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Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.

L'impasse énergétique ? (partie 1)

 

La crise gazière que traverse l'Europe nous rappelle aujourd'hui la très grande fragilité des sociétés modernes . Car si la modernité technique a grandement amélioré le niveau de vie général, elle a aussi créé une très grande dépendance vis-à-vis de quelques denrées essentielles . Et bien évidemment les matières premières dites fossiles arrivent en tête du classement. Il ne faut cependant pas oublier que si les matières fossiles servent en grande partie à produire de l'énergie elles sont aussi essentielles dans d'autres secteurs. Elles sont essentielles pour faire de l'acier, pour faire des plastiques et même pour faire de l'engrais. Parce que dans l'étrange société dans laquelle nous vivons on fait pousser des légumes avec le résidu de matière première produit par des organismes morts il y a des centaines de millions d'années. À l'heure actuelle notre agriculture pétrochimique est incapable de nourrir la population sans ça et cela devrait poser question. Au-delà de la simple question de l'accès au gaz russe qui nous pose tant de problèmes immédiats, le fait d'avoir un système agricole entièrement dépendant d'une matière première qu'on n’a pas, et qui de toute façon finira par s'épuiser un jour, est fortement problématique.

 

Comme on le voit dans le cas agricole, la question de l'épuisement des ressources n'est pas qu'un problème énergétique, c'est un problème général produit d'un mode de vie qui sans cesse passe son temps à accroître ses besoins de plus en plus artificiels. C'est que j'avais appelé à l'époque la civilisation de l'épuisement . Une civilisation qui néglige son environnement c'est certain, mais aussi sa population, et ses ressources, sous toutes leurs formes. La crise des méthamphétamines aux USA est assez emblématique de la chose. Bref, une civilisation qui néglige tout ce qui permet justement à la civilisation de fonctionner. Le fait que nous épuisions nos ressources en matière première sans nous en inquiéter outre mesure jusqu'au moment où l'on nous coupe le gaz n'est pas sans lien avec le peu d'importance que nous apportons à notre natalité, à notre système éducatif ou à notre santé publique. Une vision à court terme produit d'une société individualiste où même les questions écologiques et énergétiques finissent par être traitées de la même manière. Il n'y a plus d'électricité, mettez donc des cols roulés, ne construisons pas de centrale et ne nous préoccupons pas de la question du marché de l'énergie complètement absurde. Tout ce qui nécessite une action collective n'est plus pris en charge par l'état qui laisse faire le marché. Le marché qui finira bien par résoudre le problème grâce aux saintes forces du marché libre autorégulé.


Plus on est de fous, moins y a de riz.

 

Cette célèbre blague de Coluche résume un peu la question même s'il parlait dans son vieux sketch de la Chine. Mais cette façon de penser assez malthusienne fausse un peu le raisonnement. En effet, ce n'est pas tant le nombre d'individus tout seul qui pose problème que la quantité consommée par tête. L'information commence à être connue, mais l'humanité ne va pas vers une explosion démographique sans fin. Contrairement à ce que l'on pouvait croire dans les années 60-70 la transition démographique s'est faite à un rythme très élevé . À tel point qu'aujourd'hui on pourrait bien craindre l'inverse à savoir un effondrement démographique planétaire. En dehors de l'Afrique noire, la plupart des pays développés ou non ne font plus suffisamment d'enfants. Le cas le plus impressionnant étant l'évolution des pays d'Asie de l'Est comme la Corée du Sud ou la Chine, où la natalité tombe pratiquement à seulement un enfant par femme. Rappelons que le simple renouvellement des générations nécessite un peu plus de deux enfants par femme (le ratio des garçons étant légèrement plus élevés dans les naissances en moyenne), on considère que dans un pays à basse mortalité infantile il faut environ 2,05 enfants par femme pour renouveler les générations et donc avoir une stabilité démographique à terme. Donc la question du surpeuplement de la planète n'est plus du tout valable . Le vrai problème c'est l'augmentation continue du niveau de consommation par tête.

 

La Chine, sans le vouloir, et grâce à son fabuleux développement de ces quarante dernières années , a mis le modèle de société vendu par l'occident dans une contradiction. Une contradiction qui aurait pu perdurait peu plus longtemps si une puissance démographique aussi énorme que la Chine n'avait pas eu l'idée de suivre le même modèle de consommation de masse et d'épuisement des matières premières. On commence à comprendre que le mode de vie américain pour faire court, n'est pas généralisable et que même si le niveau de consommation mondial se stabilisait à son niveau actuel, il ne serait pas viable quand même lorsque l'on regarde la vitesse à laquelle s'épuisent toutes les ressources. Ce qui est étonnant dans notre affaire, c'est que le discours sur le réchauffement anthropocentrique, qui est pourtant discutable du point de vue scientifique, ait totalement éclipsé cette question qui est pourtant largement plus importante pour l'avenir de nos sociétés. Car demain ce n'est pas seulement la question de savoir comment on va produire de l’électricité qui va se poser, mais aussi par exemple de savoir comment fabriquer les centrales alors que le cuivre s'épuise par exemple. Comment conduire l'électricité alors que le cuivre atteint des prix pharaoniques à cause de l'épuisement ? Je parle du cuivre, mais on pourrait parler du lithium pour les batteries, du charbon pour faire l'acier ou du platine pour les piles à combustible. La seule question qui est importante aujourd'hui c'est bien celle de l'épuisement des ressources. Comment créer un modèle de société encore relativement agréable sans avoir accès aux ressources mondiales en cours d'épuisement e d’accaparement par les grandes puissances (USA, Chine, Russie) ? L'on pourrait évidemment imaginer des portes de sortie avec l'exploitation de gisement sous-marin comme les cheminées thermiques ou encore par l'exploitation spatiale, mais tout cela reste encore trop théorique pour apporter des solutions à moyen terme. Il va falloir faire face aux pénuries, surtout en Europe.

Évolution de la concentration du minerai de cuivre dans divers pays (source CNRS)

L'hydrogène comme vecteur énergétique

 

En un sens, cette crise peut être salutaire parce qu'elle va pousser les peuples d'Europe a réellement réfléchir aux contraintes qui sont les leurs. Et ne vous leurrez pas avec le déclin des matières premières, les grandes puissances vont tout faire pour éviter d'être en manque, et l'Europe est de loin le continent le moins bien préparé à cette question. Le libéralisme et la construction européenne nous ont totalement désarmés . Or dans cette affaire seules les nations avec un état structuré capable d'orienter, les grandes politiques publiques ont une chance de s'en sortir dans trop de casse. Ceux qui ne jurent que par le libre commerce et la régulation des marchés vont vite déchanter. On peut en déduire que les Européens n'auront pas le choix. Ils devront être les premiers à sortir de la civilisation de l'épuisement et à reconstruire une économie relativement autosuffisante recyclant l'essentiel de ce qui est consommé. On ne sait pas quelle forme cela prendra, mais une chose est sûre, nous n'aurons pas le choix dans les décennies qui viennent, même si la situation géopolitique mondiale s'arrange. Le reste du monde n'a plus besoin de nos produits, la Chine et les autres pays en développement pouvant tout produire à moindres frais, les pays fournisseurs de matières premières se fourniront de plus en plus chez eux et de moins en moins chez nous. L'effondrement du modèle allemand suite à cette crise du gaz ayant accéléré ce phénomène. L'Europe de l'Ouest va se rappeler ce qu'elle a été pendant très longtemps , avant le 16e siècle, à savoir un petit continent coincé sur un bout de terre isolé des grandes régions riches du monde, et maintenant sans grosses ressources naturelles.

 

Pour en revenir à la question énergétique, en supposant que la France redevienne un état nation et non un no man's land, jouet de puissances étrangères, que pourrait être l'une des grandes orientations à l'avenir ? Pour ce qui est de la question énergétique, la réponse est assez simple . Si l'électricité reste le seul moyen de faire avancer un véhicule ou faire voler un avion sans utiliser de carburant fossile à l'heure actuel, il reste les grosses questions de son stockage et de sa production. En matière de stockage, il en existe diverses formes qui consistent toujours à transformer l'électricité en d'autres formes d'énergie chimique, mécanique ou autre . Par exemple, les barrages hydrauliques sont une source d'électricité stockée sous forme d'eau et notre ami la gravité se chargera ensuite, quand on videra un peu les barrages, à faire tourner des alternateurs qui transformeront l'énergie mécanique en électricité . Il y a bien sûr des pertes au passage, car aucun système physique n'a un rendement de 100% même si certains s'en rapprochent plus que d'autres.

 

Évidemment quand il s'agit de faire rouler des véhicules ou faire voler des avions, le stockage hydraulique est impossible, on utilise autre chose à savoir le stockage chimique. On pensera bien évidemment ici aux batteries électriques qui sont malheureusement aujourd’hui favorisées par l'UE et l'idéologie de la voiture électrique « classique ». Je dis malheureusement parce que les promoteurs de ces technologies oublient bien volontiers les problèmes de fabrications de ces batteries. Par exemple, le lithium nécessaire aujourd’hui à leur fabrication n'est pas inépuisable tant s'en faut. Un institue allemand avait calculé que nous n'aurions du lithium que jusqu'en 2050 c'est-à-dire demain. Quid de l'épuisement du lithium si tout le monde généralise ces technologies ? L'autre problème est que l'Europe en est dépourvue et que l'exploitation semble difficile. Il faudra donc l'importer ce qui nous fait revenir à la problématique de l'indépendance énergétique dans un monde dont les ressources se raréfient. Enfin, il faut rappeler que cela nécessite une transformation de notre tissu de distribution énergétique et une augmentation significative de la production d'électricité alors qu'on manque déjà d'électricité.

 

L'autre alternative dont on parle moins, même si ce n'est pas non plus totalement ignoré, c'est l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur. Il ne s'agit pas ici de dire que l'hydrogène va remplacer le pétrole comme combustible . L'hydrogène s'il est abondant sur terre et dans l'univers, c'est de loin l'élément le plus abondant de l'univers, n'est pas présent sous forme indépendante sur terre. Il est toujours combiné à d'autres éléments chimiques, l'élément le plus connu contenant de l'hydrogène étant bien évidement la molécule d'eau H2O . L'hydrogène est aussi présent dans les hydrocarbures, c'est même lui en fait qui permet la combustion en quelque sorte. Donc pour avoir de l'hydrogène il faut préalablement l'extraire et cette extraction consomme bien évidemment de l'énergie puisque comme je vous l'ai déjà dit toute transformation énergétique entraîne des pertes plus ou moins grandes. Mais pourquoi utiliser de l'hydrogène ? Parce ce que si le stockage est plus difficile, il reste assez semblable au stockage de carburant classique. Ensuite, l'hydrogène produit beaucoup d'énergie par rapport au volume qu'il prend . Enfin on peut imaginer remplacer assez rapidement les stations de pompage classique par un réseau équivalent utilisant l'hydrogène. Son gros problème c'est sa volatilité.

 

Alors bien évidemment vous allez me dire: "Yann tu es bien gentil avec ton hydrogène, mais l'extraction de l'hydrogène de l'eau ce n'est pas rentable, il y a trop de perte." On se souvient de nos cours sur l'électrolyse de l'eau. Alors pour fournir de l'hydrogène on va utiliser en fait des combustibles fossiles ce qui nous ramène au problème initial de l'épuisement des matières fossiles. J'en conviens, c'était vrai jusqu'ici. Mais c'est ignorer l'état de la recherche en la matière. En effet, le CEA a mis au point il y a quelque temps une nouvelle méthode d'électrolyse. Une électrolyse dite à haute température qui consiste à faire de l'électrolyse avec de l'eau sous forme de vapeur. Et les chercheurs français ont obtenu un rendement incroyable de 99% rien que ça. Cela veut dire que le coût d'extraction de l'hydrogène de l'eau devient beaucoup plus abordable à terme. Dès lors, l'usage de l'hydrogène comme vecteur énergétique n'est plus du tout un fantasme ou quelque chose de chimérique. Il reste bien sûr à aborder la question de l'utilisation de cet hydrogène. Ce que je ferai dans un prochain texte, celui-ci étant déjà un peu trop long.

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