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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

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L'angle mort des politiques de l'offre

 

Dans le dernier texte du blog, nous avons parlé rapidement des faux modèles économiques qui sont vendus régulièrement aux Français pour résoudre les problèmes du pays. Comme je l'ai expliqué, il n'y a aucun modèle économique en Europe qui soit réellement un modèle. Ce que l'on appelle modèle n'est en réalité systématiquement qu'un système qui tire son épingle du jeu en pillant le voisin. Le néolibéralisme et la dérégulation économique ont créé une économe européenne et mondiale qui n'est qu'un immense jeu de chaises musicales avec beaucoup plus de joueurs que de chaises disponibles. Parler de modèle dans ces conditions pour les gagnants de ce système fait faussement croire que le comportement du gagnant est généralisable. Ce qui n'est bien évidemment pas le cas puisque le gagnant n'est gagnant que justement parce que d'autres vont mal à cause de ses choix économiques.

 

Cet immense jeu de perdant qu'est la globalisation néolibérale a produit un système de crise structurel qui pousse chaque pays à mieux réduire sa demande intérieure que son voisin pour bénéficier des quelques investissements insuffisants qui se font à l'échelle du marché global. Comme je l'ai déjà expliqué dans plusieurs textes, ce système global défaillant n'a pu se maintenir que grâce aux émissions de dette, elles aussi croissantes, des anciennes puissances industrielles. Les USA et leur capacité à s'endetter indéfiniment et à émettre autant de dollars qu'ils veulent sont la clef qui permet d'expliquer pourquoi le système n'est pas en dépression depuis 50 ans. L'économie US a ainsi construit une domination mondiale sur le simple fait qu'elle émet la monnaie globale. Mais comme nous l'avons également vue souvent, ce système s'est retourné contre la partie productive de l'économie US qui est pour ainsi dire devenue inutile. Le paradoxe Trump qui veut à la fois réindustrialiser et maintenir la domination du dollar risque de largement faire échouer son entreprise de réindustrialisation.

 

Pour l'instant, les investissements massifs aux USA se font surtout dans des mécanismes de spéculation financière massifs en particulier en ce qui concerne les IA et les centres de données qui ont capté le gros des investissements réalisés sous Biden avec son Inflation Reduction Act . Devenue une économie de rente, les USA n'arrivent pas encore à vraiment relancer la machine à produire. Et tant qu'il sera beaucoup plus rentable de faire de la spéculation financière que de l'investissement productif aux USA, on ne voit pas très bien pourquoi le système économique américain se mettrait à vraiment relancer la production nationale. Le protectionnisme ne fait pas tout, il faut aussi que l'investissement se dirige réellement dans l'économie réelle. Mais c'est un autre débat concernant la finance et le capitalisme spéculatif qui freine l'économie. Je rappelle juste que le capital n'a qu'un seul but, accroître toujours plus son profit. Dans l'idéal il produirait un accroissement constant de ses profits sans dépense, sans entreprises et sans salarié. L'IA est dans cet optique le fantasme absolu du capitaliste puisqu'il peut produire sans humain, du moins est-ce là son fantasme absolu. L'idéal capitaliste, s'il devait parvenir à son terme, ferait simplement disparaître notre espèce. Sans un encadrement fort, le capitalisme ne peut que produire des drames.

 

Mais revenons à la question centrale de ce texte qui est l'échec naturel des politiques de l'offre. Dans ce cadre de société en compétition qu'est la globalisation néolibérale. Un système qui encourage chacun à un calcul égoïste consistant à mieux piller le voisin que l'inverse, le but est de faire son beurre sur le dos du voisin. Tout le monde se bat, en quelque sorte, pour obtenir une meilleure part d'un gâteau que représente la demande internationale qui rétrécit année après année. Dans les années 80, les Allemands et les Japonais étaient les meilleurs dans le domaine. Avec l'euro l'Allemagne a réussi à éradiquer la concurrence française et italienne. Dans le même temps, la croissance globale ne cesse de baisser, c'est particulièrement visible en Europe puisqu'on peut dire que le continent est en panne depuis la crise de 2008. Encore une fois, les quelques modèles de vertus qu'on nous sort sont généralement le fruit de la casse intérieure. Ainsi l'Italie qu'on nous présente comme un miracle a simplement cassé sa demande intérieure pour dégager des excédents commerciaux. Et pendant ce temps-là les jeunes Italiens n'ont plus les moyens de se loger ou de faire des enfants et le pays réel s'écroule tout en organisant sa propre colonisation démographique faute de bras locaux pour faire tourner son économie. On ne saurait mieux résumer le modèle italien que comme un suicide collectif pour motif comptable. L'Italie n'a pas besoin d'un excédent commercial, elle a surtout besoin d'investir dans sa jeunesse, et de relancer sa natalité. Mais que voulez-vous, ce sont des comptables à courte vue qui dirigent nos pays.

 

Les politiques de l'offre ne mènent à rien dans un monde en panne.

 

Le raisonnement de base des politiques de l'offre est typique des raisonnements libéraux, une pensée en Lego qui croit que chaque partie qu'elle étudie est indépendante des autres problèmes. Cela consiste à évacuer simplement les interactions entre nations et à négliger les facteurs d'interdépendances qui sont pourtant fondamentaux dans le jeu économique mondial. Une politique de l'offre qui consiste à réduire ses dépenses propres, son coût du travail et sa demande intérieure pour relancer l'économie par les exportations peut avoir du sens lorsque vous êtes le seul à la pratiquer et dans une économie régionale relativement dynamique. Dans ce cadre, et si votre pays n'est pas trop gros par rapport à ses principaux partenaires économiques, alors peut-être que la stratégie peut fonctionner. Mais si ces conditions ne sont pas remplies, vous ne faites qu'accroître les problèmes des pays avec lesquels vous interagissez. C'est un jeu de perdant perdant en quelque sorte.

 

Dans l'UE tout le monde cherche à croître aux dépens du voisin. Enfin pratiquement tout le monde puisque la France faisait jusqu'ici un peu d’exception. Gageons qu'avec la nullité du débat économique dans notre pays et la prédominance de l'idéologie néolibérale dans le débat public notre pays rattrapera bientôt son retard en termes de maltraitance salariale et sociale. Une purge libérale en France aurait un effet catastrophique pour l'UE, mais les crétins qui dirigent ce gros machin inutile et nuisible n'en ont probablement pas vraiment conscience tant ils répètent ad nauseam les mantras du libéralisme comptable. Car in fine, et comme je le dis toujours, produire sans consommer n'est pas plus rationnel qu'essayer de consommer sans produire, dans les deux cas vous vous retrouvez dans l'impasse. Et dans le cadre européen et global actuel, il devient à la fois impossible de produire, car la Chine semble s'accaparer la totalité de la production mondiale dans tous les domaines, les Allemands et les Japonais en savent quelque chose. Et impossible de consommer en créant des emplois non délocalisables dans les services, puisque cela ne fait que creuser vos déficits commerciaux.

 

Faire donc croire à la population qu'en serrant les vis et en réduisant les dépenses publiques on va retrouver du dynamisme économique est simplement odieux en plus d'être stupide. C'est le cadre néolibéral qu'il faut supprimer si nous voulons à nouveau relancer le pays. Et cela passe par l'abandon des illusions européennes, par le retour au franc, par un protectionnisme radical, mais aussi par des relances de la demande intérieure. Loin d'opposer les politiques de la demande et de l'offre, nous devons au contraire les faire fonctionner ensemble. S'inquiéter de la production nationale c'est s'inquiéter aussi du dynamisme de la demande intérieure. Dans le monde actuel et avec les rapports de force macroéconomique, il est désormais illusoire de croire que les exportations pourront nous tirer d'affaire à long terme. C'est par un astucieux mélange de protection nationale et de stimulation de la demande intérieure que nous pourrons briser la quadrature du cercle et pas en sacrifiant telle ou telle partie de notre population au nom du dieu marché ou du totem européen de la « bonne » gouvernance.

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M
Très bon diagnostic. Pour les solutions, c'est plus compliqué. Le protectionnisme engendré également des problèmes. A mon sens, c'est uniquement le système monétaire qu'il faut revoir. Adieux euros et change flottant, adieu dollar omnipotent, Adieu yuan degringolant. Bonjour bretton woods 2.0 : Un retour aux parités fixes ajustables avec pénalisation des grands excédents et déficits commerciaux et fin des mouvements de capitaux sans justification économiques. Vaste programme qui arrivera avant ou après la guerre.<br /> Seul souci : les grands pays fournisseurs de pétrole structurellement excédentaires...et nécessaires.
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Y
Le problème c'est que pour faire un Bretton Woods 2 avec la Chine au centre, car c'est elle qui a actuellement le rôle que tenaient économiquement les USA en 1944, il faudrait déjà que les USA acceptent de ne plus être la nation indispensable. Pour l'instant on a plutôt un refus catégorique de remettre en cause leur statut monétaire et une Chine qui pense qu'il est normal qu'un pays de 1,4 milliard d'habitants attende un retour de la croissance par les exportations.
H
Et la Suisse ?
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Y
La Suisse fait comme l'Allemagne, elle tire en grande partie sa croissance des excédents qu'elle accumule sur ses voisins. Elle a d'ailleurs pris une salve commerciale et tarifaire de la part de Trump qui n'apprécie pas trop l'accumulation d'excédents suisses à l'encontre de son pays.