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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

Le protectionnisme ce n'est pas que des droits de douane

 

 

Nous revenons aujourd'hui sur les questions économiques qui sont quand même au cœur de ce blog. En particulier sur la question du protectionnisme. Aujourd’hui, nous allons donc parler à nouveau des différentes formes du protectionnisme. C'est une sujet que j'ai déjà abordé plusieurs fois y compris au tout début de ce blog il y a 15 ans ce qui ne me rajeunit pas. La question est évidemment fortement d'actualité d'autant que certains journalistes qui voient toujours le libre-échange comme un dogme inviolable semblent se réjouir à mon avis trop hâtivement de l'apparent recul de Trump sur les droits de douane avec la Chine. Je dis apparemment en recul puisqu'en réalité les droits de douane de Trump restent quand même à 30% alors qu'ils étaient à pratiquement zéro avant son arrivée au pouvoir. Rappelons que la méthode de Trump dans les négociations, méthode qui est en réalité assez classique, consiste à faire des demandes excessives pour avoir une marge pour ensuite négocier. Prendre les premiers taux annoncés comme un objectif réaliste de Trump était simplement naïf. D'autant que le président américain sait très bien quels effets inflationnistes à court terme produisent les droits de douane quand il n'y a pas de production de substitution locale rapide pour compenser.

 

L'échec de Trump est donc surtout une vision qui rassure nos idéologues du globalisme qui pullulent dans les journaux ou chez les élites politiques françaises. Le fait est que Trump a bel et bien mis en place des droits de douane sur la Chine et qu'il a bien fait comprendre au monde industriel américain que la globalisation était une page qui allait se tourner. Comme nous l'avions déjà analysé, le simple fait d'employer la stratégie du chaos dans le commerce international en faisant varier du jour au lendemain ses annonces sur les protections douanières a probablement réorienté les investissements des industriels vers des zones « sûres » pour les producteurs. Plus j'écoute les médias français sur l'information courante en particulier sur l'économie et plus je suis frappé par leur incapacité à relater les faits les plus basiques. Ainsi alors que nos médias parlent de l'échec du protectionnisme de Trump, les mêmes ne pipent mots sur l'échec, lui bien réel, de la réindustrialisation macronienne. On a ainsi notre pathétique président qui annonce en public la continuation de la réindustrialisation française. Une réindustrialisation dont on a pourtant peine à voir dans les statistiques pourtant officielles de l'état.

 

En effet, la production industrielle française reste inférieure à ce qu'elle était lors de la prise en fonction de monsieur Macron. Mais pire que cela, elle reste nettement inférieure à ce qu'elle était lors de la création de ce modeste blog en décembre 2009, il y a presque 16 ans... Donc selon nos amis les journalistes, Trump a échoué dans son protectionnisme alors qu'il fait passer les droits de douane de 0 à 30%, mais Macron a réussi la réindustrialisation alors que le pays produit presque 30% de moins en volume qu'en 2008. Il y a quand même des limites à la propagande, quand c'est aussi grossier, cela frise le ridicule. Mais revenons à notre sujet sur le protectionnisme. Celui-ci revêt des formes qui peuvent être très différentes et nous allons les décrire très brièvement. Il s'agit aussi de faire comprendre que certains pays pratiquant officiellement le libre-échange ne sont, en réalité, pas aussi libre-échangistes qu'on pourrait le croire au premier abord. Essentiellement parce qu'ils utilisent des formes de protectionnisme beaucoup moins comptables et visibles que les droits de douane. Il y a aussi des protectionnismes naturels qui sont le produit simplement de la réalité géographique, démographique ou historique. On pourrait ici parler d'avantage comparatif, mais c'est aussi des formes de protectionnisme en quelque sorte.

 

La réindustrialisation imaginaire d'Emmanuel Macron

Les différentes formes du protectionnisme

 

-Les droits de douane. Il s'agit bien évidemment de la forme la plus assumée et la plus simple du protectionnisme. En un sens, c'est aussi la plus honnête et la plus rationnelle avec les quotas. C'est celle dont on parle tout le temps et qui a forcément mauvaise presse alors qu'en réalité c'est la forme de protectionnisme qui est la plus civilisée avec les quotas, car quantifiables et parfaitement maîtrisables par un état. Dans le cadre de négociation, c'est ce qu'il y a de plus facile à organiser entre deux nations alors que d'autres formes de protectionnismes sont par nature plus difficiles, voir parfois impossible, à changer pour un état. Les droits de douane consistent juste à taxer un pourcentage sur les productions importées. Cela rapporte donc aussi de l'argent. Comme le rappelait récemment Jacques Sapir dans une de ses interventions, les USA ont longtemps utilisé les droits de douane comme principale ressource pour l'état. Entre la guerre de Sécession, et 1945, les droits de douane moyens pour les importations aux USA furent d'environ 50%.

 

-Les quotas sont l'autre outil protectionniste utilisable par les états de façon plus ou moins ouverte. Les quotas sont la forme la plus efficace de protectionnisme, surtout dans un monde à change flottant. En effet, les quotas étant en volume, ils sont par nature insensibles aux variations du taux de change, et permettent donc une certaine stabilité dans le temps de la production. Ils laissent dans le même temps une certaine ouverture puisque les importations ne sont pas taxées, elles sont juste limitées en volume. Cela permet un maintien de l'ouverture à la concurrence pour l'introduction de nouvelle technologie par exemple et d'innovations qui peut ensuite être copié par les producteurs locaux. Contrairement aux droits de douane, cela ne rapporte pas d'argent à l'état, par contre cela évite l'effet inflationniste aux consommateurs. Il y a par contre un risque de pénurie si les quotas ne sont pas bien pensés par rapport aux capacités de production nationales. Il faut en effet que le système de production puisse déjà répondre à la demande du marché au niveau du volume qu'on cessera d'importer. On peut bien évidemment mettre en place des quotas progressifs. Par exemple, dire dans telle production, nous imposerons seulement 50% d'importation cette année en volume, puis 45% l'année d'après et ainsi de suite jusqu'à arriver au taux souhaité en fonction de l'évolution des capacités de production nationale. Rappelons que le but de la réindustrialisation n'est pas forcément de tous produire, mais de ne pas devenir trop dépendant des importations et de permettre une production nationale en plus d'équilibrer la balance commerciale. C'est aussi et surtout un enjeu de souveraineté.

 

-Les variations du taux de change. On arrive déjà dans le protectionnisme moins compris en général par les dirigeants sans parler de la population en général. Nous vivons depuis 1971 et le décrochage du dollar par rapport à l'or dans un monde à taux de change flottant. Cela signifie de fortes variations des taux de change. Mais toutes les monnaies ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines comme le dollar est au-dessus du marché puisqu'elle est la monnaie internationale par excellence. D'autres varient par le jeu du marché des changes et enfin d'autres ont des cours forcés à l'image de la monnaie chinoise. Car les Chinois contrôlent leur monnaie. Or il faut bien comprendre qu'une variation monétaire change complètement le coût du travail et de production relatif d'un pays à l'autre. Quand vous dévaluez de 10%, vous baissez vos prix d'exportation de 10% sans rien changer à votre production réelle. À l'inverse le prix des importations augmente de 10% . Vous comprenez donc bien qu'il s'agit d'un outil extrêmement puissant qui est l'équivalent de droit de douane couplé à des subventions pour les exportations concomitantes.

 

-Les subventions. C'est un autre outil utilisable par les états. C'est étrangement l'un des seuls outils protectionnistes acceptés par les communicants modernes. Ainsi, lorsque Joe Biden a fait des subventionnions massives pour l'industrie des batteries et des semi-conducteurs, personne n'a critiqué la mesure chez nos médias. Pourtant à l'époque c'est des sommes absolument délirantes qui ont été annoncées, 400 milliards de subventions. Même chose en France avec les subventions aux entreprises qui sont la véritable source de l'explosion des déficits budgétaires ces dernières années. La raison de ce silence est simple. Les droits de douane ou les quotas nuisent à l'organisation des multinationales alors qu'elles bénéficient des subventions. D'où cette dichotomie du traitement médiatique. Normalement, un véritable libéral devrait détester bien plus les subventions que les droits de douane ou les quotas. Car c'est une véritable machine à corruption si c'est mal employé. Rappelons que si les subventions peuvent être utiles par moment elles coûtent très cher. Dans le cas français, les subventions n'ont pas réussi à compenser l'impossibilité de dévaluer la monnaie par rapport à l'Allemagne. Bref, les subventions n'ont pas mauvaise presse alors qu'ils devraient. Et l'on ne devrait y recourir que pour des objectifs très précis et limités dans le temps.

 

-La géographie. Alors on arrive sur les protections, pas vraiment maîtrisables. La géographie est une forme de protection naturelle. C'est évidemment moins vrai aujourd'hui que cela pouvait l'être dans le passé, mais la géographie peut avoir d'important impact sur les coûts de production et de transport. L'isolement géographique comme dans le cas des îles est par exemple une protection économique naturelle.

 

-La langue. Autre protection auquel on ne pense jamais, mais la langue est une protection naturelle. En particulier pour les petits marchés. Cela augmente les coûts pour l'exportation, surtout sur un marché avec une langue peu parlée.

 

-Les normes. Il s'agit ici d'un protectionnisme collectif qui peut être utilisé pour diverses raisons. En créant des normes particulières pour certains produits, on favorise naturellement les producteurs locaux. C'est d'ailleurs l'un des arguments que Trump a utilisés pour favoriser les exportations de bœuf vers l'UE. Sauf qu'en l'occurrence dans ce cas précis l'UE n'a pas mis ses normes sur l'utilisation des hormones ou des antibiotiques pour empêcher les exportations de bœufs US, mais pour des raisons de santés publiques. Il est par contre vrai que les normes servent parfois de production. Les Kei Car au Japon qui sont une norme de petits véhicules dons la France ferait bien de s'inspirer favorise largement les productions de voiture nationale. Il s'agit de petites voitures ne dépassant pas une cylindrée de 660 cm³. Elles bénéficient de tout un tas d'avantages comme des assurances moins chères et des parkings moins chers. Mais comme cela n'existe qu'au Japon, les producteurs étrangers ne se sont jamais lancés dans une production pour concurrencer les Japonais. Notons que cette méthode de protectionnisme est valable pour les marchés relativement restreints, mais pour des marchés de la taille de l'UE ou des USA c'est moins vrai. Car dans ces cas il est rentable de faire des productions aux normes locales. On voit ici rapidement que la grande taille de l'UE n'est pas forcément un avantage, loin de là. Des normes à l'échelle de la France seraient bien plus protectrices pour notre marché intérieur.

 

-La culture. Dans le cadre culturel, je veux bien évidemment parler surtout du comportement de la population en termes de production et de consommation. L'un des drames de la théorie classique de l'économie est d'avoir fait de l'homo economicus l'alpha et l'oméga du comportement humain en matière économique. L'humain a un comportement décrit par son intérêt purement économique sans aucune influence de la famille ou de la culture du pays. C'est bien évidemment complètement faux et c'est qui explique en grande partie les asymétries commerciales que l'on peut observer dans le monde actuel produit par le libre-échange. En réalité l' homo economicus d'Adam Smith décrivait essentiellement un comportement d'anglo-saxon de base que l'on peut élargir au français d'ailleurs. C'est-à-dire un comportement égocentrique, centré sur l'intérêt personnel à court terme. Mais un japonais, un allemand ou un Chinois ne se comporte absolument pas de la même manière malheureusement pour la théorie. Un Japonais achètera toujours japonais s'il a le choix et même si le produit coûte beaucoup plus cher. Microsofts qui a passé 25 ans à essayer d'introduire sa Xbox au Japon en sait quelque chose. Que ce soit pour des affinités personnelles ou pour des raisons de solidarité presque ethnique, les japonais consomment surtout japonais même lorsqu'il n'y a pas de protection ouverte. Évidemment lorsque vous dérégulez le commerce, le pays avec une population patriote va écraser le pays avec une population d'homo economicus comme la France ou les USA. Les grands déséquilibres actuels ne sont pas juste le fruit de politiques économiques volontaire, elles sont aussi le fruit de différences anthropologiques de fond qui ont pris une ampleur démesurée avec la suppression des frontières commerciales. L'absence de frontière loin de rapprocher les hommes a fait exploser les différences sous-jacentes entre les peuples. C'est tout aussi vrai en économie qu'en matière de migration et de peuplement.

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L
Un bon libéral vous dira que la subvention aux multinationales (de même que la légitime évasion fiscale) est un juste dédommagement à l'inconvénient d'être obligé de fuir tout ce qui nourrit le parasitisme protectionniste d'un état. <br /> Sont exclues d'office du parasitisme les armées de pilleurs exotiques qui viennent se ravitailler sur la bête moyennant un droit d'entrée modique (aller faire du vélo électrique un temps chez Uber par exemple, la version post-moderne du pouce-pouce chinois), le reste étant désigné sous l'euphémisme de "cas sociaux", soit tous ceux qui peuvent encore être pillés en rêvant de rejoindre le club très fermés des pilleurs.<br /> Un bon libéral c'est en fait un pirate trafiquant d'esclave qui se prend pour un French doctor étant muni d'une accréditation internationale pour la guerre de course.
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Y
Bernard Maris comparait l'économie néoclassique à de la casuistique moyenâgeuse. C'est clairement ça, comme vous le dites. On a établi un raisonnement tautologique et on n’arrive pas à en sortir en voyant que les hypothèses de départ étaient en fait simplement fausses. Et donc tout l'édifice intellectuel est basé sur du sable. On a oublié les principes cartésiens visant à fonder un raisonnement sur des fondations solides comme de la roche avant d'aller plus loin. <br /> <br /> « Sinon j'ai eu mon infiltration annuelle dans le genou aujourd'hui, pour pallier à une fracture du ménisque que l'on m'a déconseillé d'opérer. Ce système fonctionne de manière satisfaisante depuis dix ans. Je vous dis ça comme ça. « <br /> <br /> Merci du conseil, pour l'instant je supporte. On verra si ça s'aggrave.
L
@ Yann<br /> <br /> Je vais pousser plus loin la petite bête. Un libéral ne peut-il être autre chose qu'un hypocrite ? Puisque le présupposé de la théorie, soit la maximisation de l'utilité individuelle, présente autant chez Smith que chez Mandeville et leurs émules, est scientifiquement invérifiable. Ce n'est qu'un dogme crypto-religieux. <br /> Par contre le but de la manip au bout du compte, soit que A fasse les poches de B, devient gros comme un diplodocus si l'on n'est pas croyant. <br /> Tout le problème actuel de l'occident est là. Parce que le dogme a fini par infecter non seulement la vie économique mais tout notre édifice intellectuel et moral. Au point qu'il est devenu impossible politiquement de faire marche arrière, on le voit bien avec Trump, brocardé par toutes les meutes pour le simple crime d'y songer.<br /> D'où la fuite en avant perpétuelle dans le "plus de libéralisme encore et toujours" des élites occidentales face au mur que leur oppose la russie. La muraille qui délimite le seul libéralisme économique viable pour les populations, celui dûment contrôlé politiquement par un état droit dans ses bottes. (voir la dernière causerie de Todd avec Mme Lagrange).<br /> https://youtu.be/YfgPhZy6JVY?si=0D0omofqhl0fqHgj<br /> La seule question cruciale serait alors de savoir si la dialectique qui relie ces deux libéralismes ne relèverait pas du mouvement cyclique perpétuel. Ou encore éradiquer l'un pour que l'autre survive ? Comme deux frères siamois n'ayant qu'un seul et même cœur... <br /> Sinon j'ai eu mon infiltration annuelle dans le genou aujourd'hui, pour pallier à une fracture du ménisque que l'on m'a déconseillé d'opérer. Ce système fonctionne de manière satisfaisante depuis dix ans. Je vous dis ça comme ça.
Y
Techniquement un libéral ne veut pas d'intervention du tout, en tout cas le moins possible. Là vous décrivez des libéraux hypocrites, mais c'est vrai qu'il s'agit là de l'espèce majoritaire surtout en France.