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27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 21:50

 

bridgelogoGWObelow_large.jpgS'il reste encore heureusement quelques Français pour être choqué par l'idée d'imposer l'anglais comme langue d'enseignement à l'université. La plupart des arguments les plus populaires engagés à l'encontre de cette évolution me semblent inopportuns, et même contre-productifs par certains aspects. Car cette envie d'anglais de nos élites est beaucoup plus qu'un simple problème linguistique. C'est même plus grave encore qu'une simple affaire d'intérêt national. La volonté d'imposer l'anglais comme langue dans le supérieur est un acte guerre contre la démocratie. C'est un phénomène qui est la conséquence du caractère postdémocratique de notre société. C'est la preuve terminale de la réussite du coup d'État des riches sur l'appareil d'administratif français. Cette orientation politique est un mélange de croyance absurde, de haine de la France, le tout cachant une lutte des classes qui ne dit pas sont nom.

 

La langue est aussi une arme de domination sociale.

 

La langue a toujours, été un moyen de communication, mais aussi un véhicule de différenciation sociale. On rappellera au passage que jusqu'au début du vingtième siècle la langue française n'était pas si universellement accepter sur notre territoire. La francisation étant en fait un phénomène récent. On a tous quelques proches, grands-parents ou arrières grands-parents parlant un patois local. Ma grand-mère parlait l'occitan par exemple. Les régionalismes linguistiques sont encore assez présents, même si l'on surestime leurs degrés d'homogénéité locaux à leur grande époque. Les langues régionales ayant elles-mêmes leurs propres multitudes de patois alternatifs. L'acceptation universelle de la langue française sur notre sol, si elle fut un traumatisme pour certains, a aussi eu comme effet un plein développement de la démocratie. Mais si cette universalité linguistique s'est faite en accompagnant la démocratie, et en la nourrissant, l'égalité linguistique accompagnant le principe d'égalité de droit. Il ne faut pas oublier que ce fut par la volonté publique que cette égalité fut produite. L'état a imposé la langue française et l'instruction, et ce fut une violence inouïe parfois que d'imposer ce choix collectif. Il y avait derrière la volonté d'unifier la langue la volonté très démocratique d'égalité. C'est d'ailleurs pour cette même raison que les nations d'Europe dans leur phase ascendante du 15e au 19e siècle enterrèrent petit à petit l'ancienne langue universelle impériale à savoir le latin. Celle-ci n'étant parlée que par les élites et la noblesse, elle caractérisait le régime féodal et inégalitaire. Le latin était encore d'ailleurs jusqu'à peu, un signe distinctif des élites leur permettant de se différencier de la plèbe.

 

Mais comme vous le savez certainement si vous êtes des gens avisés, la démocratie et son esprit ne sont plus aujourd'hui que des vestiges en décrépitude en occident. La dérive inégalitaire des élites occidentales sous la poussée inégalitaire de l'enseignement supérieur a façonné une nouvelle noblesse. Une noblesse à diplôme qui se croit supérieure, mais qui est encore obligée d'accepter les règles de la démocratie et de l'égalité de l'ancien système. On ne peut pas aujourd'hui dire que l'on est supérieur, qu'on est l'élite, surtout en France. Notre nation est en effet caractérisé par un socle idéologique égalitaire fruit de ses structures familiales qui empêchent de voir directement ce type d'affirmation. En France l'esprit inégalitaire doit prendre des chemins détournés pour s'affirmer. C'est ici que la langue anglaise prend tout son rôle. Pour les élites françaises, l'anglais est le nouveau moyen de se distinguer du reste de la population, c'est le nouveau latin. Elle est même le moyen de s'identifier à la sphère de l'élite anglo-saxonne considérée par les ploutocrates français comme l’élite suprême à laquelle on rêve d'appartenir.

 

On remarquera au passage que comme l'avait montré Bourdieu l'introduction des langues étrangères est aussi un bon moyen d'introduire des distinctions de classe sociale dans les concours et les cursus universitaires. Les gens des classes aisés pouvant plus facilement former leur progéniture aux langues étrangères grâce à leurs revenus. En effet , plus vous êtes riches et plus il est facile de partir à l'étranger et de se former à la maîtrise d'une langue. L'introduction de l'anglais comme nécessité dans les hautes sphères de l'éducation a donc deux buts. L'un est de favoriser la distinction de classe avec comme but ultime pour l'élite française de se fondre dans l'élite anglo-saxonne. La deuxième est de favoriser sa propre descendance et de scier l'échelle sociale qui la sépare des gueux. L'anglais obligatoire ne faisant que préfigurer la privatisation totale de l'enseignement qui se produit à petits pas en France. On remarquera au passage que dans des pays où l'inégalité de classe est apparente, ou plus facilement assumée dans des pays comme l'Allemagne ou le Japon. L'anglais n'est pas aussi favorisé. Le Japon est par exemple médiocre en langue anglaise ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes aux entreprises nippones. Il suffit de voir baragouiner le PDG de Nintendo dans ses vidéos de présentation en anglais pour s'en rendre compte. Cela n’empêche pourtant pas ce pays de briller au niveau de la créativité ou de la science. Comme l'avait bien vue Emmanuel Todd les pays de famille souche s'adaptent parfaitement à l'idéologie inégalitaire qui monte. Au Japon l'éducation est totalement inégalitaire par exemple, car elle est complètement privatisée. À Todai, la grande université de Tokyo, vous ne croiserez que des enfants de bourgeois. Les patois locaux au Japon ont même été conservés. Les accents de certaines régions renvoyant à votre infériorité sociale.

 

En France les élites deviennent schizophrènes, car elles sont prisonnières du passé égalitaire du pays. La haine de la langue française et la volonté d'imposer l'anglais en haut ne sont que l'une des multiples conséquences de cette schizophrénie. La haine de la langue française traduit ainsi la haine de l'égalité et de la démocratie. Cela explique aussi l'encouragement du recul du français dans les zones à forte immigration, en effet dans ces endroits on ne favorise pas l'anglais, mais le patois local si je puis dire. Les élites françaises ont enfermé les immigrés dans leur propre culture pour la même raison qu'ils veulent que les étudiants abandonnent le français. C'est à cause de leur esprit inégalitaire contraire aux principes historiques de notre nation.

 

 

L'anglais la langue universelle est un anachronisme.

 

La crise économique actuelle est en grande partie le fruit des politiques et de l'idéologie produite par le monde anglo-saxon. Des idéologies qui ont malheureusement empoisonné notre pays. Mais ce qui ressort de la crise actuelle c'est l'incroyable recul économique scientifique et intellectuel du monde anglo-saxon que seul Hollywood par sa main mise de l'appareil médiatique impérial parvient à cacher. Or la domination de l'anglais est le fruit de la domination économique et scientifique anglo-saxonne qui remonte aux défaites napoléoniennes. Il n'y a donc aucune chance pour la langue anglaise continue à dominer au siècle prochain comme il le fit jusqu'à maintenant. C'est d'autant plus vrai que l'anglais recul y compris aux USA qui connaissent une contre-colonisation de la part du Mexique. La Californie parlera l'espagnol à la fin de ce siècle, c'est pourtant le cœur culturel de l'empire américain. Le déclin scientifique il est palpable dans les centres de recherche US eux-mêmes qui sont obligés d'importer des personnes qualifiées les locaux ne faisant plus d'études scientifiques. Entre la désindustrialisation et l'effondrement culturel interne, il faut être incroyablement lobotomisé pour parier sur une continuation de la domination de la langue anglaise dans le siècle qui vient. La multiplication de brevet ne peut cacher le vide interne de la nation US qui n'investit plus dans ses hommes. Les multinationales de ce pays faisant de plus en plus appel à une externalisation des laboratoires de recherche en Europe et en Asie. Il faudrait au contraire réfléchir à former des jeunes aux langues asiatiques, zone du monde où la science sera la plus dynamique au 21e siècle. Le mandarin, le japonais, le coréen, ou le Russe seront plus utiles à notre main d’œuvre scientifique demain que l'anglais.

 

L'imposition de l'anglais est contraire à la logique de la spécialisation

 

Enfin, précisons que le plus curieux dans cette affaire est que la généralisation de l'anglais comme langue d'enseignement à l'université est contraire à la logique toute libérale de la spécialisation. En effet si ce gouvernement de traître est indubitablement libéral sur ses politiques économiques, il n'en reste pas moins totalement incohérent si l'on analyse cette imposition linguistique sous l'angle de cette même pensée libérale. Car s'il existe une idée inintéressante dans le libéralisme c'est bien celle de la spécialisation. Cette idée de la spécialisation comme moteur du progrès en terme d'efficacité est un des piliers de la pensée libérale. Elle peut s'exprimer simplement. Collectivement un groupe à tout intérêt à voir chaque individu membre se spécialiser dans le métier qu'il sait le mieux pratiquer de façon à ce que le groupe dans son ensemble bénéficie de son expérience spécialiser. Très tôt dans les civilisations nous avons eu des corps de métiers. Il vaut mieux qu'un homme se spécialise dans la pêche et l'autre dans la poterie plutôt que les deux fassent les deux métiers en même temps, c'est plus efficace. Le fordisme a bien évidemment poussé ce concept à son maximum avec l'efficacité que l'on sait. Et l'on sait par expérience que plus des entreprises grossissent et font des gains de productivité, et plus elles sont composées de spécialistes de plus en plus pointus sur leur domaine de prédilection. C'est la même chose dans les domaines scientifiques ou dans les administrations. La mondialisation elle-même est vendue comme un mécanisme de gain collectif à l'échelle du monde grâce à la spécialisation de chaque pays. Argument hautement discutable étant donné que les nations ne jouent pas vraiment le jeu du libre-échange. Mais passons, ce n'est pas le sujet.

 

Or là que nous présente ce gouvernement socio-libéral ? Une politique visant à faire de votre doctorant en physique, en math ou en biologie un spécialiste d'une langue qui n'est pas sa langue maternelle. Car effectivement si pour lire une notice ou un romand à l'eau de rose un anglais de niveau globish suffit , comprendre des concepts complexes demande un niveau élevé en anglais. S'il y a des gens qui étudient des langues et qui font même des thèses dans cette orientation, c'est bien parce que c'est un vrai métier que celui de traduire. Comment demander à un futur physicien ou à un ingénieur en mécanique de maîtriser une langue à ce niveau? C’est ridicule. Où alors nos élites sous-entendent-elles que le métier de traducteur tout le monde peut le faire sans prérequis ? On peut se poser la question suivante. Est-il plus important de la part d'un mathématicien de maîtriser son domaine, à savoir les mathématiques ou l'anglais ? Et encore on sait que les maths sont devenues si complexes que les mathématiciens ont maintenant leurs propres domaines de spécialisation. On dit d'ailleurs communément que le dernier mathématicien ayant eu une connaissance globale de son domaine fut Henri Poincaré qui est pourtant mort en 1912. Et voilà que l'on va leur remplir le cerveau d'un langage supplémentaire qu'ils ne maîtriseront d'ailleurs jamais aussi bien que les locuteurs naturels de cette langue.

 

De plus, étant donné qu'un locuteur natif d'une langue aura toujours l'ascendant sur un locuteur externe, cela favorise de facto ce dernier. C'est d'ailleurs l'un des problèmes du milieu de la programmation où l'anglais prédomine. Quiconque à déjà programmer en C++ ou en Java, pour ne citer que ces deux langages de programmation, sait que c'est l'anglais qui prédomine. Parce que l'état n'a rien fait pour favoriser le français dans les années 80-90, on a défavorisé nos ouailles dans le domaine de l'informatique. Au Japon les programmeurs travaillent dans leur langue maternelle ce qui favorise naturellement les programmeurs locaux. On l'oublie trop souvent, la langue est aussi une forme de protection commerciale. Et les Français à trop s'amouracher de langues étrangères parce que ça fait bien finissent par s'autodétruire. Loin de favoriser l'anglais, nous devrions au contraire penser à lutter contre lui partout. En commençant par interdire les anglicismes à la télévision et dans les lieux de travail. On peut également penser à réduire les coûts de traduction en les détaxant par exemple, voir en les subventionnant. Pour ce qui est des thèses des doctorants, laissons des professionnels de la traduction s'en charger , que nos étudiants se concentrent sur leur art plutôt que de les laisser perdre leur temps précieux à travailler dans une langue qui n'est pas la leur. Ce sera beaucoup plus économique et efficace comme le veut le principe de la division du travail.

 

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commentaires

S
<br /> Article très intéressant et qui donne à réfléchir. Des erreurs récurrentes de langue française (participe passé vs infinitifs) quand on défend cette belle langue peuvent nuire à la crédibilité.<br /> Malgré tout, merci pour cette réflexion.<br />
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D
<br /> Un petit article d'un universitaire a ce propos.<br /> <br /> <br /> http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/05/27/cours-en-globish-non-merci_3418196_1650684.html<br /> <br /> <br /> " il y a une conception de la langue comme véhicule de communication neutre. Or c'est loin d'être le cas. On sait en philosophie que certains concepts, pensons à Hegel ou à Heidegger, sont<br /> difficilement traduisibles. Cela signifie qu'on ne pense pas le monde de la même façon en français ou en japonais. La langue permet d'appréhender la réalité à travers des concepts qui ont une<br /> épaisseur et une histoire. Loin d'être une faiblesse, c'est une richesse pour la recherche, y compris pour les sciences dures.<br /> Réduire la recherche au globish, c'est l'appauvrir."<br />
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L
<br /> Cette idée de renforcer de manière irréversible l’emprise de l’anglais sur notre enseignement n’est qu’un aspect de la fuite en avant qui marque<br /> la dernière lubie des élites européennes.<br /> <br /> <br /> Je veux parler de l’accord de libre échange transatlantique, sensé nous ramener les deux licornes du progrès et de la croissance, sur le<br /> principe ancré dans les crânes creux de ceux qui ont fait l’Europe : l’éléphant est plus fort que la souris –devenons éléphant, le mammouth est plus fort que l’éléphant –devenons mammouth.<br /> Cela même s’il apparaît que le mammouth n’a pas fait le poids historique contre la souris !<br /> <br /> <br /> Ce principe archétypal en rejoint un autre. Le graal des élites européennes ne peut être que l’Amérique, car LA solution du vingtième siècle ne<br /> peut devenir autrement que LA solution des siècles suivants. Nonobstant le fait que les Etats-Unis n’ont manifestement pas l’intention de faire de leur seule inflation notre SEUL problème. Pour<br /> paraphraser l’introduction de Todd dans son Après l’Empire, ce sont TOUS leurs problèmes qui doivent devenir les nôtres<br /> <br /> <br /> A titre plus anecdotique, Il y a aussi une logique sociologique derrière tout ça. En détruisant les armatures économiques (il n’est d’armature<br /> qu’industrielle et agricole) et administratives de leur propre pays, les mêmes élites se coupent l’herbe sous le pied de débouchés intéressants pour leur progéniture. Il est donc logique qu’elles<br /> cherchent à agrandir leur espace vital pour asseoir la carrière de leur descendance.<br /> <br /> <br /> Le Lebensraum des élites françaises possède ainsi son « grand large », parallèlement à son « petit large », qui est l’espace<br /> féodal territorial ouvert par la loi de décentralisation de M Deferre votée il y a trente ans.<br /> <br /> <br /> Il est clair qu’à court terme cette nouvelle chimère ne va nous amener que des catastrophes, en sus de celles qui accablent déjà les européens,<br /> tout en privant ceux-ci des derniers leviers qui leur auraient permis de sortir de leur marasme par leurs propres moyens.<br /> <br /> <br /> Notre prochaine grande bataille à tous devra être celle-là, si nous ne voulons pas disparaître une bonne fois pour toute. Il n’est pas une<br /> échéance électorale, à l’échelon local si petit soit-il, qui ne devra avoir conscience de cette épée de Damoclès qui nous menace.<br /> <br /> <br /> Et il y a urgence, car dans deux ans tout sera consommé.<br /> <br /> <br /> http://www.lecontrarien.com/2013/05/22<br /> <br /> <br /> Je salue aussi l’initiative de François (ni l’un ni l’autre, ces nuls, mais le troisième, le seul). Ce vieil ennemi du FN reste pour moi un<br /> grand patriote, et je lui souhaite beaucoup de succès dans ses récents projets électoraux.<br /> <br /> <br /> http://www.u-p-r.fr/actualite/france/la-francamerique-no-future-grand-colloque-sur-la-francophonie-organise-a-paris-par-lupr-le-8-juin<br /> <br /> <br /> A propos du FN, ils ont fait clairement volte face sur la question, mais je persiste à croire que leur pusillanimité d’il y a quatre ans aura<br /> été leur seule véritable grosse connerie depuis le début de la crise (qui s’explique sans doute par le fait qu’à l’époque, l’enjeu état encore de marquer Sarkozy à la culotte).<br /> <br /> <br /> http://clamartnationaletpopulaire.over-blog.fr/article-marine-le-pen-contre-l-accord-transatlantique-118012116.html<br /> <br /> <br /> http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-pen-et-le-grand-marche-114864<br /> <br /> <br />  <br />
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