Attention aux âmes sensibles, l'idée folle qui suit est vraiment folle, on pourrait la considérer comme la tentative de la dernière chance de sauver une espèce en voie d'extinction. « Imaginons l'humanité en 2100, le monde a bien changé, le choc pétrolier est derrière nous. Il a eu des conséquences désastreuses à court terme, mais l'ingéniosité humaine a permis de trouver un nouvel équilibre. L'humanité est peuplée de 7 milliards d'habitants, mais elle vieillit. Elle vieillit même très vite la natalité mondiale venant de tomber à seulement 1.5 enfant par femme. Tous les continents perdent des habitants, le déclin démographique semblant devenir la seule voie pour l'espèce humaine. Étrangement, l'Europe est aujourd'hui le continent le plus fécond, si l'on peut dire, puisqu’avec 1.7 enfant par femme elle est au-dessus de l'Amérique 1.6 et de l'Afrique tombée à 1.5 , l'Asie avec 1.1 est très en dessous . La France est même championne du monde avec 1.9 enfant par femme, cependant cette natalité ne fait d'elle qu'une nation moins en déclin que les autres. À l'échelle mondiale le travailleur est devenu rare et le capitalisme a tout simplement disparu, l'inflation salariale constante condamnant naturellement l'accumulation d'épargne celle-ci n'existe pratiquement plus. Mais la peur de la disparition de l'espèce est dans toutes les têtes, de plus les bras et les grands esprits manquent, et l'arthrose est devenue la maladie la plus courante de la planète ».
On pourrait croire à une élucubration d'auteur de science-fiction raté, mais c'est pourtant bien le chemin que semble prendre l'humanité. Du moins, si l'on se fit aux données de l'évolution de la natalité mondiale de ces dix dernières années. La natalité baisse fortement à l'échelle de toute la planète. Ce n'est pas forcement une mauvaise chose, car la planète ne pourrait accueillir toujours davantage d'êtres humains. Mais le problème c'est qu'elle tombe souvent en dessous du seuil de reproduction qui est à 2 enfants par femme environ. Ce chiffre en réalité varie suivant l'espérance de vie, et la proportion de filles dans les naissances. Une enquête récente a montré qu'un pays comme la Chine devrait perdre 400 millions d'habitants d'ici la fin du 21e siècle. Cette perte prévisible n'est pas le fruit d'un cataclysme, mais bien d'une natalité largement insuffisante pour renouveler les générations. Au passage, les analyses de l'ONU qui viennent de nous prévenir que nous serons 7 milliards en octobre de cette année sont partiellement fausses. En effet, l'ONU reconnait la baisse de la fécondité dans certaines régions du monde, le déclin démographique n'étant plus une maladie de pays blancs, mais refuse encore de voir la dynamique globale. L'Afrique aussi sera touchée par la transition démographique, à l'image du monde arabe déjà passablement avancé en la matière. On peut affirmer sans trop se tromper qu'en 2050 l'humanité aura partout passé la transition et que la natalité sera alors trop faible pour accroitre encore la population mondiale qui baissera inéluctablement. Nous en avions d'ailleurs parlé dans un texte consacré à la démographie mondiale. Ainsi il est peu probable que nous atteignons les 10 milliards d'habitants en 2100, sauf découverte majeure sur le plan médical. L'ONU s'est d'ailleurs souvent trompée dans ses estimations et en règle générale a largement sous-estimé les baisses de la fécondité. Un peu comme si l'ONU était dirigée par des obsédés de la croissance démographique qui ne voient dans leurs chiffres que ce qui peut les faire gonfler. On remarquera cependant que la surpopulation est un argument permettant de faciliter la démagogie néomalthusienne de certains. De là à y voir un moyen pour promouvoir certaines politiques, il n'y a qu'un pas que je ne franchirais pas. Leurs estimations pour les USA, sont par exemple ridicules, la natalité du pays étant à la limite du seuil de reproduction, et ses zones de source migratoire étant elles aussi touchées par la baisse de la natalité. On ne voit pas comme l'Amérique pourrait voir sa population atteindre 500 millions d'habitants en 2100. D'autant que la crise a fait récemment baissé la natalité, celle-ci baisse fortement depuis 2007.
Quoi qu'il en soit nous pourrions imaginer un monde ayant en moyenne 1.5 enfant par femme, un monde de vieux déclinant. Certaines nations comme l'Allemagne ou le Japon seront en déclin rapide. Or il n'y aura plus alors la possibilité de redresser la pyramide des âges par une importation de main d'oeuvre comme nos nations le font avec plus ou moins de succès depuis trente ans. Alors que faire? La première réponse est évidemment de redresser la natalité pour la faire revenir à des niveaux plus raisonnables. Mais certaines cultures semblent se satisfaire d'un seul héritier, Emmanuel Todd l'a bien expliqué dans le cas du Japon ou de l'Allemagne, les familles souches veulent un héritier à qui tout léguer. Le problème c'est qu'en faisant cela vous fusionnez mécaniquement deux lignées qui n'en laissent plus qu'une, réduisant ainsi leurs nombres de génération en génération. Il est possible que ces sociétés de familles souches ( auxquelles on peut rajouter la Corée du Sud qui bat tous les records avec 1.1 enfant par femme) ne soient pas capables de redresser la barre avec des politiques familiales conventionnelles. Il faut donc chercher un autre moyen pour pérenniser ces sociétés sur le long terme.
Féminiser les naissances pour faire baisser le seuil de reproduction
C'est en écoutant des enquêtes sur la situation démographique en Chine qu'une idée saugrenue m’a traversé l'esprit. En effet, la Chine est à l'heure actuelle frappée par un déséquilibre des naissances entre les garçons et les filles comme l'explique Isabelle Attané dans cette interview de la revue La Recherche. Le résultat c'est qu'il nait plus de garçons que de filles, environ 107 garçons pour 100 filles, c'est beaucoup plus dans certaines régions comme vous pouvez le voir sur la carte suivante. Ce dérèglement produit à long terme une hausse du seuil de reproduction, en effet il faut plus de naissances par femme pour garantir la stabilité du nombre de femmes dans le pays et donc la stabilité de la démographie. En fait s’il nait autant de garçons que de fille et en supposant la mortalité infantile nulle, alors le seuil de reproduction à un pour un est de deux enfants par femme. Par contre, s'il nait mettons 10% de garçon en plus alors il faut 2.1 enfants par femme pour garantir la reproduction de la société. En France il nait 105 garçons pour 100 filles environ, ce qui porte notre seuil de reproduction à 2.05 enfants par femme, bien évidemment c'est sans compter sur les morts éventuelles. Mais que se passerait-il s’il y avait sur plusieurs générations plus de naissances de fille que de garçons? Et bien, c'est simple le seuil de reproduction baisserait au lieu d'augmenter comme dans le cas de la surmasculinité.
Comme il y aurait plus de femmes en proportion dans la société, il suffirait de moins d'enfants par femme pour garantir la reproduction à l'identique de la société. Hypothétiquement s’il naissait 75% de filles, à long terme le seuil de reproduction tomberait à 1.25 enfant par femme. En effet il ne faudrait plus que 1.25 enfant par femme pour garantir le même nombre de garçons et de filles, et pour maintenir la population. Cette idée qui peut sembler étrange au premier abord, consiste donc à inverser la logique pour garantir à long terme la stabilité, voir la croissance de la population. Si l'on n’est pas capable de remonter la natalité à deux enfants par femme, alors réduisons ce seuil au niveau qui garantit la reproductibilité du pays. Bien sûr, ce mécanisme ne fonctionne qu'au bout de plusieurs générations, ce n'est que lorsque les premières générations à majorité féminine seront en âge de procréer que les effets sur la natalité se feront sentir. Il y aura alors une augmentation mécanique du nombre de naissance, car la société aura plus de femmes en proportion, donc en supposant le nombre de naissance par femme constant on aurait une hausse automatique du nombre des naissances. Bien sûr, cela signifie également que beaucoup de femmes devraient avoir des enfants toutes seules comme dans la chanson de Jean Jacque Goldman, ce qui pourrait poser problème dans des cultures acceptant cela difficilement. Mais si le nombre d'enfants par femme se maintient alors un pays pourrait connaitre une croissance démographique même avec un taux de natalité par femme à 1.5 enfant. Qui sait, cette solution de dernière chance sera peut-être l'évolution anthropologique majeure du 21e siècle. Tout le problème étant en pratique de savoir comment favoriser la naissance des filles. D'autre part, il est évident qu'un tel déséquilibre aurait forcement des effets sur le fonctionnement global de la société peut-être difficilement prévisible. Mais c'est une hypothèse à étudier pour des pays qui n'arriveraient pas à redresser la barre en matière de natalité. On notera tout de même que si la natalité tombait en dessous d’un enfant par femme même la féminisation des naissances ne pourrait rien faire pour empêcher un déclin démographique irrémédiable.