain niveau de vie technique, il faut accepter les contraintes qui vont avec. La France consomme du pétrole et il n'y a pas aujourd'hui moyen de se passer complètement des hydrocarbures. À partir de ce moment-là, il est tout à fait raisonnable d'exploiter des ressources si nous en avons sur notre territoire. Et c'est même une très bonne idée écologique puisqu'en produisant nous-mêmes ce que nous consommons nous maîtrisons justement les processus de production et donc la pollution que cela engendre. Nous pouvons donc réellement imposer les normes que nous jugeons collectivement nécessaires pour nuire le moins possible à l'environnement. Cet écologisme vociférant et irresponsable qui consiste en réalité à jouir sans entrave comme le célèbre slogan des années 60 n'a que trop duré. Il est temps de redevenir des citoyens responsables et de faire des choix clairs. Notre pays va devoir se réindustrialiser et cela voudra dire avoir de nouveau des usines polluantes sur notre sol. Mais ce seront les nôtres et nous pourrons enfin voir le coût réel de nos modes de consommation au lieu d'en faire payer le prix à d'autres.