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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

Embouteillage au centre

 

default.jpegLes centristes sont à nouveau les stars de la politique française si l'on se fit aux sondages médiatiques. Bayrou, Villepin, Hollande, Joly, que des centristes en vérité qui cherche par tous les moyens à mélanger la chèvre et le chou. C'est une étrange chose que de voir des politiques se disputer un électorat qui en réalité est en phase d'éclatement. Car en période de crise ce n'est généralement pas vers le centre que les populations se tournent. Le centre c'est bien lorsque le conservatisme ne semble pas poser problème. Lorsqu'il n'y a pas à réfléchir plus avant. Et lorsque les remèdes économiques et politiques « magiques », car non issu d'une réelle réflexion analytique, semblent pourvoir aux besoins courants de la société. En réalité les centristes sont probablement les plus mal armés pour affronter la prochaine élection tant leurs contradictions apparaissent de façon limpide au regard des événements qui se jouent actuellement. Je fais une petite précision cependant. Pour moi les centristes ne se résument pas à l'ex-UDF. Le centrisme va du Modem au PS en passant par les verts ou le pseudo-gaulliste Villepin. Le centrisme c'est pour moi, avant tout, l'idée très germanique que tout peut se régler sans conflit, que l'on peut trouver toujours un juste milieu et que l'on n’a alors pas besoin de trancher réellement les problèmes. Le centriste c'est le type qui pense raisonnable le fait de croire qu'il est possible de réconcilier capital et travail sans heurt. Un type pour qui le conflit est la pire des choses qui soit. En réalité et sans le savoir, nos amis centristes n'ont rien compris à la démocratie. Celle-ci ne prône pas le consensus, mais elle rend civilisé l'affrontement des intérêts divergents au sein de la société. La démocratie polit les affrontements, elle ne les supprime pas.

 

En refusant par nature le conflit de classe qui est pourtant une triste réalité de notre monde, les centristes se font le plus souvent les alliés des puissants et des intérêts installés.   Ce n'est donc pas très étonnant de voir le rôle énorme qu'ont joué des centristes dans la construction européenne. Une construction qui elle aussi quelque part cherche le consensus absolu et la négation de l'affrontement des intérêts pourtant divergents entre les puissances européennes. C'est donc assez étrange de voir les centristes se présenter comme des outsiders dans les médias alors même que nous sortons d'un monde totalement dominer par la non-politique et l'eurobéatitude des centristes qui ont intellectuellement dominé le continent depuis 40 ans. Voir Bayrou en superman pourfendant la dette avec son discours qui se résume à dire « Je vous avais prévenu du danger de la dette » est une provocation involontaire au mieux, une sinistre farce au pire. Allons donc! Bayrou a-t-il oublié le discours d'un certain Raymond Barre, premier ministre centriste. Raymond Barre qui parlait déjà de la dette dans les années 70 et qui fustigeait la dépense publique responsable de tous les maux sans jamais voir ce qui la produisait réellement. Promettant aux Français une sortie de tunnel après les purges. Une sortie que les Français attendent toujours, mais des Français qui connaissent bien les parois du tunnel depuis trente ans. Il fut le premier ministre d'un certain président centriste qui est à l'origine à la fois de la privatisation de l'émission monétaire et qui est également l'homme qui a conçu le fameux TCE rejeté par les Français. Monsieur Bayrou a-t-il oublié par quel parti politique les idées néolibérales et le consensus de Washington se sont introduits en France ? Et Jacques Delors qui fut le plus centriste des socialistes n'est-il pas le papa de l'euro et de toutes ces stupidités qui ont conduit notre peuple à ce niveau de déchéance ? Un peu de pudeur ne ferait pas de mal à certains. Bayrou et compagnie ferait mieux d'arrêter de faire perdre leur temps aux électeurs. Non-monsieur Bayrou la dette n'est pas le fruit de l'excès de dépense publique, cela n'a rigoureusement jamais été le cas en France. Elle est le fruit de la privatisation monétaire organisé par vos maîtres à penser, ainsi que le résultat de trente ans de politique de rigueur et de monnaie forte.

 

Il faut sauver l'Europe, tel est leur credo

 

Le pire dans tout cela c'est que les pauvres n'ont toujours rien compris à la crise actuelle. Car les pauvres centristes motivés par leur croisade contre le mal, pardon contre la dette, n'ont pas encore fait le lien entre l'euro, la dette, le libre-échange et les délocalisations. On peut faire un grand discours sur la nécessité de réduire la dette, tout en prônant une politique de croissance et de réindustrialisation, tout en continuant à prôner l'euro fort qui nous protège et en s'opposant au protectionnisme. Comprenne qui pourra. À la question « Comment réindustrialiser ? » vous pouvez être certain de recevoir un discours visqueux visant à noyer le poisson, la contradiction du propos étant patente. Mais que voulez-vous, il est bien difficile de trouver un juste milieu entre des intérêts qui s'opposent ceux de la rente et ceux des salariés. Puisque la réalité s'oppose à l'objectif de réconciliation des intérêts que recherchent les centristes, ils vont nier cette réalité dans leur discours et tenir des propos contradictoires et illogiques. C'est ici clairement leur plus grave faiblesse en plus de leur nombre protubérant.

 

Oui, car l'autre problème de nos amis centristes c'est leur nombre. Tout se passe comme si le PS, le Modem, Europe Écologie et Villepin se disputaient l'électorat rétréci qui compose le centre. Un électorat qui accroit son attractivité politique inversement à l'évolution de son poids réel dans l'électorat. Plus la crise s'aggrave, moins la population recherche des solutions centristes et plus il semble que les dirigeants luttent pour le centre laissant le gros de l'électorat aux mains des quelques partis plus couillus. Il s'agit là d'un énième exemple de la non-rationalité des individus, il faut croire. Les rares sondages demandant aux Français s'ils sont pour le protectionnisme étant pourtant largement favorable à ces thèses on ne voit pourtant guère d'élite du centre, en dehors de quelques exceptions, en faire l'apologie. Si les élus n'étaient réellement mus que par la notion d'intérêt électoral, ils devraient pourtant en toute logique courir vers les propositions protectionnistes. Ce n'est pourtant pas le cas. On voit même poindre un discours snob qui contredit systématiquement les croyances ou les désirs populaires.

 

L'anti-populisme primaire, un fondement du centrisme et de nos élites

 

C'est que chez les centristes on est tout de même des gens « sérieux ». Du moins le croit-on. Et comment juge-t-on du sérieux des politiques chez les centristes ? De l'éloignement du discours envers les propos dits populistes qu'en d'autres temps nous aurions appelé populaire. En vérité, je crois que les centristes et la classe politique française plus généralement ont construit leurs analyses politiques sur deux concepts. Le premier est qu'il faut toujours partir du principe que la population est bête et qu'elle a toujours tort. Deuxièmement qu'une politique doit toujours se fonder sur l'inversion de la théorie du rasoir d’Occam. En clair que la solution la plus compliquée, celle qui est la plus alambiquée, sera celle qui correspondra le plus à la vérité. De fait le libre-échange responsable du déclin industriel c'est trop simple pour être vrai, la réalité est forcément plus complexe que cela. On pourrait appeler ce principe la théorie de la pilosité d'Occam pour plaisanter, mais il semble sérieusement que pour les centristes, et plus généralement pour nos élites une thèse trop simple ne peut en aucun cas être la vérité. Un peu comme si la simplicité était un concept opposé à la raison , ce qui est absurde puisqu'en réalité ce qui se comprend aisément s'énonce simplement. De cet état esprit l'on peut expliquer la préférence de nos élites pour la complexité des explications, voire pour l'ésotérisme et les raisonnements boiteux, mais riches en contenus.

 

Le fondement de cette préférence pour la complexité à une autre source c'est celle de l'adoration pour l'élitisme. Un élitisme qui confine à l’exception, seuls les érudits peuvent comprendre, les savants doivent agir au nom de la masse incapable de comprendre la profondeur de ses raisonnements. Le sérieux d'un propos n'est plus jugé sur sa pertinence et sa validité face aux faits mesurables et quantifiables, mais uniquement en fonction de sa complexité et de son niveau d'obscurité et d'abstraction apparente. Dans ce contexte l'on comprend mieux le succès des délires libéraux complètement faux quand on les compare aux données réelles, mais tellement capables d'élucubration mathématiques et de concepts complexes qu'ils devaient forcément paraître « sérieux » aux yeux de nos élites et de nos centristes adorés. Cependant cette préférence pour les raisonnements complexes et mal bâtit, provient plus certainement d'un mépris pour la masse que d'une réelle passion pour la rhétorique verbale.

 

De fait, il n'est guère étonnant de voir la passion de nos élites et particulièrement celle des centristes pour la cause européenne. L'Europe étant elle même la quintessence absolue du deuxième concept que je viens d'énoncer. Hélas pour eux la démocratie s'est justement construite contre les clercs et les sachant. Leur Europe, faite de technocrates pseudo-savant, est en complète contradiction avec l'idée même de la démocratie. Et de cela, les peuples d’Europe commencent enfin à s'en rendre compte. Mais on comprendra tout l'attachement d'un Bayrou ou d'un Hollande à la bouée européenne, car si elle coule c'est tout le sérieux des apparences de nos élites qui coule avec elle. Le problème, c'est que, comme nous l'avons vu souvent sur ce blog, nos élites sont prêtes à tout pour parvenir à maintenir leur illusion de sérieux. Et si elles doivent nous tuer, je crois que malheureusement elles n'hésiteront pas longtemps pour le faire.

 

Et les élections alors ?

 

Pour en revenir à la question de base je ne crois pas un instant à la présence d'un Bayrou ou d'un Villepin au deuxième tour des élections. Je crois au contraire que les gens « raisonnables » ont déjà choisi leurs camps, c'est celui du PS et de François Hollande. Mais la prochaine élection ne se jouera pas sur cet électorat en perdition, mais bien plutôt sur cette masse croissante de désespérées et sur sa réaction aux prochaines élections. Il y a deux types de réaction possible. La première est une réaction de rejet de l’intelligentsia qui l'a amplement mérité. Malheureusement pour nous il semble bien que ce soit vers le FN que l'énergie de ce rejet risque d'aller. Ce qui n'aura comme seule conséquence que de permettre la réélection assez large d'un apparatchik du système au deuxième tour des élections. En effet, le FN parti des contestataires n'aura jamais la capacité de rassembler suffisamment d'électeurs pour gagner un deuxième tour d'élection présidentielle. Ou bien la deuxième possibilité est tout simplement un abandon de la politique et une poussée abstentionniste comme on n’en a jamais vu dans ce pays aux élections présidentielles. Il existe une troisième hypothèse bien sûr celle qui verrait un parti alternatif bénéficier du vote de contestation pour faire son trou, mais j'ai de sérieux doutes quant à la vraisemblance de cette hypothèse. Quoi qu'il en soit ce retour des centristes dans le débat politique n'est qu'une illusion comme on le verra lors de l'élection. J'ai d'ailleurs déjà dit en 2007 que le modem s'effondrerait une fois l'élection passée, je ne me suis guère trompé à l'époque. Bayrou 2007 avait bénéficié de l'effet rejet des deux autres zigotos. Il n'y avait pas d'attachement aux idées de Bayrou. Cette fois ce sera encore plus dur puisque ce sont les croyances mêmes de Bayrou et de son parti qui sont en cause avec la crise. Je le vois donc mal grimper en haut de l'échelle avec des discours libéraux européistes aux prochaines élections. Quant à ses propos sur la nécessaire réindustrialisation, c'est une proposition en complète opposition avec les politiques macroéconomiques qu'il donne. Les Français ne sont pas nécessairement aussi bêtes qu'il le pense.

 

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L
<br /> 4)<br /> <br /> <br /> En fait de synthèse, chaque camp opère en effet désormais par soustraction pure et simple de tout ce qui n’est pas lui-même.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> D’un côté (droite ? Gauche ? Extrême ou pas extrême, la belle affaire !) Marine Le Pen parait apte à catalyser les rancoeurs et<br /> les frustations de tous les invisibles et les intouchables (les vrais, pas les marionnettes construites pour les besoins du cinématographe), sous le regard inquisiteur et réprobateur de toutes<br /> les belles âmes républicaines qui en rajoutent dans l’aveuglement.<br /> <br /> <br /> Cette polarisation porte tous les stigmates du repli identitaire et du développement communautaire, phénomène tout à fait légitime si l’on<br /> considère que la communautarisation de la société française a été vivement encouragée par ses élites de gauche et de droite depuis trois décennies.<br /> <br /> <br /> La France étant la plus vieille nation européenne, il n’est que logique que ceux qui se sentent avant tout ses enfants ne cherchent qu’à se<br /> compter dans un tel contexte.<br /> <br /> <br /> En tout cas, ce mouvement ne connaît pas encore ses limites et pourrait bien déborder et engloutir vos confortables certitudes politiques,<br /> Yann ! (Ce communautarisme ethnique –pour faire plaisir à Malakine s’il nous lit encore- étant d’essence universaliste ET citoyenne, je ne vois d’ailleurs pas où il pourrait<br /> s’arrêter).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sur l’autre bord, les forces politiques de l’ancien monde, celui qui les a formé et généreusement gâté, se regroupent de manière fort pudibonde<br /> mais inexorable, si l’on considère les points essentiels (l’Europe en premier lieu) sur lesquels ils ne veulent surtout pas se départager. Les multiples manoeuvres centristes que vous identifiez<br /> ne répondent qu’au seul besoin inavouable (c’est-à-dire toujours pudibond) de créer le plus de passerelles possibles entre tous ces frères ennemis et toutes ces oies blanches au cas où la<br />  nécessité s’en ferait sentir.<br /> <br /> <br /> Je crains, mon cher Yann, que le centrisme par soustraction ne soit encore appelé à un grand avenir du côté de ce marigot,  et que vous ne soyez pas si aisément débarrassé de la cohorte intéressée des Bayrou, des Villepin, et de leurs bardes à la voix de fausset, les Domenach et les<br /> Kahn.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Juste une parenthèse au passage. N’ajouter comme note d’espoir à toute cette cuisine inquiétante que la perspective de voir « la nation<br /> repasser à gauche », comme l’a fait M. Todd récemment, relève de la plus hilarante loufoquerie. M Todd ferait mieux de se retirer sur l’Aventin où il est le meilleur, l’anthropologie stricte<br /> (et passionnante).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je ne peux que conclure ce que j’avais déjà dit à Laurent Pinsolle jadis et qui a du lui faire bigrement plaisir. Le véritable centrisme dans la<br /> configuration actuelle ne peut être incarné que par l’ancienne mouvance républicaine (celle réputée des deux rives), laquelle peine à imposer son anticyclone apaisé entre les deux zones<br /> dépressionnaires tourbillonnantes.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> On ne voit pas très bien en effet comment la typologie établie par M. Bouthillon  pourrait jouer en<br /> sa faveur (ici, Laurent fait tout à coup la gueule), dans un contexte de polarisation vindicative de la société française. Il n’y a rien à ajouter ni rien à soustraire entre deux mondes que tout<br /> opposent, puisque chacun à sa manière s’accroche sur sa brèche à un passé inconciliable.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Après la bataille (ou le déluge), peut-être ?<br />
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L
<br /> 3)<br /> <br /> <br /> Nous vivons aujourd’hui une période de déstabilisation et de vertige comparable, même si nous n’avons sans doute encore rien vu de la tempête qui<br /> s’annonce. La muraille qui existait entre la droite et la gauche s’est trouvé confrontée à bien d’autres clivages qui en ont miné les fondations.<br /> <br /> <br /> Frontiérisme contre sans frontiérisme, Libre-échangisme contre protectionnisme, turbo capitalisme débridé contre « régulationnisme »,<br /> Souverainisme contre supranationalisme, patriotisme contre universalisme, particularisme contre mondialisme, la grande muraille issue de la révolution française s’érode sous la morsure de ces<br /> vents nouveaux et s’affaisse. Apparaît alors un paysage inconnu à travers lequel les anciennes forces politiques ont bien du mal à trouver leur chemin.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il semble surtout que tous les clivages se dissolvent et se résument en un conflit mortel entre un individualisme sans limite et des pôles de<br /> résistances holistiques qui lui résistent de manière confuse. Ces points d’ancrage sont aussi bien des formes d’organisation collectives anciennes qui survivent à l’inondation, que des nouvelles<br /> dont il est encore malaisé de faire une évaluation à leur juste mesure.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce conflit a aussi une dimension religieuse, qui est la sacralisation du marché comme réponse à toutes les contradictions des sociétés humaines,<br /> et point d’articulation obligatoire et unique entre l’individu et le monde global. Ce cléricalisme a bien sûr secrété un nouvel anticléricalisme, avec tous ceux qui contestent au marché son<br /> extension à l’infini, et rêvent de lui imposer leurs barrières, anciennes ou inédites.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J’avais dit un jour chez Laurent Pinsolle, que le basculement du monde dans le capitalisme financier global bouleversait complètement la<br /> perspective du champ politique français. Je croyais, à l’époque, voir dans ce chamboulement un glissement irrésistible de toutes les forces politiques du pays vers des thèmes réputés « de<br /> droite » (d’autres ont fait ce même constat).<br /> <br /> <br /> Je me rends compte aujourd’hui à quel point cette description est inopérante. En quoi par exemple le « achetez français » de M. Le Pen<br /> serait-il plus « de droite » que celui de Montebourg, ou que le « achetez allemand » professé par les socio démocrates  d’outre Rhin depuis des lustres ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La perte des repères est à vrai dire totale, et nous assistons aujourd’hui à une polarisation des forces politiques du pays en deux camps<br /> inconciliables (à la lecture de certains blogs, j’ai presque envie de dire en deux camps qui brûlent d’en découdre), une configuration que l’on n’avait jamais vu depuis la sombre fin des années<br /> trente du siècle dernier.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> …/…<br />
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L
<br /> 2)<br /> <br /> <br /> Le centrisme a été en fait, pour toute l’Europe, l’une des grandes réponses stratégiques apportées au conflit idéologique ouvert par la<br /> révolution française. Que cette réponse soit adaptée ou non, qu’elle soit improbable ou non, est une autre question, même si elle en découle naturellement.<br /> <br /> <br /> 1789 a donc ouvert un conflit identifiable entre un monde ancien et un monde nouveau, conflit qui s’est matérialisé et symbolisé à la fois sur<br /> tous les terrains électoraux par la notion de droite et de gauche.<br /> <br /> <br /> Il est amusant de constater par exemple qu’un théoricien enthousiaste du centrisme comme Jean François Kahn, a cru bon et génial de lui adjoindre<br /> l’adjectif « révolutionnaire ». On peut voir là une sorte de cri primal, une tentative désespérée de rejouer la scène primitive politique en tentant de recoller des morceaux à jamais<br /> disloqués.<br /> <br /> <br /> Le jour où la droite et la gauche fusionneront, c’est qu’elles seront prêtes à se dissoudre dans une révolution aussi importante que 1789 et qui<br /> verra d’autres troupes occuper le terrain, j’y reviendrai.<br /> <br /> <br /> Toujours est-il que la problématique originelle entre le vieux monde des princes et le nouveau monde protéiforme des démocraties a intégré bien<br /> d’autres lignes de clivage et connu des renversements d’alliances les plus inattendus à la suite de la révolution française.<br /> <br /> <br /> Conflits superposés et imbriqués entre nations et empires, entre libéralisme et socialisme puis entre  nationalisme et socialisme, la notion de droite et de gauche servant de filtre pour recomposer et opposer de manière lisible toutes ces tendances, en fonction<br /> des forces sociales en présence sur le terrain politique.<br /> <br /> <br /> Fabrice Bouthillon avance que la réponse centriste pour résoudre tous ces conflits s’est faite de deux manières :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> -          Un centrisme par<br /> addition des extrêmes, exemple réalisé en France par l’addition de l’aille nationaliste et de l’aile socialiste à travers  le bonapartisme (il est<br /> notoire que la terrible répression des journées de juin 1848 a rejeté sur l’héritier Napoléon une majeure partie du vote populaire). Cette synthèse appliquée au nazisme est pour moi tout à fait<br /> défendable, même si j’avoue y voir au passage un sacré coup de pied à l’âne en direction des théoriciens centristes béats et babas à la Kahn et Bayrou, lesquels n’auraient jamais imaginé que leur<br /> matrice sacrée puisse accoucher d’un tel poupon. Il faudrait toutefois ajouter ici qu’un terrain anthropologique et religieux très particuliers a donné au « centrisme » nazi une<br /> tournure terrifiante (relire « L’invention de l’Europe » de Todd à ce sujet).<br /> <br /> <br /> -          Un centrisme par<br /> soustraction des extrêmes, que Bouthillon identifie aussi bien dans l’orléanisme (synthèse de la monarchie parlementaire et du républicanisme affairiste) que dans la tentative et le naufrage de<br /> la république de Weimar. Il faut noter que c’est plutôt à cette synthèse là que l’opinion pense généralement quand on évoque « le centrisme ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J’ajouterai que ces deux formes de centrisme peuvent très bien intervenir et se combattre au cours d’une même séquence donnée. Je pense ici à la<br /> quatrième république, ou le centrisme représenté par les jeux de pouvoir complexes entre la SFIO et le MRP a finalement été évincé par le nouveau centrisme bonapartiste synthétisé par le général<br /> de Gaulle.<br /> <br /> <br /> Il faut peut-être considérer que ce cas de figure est symptomatique d’une phase intense de déstabilisation politique, et qui annonce de grands<br /> bouleversements, parce qu’il s’agit de la société toute entière qui se cherche en fait un nouveau point d’équilibre.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> .. / …<br />
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L
<br /> 1)<br /> <br /> <br /> J’évacue d’abord ce qui constitue la part la plus faible, mais récurrente, de vos billets ; le sentiment que les élections sont déjà jouées.<br /> Vous devriez pourtant savoir que l’histoire de ce pays n’est pas avare en « divines » surprises (de 1429 à 2005, je dirai même plus qu’elle n’est faite que de cela).<br /> <br /> <br /> C’est mon sentiment contre le vôtre, mais je crois que ce peuple phoenix (« fini » selon certains dépressifs) dont nous faisons parties<br /> nous prépare une nouvelle bonne blague historique, cela au nez et à la barbe de son infaillible caste intellectuelle et médiatique, laquelle a tout lu sauf le Malet et Isaac.<br /> <br /> <br /> Tout reste possible dans le courant qui nous emporte et s’accélère, catastrophe économique ou politique, et qui fera tomber les dernières<br /> illusions et les derniers masques.<br /> <br /> <br /> Il faut dire aussi que nos élites ont tellement la frousse de ce peuple imprévisible qu’elles me paraissent mûres pour commettre l’erreur de<br /> trop. Jeter une partie de la population contre l’autre par exemple. L’alliance de la racaille et des Madame Parisot n’est pas un fantasme de science fiction, elle a même été déjà théorisée par<br /> Marx (c’est, entre autres, dans le Manifeste).<br /> <br /> <br /> Quant à la relève humaine que réclameraient des moments exceptionnels, nos élites ont tout aussi communément admis qu’il n’y avait PERSONNE<br /> derrière elles à part le déluge. Mais QUI donc pourrait gouverner avec ce(te) tocar(e), larmoient-elles en cœur, la main sur le portefeuille ?<br /> <br /> <br /> Je crois au contraire que le seul réel point commun entre la situation présente et celle qui prévalait en 1789 (un autre moment surprise de notre<br /> histoire) tient à cela. Sous son dôme pelé, ce pays est devenu un volcan de nouveaux talents qui ne demandent qu’à en dévaler les pentes  à la<br /> première explosion (entre nous, vous en êtes d’ailleurs un bel exemple).<br /> <br /> <br /> Celle-ci couve de par les forces qui  montent en profondeur, forces rendues aveugles par<br /> l’abrutissement propre à l’acculturation de masse et potentiellement incontrôlables, mais qui seront les seules capables de pousser l’ensemble de la société à mettre la terre hors de<br /> l’eau.<br /> <br /> <br /> Emmanuel Todd avait théorisé un moment révolutionnaire général propre aux sociétés qui passaient un certain seuil d’alphabétisation. Peut-être<br /> existe-t-il aussi un moment semblable, effet pervers du précédent, qui correspondrait à un seuil critique de régression culturelle vécue par les mêmes sociétés, quelques générations plus<br /> tard ? (Aux Todd d’en objectiver les critères).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Concernant votre approche du centrisme et de sa prolifération cellulaire récente sur l’échiquier politique hexagonal, j’ai fait le rapprochement<br /> entre votre texte et un livre remarquable lu récemment : « Nazisme et Révolution » de l’historien Fabrice Bouthillon, lequel donne une extension stupéfiante au fait politique<br /> européen global qu’a pu constituer « le centrisme ».<br /> <br /> <br /> Je vous donne aussi le lien avec le texte suivant, qui constitue un très bel exposé de la problématique exposée dans cet ouvrage.<br /> <br /> <br /> http://thucydide.over-blog.net/article-le-nazisme-un-centrisme-68016595.html<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Même si elle se focalise plus particulièrement sur l’Allemagne, la réflexion de Bouthillon peut naturellement être étendue à la France. Il faut<br /> souligner au passage combien les histoires de ces deux nations sont indissociablement liées, et combien la révolution française a été aussi celle de l’Allemagne (je vois d’ici d’aucun<br /> blêmir).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> ... / …<br /> <br /> <br />  <br />
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D
<br /> Le programme de Asselineau est intéressant en ce sens que c'est une proposition tranchée de sortie de l'union européenne ; cela ouvre donc une autre option dans la campagne .<br /> <br /> <br /> Très intéressante aussi sa conception du rôle et des missions du président de la République qui NE GOUVERNE PAS  mais s'occupe de l'apect global des choses concernant le pays : sa sécurité ,<br /> son indépendance , le bon fonctionnment de la démocratie et des institutions . Cest ainsi que le président impulse des réflexions (et référendums ) sur des grands sujets engageant fortement le<br /> pays. Cette conception est d'ailleurs conforme au texte constitutionel actuel.<br /> <br /> <br /> Je pense que cet aspect là est fondamental du fait de l'évidente et désastreuse carence en outil de réflexion globale : le vote en alternance pour des présidents premiers ministres gouvernant ,<br /> fait que nous sommes nez sur le guidon dans la gestion et le rustinage sans jamais pouvoir prendre l'indispensable recul global quand on à affaire à une crise systémique.<br />
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