Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Avec la crise que nous traversons, il est à mon avis important de rappeler que le discours officiel, le discours libéral, n'est qu'une façon de voir l'économie et le monde . Ce n'est pas la seule façon de voir les choses, et bien souvent le libéralisme donne une image du passé et du présent largement faussé par le caractère assez étriqué de ses réflexes dogmatiques. S'il y a bien une question qui taraude régulièrement les économistes libéraux, c'est bien celle de l'inflation. Et puisque l'inflation reprend en ce moment, et que pour certains, il s'agit de la fin du monde, peut-être faudrait-il préciser les choses.
L'inflation peut être positive ou négative suivant le contexte.
Tout d'abord pour monsieur et madame tout le monde, ce qui compte ce n'est pas du tout l'inflation. Ce que l'on nomme l'inflation c'était au départ l'augmentation de la masse monétaire . Et cette augmentation de la masse monétaire peut produire une hausse des prix suivant les conditions. En effet, on comprend bien que si la production stagne et que l'activité stagne alors que la totalité du potentiel humain d'une nation est déjà employée, la hausse de la masse monétaire va se traduire surtout par une baisse de la valeur de la monnaie. Vous obtiendrez la même quantité de choses pour de plus en plus de billets. C'est ce qui arrivait bien souvent aux empires et aux royaumes de l'antiquité et du moyen-âge qui parfois utilisaient le rognage des pièces de monnaie ou le changement de métaux camouflant ainsi une inflation par dévalorisation monétaire.
Mais ce que l'on dit rarement c'est qu'à l'inverse si vous n’émettez pas assez de monnaie alors que l'activité économique croit et les besoins de la population avec alors vous créez une déflation et une dépression. C'est ce qui arriva lors de la crise de 1929 et qui causa tant de dégâts. Les gains de productivité, trop rapides produits par la technique et les nouveaux modes de production comme le fordisme ont entraîné une dépression parce que la demande n'a pas suivi l'évolution de la productivité du travail. On a compris grâce à Keynes et aux politiques de relance d'après guerre qu'il était impératif de ne pas laisser s'installer des dépressions . La Seconde Guerre mondiale a d'ailleurs mis en avant les avantages de ce que l'on nommera une économie monétaire de production. Comme on le voit, et contrairement à ce que disent les libéraux, la question de l'émission monétaire ne se réduit pas à diminuer le plus possible celle-ci, tout dépend du contexte. Une surimpression monétaire est peut-être dangereuse, mais son inverse l'est tout autant.
Mais pour monsieur ou madame tout le monde, cela n'a pas d'importance directe. L'inflation en elle-même n'est pas un problème, ce qui l'est c'est bien évidemment l'évolution du pouvoir d'achat. Or le pouvoir d'achat dépend bien sûr de l'évolution des prix, mais aussi de l'évolution des salaires. Le pouvoir d'achat c'est simplement les salaires à qui l'on soustrait l'inflation. Vous comprenez donc bien que si vous avez 10% d'inflation, mais 11% de hausse de salaire votre niveau de vie augmente de 1%. À l'inverse si l'inflation n'est que de 2%, mais que votre salaire stagne alors votre niveau de vie baisse de 2%. Au passage, on comprend vite ici toute l'importance qu'il y a à la mesure de l'inflation et aux doutes que l'on peut vite avoir sur les statistiques officielles. Car comme toute la chaîne salariale est basée sur le taux officiel d'inflation si celui-ci est faux, pour arranger le gouvernement, le consommateur se retrouvera bien vite en difficulté.
Pendant les trente glorieuses, aujourd’hui une époque qui nous paraît bien lointaine, l'inflation était par exemple assez forte de l'ordre de 5% par an. Mais les salaires augmentaient plus vite et le niveau de vie a explosé. À l'inverse dans les années 70 l'inflation augmenta plus vite que les salaires pour plusieurs raisons l'une fut l'énergie, ce fut la raison placardée partout. L'autre fut la guerre du Vietnam que les USA ont financé par la planche à billets et qu'ils exportèrent grâce à leur monnaie internationale. C'est de cette période que vient la célèbre phrase de John Connally « Le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème ». Et enfin la dérégulation du système financier qui commença à endetter les états. En effet jusqu'aux années 70 les états empruntaient à leurs banques centrales, mais à partir de 1973 en France l'état se mit à emprunter sur les marchés financiers. Évidemment la différence c'est que dans ce cas-là vous empruntez avec intérêt. L'idée de l'époque était qu'il fallait arrêter l'inflation et comme pour les libéraux la seule source d'inflation est l'émission monétaire ils ont tout fait pour empêcher les états d'émettre trop de monnaie. Bien évidemment ils ont oublié volontairement les vraies causes de la montée des prix (prix du pétrole, guerre du Vietnam et problème du dollar) et le seul résultat de cette nouvelle politique qui dure depuis, fut l'inflation des dettes cette fois. On a alors réduit l'inflation monétaire à grand coup de casse sociale et de chômage en faisant exploser les taux d'intérêt. Le libre-échange était l'autre mécanisme visant à réduire l'inflation par la casse des salaires, une méthode basée sur la très cynique théorie du Nairu, le taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation. Vous comprenez pourquoi en réalité les présidents successifs n'ont rien fait pour endiguer réellement le chômage, il était en fait voulu. La seule chose qu'ils font depuis qu'ils l'ont fait exploser c'est de changer la définition du chômage pour camoufler toujours plus la réalité. Mais si une grande partie de la population est exclue de fait de la société et que le niveau de vie stagne au mieux depuis les années 70, les libéraux ont quand même réussi à casser l'inflation du moins jusqu'à aujourd'hui.
Et pourquoi cherchent-ils donc à casser uniquement l'inflation, me diriez vous ? C'est vrai quoi, ce qui compte c'est le pouvoir d'achat et vous auriez raison. Mais le pouvoir d'achat de monsieur et madame tout le monde ce n'est pas tout le pouvoir d'achat. Il y a celui des salariés, serfs des temps modernes, et il y a celui des seigneurs des temps modernes, les actionnaires et les rentiers sous toutes leurs formes. Et l'inflation, les rentiers ils n'aiment pas ça, mais alors pas du tout. Ils veulent l'inflation la plus basse possible pour pouvoir s'enrichir en dormant grâce aux intérêts de leurs capitaux qu'ils soient financiers ou immobiliers. Et s'il y a bien une différence entre la période des trente glorieuses et la nôtre, c'est bien le niveau d'inégalité et la part prise par les rentes sous toutes leurs formes. Le capital rapporte de plus en plus et le travail de moins en moins. Le libéralisme qui était une idéologie naît pour combattre les rentes de l'ancien régime, s'est avéré être la plus grande machine à créer des rentes de l'histoire. Grâce à la magie du taux d'intérêt composé sans inflation, la part du gâteau financier ne cesse de croître par rapport au reste de l'économie. Il n'y a nul besoin de faire du marxisme pour comprendre que mathématiquement la croissance des taux d'intérêt réduits mécaniquement la part du reste de l'économie si aucune force ne s'y oppose et si le gâteau économique stagne. Bien évidemment les pays s'effondreront ou traverseront de très graves crises avant que la population ne se laisse mourir de faim pour nourrir très grassement quelques individus. On en conclura ici la même chose que Marx sans pour autant adhérer à ses théories, le capital mécaniquement porte la guerre, la violence, et les révoltes. Et le libéralisme a été en définitive le mauvais génie du capitalisme, le conduisant dans l' impasse actuelle, là où le keynésianisme avait essayé de l'encadrer pour empêcher justement ces concentrations dangereuses à la fois pour l'économie, mais aussi pour la démocratie et le fameux vivre ensemble.
Le contexte actuel
Alors l'inflation actuelle est-elle une mauvaise chose. Là encore, ça dépend . On peut voir ça aussi comme une opportunité. Elle peut ronger les rentes, et les avantages acquis de certains groupes sociaux, notamment les plus bruyants à la savoir, les rentiers qui contrôlent la quasi-totalité des médias. Le problème c'est que justement les rentiers vont essayer non seulement d’empêcher l'inflation de leur nuire, mais aussi, pourquoi pas, d'en profiter. Vous voyez immédiatement où je veux en venir. En effet, les mesures étranges prises par le gouvernement depuis que la hausse de l'inflation a été enregistrée montrent plus que tous les longs discours les intérêts réels qu'il défend et que défend notre haute administration. En effet que voit-on comme mesures ? En premier lieu, un emprunt d'État indexé sur l'inflation. C'est une aberration économique totale si vous partez du principe de la défense de l'intérêt de l'état. Au contraire, l'état aurait dû profiter de l'inflation pour se désendetter . Si l'inflation est plus forte que les taux sur les obligations, le poids de la dette diminue mécaniquement ce qui est une bonne nouvelle pour les comptes publics et le contribuable. Mais non, on voit le gouvernement de monsieur Macron émettre de la dette dont le taux d'intérêt est collé à l'inflation. Ce n'est pas de la bêtise, mais bien une preuve que le gouvernement roule pour des intérêts qui ne sont pas ceux des Français dans leur masse.
Ensuite, l'inflation aurait pu être utilisée pour réduire le poids de la rente foncière. Si vous indexez les salaires à l'inflation et que vous gelez les loyers et le prix de l'immobilier pour quelques années, vous réduisez mécaniquement le poids de l'immobilier et de cette rente sur le portefeuille des salariés . Mais qu'a fait le gouvernement ? Aucune mesure pour les salaires, et rien au sujet de l'immobilier. La hausse du SMIC ne couvrira même pas le tiers de l'inflation cette année. Le gouvernement va utiliser l'inflation pour réduire le niveau de vie de la population c'est une évidence. Alors espère-t-il ainsi améliorer la balance commerciale, rien n'est moins sur puisque la hausse du coût de l'énergie grâce au fameux marché européen de l'énergie va manger la totalité du gain qu'on aurait pu attendre d'un pareil traquenard. Enfin, remarquons que le gouvernement a bien mis en place une hausse plus forte pour les retraités, retraités qui représentent une part significative des rentiers en France. Il s'agissait là vraisemblablement d'un remerciement pour la réélection de Macron auquel ils ont massivement participé. Avec en plus de cynisme extrême la mise en place d'une nouvelle hausse de la durée de cotisation pour les gens déjà matraqués par la politique macronienne. Si ce n'est pas une politique favorable aux rentes ça .
Donc vous voyez, l'inflation n'est pas vraiment le problème. Elle n'a jamais été vraiment un problème, c'est même un outil pratique parfois. La preuve par la Chine des années 80 qui avait parfois des taux de plus de 30% par an et pourtant regardez la Chine aujourd'hui et son niveau de vie qui a explosé à un rythme jamais vu dans l'histoire. Non, le vrai problème c'est l’orientation économique générale prise par les gouvernants. On a des gouvernements qui roulent contre l'intérêt de la production, de l'investissement productif et du travail depuis 40 ans . Qu'il y soit de l'inflation ou pas, ils changeront leur braquet pour que la situation bénéficie aux rentiers et à leur propre rente au passage. Bernard Maris qui nous a quitté dans un contexte bien malheureux disait que l'économie c'est juste la question de savoir qui va couper les parts du gâteau économique. On voit bien aujourd'hui qui tient le couteau et ce n'est clairement pas la majorité de la population française.