Blog parlant d'économie vue sous une orientation souverainiste et protectionniste.
Que se passe-t-il en Chine ? Depuis le début de la crise du COVID, la société chinoise et ses autorités semblent devenue complètement folles avec des actions d'une très grande brutalité pour vaincre une maladie dont on sait aujourd'hui qu'elle s'avère peu dangereuse pour la grande majorité de la population. Alors sur internet on trouve tout un tas d'explications. Certains diront que c'est le résultat d'une connaissance particulière, la Chine sachant quelque chose sur le COVID que nous ne connaissons pas. Cette hypothèse est très peu vraisemblable, avouons-le. Le Covidisme, cette espèce d'hystérie folle qui a touché la chine, comme les autres pays, mais il a peut-être bénéficié dans ce pays d'une peur historique des maladies transmissibles. Il y a d'abord une triste tradition locale des maladies et des épidémies. On doit à la Chine bon nombre des épidémies qui ont frappé le monde à commencer par la grande peste noire dont les Chinois ont été les premières victimes d'ailleurs. Plus qu'ailleurs, la peur des épidémies est en quelque sorte fortement intériorisée historiquement parlant. Ensuite, il y avait eu en 2003 une épidémie avec le virus H5n1 qui avait touché l'être humain alors qu'il s'agissait d'un virus touchant normalement les volailles. Cette épidémie avait fait très peur à l'époque et elle a tué pas mal de gens en Asie. Donc la réaction chinoise disproportionnée peut sans doute s'expliquer en partie par ces expériences historiques malheureuses. Est-ce que cela explique la mise en quarantaine de villes entières pour quelques cas, probablement pas. Et on n’a jamais vu la Chine faire ça pour d'autres épidémies.
D'autres pensent plus sérieusement qu'il s'agit d'un mécanisme de changement d’orientation économique utilisant le COVID comme prétexte. Il est vrai que la Chine a tout intérêt à réorienter à terme sa production vers sa consommation intérieure. Ce pays a de moins en moins besoin de l'occident en matière de savoir-faire industriel et technique, donc sa dépendance aux exportations ne semble plus si avantageuse pour eux. Et la Chine qui est déjà la première puissance industrielle de la planète est aussi déjà un monstre de la science et de l'innovation technologique. Les imbéciles qui pensent que l'occident et les USA en particulier ont la capacité de continuer à dominer l'innovation et la technique ne semblent pas réaliser à quel point il est déjà bien tard en la matière. Et de toute façon étant donné la masse démographique chinoise, il est inéluctable qu'elle devienne le centre de l'innovation et de la science planétaire avant d'être rejointe dans quelques années par l'Inde. Au passage, la Chine vient d'annoncer le développement d'un réacteur nucléaire spécialement conçu pour être déployé sur leur future base lunaire. La Chine utiliserait donc le Covid pour forcer son système économique à être moins dépendant de l'étranger que ce soit du point de vue des importations ou des exportations. Une espèce d'isolationnisme volontaire sous couvert d'épidémie en quelque sorte, c'est plausible, mais pas totalement convaincant.
Autre hypothèse, celle de la volonté de garder le mandat céleste en ne reconnaissant pas ses torts. Cela peut paraître anachronique comme argument, mais même en France on sait que reconnaître ses torts peut être désagréable pour le pouvoir. L'acharnement à ne pas réintégrer les soignants non-vaccinés en France tient très clairement de ce fait. En Chine où le pouvoir n'est pas démocratique, mais bureaucratique et méritocratique, le fait de reconnaître être allé trop loin est probablement encore plus difficile que chez nous. Donc le gouvernement garderait sa stratégie de zéro Covid comme seule possibilité pour ne pas se prendre une vindicte populaire en quelque sorte et perdre sa légitimité. Un peu comme les ingénieurs de Tchernobyl qui n'ont pas réagi correctement en partie par peur de la réaction des supérieurs . En reconnaissant leurs torts, les autorités de Pékin auraient donc peur de perdre l'autorité « divine » qui est la leur, celle de l'infaillibilité. C'est une hypothèse à prendre en compte d'autant qu'elle peut expliquer aussi en partie les errements du pouvoir politique français à reconnaître ses innombrables erreurs depuis 40 ans en matière économique ou plus récemment en matière énergétique et médicale .
Une crise due à une stratification sociale progressive ?
Dernière hypothèse, celle qui me semble la plus concevable serait que la Chine a des problèmes d'ordre sociologique produit par son développement très rapide. Et le Covid serait un prétexte pour contrôler la population locale et étouffer des révoltes dont nous n'aurions aucun écho en occident. Le contrôle de l'information en Chine étant passablement sophistiqué. Alors, pourquoi pencher sur cette hypothèse qui n'exclut pas toutes les autres d'ailleurs ? Tout d'abord comme nous l'a appris Emmanuel Todd dans ses œuvres, la dynamique des populations et des mouvements politiques est liée en grande partie à l’anthropologie, aux structures familiales et au niveau d'instruction générale. Or il est possible que la Chine soit atteinte comme nous l'avons été d'un blocage progressif de la poussée du niveau scolaire. La partie très éduquée de la population commence peut-être comme celle d'occident à se penser réellement supérieure au reste de la population et commence à ne plus supporter l'égalité de traitement théorique du régime chinois. Une hypothèse que l'on peut accompagner des chiffres sur l'explosion des inégalités en Chine depuis 20 ans comme le montre ce graphique. On voit sur le graphique l'explosion des richesses des 0,001% les plus riches avec en parallèle l'appauvrissement relatif des 50% les moins riches. Il faut quand même garder en tête que contrairement à la France ou aux USA les 50% les moins riches se sont quand même enrichis ces 20 dernières années, mais clairement pas autant que les plus riches, d'où l'accroissement des inégalités.
On constatera au passage que la montée des inégalités commence au début des années 2000 au moment de l'entrée de la Chine dans l'OMC. Si la globalisation a fait énormément souffrir l'occident, il a déformé aussi l'économie chinoise dans la répartition des richesses. On mettra aussi en parallèle la forte baisse de l'inflation en Chine à cette époque. Comme à l'accoutumée l'inflation rongeait les rentes. La forte inflation chinoise des années 80-90 permettait probablement à la Chine d'éviter les concentrations de richesse excessives, en baissant fortement le capital s'est excessivement concentré dans le haut de la pyramide des revenus. Et ce d'autant plus rapidement que le pays connaissait une croissance très élevée. La globalisation a permis à la Chine d'avoir une croissance de la production sans avoir à se soucier des débouchés puisque les débouchés c'était l'occident. Elle n'a pas eu à équilibrer son système et la question du partage de la valeur ajoutée entre les salariés et le capital. Ajoutons à cela que comme on l'a vue il y a peu de temps les Chinois ont une forte propension à épargner ce qui nuit encore plus à la circulation des richesses . Avec l'affaiblissement de la demande occidentale, la Chine a donc un problème, comment passer d'une société d'exportation à une société qui se fonde surtout sur la demande intérieure ?
Donc il se pourrait que la Chine soit traversée actuellement par des tendances au conflit entre les nouvelles classes sociales dominantes issues de la hausse du niveau d'instruction et la rigidité du régime chinois théoriquement encore communiste. Un peu comme ce fut le cas à la fin des années 60 chez nous avec la hausse du poids des diplômés qui se mettent à faire cavalier seul. En Chine les diplômés du premier cycle universitaire atteignent déjà 15% de la population. Ceux du second et troisième cycle 6,8% d'après cette étude. Même si c'est très inférieur à ce qu'on connaît chez nous aujourd'hui, on parle de près d'un million de personnes tout de même, c'est la Chine. La création d'une communauté de haut diplômé importante en Chine aura probablement les mêmes conséquences à terme que chez nous, une rupture avec le bas peuple. Tant que les diplômés sont peu nombreux ils ne peuvent pas faire société à eux seuls, mais dès qu'ils commencent à représenter un pourcentage significatif, la séparation spatiale et culturelle peut s'opérer. Mais la Chine n'est pas la France ou les USA c'est un système anthropologique communautaire peu adepte des inégalités et assez autoritaire. La nouvelle bourgeoisie des diplômes pourrait avoir beaucoup plus de mal que chez nous à prendre totalement le contrôle de la société.
À ces problèmes d'ordre sociologique et économique s'ajoute aussi le problème du vieillissement accéléré. La Chine doit sa réussite en partie à la transition démographique. Certains ont conclu un peu trop rapidement qu'il s'agissait du résultat de la politique de l'enfant unique, mais si l'on regarde Taïwan qui a suivi une évolution démographique similaire sans la politique de l'enfant unique, on doit bien admettre qu'il ne faudrait pas surévaluer l'influence de cette politique sur la transition démographique. D'ailleurs, la similitude époustouflante entre l'évolution de la natalité en Chine et à Taïwan, alors que les deux régimes politiques sont très différents, montre d'une part le poids de la culture locale sur la démographie, d'autre part montre aussi que Taïwan c'est bien la Chine quoi qu'on en dise. En plus, l'état chinois depuis quelques années a arrêté justement cette politique de l'enfant unique pour redresser la barre d'une natalité beaucoup trop faible maintenant. Or la natalité n'a pas vraiment redémarré. La natalité est aujourd'hui de seulement 1,16 enfant par femme sachant que le seuil de reproduction est à 2,05 . À cela il faut ajouter la surmasculinité des naissances qui augmente encore le seuil du nombre d'enfants par femme nécessaire au renouvellement des générations. Autant le dire tout de suite la Chine a un énorme problème, pire encore que celui du Japon toute proportion gardée. Si cette question de la démographie n'explique bien évidemment pas la politique du zéro Covid elle participe probablement à un phénomène de doute au plus haut niveau de l'état et peut concourir à des prises de décisions qu'on peut juger assez extrêmes.