
Alors que la farce électorale européenne est maintenant terminée, les affaires ont repris. Ainsi la commission européenne a-t-elle menacé l'Italie pour cause de dette excessive le lendemain des élections. On admire le planning et l'incroyable culot des tyrans de la bureaucratie néolibérale en action. L'on ne saurait mieux montrer l'inanité de la construction européenne qu'avec cette affaire, car comme dans la crise grecque l'UE se transforme en père Fouettard. On imagine l'état français en pareille situation avec une région ou une commune surendettée. En viendrait-il à punir les régions en difficultés ? Non, la population et l'état soutiendraient bien au contraire la région ou la commune en difficulté allant jusqu'à reprendre les dettes et faire du rééchelonnement pour sauver ce qui peut l'être. Mais voilà, la France est une nation, l'Europe est un carcan libéral qui n'a que faire de la solidarité ou du sens de l'intérêt général. D'ailleurs de quel intérêt général pourrait-on parler dans le cas de l'UE ? Celui de l'Allemagne ? Celui de la France ? Ou peut-être celui des multinationales qui arrose largement les institutions bureaucratiques bruxelloises ?
L'UE c'est le père Fouettard libéral qui tape toute personne, toute nation ou toute organisation n'entrant pas dans le cadre de l'agenda libéral plus obtus qu'il ne l'a jamais été dans toute l'histoire de cette idéologie utilitariste malsaine. Peu importe la réalité, les effets réels des politiques libérales et le fait que l'UE est une zone économiquement morte depuis 20 ans. Si ça ne marche pas, c'est qu'il n'y a pas assez d'austérité, pas assez de privatisations, pas assez de marchés, pas assez de libre-échange et d'ouverture de frontière. Si l'économie va mal, c'est nécessairement parce qu'il n'y a pas assez de libéralisme, car le libéralisme c'est la science et la raison. C'est drôle comme l'UE ressemble de plus en plus à l'URSS en fin de course . Les deux grandes idéologies matérialistes faussement opposées finissant de la même façon dévorée par leurs propres contradictions et leur incapacité à regarder le réel tel qu'il est . C'est dur de ne voir une réalité ne correspondre à aucun schéma préétabli fait de bout de raisonnements uniquement logiques dans leur cadre. À force de vouloir réduire le monde à des robinsonnades, les libéraux ont fini par ignorer complètement le monde réel.
La zone euro n'en finit pas de punir les victimes de plus en plus nombreuses de son dysfonctionnement interne. Dysfonctionnement qui n'est pas le produit d'une mauvaise politique, mais bien d'une erreur fondamentale de compréhension de ce que sont une monnaie et une nation. La zone euro, qui est un fantasme de libéral où la monnaie échappe à la tutelle publique et au citoyen, est une resucée de l'étalon or. Avec les mêmes conséquences et les mêmes impasses macroéconomiques à la différence près que seuls les pays de la zone euro en subissent les effets délétères, là ou l'étalon or produisait marasme et insuffisance de la demande à l'échelle planétaire. Le taux de chômage et la misère sociale sont devenus les variables d'ajustement pour maintenir l'euro alors que c'est à la monnaie de s'adapter pour répondre aux besoins de la population. Cette chosification de la politique que constitue le libéralisme économique est au cœur de la crise que nos sociétés traversent et ce n'est pas plus de libéralisme qui nous sauvera bien au contraire.
Les minibots, un coup de bluff à l'Italienne ?
Le nom m'a fait bien rire, me rappelant une série comique abominable pour la jeunesse sortie sur TF1 lorsque j'étais gamin dans les années 80 et qui s'appelait les Botes. Serait-ce un signe précurseur qu'il ne s'agit là que d'une blague italienne pour faire semblant de changer quelque chose à la situation du pays ? C'est que le gouvernement Salvini patauge un peu dans la gadoue. Il a été certes très populaire et il est très populaire à l'extrême droite en France où il est présenté comme l'homme qui arrête l'immigration en Italie. Enfin il arrête surtout l'immigration dans les médias à la manière d'un Trump. Mais sur les principaux problèmes de l'Italie à savoir un chômage prohibitif et un déclin économique extrêmement grave il ne fait pas grand-chose. Et pour cause le gouvernement Salvini ne veut pas sortir de l'euro et de l'UE. De la même manière que Tsipras en Grèce, les anti-systèmes d'Italie se sont vite englués dans la contradiction fondamentale qu'il y a entre le discours volontariste et patriotique d'un côté et le blocage politique que constitue l'appartenance à la zone euro et à l'UE.

On ne peut pas d'un côté critiquer les conséquences d'une politique libérale qui conduit au marasme économique, à la désindustrialisation et à la destruction de l'emploi tout en continuant comme un imbécile à en chérir les causes que sont l'euro et l'UE. Mais cette contradiction se retrouve dans toutes les oppositions au système actuel. Le RN en France s'il parvient un jour au pouvoir se retrouvera exactement dans la même situation. Du reste, la situation économique italienne est relativement contrastée. Par certains côtés l'Italie est actuellement en moins mauvaise posture de la France. En effet, l'Italie connaît clairement un rebond de ses exportations et un excédent commercial, mais tout comme dans le cas de l'Espagne cet excédent est aussi le fruit d'un chômage élevé traduisant une demande intérieure léthargique. L'agressivité de la commission européenne sur la dette publique italienne est en réalité une cabale politique contre Salvini. L'Italie va moins mal que la France et n'accumule pas de déficit externe elle. Cela valide l'idée d'Emmanuel Todd sur le fait que l'Allemagne qui domine l'Europe et la commission caresse la France dans le sens du poil pour éviter un éclatement de la zone. Elle ne doit pas penser que l'Italie puisse sérieusement rompre avec le délire européiste.

En clair l'Italie s'est adaptée à l'euro et à la crise de 2008 en créant du chômage comme la France des années 80-90 qui avait sauvé le SME en fabriquant des millions de chômeurs en ne dévaluant pas. La grosse différence c'est que la France des années 90 avait encore une démographie positive à savoir que la population active continuait à augmenter. Le chômage en France, on ne le dit jamais assez, ne résulte pas d'une nullité française, mais d'une démographie largement moins mauvaise que celle de ses voisins.

La croissance des années 90 en France était trop faible pour absorber les nouveaux venus sur le marché de l'emploi. Il aurait fallu des politiques plus expansionnistes ce qui entrait en contradiction avec le dogme monétariste d'un côté et celui du libre-échange de l'autre. Le chômage en France résulte d'une politique délibérée des dirigeants français et non d'un hasard d'une particularité de la culture française. L'Italie actuelle est dans un état similaire sauf que la population active baisse. La part des 15-65 ans montre la forte baisse par rapport aux années 90. Et étant donné le taux de natalité, cette situation n'est pas près de s'arranger. Si l'Italie connaît une petite baisse du chômage, ce n'est donc pas tant par sa croissance économique que par la contraction progressive de sa population. L'immigration qui a touché fortement l'Italie ces dernières années est bien évidemment favorisée par le capital qui cherche impérativement à compenser la grève des ventres de la population italienne. Mais tout comme en Allemagne l'immigration essentiellement africaine et musulmane se retrouve de plus en plus rejetée malgré les besoins économiques grandissant en la matière.
On se retrouve ici dans une contradiction typique du fonctionnement des économies de « marché » entièrement mues par le court terme et l'intérêt marchand individuel. La crise démographique n'est pas nouvelle. Elle est connue depuis les années 70 . Le démographe Pierre Chaunu et d'autres avaient pourtant bien prévenu les autorités des conséquences à long terme d'une très faible natalité. Mais les idéologues du laissez-faire ont ignoré la chose, car au long terme le marché réglera le problème. Sauf que la solution du remplacement démographie trouve de moins en moins d'appui dans la population. Et elle trouvera à l'avenir de moins en moins d'endroits où trouver des travailleurs jetables d'ailleurs. Rappelons que la transition démographique est un phénomène maintenant planétaire et qu'en 2050 la quasi-totalité de la planète manquera de bras. On se demande où le marché ira alors chercher son armée de réserve. Là encore l'idéologie libérale se fracasse sur le réel. Les populations ne sont pas interchangeables et les êtres humains ne sont pas des Legos qu'on peut déplacer à sa guise pour combler les manques. Sans une intervention publique massive pour redresser la démographie l'Italie tout comme les autres pays européens sont condamnés à l'effondrement à plus ou moins brève échéance.


Mais évidemment cette intervention à un coût, un coût qui nécessite une régulation sur le commerce à terme puisqu'il renchérit le prix du travail local. Sur ce plan démographique, le gouvernement Salvini semble vouloir agir du moins dans sa communication. Mais il se retrouve pied et mains liées par les contraintes extérieures européennes. En effet, comment avoir une politique nataliste sans augmenter les charges patronales ou les impôts ? Il n'y a pas magie. Pour encourager les Italiens à avoir des enfants, il leur faut des emplois rémunérés correctement et une vraie politique familiale . Et tout cela a un prix, un prix qui n'est pas compatible avec le laissez-faire libéral dont l'UE est le principal défenseur. Comment augmenter le coût du travail sans mettre en péril la balance commerciale italienne ? Il faudrait pouvoir protéger l'économie italienne par des dévaluations ou des taxes à l'importation comme commence à le faire Trump aux USA. Mais c'est impossible dans le carcan européen. Là encore Salviny se retrouve le cul entre deux chaises. Mais bien sûr il n'est pas le seul coupable. Car comme en France la bourgeoisie locale ne tient pas à une sortie de l'UE. Et pour cause la nouvelle Lire serait probablement dévaluée en cas de politique massive de lutte contre le chômage et pour la relance démographique pourtant indispensable à la survie du pays à long terme. La contradiction du gouvernement italien est donc le produit de la contradiction des Italiens eux même. On peut maintenant dire qu'il s'agit d'un mal latin puisque ce genre de contradiction se retrouve en Espagne, en France et en Italie.
L'on peut donc se demander si Jacques Sapir ne prend pas ses désirs pour des réalités en annonçant que l'Italie prépare sa sortie de l'euro avec les minibots. En effet rien dans l'action de Salvini ne fait penser à une telle orientation. Techniquement l'Italie est en fait mieux placée que la France pour sortir de la zone euro. Le pays n'a plus de déficit extérieur, mais un excédent, et la dette extérieure italienne est moins forte que celle de la France. Mais voilà, la population italienne est contre la sortie de l'euro. Tout comme en France on ne peut qu'assister à un match politique se résumant soit à un monopole de libéraux compulsifs menant à la destruction progressive de tout ce qui fait marcher la société à l'image des réformes de plus en plus idiotes et extrémistes de Macron. Soit à un gouvernement de type pseudo-patriotique comme Salvini qui fait semblant de défendre la nation pour satisfaire un peu la partie de la population condamnée économiquement par la globalisation et l'euro. Vous savez maintenant à quoi ressemblerait un éventuel gouvernement RN au pouvoir. Il suffit de regarder l'Italie et ce n'est guère brillant. Qu'on se le dise l'euro mourra probablement d'une crise extérieure et non d'un revirement politique.