Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Nous avons déjà abordé rapidement la question du plan de relance de l'investissement militaire en Europe en soulignant le fait que cette politique était probablement utilisée par l'Allemagne pour relancer une économie à bout de souffle. C'est du moins ce que l'on peut espérer en regardant les nombreuses incohérences dans ces affirmations d'indépendance militaires, en particulier par rapport aux USA. Rappelons que les USA ont représenté quand même 64% des achats d'armes sur le continent entre 2020 et 2024. Et la France qui est le grand producteur d'armes en Europe de l'Ouest n'a pourtant guère de clients européens. Sur les dix premiers clients de la France, il n'y a que deux pays européens, la Grèce et la Belgique. Tout le discours actuel sur le réarmement européen peut donc être pris très fortement avec des pincettes. Entre ce qui est communiqué et la réalité, il y a probablement un gouffre.
C'est d'autant plus vrai que l'Allemagne a d'ores et déjà refusé de n'acheter que du matériel européen. On le voit ici, ce pays n'a visiblement toujours pas l'intention de s'éloigner de Washington. Probablement les commandes militaires seront-elles utilisées dans des négociations avec Trump sur les questions commerciales du protectionnisme. Emmanuel Macron qui essaie même de vendre notre dernier atout national avec l'arme nucléaire ne fait comme toujours qu'enfoncer le pays dans le ridicule et la soumission aux intérêts germaniques et américains. La réalité c'est que la France n'a pas d'alliés en Europe, et que nos voisins n'ont en réalité que du mépris pour la nation française. Et ils ne veulent certainement pas troquer une dépendance aux USA contre une dépense française ce qui peut quand même se comprendre. Et c'est particulièrement vrai sur les questions militaires. Feindre l'unité européenne avec de telle dissension géopolitique et économique ne fait qu'aggraver notre situation depuis des décennies. L'actuelle rupture entre les USA et les pays européens ne durera peut-être pas et les USA n'ont d'ailleurs aucune raison de fond d'aller dans le sens d'une véritable rupture géopolitique. L'OTAN et l'UE sont des marchés militaires captifs trop rentables pour être abandonnés.
Je persiste donc à penser qu'il y a dans tout cela une grande part de bluff et de communication. Washington veut simplement que les européens achètent plus d'armes US pour réduire leur déficit commercial, cela ne va pas beaucoup plus loin. La Russie quant à elle sert de justification à ces dépenses superfétatoire aux yeux des opinions publiques européennes. Mais à l'image de Jacques Sapir dernièrement l'on peut quand même se demander s'il n'est pas nécessaire d'augmenter le niveau de dépense militaire qui était tombé, il est vrai, très bas en France. Si l'on regarde depuis la guerre, on voit très bien que les dépenses militaires étaient beaucoup plus élevées autrefois. Si l'on exclut la période de la guerre d'Algérie, le niveau de dépense normal pour l'armement en France était de 3% du PIB environ. Nous sommes aujourd'hui à 2%. On peut donc tout à fait aller dans le sens des propos de Jacques Sapir sur cette question en disant qu'une remontée à 3% nous ferait revenir dans la norme historique sans pour autant parler de course à l’armement.
Cette notion de course à l'armement est importante parce que des dépenses excessives peuvent avoir des effets d’entraînement concurrentiels. En effet si les Européens augmentent leur dépense à 4 ou 5 % du PIB, les Russes pourraient à juste titre prendre cela comme une menace. Dépenser suffisamment pour assurer la défense d'une nation ou dépenser pour mettre au point une armée d'invasion n'est bien souvent qu'une affaire de niveau de dépense total. Défendre un territoire coûtant généralement beaucoup moins cher que de dépenser pour organiser des forces d'invasion. L'idée selon laquelle nous devrions d'un coup dépenser autant que pendant la guerre d'Algérie pour une menace, qui, répétons-le, est essentiellement fantasmagorique, pourrait en réalité se révéler extrêmement dangereuse, et entraîner réellement l'Europe dans un conflit grave et sans aucun sens avec la Russie. L'on peut également parler plus sérieusement de réorganisation de la défense française. Depuis la fin des années 90, sous Chirac, l'armée française a changé complètement de direction. Nous avions une armée de défense, avec un service militaire qui était intégré à cet instrument. Nous en avons fait une armée de métier dont le but était la projection de puissance.
Cette orientation fut prise à la suite de l'effondrement de l'URSS. Comme nous n'imaginions plus de conflit en Europe, l'appareil militaire a été transformé en conséquence. Le 11 septembre 2001 finit d'orienter cette mue en poussant l’appareillage militaire à la lutte contre le terrorisme. Il ne fallait plus d'armement lourd, mais de l'armement précis pour des luttes contre de petits groupes armés, et non plus contre des armées nationales. Le canon caesar est un peu l'exemple typique de cette évolution militaire. On privilégie la précision à la possibilité de production de masse des obus . C'est adapté à la lutte contre de petits groupes armés, beaucoup moins pour une guerre de masse comme celle que nous venons de voir entre l'Ukraine et la Russie. On le voit ici, l'orientation de l'armée et de l'armement dépend fortement des grandes orientations géopolitiques d'une nation. Il faut savoir quels sont les véritables risques pour une nation avant de savoir quel type d'armement et de budget il faut.
Quels sont les risques réels pour la France ? En métropole ils sont très faibles. Aucun de nos voisins directs ne représente une menace militaire. La Russie n'est qu'une adversaire imaginaire et contrairement au discours grotesque de Macron sur la question, cette nation n'a jamais représenté une menace existentielle pour la France. Dire cela c'est se foutre du monde littéralement. Soyons honnêtes, sur le plan de la menace existentielle l'immigration de masse est bien plus dangereuse que la Russie en ce qui nous concerne, même si ce n'est pas politiquement correct de le dire. Ce ne sont pas les Russes qui viennent égorger nos profs ou nous imposer leurs coutumes et leur religion. Cependant contre cette menace l'armée n'est que d'une très faible utilité. Ce sont les politiques migratoires et européistes qu'il faudrait abroger. La véritable menace pour la France serait plutôt autour des territoires d'outre-mer et des DOM-TOM. Mais plutôt que de se lancer dans une forte augmentation de notre flotte, l serait probablement plus sage de miser sur les drones et les missiles visant à rendre le coût d'une agression potentielle de ces territoires fortement coûteuse pour l'agresseur. La France doit probablement également améliorer son système de défense nucléaire pour garantir sa fiabilité en cas d'attaque. Le but n'étant pas d'utiliser l'arme, mais bien évidemment de garantir toujours son caractère dissuasif. Enfin, n'oublions jamais que la meilleure des défenses est la relation diplomatique. Nous devons discuter avec toutes les nations, y compris avec celles dont nous nous méfions. C'est même avec celles-ci que la diplomatie doit être la plus active. En ce sens, les discours grossiers de notre ministre des affaires étrangères qui ne voulait même pas discuter avec son homologue russe sont à exclure complètement.
Impossible d'être indépendant sans industrie
Ensuite, la question militaire et de l'indépendance militaire ne peuvent pas être vues comme des questions indépendantes des autres questions particulièrement économiques. Il est bien difficile d'avoir un système de production d'armement moderne indépendant si votre base industrielle civile est réduite à peau de chagrin. On ne fait pas un drone militaire ou un avion de chasse avec de l'appareillage 100% conçu pour l'armement. Beaucoup de pièces et de composant viennent généralement de l'industrie civile, ou de l'industrie civile associée à l'industrie militaire. Le plus parlant sur cette question c'est l'électronique. Même les USA qui sont un pays qui a de grandes entreprises dans les domaines des semi-conducteurs dépendent de la Chine pour ce qui est de leur électronique militaire. Et ne parlons pas des terres rares dont la Chine est devenue pratiquement un monopole planétaire.
La globalisation a créé une interdépendance massive des nations, y compris pour la production d'armement. Les industriels de l'armement ont fait exactement comme les industriels civils, ils ont fait de l'optimisation économique à l'échelle planétaire. Oubliant que cela poserait des problèmes structurels en cas de conflit avec leurs clients ou leurs producteurs étrangers. Le paradoxe c'est que cette situation avait été voulue par l'idéologie libérale en pensant que le doux commerce empêcherait les guerres. Pourtant aujourd'hui l'on voit plutôt que cette interdépendance excessive produit une peur panique en particulier en occident et pousse en fait au conflit avec la Chine. Loin d'avoir apaisé les relations entre les nations, l'interdépendance excessive produit des tensions et des peurs. Elles ne sont pas toujours justifiées, mais elles peuvent parfois être compréhensibles. Si rien n'indique une volonté chinoise de domination. Il est indéniablement vrai que cette position de la Chine, en tant que producteur universel, est un problème en soi. Les Occidentaux par la rapacité à court terme qui visait à réduire le plus possible le coût du travail en exportant toutes les productions se sont mis tout seuls dans cette situation. Il reste à espérer que cette volonté nouvelle de retrouver une autonomie, particulièrement dans l'armement, ne conduise pas à de véritables conflits militaires