Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Les centristes sont à nouveau les stars de la politique française si l'on se fit aux sondages médiatiques. Bayrou, Villepin, Hollande, Joly, que des centristes en vérité qui cherche par tous les moyens à mélanger la chèvre et le chou. C'est une étrange chose que de voir des politiques se disputer un électorat qui en réalité est en phase d'éclatement. Car en période de crise ce n'est généralement pas vers le centre que les populations se tournent. Le centre c'est bien lorsque le conservatisme ne semble pas poser problème. Lorsqu'il n'y a pas à réfléchir plus avant. Et lorsque les remèdes économiques et politiques « magiques », car non issu d'une réelle réflexion analytique, semblent pourvoir aux besoins courants de la société. En réalité les centristes sont probablement les plus mal armés pour affronter la prochaine élection tant leurs contradictions apparaissent de façon limpide au regard des événements qui se jouent actuellement. Je fais une petite précision cependant. Pour moi les centristes ne se résument pas à l'ex-UDF. Le centrisme va du Modem au PS en passant par les verts ou le pseudo-gaulliste Villepin. Le centrisme c'est pour moi, avant tout, l'idée très germanique que tout peut se régler sans conflit, que l'on peut trouver toujours un juste milieu et que l'on n’a alors pas besoin de trancher réellement les problèmes. Le centriste c'est le type qui pense raisonnable le fait de croire qu'il est possible de réconcilier capital et travail sans heurt. Un type pour qui le conflit est la pire des choses qui soit. En réalité et sans le savoir, nos amis centristes n'ont rien compris à la démocratie. Celle-ci ne prône pas le consensus, mais elle rend civilisé l'affrontement des intérêts divergents au sein de la société. La démocratie polit les affrontements, elle ne les supprime pas.
En refusant par nature le conflit de classe qui est pourtant une triste réalité de notre monde, les centristes se font le plus souvent les alliés des puissants et des intérêts installés. Ce n'est donc pas très étonnant de voir le rôle énorme qu'ont joué des centristes dans la construction européenne. Une construction qui elle aussi quelque part cherche le consensus absolu et la négation de l'affrontement des intérêts pourtant divergents entre les puissances européennes. C'est donc assez étrange de voir les centristes se présenter comme des outsiders dans les médias alors même que nous sortons d'un monde totalement dominer par la non-politique et l'eurobéatitude des centristes qui ont intellectuellement dominé le continent depuis 40 ans. Voir Bayrou en superman pourfendant la dette avec son discours qui se résume à dire « Je vous avais prévenu du danger de la dette » est une provocation involontaire au mieux, une sinistre farce au pire. Allons donc! Bayrou a-t-il oublié le discours d'un certain Raymond Barre, premier ministre centriste. Raymond Barre qui parlait déjà de la dette dans les années 70 et qui fustigeait la dépense publique responsable de tous les maux sans jamais voir ce qui la produisait réellement. Promettant aux Français une sortie de tunnel après les purges. Une sortie que les Français attendent toujours, mais des Français qui connaissent bien les parois du tunnel depuis trente ans. Il fut le premier ministre d'un certain président centriste qui est à l'origine à la fois de la privatisation de l'émission monétaire et qui est également l'homme qui a conçu le fameux TCE rejeté par les Français. Monsieur Bayrou a-t-il oublié par quel parti politique les idées néolibérales et le consensus de Washington se sont introduits en France ? Et Jacques Delors qui fut le plus centriste des socialistes n'est-il pas le papa de l'euro et de toutes ces stupidités qui ont conduit notre peuple à ce niveau de déchéance ? Un peu de pudeur ne ferait pas de mal à certains. Bayrou et compagnie ferait mieux d'arrêter de faire perdre leur temps aux électeurs. Non-monsieur Bayrou la dette n'est pas le fruit de l'excès de dépense publique, cela n'a rigoureusement jamais été le cas en France. Elle est le fruit de la privatisation monétaire organisé par vos maîtres à penser, ainsi que le résultat de trente ans de politique de rigueur et de monnaie forte.
Il faut sauver l'Europe, tel est leur credo
Le pire dans tout cela c'est que les pauvres n'ont toujours rien compris à la crise actuelle. Car les pauvres centristes motivés par leur croisade contre le mal, pardon contre la dette, n'ont pas encore fait le lien entre l'euro, la dette, le libre-échange et les délocalisations. On peut faire un grand discours sur la nécessité de réduire la dette, tout en prônant une politique de croissance et de réindustrialisation, tout en continuant à prôner l'euro fort qui nous protège et en s'opposant au protectionnisme. Comprenne qui pourra. À la question « Comment réindustrialiser ? » vous pouvez être certain de recevoir un discours visqueux visant à noyer le poisson, la contradiction du propos étant patente. Mais que voulez-vous, il est bien difficile de trouver un juste milieu entre des intérêts qui s'opposent ceux de la rente et ceux des salariés. Puisque la réalité s'oppose à l'objectif de réconciliation des intérêts que recherchent les centristes, ils vont nier cette réalité dans leur discours et tenir des propos contradictoires et illogiques. C'est ici clairement leur plus grave faiblesse en plus de leur nombre protubérant.
Oui, car l'autre problème de nos amis centristes c'est leur nombre. Tout se passe comme si le PS, le Modem, Europe Écologie et Villepin se disputaient l'électorat rétréci qui compose le centre. Un électorat qui accroit son attractivité politique inversement à l'évolution de son poids réel dans l'électorat. Plus la crise s'aggrave, moins la population recherche des solutions centristes et plus il semble que les dirigeants luttent pour le centre laissant le gros de l'électorat aux mains des quelques partis plus couillus. Il s'agit là d'un énième exemple de la non-rationalité des individus, il faut croire. Les rares sondages demandant aux Français s'ils sont pour le protectionnisme étant pourtant largement favorable à ces thèses on ne voit pourtant guère d'élite du centre, en dehors de quelques exceptions, en faire l'apologie. Si les élus n'étaient réellement mus que par la notion d'intérêt électoral, ils devraient pourtant en toute logique courir vers les propositions protectionnistes. Ce n'est pourtant pas le cas. On voit même poindre un discours snob qui contredit systématiquement les croyances ou les désirs populaires.
L'anti-populisme primaire, un fondement du centrisme et de nos élites
C'est que chez les centristes on est tout de même des gens « sérieux ». Du moins le croit-on. Et comment juge-t-on du sérieux des politiques chez les centristes ? De l'éloignement du discours envers les propos dits populistes qu'en d'autres temps nous aurions appelé populaire. En vérité, je crois que les centristes et la classe politique française plus généralement ont construit leurs analyses politiques sur deux concepts. Le premier est qu'il faut toujours partir du principe que la population est bête et qu'elle a toujours tort. Deuxièmement qu'une politique doit toujours se fonder sur l'inversion de la théorie du rasoir d’Occam. En clair que la solution la plus compliquée, celle qui est la plus alambiquée, sera celle qui correspondra le plus à la vérité. De fait le libre-échange responsable du déclin industriel c'est trop simple pour être vrai, la réalité est forcément plus complexe que cela. On pourrait appeler ce principe la théorie de la pilosité d'Occam pour plaisanter, mais il semble sérieusement que pour les centristes, et plus généralement pour nos élites une thèse trop simple ne peut en aucun cas être la vérité. Un peu comme si la simplicité était un concept opposé à la raison , ce qui est absurde puisqu'en réalité ce qui se comprend aisément s'énonce simplement. De cet état esprit l'on peut expliquer la préférence de nos élites pour la complexité des explications, voire pour l'ésotérisme et les raisonnements boiteux, mais riches en contenus.
Le fondement de cette préférence pour la complexité à une autre source c'est celle de l'adoration pour l'élitisme. Un élitisme qui confine à l’exception, seuls les érudits peuvent comprendre, les savants doivent agir au nom de la masse incapable de comprendre la profondeur de ses raisonnements. Le sérieux d'un propos n'est plus jugé sur sa pertinence et sa validité face aux faits mesurables et quantifiables, mais uniquement en fonction de sa complexité et de son niveau d'obscurité et d'abstraction apparente. Dans ce contexte l'on comprend mieux le succès des délires libéraux complètement faux quand on les compare aux données réelles, mais tellement capables d'élucubration mathématiques et de concepts complexes qu'ils devaient forcément paraître « sérieux » aux yeux de nos élites et de nos centristes adorés. Cependant cette préférence pour les raisonnements complexes et mal bâtit, provient plus certainement d'un mépris pour la masse que d'une réelle passion pour la rhétorique verbale.
De fait, il n'est guère étonnant de voir la passion de nos élites et particulièrement celle des centristes pour la cause européenne. L'Europe étant elle même la quintessence absolue du deuxième concept que je viens d'énoncer. Hélas pour eux la démocratie s'est justement construite contre les clercs et les sachant. Leur Europe, faite de technocrates pseudo-savant, est en complète contradiction avec l'idée même de la démocratie. Et de cela, les peuples d’Europe commencent enfin à s'en rendre compte. Mais on comprendra tout l'attachement d'un Bayrou ou d'un Hollande à la bouée européenne, car si elle coule c'est tout le sérieux des apparences de nos élites qui coule avec elle. Le problème, c'est que, comme nous l'avons vu souvent sur ce blog, nos élites sont prêtes à tout pour parvenir à maintenir leur illusion de sérieux. Et si elles doivent nous tuer, je crois que malheureusement elles n'hésiteront pas longtemps pour le faire.
Et les élections alors ?
Pour en revenir à la question de base je ne crois pas un instant à la présence d'un Bayrou ou d'un Villepin au deuxième tour des élections. Je crois au contraire que les gens « raisonnables » ont déjà choisi leurs camps, c'est celui du PS et de François Hollande. Mais la prochaine élection ne se jouera pas sur cet électorat en perdition, mais bien plutôt sur cette masse croissante de désespérées et sur sa réaction aux prochaines élections. Il y a deux types de réaction possible. La première est une réaction de rejet de l’intelligentsia qui l'a amplement mérité. Malheureusement pour nous il semble bien que ce soit vers le FN que l'énergie de ce rejet risque d'aller. Ce qui n'aura comme seule conséquence que de permettre la réélection assez large d'un apparatchik du système au deuxième tour des élections. En effet, le FN parti des contestataires n'aura jamais la capacité de rassembler suffisamment d'électeurs pour gagner un deuxième tour d'élection présidentielle. Ou bien la deuxième possibilité est tout simplement un abandon de la politique et une poussée abstentionniste comme on n’en a jamais vu dans ce pays aux élections présidentielles. Il existe une troisième hypothèse bien sûr celle qui verrait un parti alternatif bénéficier du vote de contestation pour faire son trou, mais j'ai de sérieux doutes quant à la vraisemblance de cette hypothèse. Quoi qu'il en soit ce retour des centristes dans le débat politique n'est qu'une illusion comme on le verra lors de l'élection. J'ai d'ailleurs déjà dit en 2007 que le modem s'effondrerait une fois l'élection passée, je ne me suis guère trompé à l'époque. Bayrou 2007 avait bénéficié de l'effet rejet des deux autres zigotos. Il n'y avait pas d'attachement aux idées de Bayrou. Cette fois ce sera encore plus dur puisque ce sont les croyances mêmes de Bayrou et de son parti qui sont en cause avec la crise. Je le vois donc mal grimper en haut de l'échelle avec des discours libéraux européistes aux prochaines élections. Quant à ses propos sur la nécessaire réindustrialisation, c'est une proposition en complète opposition avec les politiques macroéconomiques qu'il donne. Les Français ne sont pas nécessairement aussi bêtes qu'il le pense.