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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

Relancer l'industrie française

 

Nous revenons aujourd'hui sur la question cruciale de la réindustrialisation française. Je ne vais pas ici faire un long discours sur la dernière intervention d'Emmanuel Macron. J'avoue tout d'abord avoir le plus grand mal à l'écouter parler. Il ne s'agit pas que de Macron d'ailleurs, cela fait longtemps que les discours de nos dirigeants ne m'intéressent plus vraiment sauf pour en décoder les mensonges et les non-dits. La farce européenne ayant transformé petit à petit nos dirigeants en simple gouverneur de province appliquant des politiques décidées ailleurs, à Bruxelles, Francfort ou Berlin. Dès lors, écouter un président de la République en exercice ou un Premier ministre n'a plus guère d'intérêt, sauf pour nos médias qui continuent à camoufler autant qu'ils le peuvent la triste réalité politique de notre pays. C'est qu'il ne faudrait pas que la population comprenne qu'elle n'est plus vraiment dans une démocratie.

 

Quoiqu'il en soit, j'ai quand vu certains propos tenus par Emmanuel Macron, et j'ai été franchement choqué du niveau de mensonge que ce personnage peut atteindre, sans aucune réaction des journalistes, qu'on peine vraiment à appeler ainsi, ni des intervenants du plateau. Il est vrai que généralement dans ce type d'émission, tout est fait pour ne pas embarrasser le président de questions qui dérangent. On ne verra plus des émissions comme on pouvait en voir encore dans les années 80 où des intervenants soulignaient par exemple à monsieur François Mitterrand que tous les pays ne pouvaient pas avoir d'excédents commerciaux en même temps. Et que donc les excédents des uns, devenaient ipso facto les déficits des autres. Aujourd’hui, on cajole le dirigeant sans le mettre en difficulté. Et pourtant qu'il serait facile de mettre Macron en difficulté étant donné son lamentable bilan même en ne se tenant qu'aux questions économiques. Car nous avons pu voir son mensonge grotesque sur la réindustrialisation s'étaler de toute sa suffisance.

 

Sauf que Macron, le manipulateur, s'est bien empressé de ne montrer que les chiffres qui pouvaient éventuellement faire croire à son délire. Ceux de l'emploi dont on sait pertinemment qu'ils sont manipulables en changeant de catégories les emplois en question. Il parle ainsi de réindustrialisation comme le faisaient il y a quelque temps nos médias en parlant du nombre d'usines ouvrant. Oubliant au passage que la création d'une dizaine de microentreprises dans un secteur ne compensera jamais la disparition d'une très grosse. Et donc, que le nombre d'usines, ouvrant ou fermant, n'était en aucun cas un indicateur pertinent pour connaître l'évolution de l'industrie. L'emploi ne l'est d'ailleurs pas plus, car le taux d'emploi varie aussi en fonction des gains de productivité. Vous pouvez voir la part de l'emploi industriel baissé tout en ayant une industrie en forme. Cet indicateur doit au moins être pris en parallèle d'autres, comme la production en valeur et en volume, ainsi que la balance commerciale. Et lorsque l'on prend ces données-là, mes lecteurs le savent, il n'y a pas de réindustrialisation. Elle n'a jamais commencé. Et les chiffres tendent même à montrer une reprise de la désindustrialisation du pays. Il faut dire que l'on ne voit pas vraiment pourquoi le pays se réindustrialiserait puisque les conditions qui ont conduit à cette situation sont toujours là. Le pays va devenir un désert de production qu'elles soient industrielles, ou agricoles, d'ici quelques années.

 

Malgré notre désindustrialisation massive la balance des paiements reste à l'équilibre

 

L'industrie en concurrence avec les services

 

L'origine de cette évolution on la connaît très bien. Elle résulte essentiellement des choix macroéconomiques pris dans les années 70 et 80, qui ont été très bien mis en avant par notre ancien prix Nobel d'économie Maurice Allais. Le choix du libre-échange fut le choix de la désindustrialisation, nos élites savaient parfaitement ce qu'elles faisaient. À l'époque il y avait deux objectifs. Le premier était de se débarrasser d'une classe ouvrière française trop vociférante et revendicatrice. Le libre-échange, les délocalisations et l'immigration furent les armes utilisées par le capital français pour casser la condition ouvrière française et cela a parfaitement marché. Le second objectif était de transformer le pays, en pays de service. Quand un type comme Attali décrivait la France comme un hôtel, il fallait le prendre au sens propre. Il disait tout haut ce que pensait en réalité sa classe sociale. L'idée était que la richesse réelle serait produite ailleurs, en particulier en Asie et en Chine. Que les brevets et l’avance technique de nos grandes entreprises permettraient aux élites françaises et occidentales de vivre de leurs rentes. Le reste du pays se contentant de vivre d'emplois de petits serviteurs.

 

Cela fait 40 ans que le franc est indexé sur le DM...

 

C'est ce modèle aujourd'hui qui se brise face à la réalité du monde. Les rentes ont vécu et les pays en développement, en particulier la Chine, deviennent des producteurs et d'innovation. À tel point que l'industrie européenne n'arrive plus à suivre les producteurs chinois dans le domaine de l'automobile qui était pourtant leur point fort. Ce renversement ne serait pas si grave si la France avait gardé une industrie nationale. Malheureusement, nous sommes le pays qui a le plus détruit sa base industrielle, avec une étonnante efficacité, fruit de politique de laissez-faire massif sur le plan commercial et de monnaie surévaluée depuis 1987 et l'alignement du franc sur le deutsche mark. Après 50 ans d'un régime économique que l'on peut largement qualifier d'anti-production, la France se retrouve dépourvue de tout, ne pouvant subvenir à ses besoins vitaux que par des importations massives. Cependant comme je l'ai écrit dans le texte précédent ce choix est viable pour l'instant. La balance des paiements est à l'équilibre et la France peut rester ainsi.

 

Évidemment, cette spécialisation dans les services et le tourisme, entraîne mécaniquement un appauvrissement relatif aux pays qui eux produisent des choses. Pour que votre pays puisse vivre du tourisme et de l'investissement étranger, il faut bien sûr que votre niveau de vie soit nettement inférieur aux leurs. On peut donc décrire la France actuelle comme la Jamaïque ou la République dominicaine de l'Europe, les palmiers en moins. Si nous voulons réindustrialiser réellement, et non faire de la communication comme notre président publicitaire, il faut bien prendre conscience que l'on devra aussi affronter la structure sociale et économique qui s'est formée sous cette orientation économique. Car au-delà de la nécessité de la sortie de l'euro, de l'U, et d'une politique protectionniste pour réindustrialiser, nous devrons affronter des intérêts puissants et contraires à ces orientations. Il s'agit d'ailleurs là probablement d'une des explications possibles à l'atonie française actuelle. La réindustrialisation se fera nécessairement contre l'intérêt d'une partie importante de nos activités économiques actuelles dans les services. C'est important à souligner que tous les Français n'ont pas intérêt à la réindustrialisation à court terme.

 

Plus pratiquement, la réorientation de la structure économique aura deux problèmes au-delà des questions européennes et en supposant qu'on ait enfin des dirigeants voulant redresser l'économie du pays et ayant pour ambition autre chose que la transformation de la France en un parc d'attractions ou en musée international. Le premier problème se situe sur la balance des paiements. Comme le montrent les données de la banque de France, la balance des paiements française est en fait à l'équilibre. Cela signifie que si la balance commerciale sur les biens est très déficitaire, les services compensent pour l'instant ces déficits. Techniquement, cela signifie que la France n'a pas une monnaie surévaluée en réalité, chose que l'on pourrait penser à première vue si l'on ne parle que de la balance commerciale. Donc en fait, on peut dire que les services permettent à la France de maintenir une monnaie qui est surévaluée, mais uniquement pour notre industrie. D'un certain point de vue, on peut comparer ça aux pays grands producteurs de matières premières comme la Russie, le Canada, l'Arabie Saoudite ou pire l'Australie, dont on a parlait il y a peu de temps.

 

Dans tous ces pays, l'industrie manufacturière est en compétition avec les matières premières. En effet quand vous exportez beaucoup de matières premières cela crée des excédents commerciaux qui entraînent une hausse de la valeur de votre monnaie. Un pays qui a beaucoup de matière première en regard de la taille de son pays se spécialise généralement dans les exportations de matière brutes, plutôt que dans la production de bien manufacturé, car il revient finalement moins cher d'importer des produits finis. C'est pour cela qu'en définitive avoir beaucoup de matière première n'est pas forcément une si bonne nouvelle que ça. La Russie par exemple doit lutter régulièrement contre la réévaluation du rouble produite par ses exportations de matières premières parce que cela détruit sa production manufacturière. L'Australie comme on l'a vue dans mon texte consacré à ce pays a laissé tomber totalement son industrie depuis 25 ans, devenant une Arabie Saoudite de matière première pour l'Asie très majoritairement. Dans le cas français, nous n'exportons pas de matières premières, en tout cas pas à ces niveaux, mais nous avons beaucoup de tourisme et d'investissement étranger. Ce qui a en réalité le même effet sur notre industrie qu'un excès de matière première. En effet dans ce cas comme dans le cas des gros producteurs de matière première, le pays voit sa monnaie devenir trop forte pour sa production industrielle se spécialisant dans notre cas dans les services et le tourisme. Pour réindustrialiser le pays, il faudra donc songer peut-être à réduire volontairement le poids des services et du tourisme pour avoir un taux de change plus conforme à nos intérêts industriels.

 

Le second point qu'il faut aborder est la concurrence salariale. Notre pays connaît maintenant un déclin démographique. Un déclin qui va aller en s'accélérant puisque nos élites ne semblent pas avoir pour but de redresser la natalité. Dans ce contexte, une réindustrialisation sera difficile par manque de bras. Sans parler des problèmes de formation professionnelle. S'il est relativement facile de passer d'un emploi industriel à un emploi de service, l'inverse est beaucoup moins vrai. Là encore, il faudra favoriser l'emploi industriel à l'emploi dans les services. Peut-être en faisant du transfert de charges d'un côté à l'autre ou d'autres solutions du même genre. Nous devrons également mettre le paquet sur les formations professionnelles dans le domaine industriel en partenariat avec les acteurs du secteur.

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